Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 15 mars 2022, n° 21/00565

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect.civ., 15 mars 2022, n° 21/00565
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 21/00565
Décision précédente : Tribunal de commerce de Reims, 15 février 2021
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 15 mars 2022


R.G : N° RG 21/00565 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-E7CA


S.A.R.L. SODEBA ET ASSOCIES


S.A.S. Y ET ASSOCIES

c/


A


EMJ


Formule exécutoire le :

à :

la SCP SCP ACG & ASSOCIES

Me Isabelle CASTELLO

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 15 MARS 2022

APPELANTES :

d’un jugement rendu le 16 février 2021 par le Tribunal de Commerce de REIMS

S.A.R.L. SODEBA ET ASSOCIES

[…]

[…]


Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

S.A.S. Y ET ASSOCIES

[…]

[…]


Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

INTIME :

Monsieur Z A courtier pour l’assurance ALLIANZ, entrepreneur individuel au n° ORIAS

10054728, immatriculé au RCS DE REIMS […]

[…]


Représenté par Me Isabelle CASTELLO, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître


SALPHATI avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame X MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

Mme Sandrine PILON, conseiller

GREFFIER :

Madame Allison CORNU-HARROIS, greffier lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET greffier lors du prononcé

DEBATS :


A l’audience publique du 1er février 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 mars 2022,

ARRET :


Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022 et signé par Madame X


MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS


Les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés sont des bureaux d’études du groupe Sodeba installées à


Châlons en champagne


Pour couvrir leurs activités respectives en garantie décennale et professionnelle elles se sont rapprochées de

M. Z A agent général d’assurance Allianz afin qu’il leur propose des contrats.


Celui-ci considérant que leur situation les excluait de la politique de souscription des assurances constructeurs de sa mandante la compagnie Allianz, s’est rapproché de la société Securities and Financial Solutions Europe ci après dénommée SFS Europe, intermédiaire en assurance luxembourgeois spécialisée en construction et mandataire d’autres compagnies d’assurance ayant un bureau à Reims qui lui a fait des pré-étude d’assurance pour la société Sodeba que celle-ci a acceptées les 22 juillet 2015 et 1er janvier 2017.


Dans ce cadre la société Sodeba et Associés et la société Y et Associés ont conclu avec la compagnie


CBL Insurance Europe Dac compagnie de droit irlandais représentée en France par la société SFS Europe agissant en qualité de mandataire, des contrats d’assurance responsabilité civile professionnelle et décennale soit:


- le 26 octobre 2017 pour la société Y et Associés qui a payé sa prime annuelle de 11 501,87 euros le 16 août 2017 sous contrat 1710 DERCCBOO409,
- le 11 janvier 2018 à effet au 1er janvier 2018 pour la société Sodeba et Associés qui a versé une prime annuelle de 56 358,63 euros le 9 janvier 2018 pour le contrat 1711DERCCBLOOO38.


Le 1er décembre 2017 SFS Europe a été sanctionnée par l’autorité de contrôle des assureurs luxembourgeois et interdite dans ce cadre à conclure et gérer les contrats en qualité de mandataire pour le compte de partenaires assureurs en France.


En janvier 2018 la société Sodeba et Associés a été informée que l’attestation d’assurance qu’elle avait fournie pour les besoins d’un chantier prévu avec une société Picard dont l’ouverture était prévue le 1er février 2018 posait des difficultés à celle-ci quant à la période de couverture et à l’identité du mandataire en assurance et qu’à défaut de production d’une attestation conforme le contrat ne serait pas conclu.


Elle apprenait, avec la société Y et Associés qui rencontraient les mêmes difficultés, que la société SFS


Europe n’avait plus l’autorisation de conclure en France depuis le 1er décembre 2017et elles n’obtenaient pas

d’attestation d’assurance.


La société Sodeba et Associés et la société Y et Associés ont le 20 février 2018 notifié à M. Z


A leur demande de résiliation des polices d’assurance des 26 octobre 2017 et 11 janvier 2018 précitées et

l’ont mis en demeure de trouver une solution compensatrice avant le 12 mars 2018.


Sur invitation de celui-ci elles ont également notifié leur demande de résiliation et d’indemnisation auprès des sociétés CBL et SFS.


Un mandataire de la société CBL a été nommé par la cour suprême irlandaise le 12 mars 2018 pour s’assurer de la protection de ses assurés de la régulation et la bonne conduite de son activité d’assurance.


