Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 18 mai 2021, n° 19/02060

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 1re ch., 18 mai 2021, n° 19/02060
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 19/02060
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Niort, 5 mai 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°293

N° RG 19/02060 – N° Portalis DBV5-V-B7D-FYUT

Société MIC INSURANCE

C/

X

Z

Y

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1re Chambre Civile

ARRÊT DU 18 MAI 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/02060 – N° Portalis DBV5-V-B7D-FYUT

Décision déférée à la Cour : jugement du 06 mai 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NIORT.

APPELANTE :

Société MIC INSURANCE compagnie d’assurance de droit étranger, représentée en France par son mandataire la société SAS LEADER UNDERWRITING

[…]

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Emmanuel PERREAU, avocat au barreau de Paris substitué par Me Maxime DONY, avocat au barreau de Paris

INTIMES :

Monsieur A X

né le […] à […]

[…]

[…]

Madame B Z

née le […] à Saint-Maur-des-Fossés

[…]

[…]

ayant tous les deux pour avocat Me Eric DABIN de la SELARL ERIC DABIN, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

Madame C Y agissant en qualité de gérante de la SARL Sol Résine Prestige

née le […] à […]

[…]

[…]

ayant pour avocat Me Frédérique PASCOT de la SCP GAND-PASCOT, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Mars 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre qui a présenté son rapport

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur A MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

A X et B Z ont confié en 2014 à la SARL Sol Résine Prestige des travaux d’application d’une résine sur la terrasse de leur maison du quai Métayer à Niort.

Déclarant avoir déploré des infiltrations dès la fin de l’été 2015 au plafond des pièces situées sous cette terrasse, ils ont demandé la réparation de leur préjudice à la société Millenium Insurance

Company, assureur de l’entreprise entre-temps placée en liquidation judiciaire.

La compagnie a refusé sa garantie au motif que les travaux exécutés par son assurée était des travaux d’étanchéité, exclus de sa garantie.

Les consorts X/Z l’ont alors fait assigner devant le tribunal de grande instance de Niort, par acte du 28 juin 2017, pour l’entendre condamner à les indemniser de leur préjudice.

Ils ont ensuite fait assigner à même fin par acte du 29 mars 2018 C Y, gérante de la société en liquidation judiciaire Sol Résine Prestige, en recherchant sa responsabilité personnelle pour n’avoir pas fait souscrire à l’entreprise une assurance couvrant les travaux qu’elle avait accepté de réaliser chez eux.

Dans le dernier état de leurs prétentions, ils sollicitaient la condamnation in solidum des défendeurs à leur payer :

-34.892,42 euros TTC au titre des travaux de remise en état

-5.000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance.

Ils sollicitaient subsidiairement une expertise pour le cas où la juridiction n’estimerait pas suffisamment probants de leur préjudice matériel les trois devis de réfection qu’ils produisaient.

La société de droit étranger Millenium Insurance Company (MIC) a maintenu que les travaux d’étanchéité étaient exclus du champ de sa garantie, et en réponse au moyen adverse, elle a soutenu que cette exclusion ressortait de façon claire et précise de son attestation d’assurance.

Mme Y n’a pas comparu.

Par jugement du 6 mai 2019, prononcé sous exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Niort a :

*dit que la société Millenium Insurance Company a engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de A X et B Z pour n’avoir pas établi d’attestation d’assurance suffisamment claire et précise

* dit que Mme C Y a engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de A X et B Z pour n’avoir pas veillé à ce que l’entreprise dont elle était la gérante soit effectivement couverte par une assurance obligatoire

* condamné in solidum la société Millenium Insurance Company et Mme Y à payer à A X et B Z :

-32.864,17 euros en réparation de leur préjudice matériel

-2.500 euros en réparation de leur trouble de jouissance

-2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

*condamné in solidum la société Millenium Insurance Company et Mme Y aux dépens de l’instance.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu, en substance,

.que l’attestation d’assurance établie par la compagnie MIC ne permettait pas de savoir que la pose d’une résine n’était pas couverte lorsqu’elle se faisait à des fins d’étanchéité

.que la gérante de la société Sol Résine Prestige avait commis une faute personnelle détachable de ses fonctions et engageant sa responsabilité personnelle en ne faisant pas en sorte que l’entreprise fût couverte en décennale pour l’activité réalisée chez les demandeurs

.que deux des trois devis produits par les consorts X/Z étaient utiles et probants, celui afférent à l’installation électrique devant être écarté faute de preuve de la nécessité de refaire cette installation du fait des infiltrations litigieuses

.que le préjudice de jouissance des maîtres de l’ouvrage était avéré.

