Cour d'appel de Pau, 23 juin 2016, n° 16/02658

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 23 juin 2016, n° 16/02658
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 16/02658

Sur les parties

Texte intégral

DT/CD

Numéro 16/02658

COUR D’APPEL DE T

Chambre sociale

ARRÊT DU 23/06/2016

Dossier : 14/01132

Nature affaire :

Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ou d’une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable

Affaire :

H I

C/

F G-

AA,

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE,

CGEA-AGS DE BORDEAUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 23 Juin 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 27 Avril 2016, devant :

Madame THEATE, Président

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Madame FILIATREAU, Vice-Président placé, délégué en qualité de Conseiller par ordonnance du 12 février 2016

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Maître H I

ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS GAME B

XXX

64000 T

Représenté par Maître MORETTO de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS :

Monsieur F G-AA

XXX

XXX

Comparant, assisté de Maître ARCAUTE, avocat au barreau de T

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE T-B

Service du Contentieux

XXX

64022 T CEDEX 9

Représentée par Maître A, avocat au barreau de T

CGEA-AGS DE BORDEAUX

XXX

XXX

XXX

Représenté par Maître CAMESCASSE de la SCP CAMESCASSE-ABDI, avocat au barreau de T

sur appel de la décision

en date du 20 JANVIER 2014

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE T

RG numéro : 20130006

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 20 janvier 2014, auquel il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties ainsi que des motifs, le tribunal des affaires de sécurité sociale de T a :

* dit que la maladie professionnelle dont souffrait Monsieur F G-AA était due à la faute inexcusable de la SAS GAME B,

* avant dire droit sur le préjudice indemnisable, a ordonné une expertise médicale et désigné le Docteur J K pour y procéder, réservé à statuer sur la liquidation des préjudices sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la CPAM du BÉARN ET SOULE à faire l’avance des sommes qui seront dues en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et la SAS GAME B à les lui rembourser avec intérêts au taux légal à compter du jour du règlement,

* déclaré irrecevable la demande de la SAS GAME B tendant à l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle en date du 24 novembre 2003 de la CPAM.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mars 2014 l’avocat de la SAS GAME B a, au nom et pour le compte de ce dernier, interjeté appel de ce jugement dont il déclare qu’il a été notifié le 7 février 2014.

Par jugement du 16 décembre 2014, le tribunal de commerce de T a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SAS GAME B suivie, le 10 février 2015, d’un jugement de liquidation judiciaire la SELARL H I représentée par Maître H I ayant été désigné mandataire liquidateur.

Le CGEA DE BORDEAUX délégation de l’AGS est intervenu à la procédure.

Par conclusions enregistrées au greffe le 6 avril 2016 et reprises oralement à l’audience du 27 avril 2016, Maître H I ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS GAME B (jugement du 10 février 2015) demande à la cour :

* in limine litis de déclarer l’action de Monsieur F G-AA prescrite, le caractère professionnel de la maladie ayant été reconnu par la CPAM le 24 novembre 2003 et la procédure de reconnaissance inexcusable n’ayant été mise en oeuvre devant la CPAM que le 10 septembre 2012 ;

* de déclarer irrecevable la demande de majoration de la rente présentée pour la première fois devant la Cour ;

* de réformer en conséquence le jugement dont appel en toutes ses dispositions et de débouter Monsieur F G-AA de l’ensemble de ses demandes ;

Au-delà et sur le fond :

* de juger que Monsieur F G-AA ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la conscience du danger, ni de l’absence de mesures de prévention et de protection à la charge de la SAS GAME B ;

* de juger que Monsieur F G-AA ne peut bénéficier de la présomption de faute inexcusable instituée par l’article L. 4131-4 du code du travail.

Il expose que la SAS GAME B qui dépendait de la société CLEMESSY faisait partie du groupe EIFFAGE et avait pour activité la mécanique, tuyauterie, robinetterie, chaudronnerie.

Monsieur F G-AA a été engagé en contrat à durée indéterminée à compter du 3 avril 1995 en qualité d’agent technique études export coefficient 270 de la Convention collective nationale des industries métallurgiques des Bouches du Rhône, pour être affecté au siège de la société situé AUX MILLES près d’AIX EN PROVENCE.

Par avenant du 17 juin 1996, il a été muté au siège de l’agence de MOURENX et promu aux fonctions de chargé d’affaires coefficient 285, son travail consistant à veiller au bon déroulement des chantiers qui lui étaient confiés.