La société Sodeba et Associés a souscrit auprès de la compagnie d’assurance AXA une assurance couvrant les garanties RCP et RCD avec une prime supplémentaire de 26 700 euros pour assurer la période antérieure à la souscription.


Parallèlement des discussions visant à aboutir à un accord ont été menées courant 2018, mais le projet de protocole accepté par la société Sodeba et Associés n’a pas abouti.


La faillite de la société SFS Europe a été prononcée au Luxembourg le 27 juillet 2018.


Le 8 octobre 2018 la société CBL par son mandataire judiciaire a renvoyé la société Sodeba et Associés et la société Y et Associés à se rapprocher des Assurances Pilot pour toute réclamation concernant la résiliation des contrats.


Leurs demandes ont été rejetées au motif exposé que les primes avaient été encaissées par le mandataire SFS et pas par CBL qui ne disposait donc pas des fonds.


Par exploit d’huissier en date du 27 février 2019, les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés ont fait donner assignation à M. Z A d’avoir à comparaître par-devant le tribunal de commerce de Reims aux fins de voir constater sa responsabilité tenant au fait qu’il a manqué à son devoir d’information et de conseil et par conséquent de le condamner à payer à la société Sodeba et Associés la somme de 83.058, 63 euros (56.358, 63 + 26.700) avec intérêts légaux à compter de la date de l’assignation et à la société Y et


Associés la somme de 11.501,87 euros avec intérêts légaux à compter de la date de l’assignation, outre capitalisation des intérêts et paiement des frais irrépétibles.


Elles reprochent à M. Z A de les avoir placées dans une impasse en les mettant en relation avec une société qui ne disposait plus de l’agrément d’agence d’assurance depuis 2015 puis en n’effectuant pas toutes les démarches nécessaires pour qu’un accord puisse être conclu. M. Z A a demandé au tribunal de débouter les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés de

l’ensemble de leurs demandes de condamnation au remboursement de primes qu’il n’avait pas encaissées et alors qu’aucune faute au jour où il a proposé les contrats d’assurance ne pouvait lui être reprochée puisque

c’était nécessairement et uniquement sur la base des seuls éléments qu’il connaissait à cette date qu’elle devait être appréciée et alors encore que les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés ne rapportaient pas la preuve d’un préjudice indemnisable en lien avec la faute alléguée.


Par jugement du 16 février 2021, le tribunal de commerce de Reims a dit que l’C Z A n’avait commis aucune faute, a débouté les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés en toutes leurs demandes, fins et prétentions et les a condamnées solidairement à verser à M. Z A la somme de

2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre à supporter les entiers dépens de l’instance dont frais de greffe liquidés à la somme de 94,34 euros TTC dont TVA pour 15,72 euros.


Par déclaration du 11 mars 2021, les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés ont interjeté appel à

l’encontre de ce jugement.


Par conclusions déposées le17 janvier 2022, les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés demandent à la cour de :


Vu les articles L511-1, L512-1 et suivants, A512-1 et suivants du code des assurances,


Vu les articles L131-1 et suivants et L721-3 du code de commerce,


Vu les articles 42 et suivants du code de procédure civile,


Vu l’article 1231-1 et suivant du code civil,


-constater que l’agence Z A a manqué à son devoir d’information et de conseil,


Par conséquent,


-déclarer recevables et bien fondées la société Sodeba et Associés et la société Y et Associés en leurs demandes,


-condamner l’agence Z A à payer à la société Sodeba et Associés la somme de 83.058,63 euros

(56.358,63 + 26.700) avec intérêts légaux à compter de la date de l’assignation,


-condamner l’agence Z A à payer à la société Y et Associés la somme de 11.501.87 euros avec intérêts légaux à compter de la date de l’assignation,


-dire que, par application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus seront capitalisés par année entière,


-condamner l’agence Z A à payer à la société Sodeba et Associés une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,


-condamner l’agence Z A à payer à la société Y et Associés une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,


-condamner l’agence Z A en tous les dépens.


