Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 24 juillet 2017, n° 15/02484

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 2e ch - sect. 1, 24 juill. 2017, n° 15/02484
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 15/02484
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MHD/BLL

Numéro 17/3088

COUR D’APPEL DE PAU

2e CH – Section 1

ARRET DU

24/07/2017

Dossier : 15/02484

Nature affaire :

Demande d’évaluation et/ou en paiement de l’indemnité d’éviction

Affaire :

L X

C/

XXX

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 24 Juillet 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 30 Mai 2017, devant :

Madame J, Conseiller faisant fonction de Président

Madame DIXIMIER, Conseiller chargé du rapport

Madame JANSON, Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 2 décembre 2016

assistés de Madame LAMAZOU-LARESSE faisant fonction de Greffier, présent à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi. dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Maître L X

agissant es qualité de liquidateur judiciaire de la société SURCOUF VACANCES, SARL

de nationalité Française

XXX

XXX

Représenté par Me Olivier ROUVIERE, avocat au barreau de Pau

assisté de Me LANNEGRAND, avocat au barreau de Bordeaux

INTIMEE :

XXX

représentée par son Maire en exercice

XXX

XXX

Représentée par Me Alexa LAURIOL, avocat au barreau de Pau

assistée de Me DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de Brodeaux

sur appel de la décision

en date du 18 FEVRIER 2015

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN

Vu l’appel formé le 8 juillet 2015 par Maître X es qualités de liquidateur de la société SURCOUF VACANCES du jugement prononcé le 18 février 2015 par le tribunal de grande instance de Mont de Marsan,

Vu les conclusions de Maître X es qualités en date du 7 avril 2017,

Vu les conclusions de la Commune Ville de BISCAROSSE en date du 4 décembre 2015,

Vu l’ordonnance de clôture du 12 avril 2017 et la fixation de l’affaire à l’audience du 30 mai 2017.

***

Par convention de location en date du 15 mars 2002, la Ville de Biscarrosse a loué à la SARL SURCOUF VACANCES un terrain de camping d’une superficie de 3 ha 53 a 06 ca avec ses installations dont elle est propriétaire XXX connu sous le nom de Camping

Latécoére, jusqu’au 31 décembre 2007 afin d’y développer une activité de camping et parc résidentiel de loisirs.

Par avenant sous seing privé en date du 2 décembre 2008, ladite convention a été requalifiée en bail commercial soumis aux dispositions des articles L 145-1 et suivants du code de commerce et du décret du 30 septembre 1953 et venant à échéance le 14 mars 2011.

Le loyer a été porté à la somme de 65.000 € hors taxes par an, payable en un seul terme au 1er octobre de chaque année.

Par acte d’huissier en date du 24 août 2010, la Ville de BISCARROSSE a fait délivrer à la SARL SURCOUF VACANCES sur le fondement de l’article L 145-1 et suivants du code de commerce un congé pour le 14 mars 2011, comportant refus de renouvellement sans indemnité d’éviction pour un motif grave et légitime consistant à avoir laissé un certain nombre d’utilisateurs de mobil homes et chalets – tels que Mesdames Y et Z, les époux A et Messieurs B et C – résider à l’année de manière permanente au camping en violation des articles R111-31 et R111-33 du code de l’urbanisme et D 332-2 du code du tourisme, malgré la mise en demeure préalablement signifiée par acte d’huissier le 5 juillet 2010.

Par protocole d’accord sous seing privé date du 20 janvier 2011, la Commune de BISCARROSSE et la SARL SURCOUF VACANCES ont ' 'sans renoncer aux bénéfices du congé comportant refus de renouvellement sans indemnité d’éviction et sous toutes réserves, notamment pour la Société SURCOUF VACANCES qui pour sa part considère qu’elle a toujours respecté les règles et les obligations contractuelles du droit de contester en justice si nécessaire, le caractère non indemnitaire de l’éviction ' ' convenu de faire évaluer à dire d’expert le montant de l’indemnité d’éviction à laquelle aurait été susceptible de prétendre la Société SURCOUF VACANCES , n 'eut été le congé qui lui a été délivré et de désigner conjointement le Cabinet CLOS – AG D P en qualité d’expert rémunéré à frais communs.