La société MIC Insurance a relevé appel le 12 juin 2019.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique

* le 4 juin 2020 par la société MIC Insurance

* le 12 mai 2020 par A X et B Z

* le 9 décembre 2019 par C Y agissant en qualité de gérante de la SARL Sol Résine Prestige.

La société MIC Insurance demande à la cour de juger que sa police n’est pas mobilisable parce que les demandeurs ne rapportent pas la preuve de la responsabilité de Sol Résine Prestige, ni d’un lien entre les travaux de celle-ci et les désordres et préjudices allégués. Elle fait valoir au regard de l’article 9 du code de procédure civile et de l’article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que les demandeurs ne rapportent pas valablement la preuve des désordres qu’ils allèguent et des préjudices qu’ils invoquent, une simple expertise ne pouvant à elle seule fonder une responsabilité et des condamnations, quand bien même l’expert qu’elle avait mandaté assistait aux opérations. Elle conteste le caractère probant des devis produits par les demandeurs.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de dire que l’attestation d’assurance qu’elle a délivrée est claire et précise, qu’elle n’a pas engagé à ce titre sa responsabilité délictuelle, et de débouter en conséquence les consorts X/Z des demandes qu’ils dirigent contre elle sur ce fondement. Elle fait valoir que contrairement à la situation de la jurisprudence sur laquelle le premier juge s’est appuyé, son attestation listait les activités couvertes, et respectait donc les articles A.243-2 et A.243-5 du code des assurances, et elle proteste sur la production tronquée qu’en ont faite les demandeurs. Elle indique qu’un assureur n’a nulle obligation de faire figurer dans ses attestations les limites et exclusions de sa garantie. Elle ajoute que les demandeurs ne prouvent pas le lien de causalité entre la faute qu’ils lui imputent et le préjudice qu’ils invoquent, c’est-à-dire qu’ils ne démontrent pas qu’ils n’auraient pas confié les travaux à l’entreprise, qui avait pu les séduire par ses tarifs attractifs. Elle estime que seule la responsabilité de la gérante est susceptible d’être engagée.

Elle sollicite plus subsidiairement le rejet de la demande d’expertise et de la réclamation au titre d’un préjudice de jouissance qui n’est jamais couvert par la police décennale.

En toute hypothèse, elle réclame 3.000 euros à tous succombants.

A X et B Z sollicitent la confirmation du jugement sauf quant au montant des réparations allouées, et reprenant par voie d’appel incident leurs demandes de première

instance, ils réclament à MIC Insurance et à Mme Y in solidum 34.892,42 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise et 5.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance.

Ils maintiennent que la responsabilité délictuelle de l’assureur est engagée en raison de l’extrême imprécision de son attestation d’assurance ; ils récusent l’argument de l’appelante tirée de ce qu’il leur était loisible d’aller consulter la nomenclature pour en savoir plus. Ils affirment qu’ils n’auraient jamais confié les travaux à cette entreprise s’ils avaient su qu’elle n’était point assurée pour sa responsabilité décennale au titre des prestations commandées.

Ils font valoir qu’il est inopérant, pour Mme Y, d’invoquer la procédure collective de Sol Résine Prestige puisqu’elle est recherchée pour faute personnelle détachable de ses fonctions de gérant.

Ils demandent subsidiairement à la cour d’ordonner une expertise si elle le juge nécessaire

Ils sollicitent en toute hypothèse 2.000 euros d’indemnité de procédure.

C Y agissant en qualité de gérante de la SARL Sol Résine Prestige demande à la cour par voie d’appel incident d’infirmer le jugement et de rejeter toute demande dirigée à son encontre.

À titre préliminaire, elle demande à être mise hors de cause en soutenant que seule la responsabilité de l’entreprise aurait pu être recherchée, à condition pour les demandeurs de déclarer leur créance au passif de la procédure collective, et dans le délai requis, ce qui n’est pas le cas.

