Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 29 mai 2019, n° 17/01959

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 29 mai 2019, n° 17/01959
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 17/01959
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de La Rochelle, 8 mai 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ASDB/PR

ARRET N° 312

N° RG 17/01959

N° Portalis DBV5-V-B7B-FGJ2

X

C/

SA GENERALI VIE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 29 MAI 2019

Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 mai 2017 rendu par le Conseil de Prud’hommes de LA ROCHELLE

APPELANT :

Monsieur D X

né le […] à […]

[…]

[…]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉE :

SA GENERALI VIE

N° SIRET : 602 062 481

[…]

[…]

Ayant pour avocat postulant Me Brice KERLEAU, avocat au barreau de POITIERS

Et pour avocat plaidant Me Antoine SAPPIN de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 11 septembre 2018, en audience publique, devant :

Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean ROVINSKI, Président

Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller

Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Inès BELLIN

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile que l’arrêt serait rendu le 24 octobre 2018. A cette date, le délibéré a été prorogé à la date de ce jour.

— Signé par Monsieur Jean ROVINSKI, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur X a été recruté par la société Generali en qualité de responsable de secteur aux termes d’un contrat de travail du 1er décembre 1997.

Au dernier état de la relation, à partir du 1er juin 2012, Monsieur X a exercé les missions d’Inspecteur Manager Performance, statut cadre.

La convention collective nationale applicable est celle de l’inspection d’assurance du 27 juillet 1992.

Par courrier du 10 mars 2015, Monsieur X a été convoqué à un entretien, par la direction de la société Generali Vie, afin d’échanger sur ses résultats.

Monsieur X a été placé en arrêt de travail pour maladie du 13 juin au 31 juillet 2015 et du 21 septembre au 2 octobre 2015.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 octobre 2015, la société Generali Vie a convoqué Monsieur X à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 novembre 2015.

A la demande du salarié et dans le cadre de l’article 66 de la convention collective nationale de l’inspection d’assurance du 27 juillet 1992, lorsqu’un licenciement pour insuffisance professionnelle est envisagé, le 'Conseil’ prévu à l’article 66 de la convention collective a été réuni le 16 novembre 2015.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 novembre 2015, la société Generali Vie a licencié Monsieur X pour insuffisance professionnelle et l’a dispensé d’exécuter son préavis de 3 mois.

— 

Le 29 février 2016, M. X a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement.

Par jugement du 9 mai 2017, le conseil de prud’hommes de La Rochelle a :

— dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur X par la SA Generali Vie est abusive ;

— condamné cette dernière à verser à Monsieur X les sommes de 27.820 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné le remboursement par la société Générali Vie aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite d’un mois d’indemnités de chômage ;

— condamné la société Generali Vie aux dépens de l’instance.

Le 7 juin 2017, M. X a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions du 21 novembre 2017, Monsieur X sollicite de la cour qu’elle :

— réforme le jugement entrepris quant au quantum des indemnités qui lui ont été allouées ;

— qu’elle confirme le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu abusif son licenciement ;

— condamne la société Generali Vie à lui payer les sommes suivantes :

* 75.725 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse;

* 69.568,20 euros pour licenciement dans des conditions abusives et vexatoires et pertes de rémunération ;

* 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— assortisse l’ensemble des condamnations de l’intérêt légal et prononce la capitalisation des intérêts ;

— condamne la société Generali Vie aux dépens.

Par conclusions transmises au greffe de la cour le 31 octobre 2017, la société Generali Vie demande à la cour :

— d’infirmer le jugement entrepris, de constater que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de ses demandes ;

— à titre reconventionnel, de condamner l’appelant à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

— à titre subsidiaire, de confirmer le jugement entrepris et de ramener les dommages et intérêts alloués à Monsieur X à de plus justes proportions soit à 6 mois de salaires (27.820 euros bruts).

Par ordonnance du 14 août 2018, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure au même jour et renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 11 septembre 2018, tenue par un conseiller rapporteur.