De 1996 à 2008, le contrat de travail de Monsieur F G-AA a été successivement transféré à diverses sociétés, le dernier employeur étant la SAS GAME B, sans que les fonctions de ce salarié n’aient été modifiées, les sites sur lesquels il a été amené à travailler ponctuellement étant les usines EAEPF de LACQ et Z de MONT qui sont des sites pétrochimiques, mais aussi l’usine SOGIP basée à BASSENS, spécialisée dans l’extraction de protéines végétales.

Le 20 mars 2000, une leucémie myéloïde chronique a été diagnostiquée chez Monsieur F G-AA qui a été placé en arrêt de travail jusqu’au 7 octobre 2001. Conformément aux prescriptions du médecin du travail, à son retour, le salarié a été affecté au siège, sans contact avec les produits dangereux, d’abord dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique (du 8 octobre 2001 au 31 mars 2002), puis à temps plein (du 1er avril 2002 au 13 juin 2003). Par la suite, il a repris l’exécution des fonctions de son contrat.

Au mois de juillet 2003, Monsieur F G-AA a été à nouveau placé en arrêt de travail pour maladie dont le caractère professionnel a été reconnu le 22 août 2003.

Au terme de deux visites médicales de reprises, les 6 décembre 2011 et 22 décembre 2011, il a été déclaré inapte à son poste et apte à un poste administratif sans stress, sans exposition aux produits chimiques, sans effort physique intense. Aucune proposition de reclassement n’a pu être proposée au salarié qui a été licencié pour inaptitude, après consultation des délégués du personnel.

Maître H I rappelle que selon les dispositions de l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale l’action en reconnaissance de la faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter soit de la date à laquelle la victime a été informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et l’activité professionnelle, soit de la cessation du travail, soit de la cessation du paiement des indemnités journalières. Or, en l’espèce, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de la maladie le 24 novembre 2003 et Monsieur F G-AA a saisi la CPAM d’une procédure de faute inexcusable le 10 septembre 2012 et le tribunal des affaires de sécurité sociale le 7 janvier 2013.

Il conclut en second lieu à l’irrecevabilité de la demande de majoration de la rente que Monsieur F G-AA n’avait formulée ni en première instance, ni devant la commission de recours amiable.

Sur le fond enfin, Maître H I soutient que le salarié ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que l’employeur avait conscience du danger auquel il exposait son salarié. Il relève qu’à la suite du premier arrêt de travail le poste de travail de Monsieur F G-AA a été aménagé conformément aux préconisations du médecin du travail et qu’après le mois de mars 2000 il n’a plus été en contact avec le benzène, ni avec aucun autre solvant, contrairement aux mentions du commémoratif du certificat de travail du 30 juillet 2003 produit par le salarié selon lequel il effectuait des travaux d’exécution l’exposant au contact prolongé du benzène. Il soutient en effet que les fonctions de chargé de mission et donc de suivi de chantier qui lui avaient été confiées rendaient ce contact limité et ponctuel, non contraire aux observations médicales.

Il relève qu’aucun des procès-verbaux de réunion du CHSCT ou du CE ne mentionne la prétendue dénonciation du risque lié à l’exposition au benzène qu’aurait faite Monsieur X, qu’aucune procédure d’alerte n’a été déclenchée par les institutions représentatives, et que ni le médecin du travail, ni l’inspection du travail ne sont intervenus.

A l’audience, Maître H I a en outre opposé à la CPAM de T-B l’absence de déclaration de sa créance.

Au terme de conclusions déposées le 15 avril 2016, l’AGS CGEA de BORDEAUX demande sa mise hors de cause au motif que l’AGS CGEA ne doit pas garantir les sommes allouées en réparation de la faute inexcusable. Il reprend pour le surplus les moyens et demandes de Maître H I sur la recevabilité de l’appel et au fond. Il rappelle enfin les limites légales et réglementaires et les conditions de son intervention.

Suivant écrits enregistrés au greffe le 29 janvier 2016 et repris oralement à l’audience, Monsieur F G-AA demande à la cour de :

* débouter Maître H I de l’ensemble de ses prétentions ;

* de confirmer l’action en reconnaissance de la faute inexcusable qu’il a formée et de dire que la maladie professionnelle dont il souffre est due à la faute inexcusable de la SAS GAME B ;

* reconventionnellement de dire qu’il y a lieu de prononcer la majoration de la rente à taux plein ;

* de confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

* de fixer à 2.500 € le montant de sa créance fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au passif de la liquidation judiciaire de la SAS GAME B.

