Cour d'appel de Pau, 8 septembre 2016, n° 16/03316

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 8 sept. 2016, n° 16/03316
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 16/03316

Sur les parties

Texte intégral

PC/AM

Numéro 16/3316

COUR D’APPEL DE PAU

1re Chambre

ARRÊT DU 08/09/2016

Dossier : 14/03068

Nature affaire :

Demande formée par le propriétaire de démolition d’une construction ou d’enlèvement d’une plantation faite par un tiers sur son terrain

Affaire :

C A

C/

E J veuve X

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 08 septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 25 avril 2016, devant :

Monsieur Z, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame VICENTE, greffier, présente à l’appel des causes,

Monsieur Z, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame SARTRAND, Président

Monsieur Z, Conseiller

Madame NICOLAS, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur C A

né le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

représenté par Maître Sophie CREPIN, avocat au barreau de PAU

assisté de Maître LEGIER, avocat au barreau d’ANGOULEME

INTIMEE :

Madame E J veuve X

née le XXX à CASABLANCA

de nationalité française

XXX

XXX

représentée et assistée de la SCP VIDALIES – DUCAMP – DARZACQ, avocats au barreau de MONT DE MARSAN

sur appel de la décision

en date du 25 JUIN 2014

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN

Mme E X est propriétaire à XXX d’un immeuble d’habitation, jouxtant la propriété de M. C A.

Sur la base d’un procès-verbal de constat du 11 mars 2010 démontrant l’édification récente sur le fonds de M. A :

— d’un muret en parpaings cimentés bruts à l’avant, près de la limite séparative, avec déracinement d’un arbuste 'pittosporum’ et détérioration d’un système d’arrosage et d’un regard d’écoulement des eaux pluviales sur son fonds,

— d’une extension, en appui sur sa maison,

— d’un muret crépi d’une hauteur de 2,25 m à l’arrière, près de la limite séparative, surmonté d’une couverture dont le bandeau surplombe sa maison.

Mme X a fait assigner M. A aux fins d’obtenir :

— la destruction de la partie de toiture dont le bandeau empiète sur sa propriété et dont les eaux de ruissellement s’écoulent sur son fonds,

— la remise en état de la clôture grillagée séparative, remplacée par le muret précité, au mépris du règlement du lotissement, avec remplacement de l’arbuste déraciné,

— la cessation des activités sonores de week-end dans l’appentis transformé en atelier, le retrait de poutres et solives implantées dans le mur privatif de sa propriété et la remise en état initial de ce mur.

M. A a formé une demande reconventionnelle tendant à la destruction de la partie de toiture de la maison de Mme X en prétendant que le bandeau de celle-ci empiète sur son fonds.

Le 3 juin 2011, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d’expertise à l’issue de laquelle M. B a déposé le 9 janvier 2012 un rapport aux termes duquel il a conclu en substance :

— qu’il existe des débords réciproques du bandeau bois et du solin du chéneau en appui de la propriété de M. A sur celle de Mme X et de l’avant-toit de la propriété de Mme X sur celle de M. A,

— qu’il existe quelques désordres mineurs liés au regard souillé et au tuyau d’arrosage déterré, celui concernant l’arbuste arraché n’ayant pu être constaté,

— que la murette d’entrée de la propriété A est réglementaire,

— qu’il n’existe pas de nuisances sonores au regard des normes applicables entre deux pièces dont l’une est principale.

Par jugement du 25 juin 2014, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Mont de Marsan a :

— condamné M. A, sous astreinte, à supprimer le bandeau en applique sur le mur arrière de sa propriété qui déborde sur la propriété de Mme X ainsi que le solin en zinc recouvrant le bord de la toiture de son appentis, illégalement ancré sur le mur privatif de la maison de celle-ci,

— condamné Mme X, sous astreinte, à supprimer la partie de l’avant-toit en haut du mur pignon de sa maison qui déborde sur la propriété de M. A,

— condamné, sous astreinte, M. A à réaliser l’enduit de son muret de clôture avant du côté de la propriété de Mme X conformément aux prescriptions de l’arrêté municipal du 29 avril 2010,

— condamné sous astreinte Mme X à arracher un bambou planté devant ce muret à une distance inférieure à un demi-mètre,

— avant dire droit sur les demandes de retrait des poutres et solives de l’appentis de M. A, de remise en état du mur privatif de la maison de Mme X et de réparation des nuisances sonores occasionnées, ordonné une contre-expertise aux fins, au bénéfice de la suppression du solin recouvrant le bord de la toiture de l’appentis, de rechercher si cette construction empiète sur la propriété X par ancrage de l’un quelconque de ses éléments dans le mur privatif de la maison de celle-ci et de vérifier si cet appentis et les activités qui y sont exercées peuvent être sources de nuisances sonores,

— condamné M. A à payer à Mme X la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait des empiétements sur sa propriété et autres atteintes à son droit de propriété, hors nuisances sonores réservées,

— mis les dépens exposés à la date du jugement, en ce compris les frais d’expertise judiciaire à la charge de M. A, à concurrence des trois quarts et de Mme X à concurrence d’un quart,

— réservé les dépens futurs et l’article 700 du code de procédure civile.