L’affaire a été mise en délibéré au 24 octobre 2018, prorogé au 29 mai 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties (présentés ci-dessous), il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

MOYENS DES PARTIES et MOTIFS DE L’ARRÊT :

I. Sur le principe du licenciement

Monsieur X fait valoir qu’il a toujours donné satisfaction dans ses missions et c’est pourquoi il a été promu à trois reprises au sein de la société Generali ; que pendant 19 ans de carrière aucun incident n’a été à déplorer ; que la société tente de lui reprocher des faits datés de 2011.

Monsieur X ajoute que la société Generali Vie lui a fixé des objectifs déraisonnables et irréalisables compte tenu de l’affectation de certains de ses secteurs à d’autres collaborateurs de l’entreprise et de l’interdiction qui lui a été faite de recruter d’autres collaborateurs ; qu’elle l’a ainsi mis volontairement en difficulté pour ensuite invoquer une prétendue insuffisance professionnelle. Ainsi, il expose que la société Generali Vie s’est abstenue de lui faire part des critères objectifs qualitatifs et quantitatifs retenus, au regard du marché concerné, des produits, de l’organisation commerciale de l’entreprise dans la zone d’activité et des facteurs socio-économiques susceptibles d’avoir affecté les résultats, tels que prévu par la convention collective ; qu’à compter de 2014, la société lui a imposé un objectif augmenté de 9 % par rapport aux trois années précédentes, et ce avec trois collaborateurs en moins ; que des secteurs de prospections lui ont été retirés : Secteur Ile de Ré à compter de juin 2013, Secteur Les Minimes à la Rochelle durant l’année 2015. Il dénonce également le reproche qui lui est fait de ne pas avoir atteint ses objectifs fixés pour avril à août 2015 alors qu’il été absent pour maladie du 13 juin au 31 juillet 2015 puis 15 jours en septembre-octobre 2015.

Il ajoute que l’article 55 de la convention collective nationale de l’inspection d’assurance, applicable en l’espèce, prévoit qu’un entretien doit être organisé au moins une fois par an sur la réalisation des objectifs et que la réalisation desdits objectifs doit faire l’objet d’une analyse qualitative et quantitative aussi objective que possible ; que l’article 57 de la convention collective précise qu’un entretien avec un inspecteur doit avoir lieu en cas d’insuffisance de résultat. Il estime que le procès-verbal de compte rendu de la réunion qui s’est tenue le 16 novembre 2015 est particulièrement éloquent sur cette question.

La société Generali Vie indique que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse, en faisant valoir les éléments chiffrés et non sérieusement contestés contenus dans la lettre de licenciement et en signalant que M. X avait admis ses propres difficultés professionnelles auprès de ses collaborateurs.

Elle soutient que l’insuffisance professionnelle justifie un licenciement pour motif personnel non disciplinaire ; que le délai de prescription du fait fautif ne peut donc s’appliquer ; qu’elle peut dès lors invoquer des faits remontant à 2011, qui attestent de la persistance des carences du salarié.

La société argue de ce que les objectifs fixés à Monsieur X étaient parfaitement réalisables puisqu’ils ont été fixés conformément à l’article 9 de l’accord relatif à la rémunération des inspecteurs managers performance annexé au contrat de travail du salarié ; que le salarié disposait de la possibilité de contester ses objectifs auprès du Responsable Régional mais n’en a jamais fait l’usage ; que les courriers de protestations du salarié sont tous postérieurs à la convocation de celui-ci à

l’entretien du 24 mars 2015 dont l’objectif était d’échanger sur lesdits résultats ; que le salarié avait 3 types d’objectifs différents ; que l’un d’entre eux, l’objectif en 'prime périodique’ a baissé de près de 40 % entre 2013 et 2015 ; qu’il en est de même de l’objectif 'primes uniques’ ; que l’objectif prime Fourgous est similaire pour tous les Inspecteurs managers Performance ; que les secteurs prétendument retirés à Monsieur X étaient en réalité des secteurs blancs c’est-à-dire non attribués à un conseiller commercial en particulier ; qu’il a été interdit à Monsieur X de recruter afin de stabiliser ses effectifs et d’éviter le 'turn-over’ trop important ; que le salarié n’a été absent que durant deux mois au cours de l’année 2015 ; que son arrêt de travail est postérieur à l’entretien du 24 mars relatif à l’insuffisance de résultats.

