Cour d'appel de Reims, 1re chambre section civile, 10 mai 2022, n° 21/00878

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect. civ., 10 mai 2022, n° 21/00878
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 21/00878
Importance : Inédit
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 10 mai 2022

R.G : N° RG 21/00878 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-E7Z6

S.C.I. LES P’TITS JAMOTS

c/

S.A.R.L. PMR

S.A.S. P.V.F.

Compagnie d’assurance CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DU NORD EST

Formule exécutoire le :

à :

Me Antoine GINESTRA

la SELARL JACQUEMET SEGOLENE

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 10 MAI 2022

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 19 mars 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Reims

S.C.I. LES P’TITS JAMOTS

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Antoine GINESTRA, avocat au barreau de REIMS

INTIMEES :

S.A.R.L. PMR Société à responsabilité limité unipersonnelle au capital de 7.700€ immatriculée au RCS de REIMS

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

S.A.S. P.V.F.

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Isabelle GUILLAUMET-DECORNE de la SELARL OPTHÉMIS, avocat au barreau de REIMS

CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DU NORD EST exerçant sous l’appellation GROUPAMA NORD-EST

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Isabelle GUILLAUMET-DECORNE de la SELARL OPTHÉMIS, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MATHIEU conseiller, a entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL- JUNGBLUTH, président de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIER :

M. Abdel-Ali AIT AKKA, Greffier Placé lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l’audience publique du 28 mars 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 mai 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL- JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur MUFFAT-GENDET greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SCI LES P’TITS JAMOTS a confié à la SARLU PMR la réalisation de divers travaux concernant les locaux sis [Adresse 1], lesquels sont occupés par une crèche, suivant devis des 26 septembre 2013, 27 septembre 2013 et 3 octobre 2013 (deux devis ont été établis à cette dernière date), pour un montant total de 46.183,39 euros TTC.

Se plaignant de désordres, la SCI LES P’TITS JAMOTS a obtenu la désignation de Monsieur [D], en qualité d’expert judiciaire, par ordonnance de référé du tribunal de Grande instance de Reims du 17 février 2017, au contradictoire de la SARLU PMR et de la SARL PVF et de son assureur.

L’expert a déposé son rapport le 14 décembre 2017.

Par acte huissier en date du 12 août 2019, la SCI LES P’TITS JAMOTS a fait assigner en responsabilité et en indemnisation de ses préjudices la SARLU PMR.

Par acte huissier en date du 6 novembre 2019, la SARLU PMR a fait assigner en intervention forcée la SAS PVF et la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles du nord-est, exerçant sous le sigle Groupama Nord-Est. Une jonction est intervenue, par mention au dossier, le 7 septembre 2020.

Par jugement rendu le 19 mars 2021, le tribunal judiciaire de Reims a :

— rejeté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la SARLU PMR,

— rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en responsabilité décennale,

— débouté la SCI LES P’TITS JAMOTS de toutes ses demandes,

— dit n’y avoir lieu à statuer sur l’appel en garantie,

— condamné la SCI LES P’TITS JAMOTS à payer à la SARLU PMR une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles et rejeté les autres demandes formées à ce titre,

— condamné la SCI LES P’TITS JAMOTS aux dépens, comprenant les frais d’expertise judiciaire.

Par un acte en date du 30 avril 2021, la SCI LES P’TITS JAMOTS a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 24 septembre 2021, la SCI LES P’TITS JAMOTS conclut à l’infirmation du jugement déféré et demande à la cour de condamner la société PMR à lui verser les sommes de :

-16.283,76 euros au titre du coût des reprises des désordres n°1 et n°2 tels que décrits par l’expert judiciaire,

-6.000 euros au titre du coût des reprises des désordres n°4, 5 et 6,

-10.000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

-2.500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle expose que le premier juge a statué sur des éléments qui n’avaient pas été communiqués entre toutes les parties dans la mesure où les écritures échangées entre la société PMR et les sociétés appelées en garantie ne lui ont jamais été signifiées.

Elle soutient que la réception de l’ouvrage doit être fixée au 2 juin 2014 dans la mesure où à cette date elle avait payé la totalité du prix des travaux, était entrée dans les lieux et en avait pris possession, sans avoir formulé de quelconques réserves.

Elle fait valoir que les travaux ont été réalisés dans un local recevant une crèche et que l’expert a mis en évidence l’existence de désordres et de malfaçons très graves, ce qui caractérise l’application de la garantie décennale.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 24 juin 2021, la SARLU PMR conclut à l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a rejeté la nullité de l’assignation et la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en garantie décennale, et subsidiairement, à la confirmation du jugement critiqué. Elle réclame en outre le paiement de la somme supplémentaire de 2.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Elle expose que la SCI les P’TITS JAMOTS avait connaissance de l’assignation en intervention forcée des société PVF et GROUPAMA et précise qu’une ordonnance de jonction a été rendue en première instance.

Elle estime que le fondement décennal n’est pas justifié, dans la mesure où, si le sol se soulève légèrement à certains endroits, l’activité de la crèche n’a jamais été restreinte et il n’est démontré aucun arrêt d’activité ou même une gêne dans l’activité quotidienne.

Elle soutient que seule est applicable la garantie de bon fonctionnement de sorte que la réception des travaux datant du mois de juillet 2014, l’action au fond de la SCI est irrecevable car prescrite.

Subsidiairement, elle fait valoir que les désordres 1 et 2 concernenant le revêtement du sol ne sont localisés que sur 10 m² alors que l’appelante sollicite une indemnisation de la reprise totale du sol.