Dans son rapport déposé le 15 février 2011, Monsieur D a chiffré la valeur du fonds de commerce à la somme de 300.000 € et les indemnités accessoires à celle de 49.372 €, dont 30.000 € au titre de 1'indemnité de remploi, 5.000 € au titre du trouble commercial et 14 372 € au titre des frais de licenciement.

Dans une note complémentaire du 18 avril 2011, Monsieur M E, autre expert, a chiffré l’indemnité d’éviction à la somme de 418.733 €, arrondie à 419.000 € et se décomposant comme suit :

—  366 099 € arrondis à 366.000 € au titre de la valeur du fonds de commerce (3 15.000 € ) et des indemnités accessoires comprenant l’indemnité de remploi (31 500 €), le trouble commercial (5 000 €) et les frais de 1icenciement (111 372 €)

—  52 383 € au titre de la valeur résiduelle des immobilisations, notamment de la piscine (42 283 €) et de la main d’oeuvre des travaux de création et réparation des réseaux d’eau et d’assainissement (10 000 €).

Par jugement en date du 29 juin 2012, le tribunal de commerce de Mont de Marsan a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la SARL SURCOUF VACANCES qui a été convertie le 7 septembre 2012 en liquidation judiciaire ; Maître L X étant désigné en qualité de liquidateur.

Par acte d’huissier en date du 14 février 2013, Maître L X agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SURCOUF VACANCES a fait assigner la Ville de BISCARROSSE devant le tribunal de grande instance de MONT DE MARSAN en paiement d’une indemnité d’éviction sur le fondement de l’article L145-14 du code de commerce.

Par jugement en date du 18 février 2015, le tribunal de grande instance de MONT DE MARSAN a :

. constaté que la Commune de BISCARROSSE n’a pas valablement renoncé au bénéfice du congé avec refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction signifié le 24 août 2010 à la SARL SURCOUF VACANCES pour le 14 mars 2011.

. dit que ce congé ne repose pas sur un motif grave et légitime et oblige la Ville de BISCARROSSE à payer à Maître L X en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SURCOUP VACANCES une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, indemnité n’excédant pas la valeur du droit au bail et estimée au 19 septembre 2013, date de reprise des lieux par le bailleur,

. débouté Maître L X en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SURCOUF VACANCES de ses demandes au titre des indemnités accessoires et de l’indemnité complémentaire pour valeur résiduelle des immobilisations et main d’oeuvre des travaux sur réseaux d’eau et d’assainissement.

. avant dire droit sur le montant de l’indemnité d’éviction due,

. ordonné une expertise et désigné pour y procéder : Monsieur N O demeurant XXX en période probatoire d’inscription sur la liste des experts près la cour d’appel de PAU avec pour mission de :

1. se rendre sur les lieux en présence des parties ou celles ci-dûment convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception et leurs conseils avisés,

2. se faire remettre tous documents utiles (convention de location et avenant de bail commercial, constats d’état des lieux, plans et photographies, rapport d’expertise amiable et note complémentaire …),

3. décrire sommairement le terrain de camping et ses installations précédemment donnés à bail à la SARL SURCOUF VACANCES, leur consistance et leur état, ainsi que leur emplacement,

4 . proposer une estimation de la valeur du droit au bail des lieux objets de l’éviction au 19 septembre 2013,

5 . de manière générale, entendre tous sachants et fournir tous éléments d’appréciation utiles permettant de solutionner le litige,

. débouté la Ville de BISCARROSSE de sa demande au titre des travaux de remise en état,