Monsieur F G-AA soutient qu’au moins à compter du mois de juillet 2003, l’employeur avait connaissance de sa maladie ; or, le jour même de la reprise, il a été affecté non pas à un emploi administratif mais à l’exécution des mêmes attributions qu’antérieurement, auprès de l’atelier de MONT mitoyen de l’usine ELF ATOCHEM, sa mission consistant à relever les fuites sur les racks de tuyauteries aux fins d’obtenir une offre technique et commerciale en vue de la réparation de ces installations. La seconde mission de mai 2002 à juillet 2003 se déroulait sur la plate-forme chimique de SOBEGI où sont fabriqués des concentrés de produits de base pour les cosmétiques de la société l’OREAL, dont il déduit que l’employeur n’a pas respecté les préconisations du médecin du travail excluant l’exposition aux solvants en général. Monsieur F G-AA fonde ses allégations sur diverses attestations.

Suivant conclusions enregistrées le 13 avril 2016 et reprises oralement à l’audience par Maître A, la CPAM de T-B demande à a cour de déclarer irrecevable la demande de la SAS GAME B tendant à l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur F G-AA, déclare s’en rapporter sur la faute inexcusable et conclut à la condamnation de la SAS GAME B à lui reverser les sommes dont la caisse devra faire l’avance en vertu de l’article L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale en réparation des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, avec intérêts au taux légal à compter du jour du règlement.

Sur la prescription, elle rappelle que des indemnités journalières ont été versées à Monsieur F G-AA jusqu’au 30 novembre 2011 qui selon l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale constitue l’un des points de départ du délai de prescription biennale. Or, l’assuré a saisi la caisse pour engager la procédure préliminaire de conciliation tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur le 10 septembre 2012.

Au terme d’une note qu’elle avait été autorisée à déposer en cours de délibéré, la CPAM de T-B a confirmé qu’elle n’avait pas déclaré sa créance au passif de la SAS GAME B.

MOTIFS

Sur la prescription de la demande de Monsieur F G-AA

Selon les dispositions de l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale :

'Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater (…) du jour de la cessation du paiement de l’indemnité journalière'.

Il ressort de l’attestation de paiement, produite en pièce 9 par la CPAM de T-B, que Monsieur F G-AA a perçu des indemnités journalières consécutives à l’accident du travail du 30 juillet 2003 jusqu’au 22 janvier 2012 et que par lettre du 10 septembre 2012 reçue le 12 septembre 2012, il a saisi la caisse d’une 'demande de mise en oeuvre de la procédure de reconnaissance de faute inexcusable'.

Le délai de deux ans n’étant pas écoulé à cette date, la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Maître H I doit être rejetée.

Sur l’irrecevabilité de la demande de majoration de la rente

Il ressort des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile applicable au contentieux de la sécurité sociale, 'qu’à peine d’irrecevabilité prononcée d’office les parties ne peuvent soumettre à la cour des prétentions nouvelles si ce n’est pour opposer la compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance de la révélation d’un fait'.

Cependant l’article 566 du même code dispose :

'Les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire la conséquence ou le complément'.

Tel est le cas de la majoration de la rente qui, selon les dispositions de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale constitue la conséquence nécessaire de la reconnaissance de la faute inexcusable commise par l’employeur, en sorte que la demande qui en est faite par Monsieur F G-AA à hauteur d’appel est recevable.

Sur le défaut de déclaration de la créance de la CPAM de T-B

Selon les dispositions de l’article L. 622-24 du code de commerce :

'A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’Etat. Les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s’il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l’égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.

La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix.

La déclaration des créances doit être faite alors même qu’elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n’est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d’une évaluation. Les créances du Trésor Public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l’article L. 351-21 du code du travail qui n’ont pas fait l’objet d’un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l’article L. 624-1'.

Les organismes de sécurité sociale sont tenus, à partir de la publication du jugement, d’adresser la déclaration de leurs créances ayant leur origine antérieurement au jugement d’ouverture au mandataire judiciaire ou au liquidateur. L’obligation de déclarer dépend de la date du fait générateur. S’agissant d’une demande d’indemnisation complémentaire fondée sur la faute inexcusable de l’employeur, Ce recours a comme origine la faute de l’employeur et non la demande de fixation d’indemnités complémentaires : la créance est donc soumise à déclaration au passif, peu important que le montant définitif de la créance ne soit pas définitivement arrêté à la date de la déclaration.