Elle déclare s’associer aux contestations de la compagnie MIC quant à l’absence de preuve admissible de l’imputabilité des infiltrations aux travaux exécutés par l’entreprise.

À titre subsidiaire, elle estime que la police décennale souscrite auprès de MIC couvre bien les prestations réalisées, qui n’étaient pas selon elle des travaux d’étanchéité

Elle conteste avoir commis une faute personnelle.

En toute hypothèse, elle réclame 3.000 euros d’indemnité de procédure.

L’ordonnance de clôture est en date du 11 février 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* sur la réalité et la nature des désordres

Les consorts X/Z rapportent la preuve des désordres qu’ils allèguent en démontrant la présence d’infiltrations en provenance de la terrasse au plafond du garage et des chambres qui sont situés au dessous de cette terrasse.

Contrairement à ce que soutient la compagnie MIC Insurance, les demandeurs ne fondent pas leurs prétentions exclusivement sur l’expertise réalisée à leur demande, à laquelle a participé un expert par elle mandaté.

Cette expertise décrit, en effet, des auréoles au plafond du garage et, par temps de pluie -reconstitué par un test à l’eau- un écoulement permanent de type goutte-à-goutte à l’intérieur. Elle consigne des taux d’humidité élevés sur la cloison de doublage de la chambre attenante au garage (cf pièce n°3).

Les demandeurs produisent aussi (leur pièce n°18) un procès-verbal de constat dressé le 22 février 2018 dans la maison par un huissier de justice, où il est consigné :

— dans le garage la présence de nombreuses taches, auréoles et traces d’écoulement à divers endroits sur le plan du mur où se trouve le tableau électrique, et noté que la plaque murale sur laquelle est fixé ce tableau électrique est gonflée et gondole, avec un revêtement de bois pourri et légèrement humide qui se désagrège facilement

— dans le dégagement desservant le garage, la cave et les chambres situées sous la terrasse, une peinture du plafond qui est cloquée voire s’écaille, avec la présence de seaux et serpillières pour récolter les écoulements

— dans les chambres, des désordres sur le revêtement des murs et plafonds des deux chambres situées sous la terrasse, la peinture de la chambre occupée par Mme Z étant dégradée avec présence de cloques, traces d’humidité et d’infiltrations, et la chambre d’enfant présentant des dégradations de plus grande ampleur avec également des taches et fissures avec des traces en forme d’auréoles et un revêtement du mur fortement dégradé en partie basse, et la présence d’un déshumidificateur d’air dans cette pièce

— dans la cave, de l’eau qui perle et goutte du plafond en continu, et des traces d’écoulement visibles par endroits

Ils produisent également (pièces 15, 15 bis, 15 ter) des clichés photographiques montrant des auréoles au plafond du garage, manifestement noirci par l’humidité.

Ils versent enfin aux débats une attestation du médecin de famille certifiant la présence d’humidité dans la chambre de l’enfant, allergique et susceptible d’en éprouver des complications pulmonaires.

Ces éléments concordent pour prouver, sans nécessité donc de recourir à une expertise judiciaire, que le revêtement de la terrasse, dont il est constatant qu’il avait été réalisé en résine par l’entreprise Sol Résine Prestige, laisse passer l’eau qui s’infiltre à l’intérieur du bâtiment.

Au vu de l’importance des infiltrations, des dégâts qu’elles causent dans des pièces à vivre, de la dangerosité -consignée par l’expertise amiable contradictoire- de l’humidité affectant le support du tableau électrique, et de la forte humidité affectant les chambres, il s’agit de désordres qui affectent un élément du couvert de la maison soit sa terrasse qui fait office de toit pour une partie du bâtiment, et qui compromettent la destination d’habitation de l’immeuble, et, donc de désordres engageant la responsabilité décennale du locateur d’ouvrage.

* sur la dénégation de garantie opposée par MIC Insurance

Il ressort des productions, notamment du devis et du bon de commande (pièces n°3 et 1) et des indications du rapport d’expertise, que la prestation réalisée par l’entreprise Sol Résine Prestige a consisté, après démolition du revêtement existant et décaissement du dallage existant, à appliquer sur l’ensemble de la terrasse existant en façade avant de la maison -soit 95 m²- une résine de type 'Marbrisol’avec une protection du système d’étanchéité et une finition de type gravillons agglomérés par une résine bicolore

Le devis vise notamment comme postes de prestations une 'préparation de la chape et des relevés avant pose de l’étanchéité', un 'système d’étanchéité liquide Sikafloor', 'l’application de deux couches d’étanchéité', une étanchéité des relevés et un poste 'étanchéité d’une naissance d’évacuation des eaux pluviales'.