. ordonné la compensation judiciaire de sa dette au titre de l’indemnité d’éviction, non encore liquide, avec sa créance connexe au titre des loyers et charges telle qu’elle sera fixée dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SARL SURCOUF VACANCES,

. débouté Maître L X en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SURCOUF VACANCES de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

. réservé les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

. dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration en date du 8 juillet 2015, Maître X es qualités a interjeté appel de cette décision.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions en date du 7 avril 2017, Maître X es qualités demande à la Cour de :

. Vu l’article L 145-14 du code de commerce,

. Vu le rapport de Monsieur D en date du 15 février 2011,

. Vu la note complémentaire de Monsieur E en date du 18 avril 2011 et sa correspondance en date du 4 mai 2011,

. à titre principal,

. réformant le jugement,

. constater l’accord des parties,

. homologuer le rapport de Monsieur D et la note complémentaire de Monsieur E,

. dire et juger n’y avoir lieu à un complément d’expertise,

. dire et juger que le montant de l’indemnité à laquelle a droit à la SARL SURCOUF VACANCES ne saurait être inférieur à la somme de 419 000 €,

. en conséquence,

. condamner la Ville de BISCAROSSE au paiement de ladite somme au profit de Maître X es qualités avec intérêts au taux légal à compter du 1er Juillet 2011,

. dire et juger n’y avoir lieu à compensation judiciaire entre l’indemnité d’éviction et la créance de la Commune de BISCARROSSE au titre de sa créance de loyers,

. dire et juger n’y avoir lieu au paiement des loyers pour la période du 15 mars 2011 au 30 juin 2012,

. la condamner au paiement d’une somme de 20 000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,

. la condamner au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. la condamner aux entiers dépens,

. mais confirmant le jugement,

. la débouter de sa demande en paiement des travaux de remise en état,

. à titre subsidiaire,

. confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que le congé délivré par la Commune de BISCARROSSE ne reposait pas sur un motif grave et légitime et l’obligeait à payer à Maître X, es qualités une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement,

. confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Commune de BISCARROSSE de sa demande de paiement au titre des travaux de remise en état,

. mais, le reformant pour le surplus,

. dire et juger n’y avoir lieu à un complément d’expertise,

. dire et juger que l’indemnité d’éviction ne saurait être égale à la valeur du droit du bail à la date du 19 septembre 2013 mais à la somme totale de 419 000 €,

. condamner, la Ville de BISCAROSSE au paiement de ladite somme au profit de Maître X es qualités avec intérêts au taux légal à compter du 1er Juillet 2011,

. dire et juger n’y avoir lieu à compensation judiciaire entre l’indemnité d’éviction et la créance de la Commune de BISCARROSSE au titre de sa créance de loyers,

. dire et juger n’y avoir lieu au paiement des loyers pour la période du 15 mars 2011 au 30 juin 2012,

. la condamner au paiement d’une somme de 20 000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,

. la condamner au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. la condamner aux entiers dépens,

. à titre très subsidiaire,

. confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que le congé délivré par la Commune de BISCARROSSE ne reposait pas sur un motif grave et légitime et l’obligeait à payer à Maître X, es qualités une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement,

. confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Commune de BISCARROSSE de sa demande de paiement au titre des travaux de remise en état,

. dire et juger que l’indemnité d’éviction ne saurait excéder la valeur du droit au bail estimée à la date du 15 mars 2011 ou à défaut du 30 juin 2012, date à laquelle la Commune de BISCARROSSE pouvait reprendre possession des lieux,

. dire et juger n’y avoir lieu à compensation judiciaire entre l’indemnité d’éviction et la créance de la Commune de BISCARROSSE au titre de sa créance de loyers,

. dire et juger n’y avoir lieu au paiement des loyers pour la période du 15 mars 2011 au 30 juin 2012,

. la condamner au paiement d’une somme de 20 000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,

. la condamner au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions en date du 4 décembre 2015, la Commune Ville de BISCAROSSE demande à la Cour de :

