Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section jex, 10 octobre 2017, n° 17/00977

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect. jex, 10 oct. 2017, n° 17/00977
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 17/00977
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Troyes, JEX, 23 mars 2017
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° 159

du 10 octobre 2017

CL

R.G : 17/00977

X

C/

Y

SA CREDIPAR (CREDIPAR)

Formule exécutoire

le

à

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE

JUGE DE L’EXÉCUTION

ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2017

Appelant :

d’un jugement rendu par le juge de l’exécution de Troyes le 24 mars 2017

Monsieur D E F X, demeurant […]

Comparant, concluant par Maître Dorothée Desabaye, avocat au barreau de l’Aube.

Intimés :

Madame A Y épouse X, demeurant […]

N’ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assignée.

La SA Credipar, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social […].

Comparant, concluant par la SCP Dombek, avocats au barreau des Ardennes.

Débats :

A l’audience publique du 12 septembre 2017, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 octobre 2017, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l’article 786 du code de procédure civile, Madame Catherine Lefort, a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.

Composition de la cour lors du délibéré :

Monsieur B C, président

Madame Véronique Maussire, conseiller

Madame Catherine Lefort, conseiller

Greffier lors des débats et du prononcé

Madame Goulard, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour le 10 Octobre 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur B C, président de chambre et Madame Goulard, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Procédure et prétentions des parties

Suivant procès-verbal en date du 13 décembre 2016, la SA Crédipar a fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte de M. D X ouvert à la Banque CIC, pour avoir paiement de la somme totale de 11.585,23 euros, et ce en vertu d’un jugement rendu le 21 juillet 1995 par le tribunal d’instance de Troyes. La saisie, qui s’est avérée fructueuse pour la somme de 835,69 euros sous déduction de la somme à caractère alimentaire, a été dénoncée à M. X et son épouse, Mme A Y épouse X, par acte d’huissier du 19 décembre 2016.

Par acte d’huissier en date du 13 janvier 2017, M. et Mme X ont fait assigner la société Crédipar devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Troyes en mainlevée de la saisie-attribution et en paiement de dommages-intérêts. Ils ont invoqué la prescription des intérêts antérieurs au 19 décembre 2011, soit cinq ans avant la mesure d’exécution.

Par jugement réputé contradictoire en date du 24 mars 2017, le juge de l’exécution a':

— débouté M. et Mme X de leur demande de mainlevée de la saisie-attribution,

— débouté M. et Mme X de leur demande tendant à ce que les frais de saisie-attribution soient mis à la charge de la société Crédipar,

— débouté M. et Mme X de leur demande de dommages-intérêts,

— débouté M. et Mme X de leur demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamné M. et Mme X aux dépens,

— débouté les parties de toutes leurs prétentions plus amples ou contraires.

Le juge de l’exécution a retenu que les intérêts courant sur une somme objet d’une condamnation se prescrivait par cinq ans avant la loi de 2008, et se prescrivent toujours par cinq ans en vertu de la loi de 2008, mais que selon l’article 2240 du Code civil la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt la prescription ; qu’en l’espèce, une créance résultant du jugement du 21 juillet 1995 a été intégralement payée, et les intérêts de la deuxième condamnation ont commencé à courir à compter de la date du jugement ; que les acomptes, versés périodiquement pendant 14 ans, sont interruptifs de la prescription en ce qu’ils valent reconnaissance par le débiteur de la créance de la société Crédipar'; qu’il n’y a pas prescription des intérêts car le dernier versement date du 23 avril 2012 et la saisie-attribution est intervenue en décembre 2016, soit moins de cinq ans après.

Par déclaration du 13 avril 2017, M. X a interjeté appel du jugement.

Mme Y épouse X n’a pas constitué avocat.

Par conclusions d’appelant et récapitulatives n°3 en date du 4 septembre 2017, signifiées à Mme X le 4 septembre 2017, M. D X demande à la cour d’appel de':

— infirmer le jugement entrepris,

— ordonner mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 13 décembre 2016,

— dire et juger que tous les frais de la saisie-attribution seront laissés à la charge de la société Crédipar,

— condamner la société Crédipar à lui payer la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts,

— débouter la société Crédipar de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société Crédipar au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.

M. X fait valoir en premier lieu que le contrat, objet du jugement du 21 juillet 1995, était un crédit à la consommation, et qu’en application de l’avis de la cour de cassation du 4 juillet 2016, le délai de prescription applicable aux intérêts de la créance résultant d’un titre exécutoire dont bénéficie un professionnel à l’égard d’un consommateur est de deux ans'; et qu’en l’espèce, aucun acte n’a été signifié avant la dénonciation de la saisie-attribution du 19 décembre 2016, premier acte interruptif de prescription, et aucun règlement n’est intervenu depuis le 23 avril 2012, de sorte que tous les intérêts antérieurs au 19 décembre 2014 sont prescrits. Il ajoute, en réponse aux conclusions adverses, que les paiements doivent s’imputer sur le capital et non sur les intérêts et que l’article 1254 du Code civil ne s’applique pas en l’espèce. Il explique à ce titre que les règlements mensuels ont été effectués en exécution d’un accord entre les parties qui visait à contribuer à son redressement financier et à régler le solde de la dette'; que tel n’aurait pas pu être le cas, compte tenu de la modicité des versements (45,73 euros par mois) si les paiements s’étaient imputés sur les intérêts. Il précise qu’il a entendu solder la dette par un règlement de 8.147,40 euros et a donc arrêté les versements, et que le créancier a mis près de cinq ans à relancer les poursuites, alors que son silence valait acceptation, ce qui n’est pas loyal.