La société soutient que le salarié a toujours été suivi par sa hiérarchie, qu’il a bénéficié de nombreuses formations pour lui permettre d’occuper son poste d’IMP de façon satisfaisante ; qu’il lui a été proposé d’être rétrogradé afin d’occuper des fonctions au sein desquelles il se sentirait plus à l’aise.

— 

Sur le fondement de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture.

Sur le fondement de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Si un doute subsiste, il profite au salarié, en vertu de l’article L. 1235-1 précité, in fine.

En l’espèce, la lettre de licenciement comporte les motifs suivants :

« […]

Il vous a été reproché au cours de cet entretien une insuffisance professionnelle dans l’exercice de votre fonction d’Inspecteur Manager Performance que vous exercez sur l’Organisation Commerciale La Rochelle.

En qualité d’Inspecteur Manager Performance, vous avez pour rôle de manager les collaborateurs de votre équipe et d’améliorer leurs performances et leurs compétences dans le respect des objectifs du réseau salarié.

Or, les résultats de votre Organisation Commerciale tant en termes de productivité que de co-signatures ne sont pas conformes à vos objectifs et démontrent votre insuffisance professionnelle.

En termes de productivité en nombre d’actes et en nouveaux clients depuis 2011 les résultats obtenus par l’Organisation Commerciale La Rochelle démontrent effectivement que vous n’avez pas réussi votre objectif de performance.

Les résultats ne sont pas en phase avec les objectifs et résultats nationaux. En effet, la productivité moyenne mensuelle de l’Organisation Commerciale (nombre d’actes) sur la période 2011-2014 est de 14,99 en 2011 ; 12,81 en 2012 ; 14,88 en 2013 ; 12,22 en 2014 et à juillet effet août 2015 à 8,26.

Le nombre moyens de nouveaux clients est de 4,9 en 2011 ; 4 en 2012 ; 3,8 en 2013 ; 4,1 en 2014 et 1,96 en juillet effet août 2015.

Par ailleurs, il vous avait été fixé par courrier du mois d’avril 2015 un objectif de productivité de 18,5 actes en moyenne et de 7 nouveaux clients. Les résultats obtenus sont loin de cet objectif. Vous avez réalisé en moyenne 8,35 actes en avril 2015, 7,4 en mai, 9,43 en juin, 6,25 en juillet et 8,26 en août. Pour les nouveaux clients, vos résultats ont été de 4,18 en avril, 2,07 en mai, 1,81 en juin, 1,72 en juillet et 1,96 en août.

Je vous rappelle également qu’il vous avait été fixé comme objectif, dans un courrier du 13 avril 2015, d’obtenir une productivité de 19 contrats sur les mois de avril à juin pour deux de vos collaborateurs (Messieurs Y et Z) et de 15 actes pour deux autres (Messieurs A et B). Or, cet objectif n’a pas été atteint.

Monsieur Z a eu une productivité de :

• 5,5 actes en avril 2015 ;

• 10,5 en mai 2015 ;

• 9,5 en juin 2015 ;

• 10 en juillet 2015 ;

• 4 en août 2015.

Monsieur Y a eu une productivité de :

• 6,5 actes en avril 2015 ;

• 1 en mai 2015, 3,5 en juin 2015 ;

• 0 en juillet 2015

• 0 en août 2015.

Monsieur A a eu une productivité de :

• 7 actes en avril 2015 ;

• 6,5 en mai 2015 ;

• 12,5 en juin 2015 ;

• 7 en juillet 2015 ;

• 11 en août 2015.

Monsieur B a eu une productivité de :

• 18 actes en avril 2015 ;

• 8 en mai 2015 ;

• 7 en juin 2015 ;

• 17 en juillet 2015 ;

• 7 en août 2015.