La CPAM de T-B n’ayant ni déclaré sa créance, ni demandé à être relevée de la forclusion dès lors encourue, sa créance n’est pas éteinte mais elle ne pourra pas être 'admise dans les répartitions et les dividendes » (C. com., article L. 622-26).

Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, de sorte que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale en application duquel la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Il importe également de rappeler que le salarié qui entend engager une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur peut agir contre la société cessionnaire du fonds de commerce. La société GAME B, ayant acquis de la SAS GAME TRAVAUX SA, le 1er juin 2008, la partie du fonds de commerce afférent à l’activité de MOURENX est ainsi devenue titulaire de l’universalité des droits et obligations afférents à cette partie du fonds et se trouve ainsi subrogée dans les droits et obligations de la société cédante.

Il en va de même des opérations de cessions – voire de fusions – antérieures, par lesquelles les sociétés cessionnaires ou absorbantes ont été tour à tour subrogées dans les droits et obligations de leurs prédécesseurs.

Or, il résulte des pièces produites et il n’est pas contesté, que depuis le 18 juin 1996, Monsieur F G-AA était affecté à l’agence de MOURENX en qualité de chargé d’affaires, d’abord pour le compte de la société FRIEDLANDER puis pour le compte de la société GAME SUD-OUEST, puis de la SAS GAME B.

Le diagnostic d’une leucémie myéloïde chronique a été établi le 27 mars 2000, et reconnu, le 30 juillet 2003, comme maladie professionnelle par suite d’une exposition au benzène. A cet égard, il importe de rappeler que cette maladie inscrite au tableau 4 est prise en charge au titre de la législation professionnelle lorsqu’elle est occasionnée par des 'opérations de production, transport et utilisation du benzène et autres produits renfermant du benzène, notamment :

— production, extraction, rectification du benzène et des produits en renfermant ;

— emploi du benzène et des produits en renfermant pour la production de leurs dérivés, notamment en organosynthèse ;

— préparation des carburants renfermant du benzène, transvasement, manipulation de ces carburants, travaux en citerne ;

— emplois divers du benzène comme dissolvant des résines naturelles ou synthétiques'.

L’exposition de Monsieur F G-AA au benzène dans le cadre de son activité professionnelle de chargé d’affaires n’est d’ailleurs pas discutée par la SAS GAME B (respectivement par Maître H I ) et ressort de ses propres écritures :

'Il n’est pas contestable que l’affection dont Monsieur F G-AA a été victime a bien été provoquée par le contact avec le benzène pour la période prolongée à laquelle il semble avoir été soumis de 1988 à 1994. C’est le même constat qui a été opéré du mois d’avril 1995 date de la reprise de son contrat de travail par la société FRIEDLANDER jusqu’au mois de mars 2000' (conclusions page 9)

Cependant la faute de l’employeur n’est pas recherchée par Monsieur F G-AA pour l’exposition au benzène antérieure à l’apparition de la maladie mais seulement à compter du jour où l’employeur en a été informé, soit en l’occurrence à compter du 8 octobre 2001, qui est la date de la fiche médicale d’aptitude établie par le médecin du travail au retour du salarié dans l’entreprise et ainsi rédigée :

'Apte à reprendre à mi-temps thérapeutique à un poste uniquement administratif. A ménager. A revoir à la fin du mi-temps thérapeutique. Pas d’exposition aux solvants en général'.

Monsieur F G-AA considère en effet qu’à compter de cette date la société GAME ne peut soutenir qu’elle ignorait le risque qu’encourrait son salarié en continuant d’être exposé au risque.

A cet égard, il importe de rappeler qu’il appartient au salarié qui introduit une action en reconnaissance de faute inexcusable à l’encontre de son employeur d’établir que le manquement de l’employeur a été la cause nécessaire du dommage qu’il a subi et lorsque cette faute résulte d’une exposition à un risque, il lui incombe de démontrer que l’aggravation de son affection est la conséquence de cette exposition.

Au cas présent, il est établi par les documents médicaux produits par Monsieur F G-AA qu’à compter du mois de juillet 2003 la leucémie myéloïde chronique dont il était atteint s’est 'acutisée’ (c’est-à-dire est passée de l’état chronique à l’état aigu).