Par conclusions déposées le 31 décembre 2021, M. Z A demande à la cour de:
Vu les articles L362-1 et suivants du code des assurances,


-confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 16 février 2021,


En conséquence,


-juger que l’C Z A ne peut être tenue de restituer une prime qu’il n’a pas encaissé,


-juger que c’est nécessairement et uniquement sur la base des seuls éléments que l’C Z A connaissait au jour où elle a proposé les contrats d’assurance que l’existence d’une faute doit être appréciée,


-juger que l’C Z A n’a commis aucune faute,


-juger que les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés ne rapportent pas la preuve d’un préjudice indemnisable,


-juger que les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés ne rapportent pas la preuve d’une faute de M.


Z A présentant un lien de causalité avec le préjudice qu’elles allèguent,


-débouter les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés de l’ensemble de leurs demandes tournées à

l’encontre de l’C Z A,


-condamner les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés à payer à l’C Z A la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,


-condamner les sociétés Sodeba et Associés et Y et Associés aux entiers dépens.


L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2022.

MOTIFS

Sur les obligations de M. Z A au moment de la conclusion du contrat d’assurance.


Sur le fondement de l’article 1231 du Code civil le débiteur est condamné s’il y a lieu au paiement de dommages et intérêts à raison de l’inexécution de l’obligation s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.


En l’espèce la société Sodeba et Associés et la société Y et Associés estiment que l’exécution de sa mission de courtage faisait obligation à M. Z A de ne placer les risques de ses clients qu’auprès

d’entreprises d’assurance agréées pour opérer en France et que la situation inverse constitue d’ailleurs une infraction pénale prévue par l’article L514'2 du code des assurances ; que M. Z A ne pouvait ignorer la situation de la société SFS Europe avec laquelle il avait établi une relation d’affaires, notamment son absence d’agrément d’assurance depuis 2015 et donc de garantie lui interdisant de conclure des contrats comme ceux qu’il leur a fait souscrire auprès de cette dernière ; que tout au moins il lui appartenait de vérifier

l’existence de cet agrément en ce que sa mission principale de courtier était de trouver l’assurance la plus adéquate pour conclure les contrats d’assurance de construction réclamés par ses clients ; que dans ce cadre M.


Z A aurait constaté que depuis 2014 des articles alertaient de l’absence d’agrément de la société


SFS Europe, qu’en 2015 elle avait réceptionné son premier avertissement du commissariat aux assurances

(CAA) autorité de contrôle luxembourgeoise qui lui reprochait de pratiquer illégalement deux activités simultanément, d’une part celle de société de courtage et d’autre part celle de compagnies d’assurances et de choisir et qui finalement l’avait lourdement sanctionnée en 2017en lui interdisant de conclure et gérer les contrats pour le compte de partenaires assureurs ; que cette information avait été relayée dans un communiqué de presse de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) du 21 décembre 2017 et qu’à la date de renouvellement d’autres courtiers décourageaient leurs clients de souscrire avec elle.
Outre le manquement à son obligation d’information ainsi développé elles reprochent par ailleurs à M.


Z A de ne pas avoir été réactif et efficace dans le traitement de cette affaire de les avoir privées du bénéfice d’un protocole d’accord conclu par la société SFS avant que cette dernière ne dépose son bilan.


Elles réclament en conséquence réparation du préjudice qu’elles estiment en lien de causalité direct avec la faute de M. Z A soit:

' le remboursement des primes pour chacune d’elles ne correspondant à aucune couverture

'la prime complémentaire de 26'700 euros versée par la société Sodeba et Associés pour palier l’absence de couverture.

M. Z A leur oppose à tort que leurs demandes seraient irrecevables au motif qu’il n’a pas encaissé les primes et qu’il ne peut restituer des sommes qu’il n’a pas perçues alors que l’action des appelantes est fondée sur sa responsabilité contractuelle et qu’elles sont dès lors recevables à lui réclamer les montants précités en réparation d’un préjudice subi.


Il appartient aux appelantes d’établir l’existence d’une faute du courtier en lien de causalité avec un préjudice dont la matérialité est démontrée.

Sur la faute de M. Z A.


Il résulte des dispositions de l’article 520'1 du code des assurances que le courtier, commerçant indépendant lui permettant de travailler avec plusieurs compagnies, est tenu d’une obligation spécifique d’information et de conseil de son client lorsqu’il lui propose pour répondre à ses besoins spécifiques une certaine police

d’assurance.


Il appartient au débiteur d’une obligation d’établir qu’il l’a remplie et au créancier de caractériser la teneur et

l’utilité du conseil dont il aurait été pris et donc du préjudice qui aurait résulté du manquement reproché dont il réclame réparation.