M. A a interjeté appel de cette décision, selon déclaration transmise au greffe de la Cour le 5 août 2014.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 14 septembre 2015.

A l’audience du 26 octobre 2015, à la demande des parties, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 25 avril 2016 en raison d’un mouvement de protestation des avocats du ressort de la Cour.

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 septembre 2015, M. A demande à la Cour :

— infirmant le jugement déféré en ce qu’il l’a condamné à supprimer le solin recouvrant le bord de la toiture de son appentis, à payer à Mme X la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts et les trois-quarts des dépens exposés à la date du jugement, de débouter Mme X des demandes correspondantes,

— statuant sur l’omission affectant le jugement déféré, d’enjoindre à Mme X, de procéder, sous astreinte de 200 € par jour à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à l’arrachage de toutes les plantations situées à moins de cinquante centimètres de la limite de propiété,

— de condamner Mme X à lui payer la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, outre les entiers dépens d’appel, avec bénéfice de distraction au profit de la SELARL Lexavoué Pau-Toulouse.

Au soutien de ses prétentions, il expose en substance :

— que la contre-expertise ordonnée par le premier juge a établi l’absence d’ancrage de la toiture et du solin sur l’immeuble de l’intimée, le seul empiétement susceptible d’être caractérisé consistant dans l’insertion de quelques clous de fixation du solin dans le crépi du mur de cet immeuble lequel empiéterait lui-même sur son propre fonds, alors que la suppression du solin entraînera une absence d’étanchéité au droit du joint entre les murs voisins,

— qu’en présence d’empiétements réciproques, le premier juge ne pouvait prononcer une condamnation indemnitaire au profit exclusif de l’un des propriétaires, alors qu’il était fondé à procéder à l’enlèvement du pitttosporum qui était implanté à cheval sur les deux propriétés et interdisait la construction d’un mur de clôture en limite de propriétés et que les autres dégradations invoquées par Mme X ne sont pas établies ou d’une importance minime,

— que Mme X a implanté à moins de 50 cm de la limite séparative des fonds des parties des plantations arborées, non entretenues et dont il sollicite l’enlèvement.

Dans ses dernières conclusions déposées le 23 décembre 2014, Mme X demande à la Cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner M. A à lui payer la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Vidalies – Ducamp – Darzacq.

Elle soutient pour l’essentiel :

— que toutes les expertises ont établi que le solin était fixé dans le mur de son immeuble, ce qui caractérise un empiétement illégitime et qu’il appartient à M. A de prendre toutes dispositions pour résoudre les éventuelles infiltrations qui se produiront après l’enlèvement du solin,

— qu’elle a exécuté le chef de décision l’ayant condamnée à enlever le bambou placé à moins de 50 cm de la limite séparative, qu’elle a également enlevé toutes les plantations empêchant le crépissage du muret construit par M. A,

— que la réalité des dégradations causées sur son fonds à l’occasion de la construction du muret est établie par procès-verbal de constat d’huissier de justice et qu’elles sont de nature à engager la responsabilité de l’appelant sur le fondement de l’article 1382 du code civil et subsidiairement sur le fondement de l’article 1384 dudit code.

MOTIFS

Sur l’appel du chef du dispositif emportant condamnation à procéder à l’enlèvement du solin recouvrant le bord de la toiture de l’appentis construit par M. A :

L’expertise diligentée par M. B, au demeurant non contredite de ce chef par les conclusions de la 'contre-expertise’ ordonnée par le premier juge, a caractérisé l’empiétement réalisé par l’ancrage du relevé du solin litigieux sur le mur pignon de la maison d’habitation de Mme X au moyen de fixations pratiquées dans ledit mur.

Cette situation est constitutive d’un empiétement engageant, sur le fondement de l’article 545 du code civil la responsabilité de M. A, en sa qualité de propriétaire du fonds bénéficiaire de l’empiétement.

Par ailleurs la prétendue difficulté technique de réalisation d’un système alternatif d’étanchéité efficace, compte tenu de la configuration des lieux, difficulté au demeurant non justifiée puisque l’expert judiciaire a préconisé la réalisation d’un solin en libre dilatation, non scellé ni adossé au mur voisin, ne peut constituer une cause exonératoire pour l’appelant.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a condamné M. A, sous astreinte, à procéder à l’enlèvement du solin litigieux.