Vous n’êtes donc pas au rendez-vous de l’attendu concernant votre objectif de management.

Par ailleurs, en termes de co-signatures les résultats que vous avez obtenus ne sont pas en phase avec les attendus de la Direction et vos objectifs de performance.

Il vous avait été notamment demandé d’avoir une activité de co-signatures à 12 contrats pour les mois d’avril, mai et juin 2015. Or, vos résultats sont très éloignés de cet objectif :

• en mars 2015 effet avril, votre moyenne de co-signatures était à 1,2 ;

• en avril 2015 effet mai, elle était à 2,38 ;

• en mai 2015, effet juin, elle était à 5,13 ;

• en juin 2015 effet juillet, elle était à 5,64 ;

• en juillet 2015 effet août, elle était à 6,18 ;

• et pour rappel à fin octobre 2014, votre moyenne en co-signatures était à 4,55. »

Votre insuffisance et vos carences ont été portées à votre connaissance à plusieurs reprises. Elles ont donné lieu à de nombreux échanges avec votre hiérarchie, formalisés ou non. Ainsi, sans que cette liste soit exhaustive, on peut citer :

• un entretien du 19 avril 2013 avec votre Responsable Régional ayant donné lieu à un courrier daté du 30 avril 2013 ;

• l’Entretien Annuel Professionnel du 10 décembre 2013 avec votre Inspecteur Manager Développement

• un entretien le 24 janvier 2014 avec votre Responsable Régional ;

• un entretien le 19 juin 2014 avec votre Inspecteur Manager Développement ;

• un entretien le 4 septembre 2014 avec votre Inspecteur Manager Développement ;

• un entretien le 14 octobre 2014 avec votre Inspecteur Manger Développement ayant donné lieu à un courrier le 21 octobre 2014 ;

• un entretien le 24 mars 2015 avec le Directeur du Réseau Commercial ayant donné lieu à un courrier daté du 13 avril 2015.

[…]

M. X a occupé des fonctions d’Inspecteur Manager Performance à compter du 1er juin 2012, chargé de l’Organisation Commerciale (OC) 'La Rochelle'. Il était auparavant, et ce depuis le 1er juin 2010, chargé de mission d’animation sur cette inspection de 'La Rochelle'.

Il résulte des pièces versées que ses résultats étaient souvent inférieurs aux attentes de son employeur (d’environ 17% pour l’objectif 'prime périodique’ en 2013, 37 % en 2014 ; d’environ 23 % pour l’objectif 'prime unique’ en 2014) mais parfois aussi supérieurs (d’environ 25 % pour l’objectif 'primes uniques’ en 2013).

Le fait que M. X n’ait pas souhaité recourir à l’arbitrage de son responsable régional s’agissant de la détermination des objectifs qui lui étaient fixés n’est pas suffisant pour établir leur caractère réaliste.

Il est regrettable à cet égard de ne pas disposer des objectifs assignés à une Organisation Commerciale comparable et des objectifs assignés à l’OC La Rochelle au cours de quelques années précédant la prise de fonctions de M. X.

Les chiffres de l’OC La Rochelle ont varié tant à la hausse qu’à la baisse entre 2011, époque à laquelle M. X n’était que chargé de mission d’animation, et 2015. Ainsi, si une diminution de la productivité est relevée entre 2011 et 2012, puis entre 2013 et 2014, il est également noté que M. X a su améliorer le nombre d’actes entre 2012 et 2013. Les résultats de l’année 2015 sont difficilement appréciables en raison de l’arrêt maladie relativement important de M. X (1 mois et demi en juin-juillet) et du fait que les chiffres ont été calculés sur une année incomplète (janvier à juillet-août).

S’agissant des co-signatures, il apparaît peu pertinent d’apprécier la compétence professionnelle de M. X sur les seuls mois de mars à août 2015. A supposer que cette courte période puisse être

significative, il est relevé certes une insuffisance nette de la moyenne obtenue par rapport à l’objectif fixé mais également une augmentation régulière de cette moyenne.