Toute entreprise d’assurance dont le siège social ou l’établissement est situé sur le territoire d’un État membre de l’union européenne autre que la France peut couvrir ou prendre sur le territoire de la république française, en libre prestation de services à partir de cet établissement, des risques ou des engagements conformément aux agréments qui lui ont été accordés par les autorités de contrôle de son état d’origine, sous réserve que

l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution ait préalablement reçu de ces dernières les informations requises.


L’assurance en libre prestation de services (LPS) permet ainsi à un assureur européen agréé dans l’un des 31 pays de l’espace économique européen, de vendre ses contrats dans un autre État sans implanter des filiales dans le pays ciblé et offre en général des prix plus compétitifs.


Le seul fait pour un courtier de proposer un contrat d’assurance LPS n’est donc pas une faute et est inspiré du principe de libre concurrence du marché d’autant qu’en l’espèce la compagnie d’assurance CBL pour la quelle


SFS Europe se présentait en qualité de mandataire disposait d’un établissement en France, […] à


Paris.


L’ information du courtier français conseillant des mandataires des courtiers grossistes ou des compagnies

d’assurance ayant leur siège social en dehors du territoire français, tous acteurs étrangers qui peuvent mal appréhender les spécificités de la législation française et fait peser des risques plus aggravés sur les constructeurs et commande la réalisation de provisions plus exigeantes que dans d’autres pays pour faire face aux éventuels sinistres sur une durée de 10 ans après la réception doit viser à éviter que l’entreprise assurée soit finalement en situation de devoir assumer la charge financière en place de l’assureur défaillant.
En l’espèce M. Z A agent général d’assurance Allianz et pour les risques que sa compagnie mandante refuse de garantir habilité à agir comme courtier et à s’adresser à d’autres compagnies en direct ou par l’intermédiaire de courtiers grossiste a agi en cette dernière qualité de courtier pour les sociétés appelantes qui cherchaient à conclure des contrats d’assurance construction que la compagnie Allianz ne prenait pas en charge.


Il s’est dans ce cadre adressé à un autre intermédiaire la société SFS Europe, société de droit luxembourgeoise implantée au Luxembourg qui a amené ses clientes à conclure leurs contrats avec elle agissant en qualité de mandataire de la compagnie d’assurance CBL Insurance Europe DAC, assureur de droit irlandais intervenant sur le marché français en libre établissement.


Il apparaît en qualité d’intermédiaire dans la proposition technique et financière d’assurance faite par la société


SFS à la société Y le 26 octobre 2017.


Certes il n’apparait pas à ce titre dans celle faite à la société Sodeba et Associés par la société SFS Europe


Mais il n’en ressort pas moins des circonstances de l’espèce que la société Sodeba a agi sur ses conseils.


D’abord aucune pièce ne montre que des négociations ont été opérées sans son accord et que la société Sodeba et Associés est entrée directement en contact avec la société SFS en qualité d’intermédiaire ou de CBL assureur avant de signer son contrat.


Et le contrat de la société Sodeba et Associés a été conclu dans les deux mois de celui de la société Y et


Associés qu’il a conseillée alors que les deux sociétés exercent la même activité à la même adresse et entendaient souscrire la même assurance responsabilité civile décennale et civile professionnelle pour leur même activité de bureau d’étude et maitrise d''uvre.


En outre M. Z A était le courtier habituel de la société Sodeba et apparaît à ce titre en qualité

d’intermédiaire dans un précédent contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle et décennale obligatoire souscrit par la société Sodeba avec date d’effet le 1er janvier 2017 avec une compagnie

d’assurance, Millennium Insurance Compagny Limited, enregistrée à Gibraltar déclarant être habilitée à opérer sur le territoire français en libre prestation de services dans le respect des dispositions de l’article


L362-2 du code des assurances et représentée en France par la société intermédiaire luxembourgeoise SFS


Europe.


Et d’ailleurs dans ses courriers du 22 mars 2018, postérieurs à la conclusion du contrat litigieux, adressés à la société Sodeba et la société Y, M. Z A reconnaît qu’il est mandaté pour les conseiller et les assister dans le choix et la régularisation des contrats des deux structures et il figure toujours dans la liste des destinataires figurant sur les mails échangés.


En conséquence M. Z A n’a pas été déchargé de ses obligations envers ses deux clientes.