. Vu les articles L145 – 17 – 1 ° du Code du Commerce, 1130 à 1132, 1147 du Code Civil R 111 31 et 32 du Code de l’Urbanisme et D 332-2 du Code du Tourisme,

. dire n’y avoir lieu à versement d’une indemnité d’éviction, le congé ayant été donné pour justes motifs,

. déclarer, en conséquence, Maître X és qualités mal fondé en son appel et le débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

. à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a indiqué que l’indemnité d’éviction devra être limitée à la seule valeur du droit au bail et désigner Monsieur N O pour en chiffrer le montant, et surseoir à statuer dans l’attente du rapport d’expertise,

. toujours à titre subsidiaire, ordonner la compensation entre l’indemnité d’éviction restant à évaluer et la créance de loyer chiffrée dans la déclaration de créance à la somme de 209 429,63 € à titre privilégié et la somme de 7 502,10 € à titre chirographaire,

. dans tous les cas, accueillir la demande reconventionnelle de la Ville de BISCAROSSE et condamner Maître X és qualités à lui payer la somme de 186 400 € HT, soit 222 934 € TTC,

. ordonner la compensation entre la condamnation à intervenir de ce chef et une éventuelle indemnité d’éviction,

. condamner Maître X és qualités à payer à la Ville de BISCAROSSE la somme de 5 000 € sur la base de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel.

***

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 avril 2017.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

SUR CE

I – SUR L’ INDEMNITE D’EVICTION :

En application des articles :

. L. 145-14 du code de commerce ' le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.'

. L. 145-17 I alinéa 1 ' le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité :

1° S’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. Toutefois, s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte-tenu des dispositions de l’article L. 145-8, l’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa.'

La charge de la preuve du motif grave et légitime justifiant le refus de versement d’une indemnité d’éviction incombe au bailleur.

En l’espèce, à l’appui du congé avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction délivré à la SARL SURCOUF le 24 août 2010, la Commune de BISCARROSSE reproche à sa locataire d’avoir laissé un certain nombre d’utilisateurs de mobil homes et chalets – Mesdames Z, Y, Messieurs C, B, les époux A – résider à 1'année de manière permanente au camping en violation des articles R 111-31 et R 111-33 du code de l’urbanisme et D 332-2 du code du tourisme.

Ce congé a fait suite à une mise en demeure préalable du 5 juillet 2010.

Si, comme l’a fort justement relevé le premier juge, après la délivrance de ce congé, selon le protocole d’accord du 20 janvier 2011, la Commune de BISCARROSSE et le SARL SURCOUF VACANCES se sont rapprochées et ont convenu de faire évaluer par Monsieur P D, expert, l’indemnité d’éviction qui aurait été due en l’absence de congé, il n’en demeure pas moins qu’elles ont pris soin de préciser très clairement qu’elles ne renonçaient ni pour la première au bénéfice du congé ni pour la seconde au droit de le contester et de réclamer le paiement d’une indemnité d’éviction.

Ainsi, le texte même du protocole démontre que le seul point d’accord existant entre les parties portait sur la désignation conjointe d’un expert ; à l’exclusion de tout autre.

Le courrier adressé le 4 mai 2011 par Monsieur E, second expert intervenant pour chiffrer l’indemnité litigieuse, au conseil de la SARL SURCOUF VACANCES le confirme et ne saurait être dénaturé.

En effet, s’il précise que le montant de l’indemnité d’éviction majorée d’une indemnité pour travaux relatifs aux réseaux d’eau et d’assainissement et valeur résiduelle de la piscine, soit au total 419.000 €, ' a été accepté par la Mairie de BISCARROSSE', que ' la SARL sera indemnisée en juillet 2011', il n’en demeure pas moins qu’il rappelle également une règle élémentaire de droit public selon laquelle’ le conseil municipal doit entériner l’accord obtenu par Monsieur le Maire.