Le rapport d’expertise indique que le revêtement posé était destiné à assurer l’étanchéité et qu’il a été vendu comme tel aux consorts X/Z pour les locaux sous-jacents.

La compagnie est ainsi fondée à soutenir que le revêtement de sol posé par son assuré avait une

vocation d’étanchéité, et que cette activité n’avait pas été déclarée par son assurée parmi celles pour lesquelles l’assurance décennale était souscrite, puisque les conditions particulières du contrat AR-20125747 souscrit auprès d’elle le 2 avril 2014 par l’entreprise Sols Résine Prestige stipulent que :

'le contrat est régi par

Les présentes conditions particulières

Référentiel des activités couvertes par le contrat

[…]

Le Questionnaire d’Etude complété décrivant l’activité à couvrir

La Droit Français, notamment par le Code des Assurances

'

puis mentionnent comme 'ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES

Maçonnerie et béton armé sauf précontraint in situ

Revêtements de surface en matériaux durs (carrelages) Chapes et sols coulés

Revêtements de surfaces à base de résines, y compris sols sportifs + sols indust

L’assuré y déclare en page 3 à la rubrique 'Déclarations – Engagements’ être parfaitement informé que le présent contrat couvre ses activités dans les limites fixées ci-dessus et s’engage à signaler à l’assureur tout changement relatif à son activité.

Or le référentiel des activités de MIC Insurance pour la période de souscription du contrat (sa pièce n°14

) définit ainsi en sa page 6 sous le numéro 28.1 l’activité 'revêtements de surfaces à base de résine

y compris sols sportifs et résines de sols industriels’ déclarée par l’assurée et donc couverte par la police : 'la réalisation de chapes, revêtements de murs et sols à base de liant synthétique ou résine, y compris sols sportifs et résine de sols industriels, excluant toute vocation d’étanchéité et hors technique d’agrafages et attaches'.

Les consorts X/Z ne contestent pas que l’entreprise n’était pas assurée pour l’activité dont relevait la prestation qu’elle a exécutée pour eux, sollicitant non pas la garantie de l’assureur décennal mais sa responsabilité.

Quant à Mme Y, qui n’est pas recevable à demander à la cour de mettre en oeuvre au profit des maîtres de l’ouvrage une police dont ceux-ci ne sollicitent pas le bénéfice et que l’assureur refuse de mobiliser, elle n’est ainsi pas fondée à demander à la cour de la mettre hors de cause au motif qu’elle n’aurait pas commis de faute parce que l’assurance souscrite par l’entreprise couvrait bien au titre de la garantie décennale les travaux litigieux.

* sur la responsabilité de l’assureur du chef du caractère imprécis de son attestation

Selon l’article L.112-6 du code des assurances, l’assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.

Il est cependant de jurisprudence établie qu’en matière d’assurance obligatoire des constructeurs, la délivrance par l’assureur d’une attestation d’assurance non fiable, ou de nature à tromper le maître de l’ouvrage sur les garanties dont il peut bénéficier, est susceptible d’engager sa responsabilité

quasi-délictuelle à l’égard de ce dernier ou à lui rendre inopposables les exceptions stipulées à la police non reproduites sur l’attestation.

S’agissant, en effet, d’une attestation exigée par la loi dans l’intérêt des clients éventuels des entrepreneurs de travaux de bâtiment et dont l’existence peut déterminer, lors de la conclusion du contrat de construction, leur choix d’un entrepreneur, il appartient à l’assureur, sollicité par son assuré en vue d’obtenir une attestation nécessairement destinée à être produite à sa clientèle, de ne pas fournir de renseignements de nature à égarer celle-ci quant à l’étendue des garanties offertes (cf Cass.Civ. 1re 15.01.1991 P n°89-13894

).