Il devait donc en sa qualité de courtier de proximité qui a confié la recherche à un courtier grossiste apprécier

l’opportunité des propositions qui étaient faites par celui-ci à ses clientes en fonction de leur besoin de la qualité et de la capacité des contractants et constatant l’intervention de sociétés toutes étrangères agir avec prudence.


Cette prudence lui imposait au minimum de s’assurer que le courtier luxembourgeois qui agissait en qualité de mandataire d’une compagnie d’assurance disposait d’un agrément des autorités de son pays de contrôle pour proposer les produits en France, qu’il jouissait par ailleurs de la meilleure réputation professionnelle possible, que l’assureur qu’il proposait offrait une structure financière solide que son positionnement tarifaire était sérieux étant précisé qu’il n’existe pas de cotation à partir d’une banque de données fiables.


Cette appréciation devait se faire sur la base des éléments qu’il connaissait aurait pu ou du connaître le jour où il a conseillé le produit et le montage.

Avant la sanction du 1er décembre 2017.


Pour retenir l’existence d’une faute du courtier il faut que soit établi le fait qu’il ne pouvait ignorer lorsqu’il a conseillé à ses clients de s’adresser à la société SFS ayant son siège au Luxembourg et constaté qu’elle leur proposait de signer avec elle en qualité de mandataire, un contrat d’assurance avec la compagnie d’assurance de droit irlandais CBL, qu’il était interdit à la société SFS d’agir en cette qualité.


Cette interdiction a certes été signalée à la société SBS par la haute autorité du Luxembourg dans un courrier du 19 octobre 2015 lui enjoignant de cesser son activité de mandataire de compagnies d’assurances sous peine

d’une sanction disciplinaire.


Mais manifestement la société SBS ne l’a pas respectée alors même qu’elle s’y était engagée par un courrier du

18 novembre 2015 et qu’un rappel lui a été fait lors d’une entrevue du 8 avril 2016 qu’elle devait constituer une entité juridique distincte pour obtenir l’agrément d’agence d’assurance et que les entreprises d’assurance mandantes concernées devaient établir une succursale au Luxembourg.


Et cette sommation et ces courriers n’ont connu aucune publicité démontrée au dossier notamment auprès de

l’autorité de contrôle française ou même des revues spécialisées.


Au contraire les pièces produites montrent que de nombreux courtiers passaient par cette société en qualité de mandataire dont le palmarès de 2014 à 2017 relayé dans les revues spécialisées était particulièrement élogieux.


D’ailleurs la société Sodeba dont il a été vu qu’elle avait déjà souscrit par son intermédaire un contrat

d’assurance responsabilité civile professionnelle et décennale obligatoire avec la compagnie d’assurance,


Millennium Insurance Compagny Limited, enregistrée à Gibraltar avec date d’effet le 1er janvier 2017 ne s’est plaint d’aucun problème d’inexécution qu’elle aurait rencontré au cours de l’année 2017 et devait n’avoir eu vent d’aucun problème puisqu’elle a choisi comme la société Ginkor de passer par ce même mandataire.


Et dans son communiqué de presse du 21 décembre 2017 la société SFS Europe qui précise les conditions futures de la poursuite de son activité pour tenir compte de la décision du commissariat aux assurances brutes et de contrôle Luxembourg du 1 er décembre 2017 selon laquelle après plus de deux années d’échanges réguliers opérés par ses agents, il était considéré par le commissariat aux assurances qu’elle ne pouvait continuer à opérer comme courtier en assurances et comme mandataire de compagnie d’assurance, montre ainsi qu’elle n’avait jamais jugé utile de cesser ses opérations de mandataire.


Finalement le comité de direction du commissariat aux assurances du Luxembourg par décision du 1er décembre 2017 l’a condamnée au paiement d’une amende de 5 000 euros et a décidé de rendre l’affaire publique pour ainsi qu’il l’exprime porter à la connaissance des consommateurs et des entreprises d’assurance susceptibles d’accepter des souscriptions de la part de SFS que cette dernière n’est pas agréée en tant qu’agence d’assurance et qu’elle a été sanctionnée pour avoir exercé une activité illégale à ce titre.


Aucun élément ne permet de retenir que de toute autre manière ces entreprises auraient pû avoir connaissance du fait que les agissements de SFS Europe en qualité de mandataire n’étaient pas agréés par son autorité de contrôle.