Il invoque en second lieu le caractère indivis du compte saisi et fait valoir, à l’appui de sa demande de mainlevée, que le créancier n’apporte pas la preuve que les sommes saisies sur le compte provenaient exclusivement de ses revenus et non de ceux de son épouse, séparée de biens.

Enfin, il explique sa demande de dommages-intérêts par le fait qu’il a tenté de trouver un arrangement avec la société Crédipar pour solder la dette courant septembre et octobre 2016, sans attendre la saisie, et que le refus du créancier et la saisie sont abusifs. Il invoque les dispositions de l’article L.121-2 du Code des procédures civiles d’exécution et estime que la société Crédipar a été déloyale et que la saisie est abusive et vexatoire, d’autant plus qu’elle était dirigée également contre son épouse, co-titulaire du compte, qui ne lui doit rien. Il explique que la vente du bien immobilier commun avec sa première épouse, Mme Z, a servi à payer les dettes du fonds de commerce de celle-ci.

Par conclusions du 1er septembre 2017, signifiées à Mme X le 4 septembre 2017, la société Crédipar demande à la cour d’appel de':

— confirmer le jugement,

— en conséquence, dire et juger que la prescription des intérêts n’est pas acquise,

— en tout état de cause, si la cour faisait droit à la prescription biennale des intérêts, dire et juger que le montant dû s’élève à la somme de 10.200,97 euros,

— débouter M. et Mme X de l’ensemble de ses demandes,

— condamner M. et Mme X au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société Crédipar approuve le juge de l’exécution d’avoir estimé que les paiements échelonnés pendant 14 ans étaient tous interruptifs de prescription en ce qu’ils valent reconnaissance par le débiteur de son droit de créance, et que les intérêts n’étaient pas prescrits car la dénonciation de la saisie-attribution est intervenue moins de cinq ans après le dernier règlement. Elle ajoute que selon la jurisprudence de la cour de cassation la prescription des intérêts suite à un titre exécutoire est de cinq ans, et qu’en tout état de cause même si la cour applique la prescription biennale, il reste un solde de 10.200,97 euros car en application de l’article 1254 du Code civil les paiements s’imputent en priorité sur les intérêts.

Par ailleurs, elle estime qu’il appartient à l’époux non débiteur de prouver que le compte était bien alimenté exclusivement par ses fonds propres, et qu’en l’espèce aucune preuve n’étant apportée, M. X doit être débouté.

Elle s’oppose à la demande de dommages-intérêts, faisant valoir que l’article R.211-22 du Code des procédures civiles d’exécution n’interdit pas au créancier de pratiquer une saisie-attribution sur un compte joint, y compris pour des époux séparés de biens. Elle souligne que M. X n’a pas répondu à ses propositions de règlement du litige, et rappelle qu’au moment où le jugement a été prononcé, ils avaient les moyens de payer la dette, puisqu’ils ont vendu un bien immobilier.

Motifs de la décision

Sur la prescription des intérêts

Les créances périodiques nées d’une créance en principal fixée par un titre exécutoire à la suite de la fourniture d’un bien ou d’un service par un professionnel à un consommateur sont soumises au délai de prescription prévu à l’article L.218-2 du Code de la consommation, soit deux ans.

En l’espèce, le jugement du 21 juillet 1995 servant de fondement aux poursuites concernait deux crédits à la consommation souscrits par M. X auprès de la société Sofi-Sovac, aux droits de laquelle vient la société Crédipar. Dès lors, le délai de prescription applicable aux intérêts calculés sur les créances résultant de ce jugement est de deux ans.

Aux termes de l’article 2240 du Code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Ainsi, il n’est pas contesté que les paiements effectués par M. X du 12 mai 1997 au 23 avril 2012 sont interruptifs de prescription car ils valent reconnaissance par le débiteur du droit de créance de la société Crédipar.

En revanche, entre le 23 avril 2012 et le 19 décembre 2016, date de dénonciation de la saisie-attribution qui interrompt la prescription, le créancier ne peut justifier d’aucun acte d’exécution interruptif de la prescription ni d’aucune autre cause d’interruption, tel un paiement par le débiteur.