Dès lors que l’assurance obligatoire dont l’existence peut influer sur le choix d’un constructeur est imposée dans l’intérêt des maîtres de l’ouvrage, il appartient à l’assureur, tenu d’une obligation de renseignement à l’égard de son assuré à qui il délivre une attestation nécessairement destinée à l’information des éventuels bénéficiaires de cette garantie, de fournir dans ce document les informations précises sur le secteur d’activité professionnelle déclarée. À défaut, sa responsabilité peut être engagée (Cass. Civ. 3° 22.09.2004 P n°02-13845 ou 29.03.2006 P n°05-13119 ou 11 mai 2006 P n°04-20250

).

En l’espèce, l’attestation d’assurance de responsabilité décennale établie par MIC Insurance était imprécise et trompeuse, en ce qu’elle indique comme activités professionnelles déclarées, et donc couvertes

'Maçonnerie et béton armé sauf précontraint in situ

Revêtements de surface en matériaux durs (carrelages) Chapes et sols coulés

Revêtements de surfaces à base de résines, y compris sols sportifs + sols indust

'

ce qui ne permet pas au maître de l’ouvrage auquel elle est destinée à être présentée de comprendre que l’application d’une résine de sol n’est pas couverte si elle a une 'vocation d’étanchéité', et le tribunal a retenu à raison que la mention dans cette attestation, à côté de l’intitulé 'ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES

' de cette phrase : 'pour consulter le détail des activités, une nomenclature est

mise à disposition sur demande' ne rendait pas cette attestation conforme au degré requis de clarté et de précision, alors que le client de l’entrepreneur assuré n’a pas à devoir faire une démarche pour solliciter un document qui éclaire la portée de l’attestation, et que le terme de 'détail’ n’est au surplus pas propre à laisser penser que la nomenclature en question à laquelle il est fait référence apporterait non pas seulement des explicitations mais aussi des réserves ou des conditions à la garantie des activités visées, comme en l’espèce où une activité déclarée et donc normalement couverte, la pose d’un revêtement de surfaces à base de résine sur un sol, peut n’être pas garantie en définitive si elle a une 'vocation’ -terme d’ailleurs sujet à de possibles interprétations ou incertitudes- d’étanchéité.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a retenu que la compagnie MIC Insurance avait engagé sa responsabilité envers les consorts X/Z.

Le préjudice causé aux maîtres de l’ouvrage par la faute de l’assureur est de ne pouvoir obtenir de l’assureur décennal de leur cocontractante la prise en charge du coût des réfections, car il est certain qu’ils n’auraient pas confié les travaux à une entreprise non couverte par une assurance garantissant sa responsabilité décennale pour cette activité, l’appelante soutenant sans pertinence ni vraisemblance qu’ils auraient pu le faire en étant séduits par l’attractivité -d’ailleurs non démontrée- des tarifs de la société Sol Résine Prestige.

* sur la responsabilité de l’ancienne gérante recherchée à titre personnel

Mme Y étant recherchée à titre personnel, au motif qu’elle aurait engagé sa responsabilité en

commettant une faute détachable de ses fonctions de gérante, il est inopérant pour elle de solliciter sa mise hors de cause au motif que la société Sol Résine Prestige se trouve en liquidation judiciaire.

Selon les termes de l’article L.223-22, alinéa 1er du code de commerce, les gérants sont responsables envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Il doit s’agir d’une faute intentionnelle, d’une particulière gravité, et incompatible avec l’exercice normal des fonctions de gérant, ces trois critères étant requis cumulativement (Cass. Com. 20.05.2003 P n°99-17092

).

C’est ce qui a ainsi été retenu à l’égard de gérants ayant commis une infraction pénale intentionnelle (Cass. Com. 28.09.2010 P n°09-66255) ; ou ayant accepté que l’entreprise exécute des travaux de maçonnerie qui n’entraient pas dans son objet social en l’occurrence la création et l’entretien d’espaces verts et nécessitaient la souscription d’une assurance décennale légalement obligatoire (Cass. Com 18.05.2010 P n°09-66172) ; ou ayant autorisé un préposé à utiliser un véhicule de l’entreprise en sachant, pour n’avoir pas donné suite à différentes relances de payer la prime, que celui-ci n’était pas couvert par une assurance (Com. 04.07.2006 P n°05-13930).