C’est donc bien la publication de ces décisions qui a porté à la connaissance des entreprises d’assurance que cet intermédiaire qui réalisait la grande majorité de son activité en France et avait passé des milliers de contrats d’assurance à lire la presse spécialisée, n’était pas autorisé à exercer une activité de mandataire de compagnie d’assurances.


En conséquence aucune faute de M. Z A tenant à l’absence d’information sur la situation juridique du mandataire antérieurement au 1er décembre 2007 ne peut lui être reprochée.

À compter du 1er décembre 2017 tout au moins du 21 décembre 2017.


La communication de presse de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) portant sur la sanction infligée le 1er décembre 2017 à la société SFS Europe ayant agi en qualité de mandataire au nom et pour le compte de la compagnie d’assurance qui lui interdisait de jouer le rôle d’agent d’assurance de conclure et gérer des contrats pour le compte de partenaires assureurs a été opérée le 21 décembre 2017.


À compter de cette date les appelantes étaient en droit d’attendre de M. Z A dans le cadre de son obligation de conseil, leur transmette cette information sauf à pouvoir invoquer la faute de celui-ci.

Sur le préjudice de la société Sodeba.


Alors que le communiqué de presse était paru la société SFS Europe a encore agi en qualité de mandataire au nom et pour le compte de la compagnie d’assurance CBL pour conclure avec la société Sodeba un contrat

d’assurance à effet au 1er janvier 2018.

M. Z A a dès lors failli dans son obligation de conseil.


Le préjudice né du manquement de celui-ci s’analyse en une perte de chance de ne pas contacter avec la société SFS en qualité de mandataire.


A ce titre il est constaté que le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément au pouvoir qu’il lui a donné et tenu au delà autant qu’il les a ratifiés.


Or il ressort des éléments du dossier que la compagnie d’assurance CBL, compagnie irlandaise qui supportait le risque assuré, et avait un établissement en France restait quant à elle habilitée à opérer en France en vertu des dispositions de l’article L362-2 du code des assurances par sa succursale française et figure sur la liste des entreprises d’assurance autorisées par l’autorité de contrôle française l’ACPR.


Et elle n’a pas contesté le pouvoir de la représenter de son agent la société SFS, société filiale de son holding qu’elle a rachetée en 2017.


En effet par un courrier adressé à la société Sodeba le 8 octobre 2018 le mandataire de la société CBL nommé par la cour suprême irlandaise le 12 mars 2018 pour s’assurer de la protection de ses assurés de la régulation et la bonne conduite de son activité d’assurance et qui avait constaté qu’elle avait souscrit un contrat avec elle par

l’intermédiaire de la société SFS Europe qui avait géré la police et collecté les cotisations, informe la société


Sodeba qu’à la suite de la faillite de la société SFS Europe prononcée au Luxembourg le 27 juillet 2018 la prise en charge de la gestion et du règlement était assurée par la société IMS Expert Europe anciennement


SFS France et désormais Alliage Management en redressement judiciaire prononcé en août 2018 et qu’elle avait mandaté les assurances Pillot immatriculées en France pour agir en tant que leur agent sur le territoire français tous éléments qui n’affectaient pas ou ne diminuaient pas ses droits vis à vis de sa police.


En conséquence au de là de l’irrégularité du mandat de la société SFS Europe constatée et de la faute de M.


Z A consistant à ne pas en avoir informé la société Sodeba celle-ci était assurée auprès d’une compagnie irlandaise ayant un établissement en France à Paris, […].


La cotation de cette société irlandaise sera abaissée de A+ à B- puis celle-ci sera placée sous administration provisoire le 20 février 2018 et il lui sera demandé par la banque centrale d’Irlande d’arrêter toute nouvelle souscription de contrats d’assurance; mais ces éléments nouveaux constituent des changements de circonstance postérieurs qui sont sans lien de causalité avec la faute de M. Z A puisque le dossier ne porte pas trace d’alerte lancée par l’autorité de supervision irlandaise pour non respect des règles de gestion ou de solvabilité ou même de difficultés financières connues de la compagnie CBL au mois de janvier 2018 ou d’éléments permettant de considérer que cette société n’exerçait pas régulièrement et en toute sécurité de ses contractants son activité.


La société Sodeba sera dès lors déboutée de sa demande visant à voir condamner M. Z A à lui rembourser le montant de primes au motif qu’elles ne correspondraient à aucune couverture.