Selon Monsieur F G-AA cette acutisation est la conséquence de son exposition persistante au benzène et à d’autres produits solvants après l’année 2000, en totale méconnaissance des prescriptions du médecin du travail, ce que conteste l’employeur. En effet, selon la société GAME le travail confié à Monsieur F G-AA à compter du 8 octobre 2001 aurait consisté uniquement en un travail administratif sans aucun contact avec le benzène (voir lettre du 20 octobre 2003 à la médecine du travail).

L’intimé le conteste en expliquant que 'sa première mission a consisté à chiffrer un devis sur les installations de l’usine ELF-ATOCHEM à MONT. Il s’agissait de relever les fuites sur les tuyauteries afin d’établir une offre pour réparation Après une semaine sur ce site prétrochimique c’est avec l’appui du délégué syndical de mon entreprise que nous informons mon responsable d’agence que le travail dans cet environnement m’exposait aux vapeurs et aux projections éventuelles de produits chimiques.

Mai 2002/juillet 2003 : mon chef d’agence me confie une importante affaire de montage d’un ensemble de tuyauteries et autres appareillages pour l’extension de l’unité de CHIMEX 'chaîne 7' du site chimique de la SOBEGI à MOURENX cette usine fabrique les bases concentrées pour élaborer les cosmétiques de l’Oréal. Cette affaire dont j’avais la responsabilité a duré une année et m’obligera à exercer l’essentiel de mon activité sur site pour superviser les travaux : visite journalière avec le client, suivi de l’avancement des travaux surveillance et coordination du chantier réception démarrage de l’unité…'.

Les déclarations du salarié sont confortées par diverses attestations dont celle de Monsieur N Q en date du 20 août 2013 ainsi rédigée :

'Lors de la reprise en octobre 2001, Monsieur F G-AA a été directement affecté à l’atelier de MONT dont j’étais employé. Son travail consistait à se rendre à l’usine d’ELF-ATOCHEM (64300 MONT) pour relever les fuites chimiques sur les installations existantes en vue d’établir des devis de réparation.

De juillet 2002 à juillet 2003, dans le cadre de la construction de l’unité ligne 7 à CHIMEX sur le site SOBEGI (64300 MOURENX) nous avons assuré ensemble le montage des tuyauteries et équipements. Monsieur F G-AA intervenait quasi quotidiennement dans le cadre de son travail (interface bureau/chantier) il participait aux réunions de chantier aux visites sur site avec le client et le bureau d’étude'.

Cette attestation, confortée par celle de Monsieur C :

'Lors du suivi du chantier de tuyauterie de la ligne '7' pour Chimex sur la plate-forme SOGEBI Mourenx de juillet 2002 à juillet 2003 nous avons travaillé conjointement avec F G sur ce projet aussi bien dans les locaux de GAME à Mourenx que sur le site de SOGEBI pour les fréquentes visites de travaux et les réunions de coordination'.

Et par celle de Monsieur Y :

'A l’époque, j’étais déjà employé en tant qu’opérateur dans l’usine de Chimex située sur le site de l’usine SOBEGI (Mourenx 64150). L’usine qui m’emploie a effectué d’importants travaux d’extension (ligne 7) de juillet 2002 à juillet 2003 (illisible) de mon poste pour me rendre dans mon atelier de fabrication mitoyen je saluais régulièrement Monsieur F G-AA sur le chantier. J’ai pu observer Monsieur F G-AA intervenir avec son équipe directement sur les installations de cette nouvelle unité'.

Il ressort de ces attestations précises et concordantes – notamment celle de Monsieur N O – qu’après le mois d’octobre 2001 et en tous cas à compter du mois de juillet 2002, Monsieur F G-AA a continué d’être exposé épisodiquement aux produits solvants du fait de son travail, ce que reconnaît là encore l’appelante (voir page 11 de ses conclusions) :

'Monsieur F G-AA occupait les fonctions de chargé d’affaires. Dans ce contexte il était amené de façon ponctuelle et non prolongée à se rendre sur le chantier pour exercer une mission de surveillance', alors même que l’avis délivré le 8 octobre 2001 par le médecin du travail limitait expressément l’aptitude de ce salarié à 'un poste uniquement administratif’ et prohibait 'l’exposition aux solvants en général’ la locution 'en général’ se rapportant aux solvants et non à la durée d’exposition comme tente de le faire valoir l’appelante.