Or, aucune délibération n’est jamais intervenue de ce chef.

Il ne peut donc qu’en être déduit que la Commune de BISCARROSSE n’a pas renoncé au bénéfice du congé qu’elle avait fait délivrer même si son représentant avait simplement donné son accord.

Le jugement attaqué sera en conséquence confirmé.

***

Le premier juge a fort justement rappelé que le code de l’urbanisme distingue :

. les habitations légères de loisirs au sens de l’article R 111-31, définies comme des constructions démontables ou transportables, destinées à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir, et pouvant être implantées dans les terrains de camping régulièrement créés, sous réserve que leur nombre soit inférieur à trente cinq lorsque le terrain comprend moins de 175 emplacements à 20 % du nombre total d’emplacements dans les autres cas, conformément à l’article

R 11-32 2°,

. les résidences mobiles de loisirs au sens de l’article R 111-33, définies comme des véhicules terrestres habitables qui sont destinés à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir, qui conservent des moyens de mobilité leur permettent d’être déplacés par traction mais que le code de la route interdit de faire circuler, et pouvant être installées dans les terrains de camping classés au sens du code du tourisme, conformément à l’article R111-34 2° en vigueur à la date des faits,

. les caravanes au sens de l’article R111 – 37, définies comme des véhicules terrestres habitables qui sont destinés à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir, qui conservent en permanence des moyens de mobilité leur permettant de se déplacer par eux-mêmes ou d’être déplacés par traction et que le code de la route n’interdit pas de faire circuler.

Il en résulte donc qu’un mobil home peut être considéré soit comme une résidence mobile de loisirs soit comme une habitation légère de loisirs selon qu’il a, ou non, conservé ses moyens de mobilité.

De même, le premier juge a fort justement rappelé que l’article D 332-2 du code du tourisme, devenu l’article D 332-11 depuis l’entrée en vigueur du décret 2010 – 759 du 6 juillet 2010, précise que les terrains aménagés de camping et de caravanage sont classés comme terrains de camping avec la mention 'tourisme’ si plus de la moitié du nombre des emplacements dénommés emplacements 'tourisme’ est destinée à la location à la nuitée, à la semaine ou au mois pour une clientèle de passage, ou avec la mention 'loisirs’ si plus de la moitié du nombre des emplacements dénommés emplacements ' loisirs’ est destinée à la location supérieure au mois par une clientèle qui n’y élit pas domicile.

Il en résulte donc qu’il est interdit à la clientèle d’un terrain de camping d’occuper un emplacement de manière permanente et d’y élire domicile, même s’il s’agit d’un emplacement ' loisirs'.

En l’espèce, le camping Latécoère, classé dans la catégorie 3 étoiles mention 'tourisme’ pour

185 emplacements dont 71 ' Grand Confort Caravane', pouvait accueillir au plus 37 habitations légères de loisirs, représentant 20% du nombre total d’emplacements.

Le 7 mai 2010, le constat d’huissier dressé à la requête de la Ville de BISCARROSSE ( pièce 17 Ville de Biscarrosse ) a relevé sur le site la présence de 34 mobil homes, dont 33 appartenant à des propriétaires particuliers et l appartenant à la SARL SURCOUF VACANCES, outre 34 chalets, dont 11 appartenant à des propriétaires particuliers et 23 chalets municipaux (dont 1 pour personnes à mobilité réduite), outre les chalets de la SARL SURCOUF VACANCES à usage de réception et de local d’animations et le chalet municipal double occupé par le gardien du camping.

Cependant, les photographies des installations – photocopies en noir et blanc particulièrement sombres et un peu floues – ne permettent pas d’apprécier – contrairement aux affirmations de la Ville de Biscarrosse – dans quelle proportion les mobil homes et chalets ont conservé des moyens de mobilité et si notamment le nombre d’habitations légères de loisirs ne dépasse 37, soit 20 % du nombre total d’emplacements.