En revanche informée du défaut d’agrément de la société SFS Europe pour agir en qualité de mandataire la société Sodeba ne serait pas nécessairement passée par elle pour conclure avec la société CBL et aurait obtenu

l’appui d’une société qui aurait été en capacité de lui fournir une attestation d’assurance de son mandant.


La chance ainsi perdue de ne pas contracter par l’intermédiaire de la société SFS Europe peut être estimée à

90%.


Le préjudice en ayant résulté est constitué par les conséquences de l’incapacité dans laquelle elle s’est trouvée

d’obtenir une attestation d’assurance auprès de la société SFS Europe alors que ce document lui était pourtant et rapidement absolument indispensable pour exercer son activité en France sauf à se voir refuser des marchés, à risquer des sanctions pénales et voir engager sa responsabilité civile dans les conditions particulières des obligations du constructeur développées précédemment.


Cette incapacité apparue dès le mois de janvier l’a contrainte à juste titre pour exercer son activité à souscrire une seconde assurance auprès de la société AXA.


En conséquence l’assurance prise auprès de CBL et le paiement de la prime d’assurance de 43695 euros HT

s’est avéré inutile de sorte que le préjudice de la société Sodeba est constitué d’une perte de chance de 90% de chance de ne pas avoir eu à engager cette dépense si elle avait été correctement conseillée et informée.


Aussi M. Z A sera condamné à payer à la société Sodeba la somme de 39 325 euros en réparation du préjudice subi .


La société Sodeba et Associés réclame de surcroit le remboursement de la somme de 26 699,56 euros versée à la compagnie AXA pour reprendre la couverture du risque décennal pour les périodes du 1er janvier 2016 au

31 décembre 2017 .


Mais il a été jugé que M. Z A n’avait pas commis de faute avant le mois de décembre 2017 de sorte qu’il faut en conclure qu’il n’est pas tenu à réparation du préjudice que la société Sodeba estime avoir subi du fait de la conclusion d’un contrat avec la société Millennium par l’intermédiaire de la société SFS Europe le 2 février 2016 renouvelé en février 2017 pour lequel elle a d’ailleurs obtenu une attestation d’assurance et pour laquelle elle ne fait pas état d’un défaut de couverture par cette compagnie d’assurance qui lui aurait été opposée du fait de l’irrégularité reprochée au mandataire par la haute autorité luxembourgeoise au mois de décembre 2017.


En conséquence le paiement par la société Sodeba à la compagnie AXA de la somme de 26 699,56 euros pour reprendre la couverture du risque décennal pour les périodes du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 ne démontre pas qu’il constitue un préjudice lié à la faute de M. Z A.

Sur le préjudice de la société Y.


Le contrat a effet au 5 juillet 2017 a été signé le 10 octobre 2017 soit avant le communiqué de presse de

l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) du 21 décembre 2017 et avant même le prononcé de la sanction de cet organisme du 1er décembre 2017


Ainsi même si en sa qualité de professionnel M. Z A avait rempli toutes ses obligations et vérifié jusqu’au dernier moment le pouvoir du mandataire chargé de représenter la compagnie d’assurance CBL au regard des autorisations données par l’organe régulateur de son pays il n’aurait pas été en mesure de constater que celui-ci avait fait injonction à la société SFS de ne plus agir en qualité de mandataire d’une compagnie

d’assurance.


Aucune faute de M. Z A n’est en lien de causalité avec le préjudice de la société Y tiré de la conclusion de ce contrat par l’intermédiaire de la société SFS Europe et le paiement de la prime le 16 août

2017 de 11 501,87 euros.


Les obligations du courtier ne cessent pas avec la souscription du contrat d’assurance de sorte qu’il appartient à celui-ci de continuer à tenir son client informé des évolutions pouvant avoir des conséquences sur l’exécution de son contrat.


La société Y se prévaut de manquements postérieurs de M. Z A au cours de l’année 2018 qui ne lui auraient pas permis de trouver un accord transactionnel avec la compagnie d’assurance CBL et de résilier le contrat d’assurance.


Des courriers du 20 février 2018 ont été adressés à M. Z A par la société Sodeba et la société


Y l’informant de leur volonté de résilier par anticipation leur contrat RCP et RCD pour non respect des obligations du contrat dont l’impossibilité de leur fournir une attestation d’assurance pourtant promise par SFS lors d’une réunion tenue dans leurs locaux en présence de M. Z A le 1er février 2018 et relancée régulièrement depuis lors et lui reprochant de ne pas les représenter correctement.