Par ailleurs, il est noté que ces chiffres résultent de l’agrégation des résultats obtenus par les collaborateurs placés sous son autorité, dont il doit assurer le management. Or à cet égard, les pièces produites mettent en évidence que M. X avait 6 collaborateurs en 2011 et 5 en octobre 2014 ; qu’un turn-over important a caractérisé cette période puisque 5 recrutements ont été effectués ; que l’année 2013 en particulier a été caractérisée par trois départs de collaborateurs, l’embauche d’un collaborateur et des arrêts de travail significatifs ; qu’en 2015 l’un des collaborateurs de M. X était en abandon de poste et souhaitait partir dans le cadre d’une rupture conventionnelle, selon les indications de M. C lors de la réunion du Conseil en novembre 2015, indications non commentées par l’employeur dans ses conclusions. Il est également noté qu’en 2013, 3 des 5 collaborateurs de M. X ont eu une année difficile selon l’évaluation professionnelle de M. X, sans que les débats permettent de déterminer la nature de ces difficultés et, le cas échéant, le rôle de M. X dans leur survenue ou leur persistance.

Par ailleurs, il ressort de son évaluation 2013 que cette année-là le territoire de l’Organisation Commerciale de M. X a été réduit, passant de 8 à 7 secteurs, celui de l’île de Ré lui étant retiré. Il ressort également des débats qu’en mars 2015 il s’est vu privé de la possibilité de travailler sur le secteur 'blanc’ (c’est-à-dire sans affectation à une Organisation Commerciale particulière) de La Rochelle – les Minimes, secteur qui a été rattaché à une Organisation Commerciale voisine. Cette dernière modification, manifestement décidée en mars 2015 et sans qu’il en soit informé directement, au vu des courriels adressés par M. X à sa hiérarchie les 25, 27 mars et 10 avril 2015, ne pouvait qu’être particulièrement déstabilisante alors que des objectifs de performance venaient de lui être fixés lors de l’entretien du 24 mars 2015 avec le directeur en charge du réseau salarié, dans le cadre de l’article 57 de la convention collective nationale de l’inspection d’assurance du 27 juillet 1992, au motif de l’insuffisance des résultats obtenus au plan qualitatif et quantitatif.

Dans ce contexte, l’appréciation de ses résultats sur les années 2011-2015 et en particulier sur les mois d’avril-mai-juin 2015 apparaît biaisée.

Bien que M. X ait été transparent avec ses collaborateurs, placés sous son autorité, sur ses difficultés professionnelles, ces éléments ne permettent pas de caractériser une insuffisance professionnelle, a fortiori une insuffisance professionnelle suffisamment sérieuse de M. X pour justifier un licenciement, étant en outre fait remarquer que la chronologie des évènements en mars-avril 2015 (entretien sur sa performance et retrait d’un secteur) n’a pu être qu’un frein aux ambitions affichées.

Il est donc considéré que le licenciement de M. X est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

II. Sur les conséquences du licenciement

Tout en indiquant que l’ordonnance du 22 septembre 2017 n’est pas applicable en l’espèce, Monsieur X fait valoir que ce référentiel prévoit une indemnité de 15 mois de salaire maximum dès lors qu’il dispose d’une ancienneté de 18 ans et fait remarquer qu’il n’en demande que 12,5 en application des décrets n°2016-1581 et 2016-1582 du 23 novembre 2016. Il ajoute que les retraits successifs de ses secteurs lui ont causé une perte de rémunération en dépit de ses qualités professionnelles indéniables ; qu’en 2011 il percevait des revenus mensuels moyens de 6.058 euros alors qu’en 2015 il ne percevait plus que 3.709, 95 euros ; que la société l’a placé volontairement dans une situation difficile ; qu’il convient donc de se baser sur ses revenus de 2011 pour calculer le montant de son indemnité.