En conséquence, la Commune de BISCARROSSE est défaillante dans l’administration de la preuve qui lui incombe comme l’a fort justement relevé le premier juge.

Par ailleurs, elle l’est tout autant – quoiqu’elle soutienne l’inverse – pour établir que les chalets et mobil homes sont occupés de façon permanente.

En effet, il est constant :

. qu’à la date du congé comme à la date de la mise en demeure, chacune de ces installations bénéficiait d’un contrat d’emplacement annuel autorisant son propriétaire à occuper ' de manière précaire et saisonnière" un emplacement déterminé sur le camping Latécoère du ' 01/01/ 2010 au 31/12/2010 minuit ',

. que tous ces contrats comportaient des clauses identiques, notamment un article 4 – Destination prévoyant que chaque 'emplacement est exclusivement destiné à 1'implantation d’un mobil home (ou chalet) à usage de loisir" avec interdiction d’y établir sa résidence principale et un article 10 – Obligations de 1'exploitant précisant que 'l’exploitant s’engage à maintenir le camping ouvert du 16/01/2010 au 31/12/2010 sous réserve de conditions climatiques ou de travaux obligeant à la fermeture des réseaux d’eau et d’électricité'.

Or comme l’a très justement relevé le premier juge, si les propriétaires de ces chalets et mobil homes étaient ainsi autorisés à occuper leur emplacement à l’année, les stipulations sus-visées ne démontrent pas, à elles seules, que cette occupation aurait revêtu un caractère permanent ou emporté élection de domicile prohibée.

Autrement dit, ce n’était pas parce que les usagers du camping, propriétaires d’installations, bénéficiaient d’un contrat d’emplacement annuel à l’année pour une occupation précaire et saisonnière qu’ils y étaient à demeure.

L’étude de la situation des propriétaires mentionnés comme résidents permanents dans la mise en demeure et / ou le congé ne le démontre pas davantage.

Ainsi :

1 – Madame Q Y, propriétaire du mobil home à l’emplacement n° 70, a bénéficié à compter du 10 août 2010 – soit avant la notification du congé – d’un logement à titre onéreux dans l’hôtel cadre du 17e groupe d’artillerie de Biscarrosse et avait été hébergé antérieurement par son ex mari qui atteste que le mobil home leur servait pendant les fins de semaine et les vacances.

2 – Monsieur et Madame R A, propriétaires du mobil home à l’emplacement n° 84 étaient domiciliés depuis 1980 sur la commune du XXX.

3 – Madame S Z, propriétaire du mobil home à l’emplacement n° 83, était inscrite sur les listes électorales de la commune de F et y avait acquitté la taxe d’habitation et la redevance audiovisuelle de l’année 2009.

4 – Les époux T G et U V, propriétaires du chalet n° 25 avaient leur résidence familiale à W AA ( 82 ), commune dans laquelle Monsieur G gérait un gîte de vacances, y acquittaient la taxe d’habitation, la redevance audiovisuelle et la taxe foncière de l’année 2009 outre des dépenses d’énergie dans le cadre d’un échéancier avec EDF Bleu Ciel en 2010.

5 – Monsieur C et Madame H, propriétaires du chalet n° 40 ne pouvaient pas être considérés comme étant domiciliés de façon permanente sur le camping à défaut de toute pièce le démontrant.

Par ailleurs, les termes du courrier que Monsieur T G a adressé le 22 avril 2010 en qualité de président de l’association des Propriétaires des Habitations Légères de Loisir du camping Latécoère au maire de BISCARROSSE pour obtenir des éclaircissements sur le devenir du camping et pour signaler que la plupart des propriétaires avait acquis ces chalets, ' afin de passer une retraite paisible dans sa commune, et ce pour certains depuis plus de 12 ans', n’est pas suffisamment explicite sur le caractère, permanent ou non, de l’occupation des chalets et ne vise aucune personne dénommée.