En l’espèce, la société Sol Résine Prestige dont Mme Y était gérante a réalisé pour les consorts X/ Z des travaux d’application d’une résine sur le sol de leur maison, ce qui était conforme à son objet social, au point d’en avoir fait sa dénomination ; elle était assurée au titre de sa responsabilité décennale pour les 'revêtements de surface en matériaux durs (carrelages), chapes et sols coulés’ et pour les 'revêtements de surfaces à base de résines, y compris sols sportifs + sols industriels', de sorte que la prestation paraissait bien dans le champ de l’activité déclarée ; et le fait qu’il soit jugé, sur la dénégation de garantie de l’assureur, que par l’effet d’un renvoi à un référentiel stipulé par une clause de la police, elle n’y entrait pas en définitive dès lors que la réalisation du revêtement de sol en résine avait une 'vocation d’étanchéité', ce qui relève d’une interprétation fine et, comme telle, sujette à discussion -comme l’attestent les termes du présent litige- ne permet certainement pas d’imputer à l’ancienne dirigeante une faute intentionnelle alors qu’elle a pu s’y méprendre, et a fortiori d’une particulière gravité et incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions de gérante.

Le jugement déféré sera ainsi infirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité personnelle de Mme Y et personnellement condamnée à indemniser les maîtres de l’ouvrage.

* sur l’indemnisation des consorts X/Z

Par des motifs pertinents, le premier juge a chiffré le préjudice subi par les maîtres de l’ouvrage consécutivement à la faute de l’assureur de l’entreprise au coût de réfection du revêtement et à celui des travaux de remise en état des plâtreries et embellissement dégradés par les infiltrations, en retenant deux devis aux postes et tarifs cohérents, totalisant 34.892,42 euros.

Il a exclu à bon droit de l’indemnisation le coût de réfection de l’installation électrique dont il n’est pas démontré -y compris en cause d’appel- qu’elle doive être reprise alors qu’il ressort du rapport d’expertise et du constat que c’est son support qui était, seul rendu humide par les infiltrations.

Le jugement sera, en revanche, réformé en ce qu’il a mis à la charge de la société MIC Insurance l’indemnisation du préjudice de jouissance, réel, subi par les consorts X/Z, dès lors que ceux-ci n’auraient pu en obtenir l’indemnisation en vertu de la police d’assurance décennale sur la portée de laquelle l’attestation les a mal informés, puisqu’il ressort des conditions générales et particulières de la police (pièces n°13 et 23 de l’assurance) que la définition des préjudices immatériels consécutifs au préjudice matériel garanti n’inclut en aucun cas un préjudice de jouissance ni plus

généralement un préjudice autre qu’économique, ce que n’est pas le trouble de jouissance, et puisque, plus généralement, le trouble de jouissance constitue une forme de préjudice non compris dans le champ de l’assurance obligatoire. Ainsi, les maîtres de l’ouvrage seront déboutés de ce chef de demande dirigé contre MIC Insurance.

* sur les dépens et l’indemnité de procédure

La société MIC Insurance, même si elle obtient l’infirmation partielle du jugement à hauteur de 2.500 euros, doit être regardée comme succombant devant la cour, où elle contestait le principe même de sa responsabilité et de son obligation d’indemniser les maîtres de l’ouvrage.

Elle supportera donc les dépens d’appel, et versera en application de l’article 700 du code de procédure civile une indemnité de procédure aux consorts X/Z et aussi à Mme Y, qu’elle a intimée.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il condamne la société MIC Insurance à payer 2.500 euros aux consorts X/Z et sauf en ses chefs de décision afférents à Mme Y, tant retenant sa responsabilité que prononçant condamnation à son encontre, y compris aux dépens

et statuant à nouveau de ces chefs :

DÉBOUTE les consorts X/Z de leur demande contre la société MIC Insurance au titre de l’indemnisation de leur préjudice de jouissance

DIT que Mme Y n’a pas engagé sa responsabilité envers les consorts X/Z en commettant une faute détachable de ses fonctions de gérante

DÉBOUTE les consorts X/Z de toutes leurs demandes contre Mme Y

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires

CONDAMNE la société MIC Insurance aux dépens d’appel

LA CONDAMNE à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile :

.2.000 euros aux consorts X/Z, ensemble

.2.000 euros à C Y.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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