Il importe enfin de rappeler, ce qui n’est pas discuté que l’employeur n’a pris aucune mesure pour préserver le salarié du risque encouru.

Maître H I discute d’ailleurs principalement la conscience du danger que l’employeur avait ou aurait dû avoir laquelle résulte pourtant et suffisamment de l’avis d’aptitude du 8 octobre 2001 qui prescrivait un poste uniquement administratif et prohibait toute exposition aux solvants, prescription que n’a pas respectée la société GAME en envoyant, même épisodiquement son salarié sur des chantiers d’usines pétrochimiques.

Dès lors, la responsabilité incombant à l’employeur au titre de la faute inexcusable est établie même si l’attestation de Monsieur D X qui écrit qu’il a, à plusieurs reprises attiré l’attention de l’employeur en réunions CHSCT, sur les risques encourus par les salariés amenés à réaliser des missions sur des sites chimiques classés SEVESO du complexe de LACQ, ne peut être considérée comme probante en ce qu’elle est à la fois contestée par l’employeur, peu circonstanciée (sans date, ni précision sur la nature des risques encourus), et qu’elle n’est confortée par aucune autre pièce. Les autres contestations soulevées par Maître H I étant liées au succès de l’appel sur la contestation de la faute inexcusable, il y a lieu de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et y ajoutant de fixer au maximum le montant de la rente à laquelle a droit Monsieur F G-AA en application des dispositions de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale.

Sur la mise hors de cause de l’AGS CGEA de BORDEAUX

Le manquement par l’employeur à son obligation de sécurité de résultat constitue une violation de ses obligations contractuelles qui découle directement du fait que la société n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer de façon effective la sécurité des salariés. L’indemnisation du préjudice résultant directement d’un tel manquement est liée à l’exécution du contrat de travail et doit à ce titre être garantie par l’AGS dès lors que la naissance du préjudice est antérieure au jugement d’ouverture ce qui est le cas en l’espèce.

L’argument soulevé par l’AGS CGEA de BORDEAUX selon lequel la caisse n’a de recours que contre la personne ayant la qualité juridique d’employeur est sans emport dès lors que Monsieur F G-AA n’a pas dirigé son action contre l’AGS CGEA de BORDEAUX mais contre Maître H I ès qualités, qu’il appartient à la CPAM de T-B de faire l’avance des sommes dues au titre des articles L. 452- 2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et de se retourner ensuite contre l’employeur (sous réserve de ce qui a été précédemment dit à propos de la déclaration de la créance) et que c’est seulement en cas d’insuffisance de fonds disponibles que la garantie s’applique dans les limites et conditions légales.

Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Il appartient à Maître H I qui succombe de supporter la charge des dépens de l’instance d’appel, lesquels seront traités comme frais privilégiés de la procédure collective.

Par application de l’article 700 du code de procédure civile, le montant de la créance de Monsieur F G-AA à inscrire au passif de la SAS GAME B doit être fixé à 2.000 €.

Pour le surplus, l’affaire et les parties sont renvoyées devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de T afin qu’il soit statué sur les points réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe et en dernier ressort :

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par Maître H I ès qualités et par l’AGS CGEA de BORDEAUX, tirée de la prescription ;

DÉCLARE en conséquence la demande de Monsieur F G-AA recevable ;

CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT :

FIXE au maximum le taux de la rente à laquelle Monsieur F G-AA est en droit de prétendre par application des dispositions de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;

DÉBOUTE l’AGS CGEA de BORDEAUX de sa demande tendant à sa mise hors de cause ;

DIT que l’indemnisation du préjudice découlant de la faute inexcusable de l’employeur né avant le jugement d’ouverture entre dans le champ de la garantie de l’AGS CGEA de BORDEAUX ;

DIT que la garantie de l’AGS CGEA de BORDEAUX s’exerce cependant dans la limite des obligations de la société en liquidation judiciaire et dans les limites et conditions légales ;

CONSTATE que la CPAM de T-B n’a pas déclaré sa créance au passif de la SAS GAME B ;

RAPPELLE qu’en conséquence cette caisse n’est pas admise à participer aux répartitions et dividendes ;

DIT que les dépens afférents à l’instance d’appel seront traités comme frais privilégiés de procédure collective ;

FIXE le montant de la créance de Monsieur F G-AA, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à inscrire au passif de la SAS GAME B à la somme de 2.000 € (deux mille euros).

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Pau, 23 juin 2016, n° 16/02658