Le maintien sur le site postérieurement au 15 mars 2011, date d’effet du congé, de six de ces chalets, dont ceux de Monsieur et Madame AB ACK (n°31), de Monsieur et Madame AD AE (n°32), de Monsieur C et Madame I (n°30) et de Monsieur et Madame T G (n°33), jusqu’à leur démontage par 1'entreprise RABIER à l’initiative de la SARL SURCOUF VACANCES, précédé d’un constat d’huissier dressé le 5 juin 2012 à la demande de cette dernière ne démontre rien des conditions d’occupation antérieure desdits chalets.

Contrairement à ce que soutient la Ville de BISCAROSSE, les déclarations des personnes sus désignées affirmant qu’elles vivent dans leurs chalets ou mobil home à l’année sont démenties par la suite de leurs propos par lesquels elles affirment qu’elles ' aiment beaucoup se retrouver tous les week ends et les vacances entre amis’ ( Mme Z ).

Seuls finalement Monsieur et Madame AF B, propriétaires du chalet n° 41, ont reconnu dans le courrier qu’ils ont adressé au maire de la commune le 1er juin 2010 qu’ils avaient acheté l’année précédente un chalet dans le camping pour y vivre leur retraite.

Cependant, même si cette occupation permanente contrevient aux dispositions légales sus énoncées, il n’en demeure pas moins qu’elle demeure isolée en nombre et que le premier juge a fort justement considéré qu’elle ne pouvait pas constituer à elle seule un motif suffisamment grave pour justifier la privation de la SARL SURCOUF VACANCES de toute indemnité d’éviction.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a reconnu le droit à l’octroi d’une indemnité d’éviction à la SARL SURCOUF.

***

L’indemnité d’éviction doit réparer le préjudice causé au locataire par le défaut de renouvellement : tout le préjudice mais rien que le préjudice.

En l’espèce, subsidiairement, la Ville de Biscarrosse ne conteste pas à la SARL SURCOUF en liquidation judiciaire, le principe de l’octroi d’une indemnité d’éviction.

Elle ne sollicite que la limitation de cette indemnité à la seule valeur du droit au bail.

Fort justement, le premier juge a fait droit à cette demande en expliquant qu’en raison de sa cessation d’activité, la SARL SURCOUF ne pouvait prétendre qu’à une indemnité principale limitée à la valeur du droit au bail, à l’exclusion de toutes indemnités accessoires.

L’expertise complémentaire pour déterminer la valeur du droit au bail sera confirmée, en l’absence de tout élément versé aux débats pour ce faire ; les évaluations faites par les deux experts amiables étant discutées par les parties.

La valeur du droit au bail sera estimée au 3 juillet 2012, jour où il est établi officiellement par constat d’huissier dressé à la requête de la SARL SURCOUF qu’il n’existe plus aucun chalet et aucun mobil home sur le terrain, à l’exception des chalets municipaux ; l’ordonnance de référé en date du 6 septembre 2011 ayant dénié tout intérêt à agir à la SARL SURCOUF pour faire expulser les récalcitrants n’étant pas produite aux débats.

Le jugement attaqué sera donc infirmé de ce chef.

II – SUR LES LOYERS ET LES TRAVAUX DE REMISE EN ETAT :

En l’absence de toute preuve de paiement, la dette privilégiée de loyers de la SARL SURCOUF VACANCES s’établit de la façon suivante :

.reliquat sur loyer 2005 : 1 983,00 €,

.reliquat sur loyer 2006 : 2 931,44 €,

.reliquat sur loyer 2008 : 240,00 €,

.loyer 2010 dû : 87 877,60 €,

.loyer 2011 dû : 15 548,00 €,

.prorata temporis loyer 2012 dû : 50 424,79 €,

Total : 159 004,83 €.