S’agissant des désordres 4 à 6, elle indique qu’elle n’a pas effectué les travaux et que les désordres invoqués sont hypothétiques. Elle réfute tout préjudice de jouissance en l’absence de production de justificatif.

À titre infiniment subsidiaire, s’agissant des désordres 1 et 2, elle insiste sur le fait que l’expert judiciaire a mis en évidence le fait que ce désordre venait du défaut de primaire d’adhérence et par conséquent était lié au ragréage, de sorte que la société PVF ayant été chargée la réalisation du ragréage et du revêtement de sol, la responsabilité contractuelle de cette dernière était engagée.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 6 août 2021, la SAS PVF et son assureur Groupama, concluent à la confirmation du jugement déféré, subsidiairement au débouté de l’appel en garantie de la SARLU PMR et sollicite en tout état de cause le paiement de la somme de 1.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Ils exposent que la SCI P’TITS JAMOTS n’a formé aucune demande à leur égard et que dans l’hytpothèse où la cour reconnaîtrait une difficulté procédurale relative au jugement critiqué, elle pourrait user de son pouvoir d’évocation en application de l’article 568 du code de procédure civile.

Ils font valoir que la SAS PVF est intervenue en qualité de sous-traiant de la SARL PMR et que la société GROUPAMA n’a pas à vocation à intervenir au titre des désordres relevant de la garantie contractuelle.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, les prétentions des parties formulées dans les conclusions d’appel sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

*Sur l’assignation

La SARLU PMR réitère à hauteur de cour sa demande aux fins de nullité de l’assignation, motif pris du défaut de diligences entreprises par la SCI P’TITS JAMOTS en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, à l’issue du dépôt du rapport d’expertise, sur le fondement de l’article 56 alinéa 3 du code de procédure civile.

Il y a lieu de relever que l’obligation de préciser dans l’assignation les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige n’est assortie par l’article 56 précité d’aucune sanction et ne constitue dès lors pas une formalité substantielle ou d’ordre public. De plus, la SARLU PMR n’excipe d’aucun grief circonstancié.

Dans ces conditions, il convient de rejeter l’exception de nullité soulevée et de confirmer le jugement déféré de ce chef.

*Sur la demande en paiement de la SCI P’TITS JAMOTS

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fn de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée;

La SARLU PMR soulève une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en faisant valoir que cette action, compte tenu de la nature des désordres et des travaux, ne peut relever que de la garantie de bon fonctionnement de l’article 1792-3 du code civil d’une durée de deux années.

La SCI P’TITS JAMOTS fonde sa demande indemnitaire sur la responsabilité décennale. Elle soutient que les désordres et malfaçons relevés par l’expert sont de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination et/ou présentent un danger pour les usagers de la crèche et précise devant la cour que la réception tacite a eu lieu le 2 juin 2014.

Aux termes de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages , même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ces éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

La garantie décennale n’est pas applicable aux vices ayant fait l’objet de réserves lors de la réception, ceux-ci étant couverts par la garantie de parfait achèvement. Toutefois les défauts relevés lors de réception définitive et qui ne se sont révélés dans toute leur ampleur que par la suite constituent des vices cachés relevant de la garantie décennale.

De même, ne peuvent relever de la garantie décennale des désordres qui ne compromettent pas actuellement la solidité de l’ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination.

En l’espèce, la réception tacite doit être fixée au 2 juin 2014, date à laquelle la SCI P’TITS JAMOTS a soldé la totalité du prix du chantier et a pris possession des lieux, de sorte qu’aucune prescription n’est encourue du chef de la garantie décennale, l’assignation ayant été délivrée dans les dix ans suivants la réception de l’ouvrage.

Toutefois, s’agissant des conditions de mise en oeuvre de la garantie décennale, il incombe à la SCI P’TITS JAMOTS de démontrer qu’elles sont réunies et notamment s’agissant de l’absence de solidité de l’ouvrage ou de l’impropriété à destination.

Au cas présent :

— les désordres n°1 et 2 ont trait à des boursouflures du linoléum et l’expert judiciaire a mis en évidence un défaut d’adhérence,

— le désordre n°4 : consiste en la fissure d’un vitrage, pour lequel l’expert judiciaire précise en cours d’expertise qu’il a été réparé.

— les désordres n° 5 et 6 concernent la perméabilité à l’air des menuiseries, avec une malfaçon lors de la pose de deux fenêtres au niveau du réglage de l’oscillo-battant.

Au vu de la description des désordres réalisée par l’expert judiciaire, force est de constater que ces derniers ne portent ni atteinte à la solidité de l’ouvrage, ni ne rendent impropre l’ouvrage à sa destination. En effet, les éléments en cause sont des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage (linoléum, fenêtre) et entrent dans le champ d’application de l’article 1792-3 du code civil qui énonce que « Les autres éléments d’équipement de l’ouvrage font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception ». Toutefois, ce fondement juridique ne peut prospérer, puisque plus de deux années se sont écoulées entre la réception des travaux du 2 juin 2014 et l’assignation en référé expertise délivrée par acte en date du 20 janvier 2017 à la requête de la SCI P’TITS JAMOTS.

Dans ces conditions, il convient de débouter la SCI P’TITS JAMOTS de sa demande en indemnisation, et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

* Sur les autres demandes

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la SCI P’TITS JAMOTS succombant, elle sera tenue aux dépens d’appel.

Les circonstances de l’espèce commandent de débouter les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 19 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Reims, en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Condamne la SCI P’TITS JAMOTS aux dépens d’appel, comprenant notamment les frais des deux expertises judiciaires, et dit qu’il sera fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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