Elle lui laisse jusqu’au 12 mars 2018 pour régulariser la situation à savoir lui proposer un protocole d’accord pour une résiliation amiable, lui remettre une attestation d’assurance, lui rembourser la prime déjà versée au prorata de la durée effective de prise en charge.


Par courriers du 22 mars les appelants informent M. Z A qu’elles lui demandent de résilier leurs contrats.


Mais les pièces du dossier, mails et courriers dont celui du 22 mars 2018, montrent que M. Z A a agi avec diligence en leur demandant de demander directement la résiliation de leur contrat à la compagnie

d’assurance en proposant de détailler les précautions à prendre les arguments à proposer, relève par exemple que leurs contrats ne prévoient pas les cas et les délais d’annulation et qu’il y avait des risques de paiement

d’indemnité d’annulation ou que la compagnie n’était pas nécessairement en capacité de les rembourser de leurs cotisations.


Il n’apparait pas dans quelle mesure M. Z A aurait pu jouer un rôle plus actif pour répondre à ces prétentions alors qu’il n’a aucun lien contractuel avec la société CBL assureur en libre prestation de service qui en ce début d’année 2018 n’avait pas de filiale en France et plus de mandataire et qui traversait elle même des turbulences menant à la nomination d’un administrateur par ordonnance de la Haute Cours d’Irlande du 12 mars 2018 saisie par la banque centrale d’Irlande qui choisira de nommer un nouveau mandataire chargé de la gestion du portefeuille en lieu et place de la société SFS Europe.


En outre si des négociations étaient menées avec la société SFS Europe il été vu que celle-ci n’avait plus mandat dès cette date et qu’un administrateur avait été nommé à la tête de la compagnie d’assurance par la haute cour d’Irlande de sorte qu’il n’apparait pas comment M. Z A pouvait avoir autorité pour précipiter ou forcer la signature d’un protocole transactionnel; il n’avait en revanche aucun intérêt à freiner le processus qui incluait des discussions des appelantes sur la résiliation ou l’annulation du contrat et sur les conséquences de ce choix qui restaient en suspens d’une part parcequ’elles voulaient avoir la certitude d’être remboursées et sans pénalités d’annulation d’autre part parceque la mauvaise foi manifeste de leur interlocuteur leur était soulignée par M. Z A et enfin parceque plusieurs options s’offraient à elles pour lesquelles elles étaient conseillées par un avocat et que des modifications du protocole en sont résulté encore au mois de mai 2018.


Certes un projet de protocole d’accord transactionnel par lequel la compagnie d’assurance CBL représentée par son nouveau mandataire la société IMS Expert Europ acceptait d’annuler les polices d’assurance à la demande de la société Sodeba à effet au 1er janvier 2018 et s’engageait à rembourser au souscripteur la prime de 47

627,99 euros TTC perçue, le souscripteur renonçant quant à lui aux garanties souscrites les pièces du dossier est produit au dossier.


Mais ce protocole qui n’est pas signé, ne vise pas de surcroît en tout état de cause la société Y. A lire le courrier du 22 mars 2018 de M. Z A, la société Y en revanche aurait d’ailleurs obtenu son attestation d’assurance le 26 octobre 2017.


En conséquence la société Y est déboutée de sa demande de réparation et le jugement du tribunal de commerce est confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement et contradictoirement,


Confirme le jugement du 16 février 2021 du tribunal de commerce de Reims en ce qu’il déboute la société


Y de sa demande en dommages et intérêts dirigée contre M. Z A résultant de la conclusion

d’un contrat d’assurance conclu le 26 octobre 2017 et de sa demande dirigée contre celui-ci au titre de l’article

700 du code de procédure civile et de toutes demandes


Infirme le jugement pour le surplus,


Statuant à nouveau et ajoutant,


Condamne M. Z A à payer à la société Sodeba la somme de 39 325 euros en réparation du préjudice subi avec intérêt au taux légal à compter de ce jour,


Dit que les intérêts dus pour une année antérieure se capitaliseront de plein droit.


Condamne M. Z A à payer à la société Sodeba la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile


Condamne M. Z A aux entiers dépens.


Le greffier La présidente
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Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 15 mars 2022, n° 21/00565