De même, à défaut de toute preuve de paiement, la dette chirographaire d’accessoires des loyers – ordures ménagères – de ladite SARL s’établit de la façon suivante :

.redevance OM 2008 : 552,19 €,

.redevance OM 2009 : 3 816,77 €,

.redevance OM 2010 : 2 952,12 €,

.redevance OM 2011 : 181,02 €,

Total : 7 502,10 €.

Maître X es qualités sera condamné à verser les sommes de 159 004,83 € et de 7 502,10 € à la commune de BISCARROSSE.

***

Le constat d’huissier de justice dressé le 3 juillet 2012 démontre qu’à compter de cette date le terrain de camping était libre de toute occupation du chef de la SARL SURCOUF VACANCES.

Cette dernière en a avisé la mairie par courrier du 3 septembre 2012 après avoir fait déposer dans ses locaux le constat dès le 10 juillet 2012 et en avoir fait également parvenir une copie à l’avocat de la commune ; commune qui a toujours fait la sourde oreille pour officialiser et consacrer formellement la restitution des lieux.

Ainsi, au jour pré-cité, les lieux, parfaitement vidangés par la locataire, ont été restitués à la commune qui ne démontre pas que les dégradations qu’elle reproche à la SARL SURCOUF lui sont effectivement imputables.

En effet, elle n’établit pas que le 3 juillet 2012, les lieux n’étaient pas en état de réparations locatives et que de surcroît au 19 septembre 2013 – date du constat d’huissier qu’elle a fait dresser aux fins de description de l’état des lieux loués – la locataire était responsable des dégradations qu’elle lui reproche alors que la restitution les lieux était intervenue plus d’un an auparavant.

En conséquence, la commune de BISCARROSSE sera déboutée de l’intégralité de ses demandes formées de ce chef et le jugement attaqué sera confirmé.

***

Aucune compensation ne sera ordonnée entre l’indemnité d’éviction qui n’est pas encore liquide et la dette de loyers et accessoires dans la mesure où les règles de la procédure collective prévalent sur celles des contrats et que l’absence de créanciers ayant un meilleur rang que le bailleur des lieux et pouvant de ce fait le primer n’est pas établie.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

III – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

A – Sur les dommages intérêts :

Comme il a été jugé précédemment, la Commune de Biscarrosse n’a jamais renoncé au congé sans indemnité d’éviction qu’elle avait fait délivrer .

Son refus de régler la somme de 419 000 € n’est donc pas abusif.

De ce fait, le préjudice subi par la SARL SURCOUF n’est pas démontré.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

B – Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dépens d’appel seront partagés par moitié entre parties.

***

Il convient de débouter les parties de leur demande respective formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

Confirme le jugement prononcé le 18 février 2015 par le tribunal de grande instance de MONT DE MARSAN sauf en ce qu’il a :

. dit que l’indemnité d’éviction devait être estimée au 19 septembre 2013,

. ordonné la compensation judiciaire de sa dette au titre de l’indemnité d’éviction, non encore liquide, avec sa créance connexe au titre des loyers et charges telle qu’elle sera fixée dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SARL SURCOUF VACANCES,

Infirmant de ces derniers chefs,

Statuant à nouveau,

Dit que l’indemnité d’éviction sera estimée au 3 juillet 2012,

Condamne Maître X es qualités de liquidateur de la SARL SURCOUF VACANCES à verser à la commune de BISCARROSSE les sommes de 159 004,83 € au titre des loyers impayés jusqu’au 3 juillet 2012 et de 7 502,10 € au titre des ordures ménagères jusqu’en 2011 inclus,

Déboute la Ville de BISCAROSSE de sa demande de compensation entre l’indemnité d’éviction et les dettes de loyers et accessoires,

Déboute les parties de leur demande respective formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Partage par moitié entre les parties les dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame DIXIMIER, Conseiller, par suite de l’empêchement de Madame J

, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame K,

Greffier, conformément aux dispositions de l’article 456 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, Pour LE PRÉSIDENT empêché,

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Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 24 juillet 2017, n° 15/02484