Sur l’appel du chef du dispositif emportant condamnation de M. A à payer à Mme X la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts :

Le premier juge a considéré que les divers empiétements sur la propriété de Mme X et autres atteintes à son droit de propriété, hors nuisances sonores réservées (soit débord de quelques centimètres du bandeau bois en applique sur le mur arrière, fixation du solin sur le mur pignon de la propriété de Mme X, dégradations commises lors de l’édification du muret dont déracinement d’un arbre, déterrement d’un système d’arrosage, projections de ciment sur un regard d’écoulement des eaux pluviales) causées par M. A ou l’entrepreneur auquel il a fait appel et dont il doit répondre envers les tiers engagent sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et/ou 1384 alinéa 5 du code civil.

Cependant, la mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle suppose la démonstration d’une faute personnellement imputable au prétendu responsable (articles 1382 et 1383 du code civil) ou à une personne dont il doit répondre (article 1384 du code civil).

Or, l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage pour la réalisation de travaux de construction est exclusive de la caractérisation d’un lien de préposition entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur, en sorte que le maître de l’ouvrage ne peut être déclaré responsable, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5 du code civil (seul invoqué, avec l’article 1382 du code civil, par Mme X, laquelle ne se prévaut pas de la théorie des troubles anormaux de voisinage), des conséquences dommageables pour les tiers voisins des travaux exécutés par l’entrepreneur.

En l’espèce, le déterrement partiel d’un système d’arrosage implanté sur le fonds de Mme X et les projections minimes de mortier sur un regard d’évacuation d’eaux pluviales constituent des fautes d’exécution imputables au seul entrepreneur, ne pouvant engager que la responsabilité personnelle de celui-ci et non celle du maître d’ouvrage dont il n’est pas établi qu’il a participé personnellement aux travaux ou en a dirigé et contrôlé l’exécution matérielle.

Ces dégradations ne peuvent dès lors engager la responsabilité de M. A sur le fondement des articles 1382 et 1384 alinéa 5 du code civil, seuls invoqués par Mme X.

Par contre, l’abattage et le déracinement du pittosporum dont les photographies antérieures à l’édification du muret de clôture établissent qu’il était implanté sur le fonds de Mme X ne peuvent être considérés comme relevant d’une faute d’exécution imputable au seul entrepreneur qui n’a pu procéder à l’enlèvement de l’arbre qu’avec l’accord de M. A.

Or, la circonstance, non contestée, que l’arbre était implanté à une distance inférieure à la distance minimale de la limite séparative prescrite par l’article 671 du code civil ne conférait pas à M. A le droit de faire procéder d’autorité et unilatéralement à son enlèvement, lequel doit donc être considéré comme constituant un fait fautif engageant sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Compte tenu de ces éléments et de l’importance objective relative des préjudices résultant pour Mme X des situations dommageables imputables à M. A, il convient, réformant de ce chef le jugement entrepris, de condamner ce dernier à lui payer la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande d’enlèvement de plantations ne respectant pas les distances minimales prescrites par l’article 671 du code civil :

Si, de ce chef, la situation est nécessairement évolutive compte tenu des tailles et élagages auxquels il est couramment procédé, l’examen des photographies versées aux débats établit qu’il existe sur le fonds de Mme X des plantations non conformes aux dispositions de l’article 671 du code civil, en termes tant de distance par rapport à la limite séparative que de hauteur maximale.

Il convient donc, ajoutant au jugement entrepris qui n’a statué qu’à l’égard d’un plant de bambou, depuis déraciné, de condamner Mme X à procéder à l’arrachage et/ou à l’élagage et la taille des plantations ne respectant pas les distances et hauteurs maximales imposées par l’article 671 du code civil, sous astreinte de 300 € par infraction dûment constatée par procès-verbal d’huissier de justice ou mode de preuve équivalent.

Sur la contestation relative à la répartition des dépens liquidés par le jugement déféré :

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a ordonné la répartition des dépens exposés à la date de son prononcé, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire confiée à M. B, à concurrence des trois quarts à la charge de M. A et d’un quart à la charge de Mme X, le premier juge ayant fait une exacte appréciation des responsabilités réciproques des parties.

Sur les demandes accessoires en cause d’appel :

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une quelconque des parties en cause d’appel.

M. A et Mme X seront condamnés in solidum aux entiers dépens d’appel dont la charge définitive sera supportée entre eux à concurrence de moitié chacun.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Mont de Marsan en date du 25 juin 2014,

Dans les limites de sa saisine :

Réformant partiellement le jugement entrepris, condamne M. A à payer à Mme X la somme de 1 000 € (mille euros) à titre de dommages-intérêts,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses chefs de dispositif contestés,

Ajoutant au jugement entrepris, condamne Mme X à procéder à l’arrachage et/ou à l’élagage et la taille des plantations ne respectant pas les distances et hauteurs maximales imposées par l’article 671 du code civil, sous astreinte de 300 € (trois cents euros) par infraction dûment constatée par procès-verbal d’huissier de justice ou mode de preuve équivalent,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une quelconque des parties en cause d’appel,

Condamne M. A et Mme X, in solidum, aux entiers dépens d’appel dont la charge définitive sera supportée entre eux à concurrence de moitié chacun.

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Christine SARTRAND

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