Monsieur X ajoute qu’il est fondé à réclamer des dommages et intérêts en raison du licenciement infondé et vexatoire dont il a fait l’objet ; que la société a précipité son licenciement ;

qu’il n’a jamais fait l’objet de reproche dans le passé ; qu’il a été dispensé d’effectuer son préavis dans le cadre d’un licenciement abusif ; que l’insuffisance alléguée est le résultat des agissements de l’employeur dès lors que celui-ci a réduit son secteur de marchandage et ses collaborateurs tout en augmentant les objectifs fixés ; qu’il a 18 ans d’ancienneté ; que la perte de ces secteurs lui a causé une baisse importante de rémunération, soit une perte globale de 69.568, 20 euros. Il ajoute que depuis son licenciement il n’a retrouvé que trois mois de travail entre le 9 mai et le 7 juillet 2017. Il fait également valoir que le comportement de son employeur a provoqué son arrêt maladie pour déséquilibre tensionnel symptomatique.

La société Generali Vie fait valoir que le salaire de référence du salarié n’a pas à être fixé en référence aux salaires de 2011 et doit être fixé à la somme de 4.636,79 euros bruts ; qu’il a droit à une indemnité égale à 6 mois de salaire en vertu de L 1235-3 du code du travail ; qu’au-delà il lui appartient de prouver l’existence d’un préjudice, ce qu’il ne fait pas. Elle estime que les indemnités réclamées par le salarié au titre de la réparation de son licenciement pour absence de cause réelle ni sérieuse et pour rupture vexatoire impliquent la double indemnisation d’un même préjudice ; qu’au regard de l’article L.1235-3 du code du travail modifié par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 il a droit à une indemnité plafonnée entre 3 et 14,5 mois et alors qu’il en réclame 32. Elle ajoute qu’il a retrouvé un emploi dès le mois de mai 2016, à peine deux mois après l’issue de son préavis non exécuté.

— 

1. Sur le fondement de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 24 septembre 2017, l’indemnité due par l’employeur au salarié licencié pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.

Ainsi, en l’espèce, il n’y a pas lieu de prendre comme référence les salaires perçus en 2011 mais bien ceux des 6 mois précédant la notification du licenciement.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (29.134, 46 euros de rémunération brute entre mai et octobre 2015 inclus, soit une moyenne de 4.856 euros brut), de son ancienneté (18 ans), de son âge (43 ans à l’époque du licenciement), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de faire droit à sa demande en paiement de 75.725 euros de dommages et intérêts.

2. M. X ne démontre pas une intention délibérée de la société Generali vie de nuire à son salarié à travers ses décisions de retrait de secteurs et diminution du nombre de collaborateurs. En revanche, le fait qu’elle ait licencié M. X avec dispense de préavis, entraînant de fait un départ immédiat de l’entreprise dans laquelle il avait travaillé 18 ans sans qu’aucun reproche sérieux ne puisse lui être fait, présentait un caractère brutal et par suite, fautif, qui a entraîné chez le salarié un préjudice moral manifeste et distinct de celui résultant de son licenciement, justifiant l’allocation de 2.000 euros de dommages et intérêts.

3. Les sommes allouées, de nature indemnitaire, portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision. Aucun motif ne justifie en revanche de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts.

III. Sur le remboursement des indemnités chômage

En vertu de l’article L. 1235-4 du code du travail dans sa version actuellement en vigueur et dans le cas prévu à l’article L. 1235-3, applicable en l’espèce, 'le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées'.

La décision de première instance est confirmée sur ce point.

IV. Sur les dépens et les frais irrépétibles

En qualité de partie succombante pour l’essentiel, la société Generali vie est condamnée aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.

Par suite, la société Generali vie est condamnée à payer à M. X la somme de 2.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en supplément de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a condamné la société Generali vie à payer à M. X la somme de 27.820 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Statuant à nouveau :

Condamne la société Generali vie à payer à M. X la somme de 75.725 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Et y ajoutant,

Condamne la société Generali vie à payer à M. X la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

Décide que les sommes allouées portent intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute M. X de sa demande de capitalisation des intérêts ;

Condamne la société Generali vie aux dépens d’appel ;

Condamne la société Generali vie à payer à M. X la somme de 2.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d’appel ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 29 mai 2019, n° 17/01959