Dès lors, c’est à juste titre que M. X soutient que les intérêts antérieurs au 19 décembre 2014 sont prescrits. Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

La société Crédipar a produit un nouveau décompte des intérêts tenant compte de la prescription biennale. Toutefois, elle a opéré une imputation de tous les paiements sur les intérêts en application de l’article 1254 du Code civil, aux termes duquel le débiteur d’une dette qui porte intérêt ne peut, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu’il fait sur le capital par préférence aux intérêts, et le paiement s’impute d’abord sur les intérêts.

Ces dispositions ont un caractère supplétif et le créancier peut parfaitement accepter l’imputation des paiements en priorité sur le principal.

Il résulte des courriers de Crédipar adressés à M. X en 1999 et 2003 (pièces 22 et 23) que l’échéancier mis en place d’un commun d’accord entre les parties visait à contribuer au redressement financier du débiteur et à solder la dette. Or il ressort du tableau de calcul des intérêts, produit par l’intimée, que les échéances convenues, d’un montant de 45,73 euros par mois, sont inférieures aux intérêts calculés mensuellement, de sorte que la règle de l’imputation des paiements sur les intérêts ne permettrait pas au débiteur de commencer à rembourser le capital. Un tel accord, qui ne permettrait pas au débiteur de solder sa dette en raison de l’imputation des paiements sur les intérêts, n’aurait aucune raison d’être. Force est de constater, au vu du décompte du procès-verbal de saisie-attribution, que le créancier n’avait pas, jusqu’à la présente instance, décidé d’imputer les paiements en priorité sur les intérêts, puisque le montant des intérêts calculés dans l’acte de saisie est inférieur au montant des intérêts recalculés dans le cadre de la présente instance en faisant application de l’article 1254 du Code civil.

Il en résulte que le créancier avait renoncé à la règle classique d’imputation des paiements, de sorte qu’il ne saurait revenir sur ce qui était convenu au prétexte que ses intérêts sont en grande partie prescrits.

Dès lors, le créancier devra refaire un décompte des intérêts en tenant compte de la prescription biennale et de l’imputation des paiements sur le principal.

Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution

L’article L.211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.

Aux termes de l’article 815-17 alinéa 2 du Code civil, les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles.

En l’espèce, M. X produit son contrat de mariage avec Mme Y établissant qu’ils sont mariés sous le régime de séparation de biens. Les biens qu’ils ont ensemble sont donc nécessairement soumis au régime de l’indivision.

Dès lors, les fonds saisis doivent être la propriété exclusive de M. X, seul débiteur de la société

Crédipar.

Contrairement à ce que soutient la société Crédipar, il appartient au créancier d’apporter la preuve de la propriété des fonds saisis': il doit justifier que le compte joint saisi est alimenté exclusivement par les revenus de l’époux débiteur.

En conséquence, la saisie-attribution pratiquée sur le compte joint de M. et Mme X était irrégulière, faute pour la société Crédipar d’apporter la preuve de ce que les sommes saisies sur ce compte proviennent des seuls revenus de M. X, qui est le seul à l’encontre duquel elle dispose d’un titre exécutoire.

Il convient, dès lors, de faire droit à la demande de mainlevée de la saisie formulée par M. X.

Sur la demande de dommages-intérêts

L’article L.121-2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que «'le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie'».

Ce pouvoir constitue une limite au droit du créancier de poursuivre le recouvrement forcé de sa créance résultant d’un titre exécutoire, de sorte qu’il doit s’exercer de façon restrictive.

Ainsi, la saisie abusive s’inscrit dans un contexte fautif relevant de la responsabilité civile. L’exercice d’une mesure d’exécution est en effet un droit qui ne dégénère en abus que s’il est établi que le créancier a commis soit une faute intentionnelle présentant une certaine gravité, comme par exemple l’intention de nuire au débiteur, le but vexatoire de la saisie, ses frais disproportionnés ou la mauvaise foi du saisissant, soit une légèreté blâmable ou une témérité fautive.

En l’espèce, M. X apporte certes la preuve qu’il a tenté de négocier avec le créancier avant la saisie et que sa proposition de solde de toute compte a été rejetée. Toutefois, le comportement de la société Crédipar ne caractérise pas l’abus dans son droit de recouvrer le solde de sa créance, étant précisé qu’au moment de la saisie, elle ignorait que le compte était au nom des deux époux.

Il convient dès lors de rejeter la demande de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante la société Crédipar sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais de la procédure de saisie-attribution et de mainlevée.

L’équité justifie qu’elle soit en outre condamnée à payer à M. X la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 mars 2017 par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Troyes,

Statuant à nouveau,

Dit que la SA Crédipar devra refaire un décompte des intérêts en tenant compte de la prescription biennale et de l’imputation des paiements sur le principal,

Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 13 décembre 2016 par la SA Crédipar sur le compte de M. et Mme X ouvert à la Banque CIC,

Rejette la demande de dommages-intérêts de M. D X,

Condamne la SA Crédipar à payer à M. D X la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la SA Crédipar aux dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais de la procédure de saisie-attribution et de sa mainlevée.

Le greffier Le président

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