Cour d'appel de Reims, 1re chambre section civile, 13 septembre 2022, n° 21/01575

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect. civ., 13 sept. 2022, n° 21/01575
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 21/01575
Importance : Inédit
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 22 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 13 septembre 2022

R.G : N° RG 21/01575 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-FBMC

S.A.R.L. COLOR FACADE

c/

[W]

[B]

SAMCV SMABTP RAVAUX PUBLICS

SARL ARDENNES CHAMPAGNE BATIMENT AC BATIMENT

S.E.L.A.R.L. [X] [S]

Formule exécutoire le :

à :

la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE

la SELARL RAFFIN ASSOCIES

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 27 mai 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHARLEVILLE MEZIERES

S.A.R.L. COLOR FACADE

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS

INTIMES :

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Louis-stanislas RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

Madame [T] [B] Etant

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Louis-stanislas RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

SMABTP à cotisations variables entreprise régie par le Code des Assurances inscrite au RCS sous le n° 775684764 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me Olivier DELVINCOURT de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

SARL ARDENNES CHAMPAGNE BATIMENT AC BATIMENT au capital de 7.622,45 euros inscrite au RCS de SEDAN sous le n° 334 553 344 prise en la personne de son Gérant domicilié de droit audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Olivier DELVINCOURT de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

S.E.L.A.R.L. [X] [S] prise en la personne de Me [X] [S] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL ARDENNES CHAMPAGNE BÂTIMENT,

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Non comparant, non représenté bien que régulièrement assigné

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 27 juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 septembre 2022,

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [T] [B] et Monsieur [Y] [W] ont conclu un marché d’entreprise avec la société AC BATIMENT, assurée auprès de la SMABTP, le 2 septembre 2015 pour la construction d’une maison d’habitation à [Localité 2].

Plusieurs entreprises sont intervenues:

— la société BRUN-REGNIER TP, sous-traitant de la société AC BATIMENT, pour le terrassement du terrain,

— la société COLOR FACADE, sous-traitant de la société AC BATIMENT, pour la réalisation de la façade,

— Monsieur [E] [N], pour la réalisation de la plomberie,

— l’entreprise DEGAL, pour la réalisation des menuiseries,

— la société AUBRIET père et fils, pour la réalisation de la couverture.

L’immeuble a été réceptionné le 3 mars 2017 avec les réserves suivantes :

— prise extérieure terrasse : à câbler

— lumière extérieure garage : à déplacer

— enduits extérieurs : à faire

— couverture = poussière de découpe : à nettoyer (Aubriet)

— frisette auvent entrée : à poser (habillage corbeau)

— inflitrométrie : à réaliser

Se plaignant d’autres désordres apparus postérieurement à la réception de l’ouvrage, les consorts [B]-[W] ont obtenu du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières l’organisation d’une mesure d’expertise confiée à Monsieur [Z], suivant une ordonnance rendue le 22 mai 2018.

L’expert a déposé son rapport le 21 février 2019.

Par actes huissier en date des 7 mai, 15 mai et 25 mai 2019, les consorts [B]-[W] ont fait assigner respectivement la SMABTP, la Selarl [X] [S], mandataire judiciaire de la Sarl AC BATIMENT ainsi que la Sarl AC BATIMENT devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières en responsabilité et en paiement.

Par acte huissier en date du 9 décembre 2019, la SMABTP a fait assigner la Sarl COLOR FACADE en intervention à la procédure.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a :

— déclaré le rapport d’expertise déposé par Monsieur [Z] opposable à la SARL COLOR FACADE,

— déclaré la SARL Ardennes Champagne Bâtiment exerçant sous l’enseigne AC BATIMENT responsable des désordres nécessitant une reprise de travaux tels que préconisés par l’expert pour un montant total de 24.582 euros TTC,

— déclaré la SARL COLOR FACADE responsable des désordres découlant de la pose de l’enduit et de ses conséquences,

— fixé au passif du redressement judiciaire de la société AC BATIMENT la somme de 24.582 euros ttc en réparation du préjudice matériel et de 1.000 euros en réparation du préjudice moral subis par les consorts [B]-[W],

— condamné la SMABTP à garantir la société AC BATIMENT concernant les travaux relevant des activités déclarées pour un montant de 12.192 euros ttc ainsi que pour le règlement du préjudice de jouissance pour un montant de 500 euros,

— condamné la SARL COLOR FACADE à garantir la société AC BATIMENT à hauteur de 12.192 euros ttc ainsi que pour un montant de 500 euros au titre du préjudice de jouissance,

— débouté les consorts [B]-[W] de leurs demandes au titre des préjudices esthétique et moral,

— débouté la SMABTP de sa demande au titre de l’opposabilité de sa franchise aux consorts [B]-[W],

— condamné les consorts [B]-[W] à verser à la société AC BATIMENT la somme de 11.361,48 euros,

— ordonné la compensation judiciaire entre les sommes dues entre les consorts [B]-[W] et la société AC BATIMENT,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— fixé au passif du redressement judiciaire de la société AC BATIMENT la somme de 3.000 euros due aux consorts [B]-[W] au titre des frais irrépétibles et dit que la SARL COLOR FACADE et la SMABTP sont condamnées in solidum au versement de cette somme,

— fixé au passif du redressement judiciaire de la société AC BATIMENT les dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et dit que la SARL COLOR FACADE et la SMABTP sont condamnées in solidum au versement de cette somme.

Par un acte en date du 29 juillet 2021, la SARL COLOR FACADE a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 24 septembre 2021, la SARL COLOR FACADE conclut à l’infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :

— constater que le rapport d’expertise de Monsieur [Z] lui est inopposable,

— débouter la SMABTP de toutes ses demandes.

Elle sollicite la condamnation de la SMABTP à lui payer la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Elle expose qu’elle n’a pas été appelée aux opérations d’expertise et qu’il ressort des constatations de l’expert que ce dernier semble avoir ignoré l’existence même de son intervention sur le chantier. Selon elle, l’expert n’a pas pu conclure en connaissance de cause, du fait de son absence.

Elle soutient que l’action de l’entrepreneur principal à l’encontre du sous-traitant n’est pas fondée sur la responsabilité de plein droit prévue à l’article 1792 du code civil dont le bénéfice est réservé au maître de l’ouvrage et aux propriétaires successifs, mais est fondée exclusivement sur la responsabilité contractuelle de droit commun.

Elle fait valoir qu’aucune faute n’est prouvée à son encontre.

S’agissant des désordres affectant les enduits, elle rappelle qu’une réception prononcée sans réserve malgré la présence d’un maître d’ouvrage fait obstacle à l’action en garantie décennale et précise que les consorts [B]-[W] n’ont formulé aucune réserve dans le procès-verbal du 3 mars alors que dès le 15 octobre 2016, ils ont fait état d’infiltrations d’eau importantes au sous-sol.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 23 décembre 2021, les consorts [B]-[W] concluent à l’infirmation partielle du jugement déféré et demandent à la cour de :

— condamner in solidum la société AC BATIMENT et la SARL COLOR FACADE à leur payer les sommes de :

-24.582 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2018 date de délivrance de l’assignation, au titre des travaux de reprise,

-500 euros en réparation du préjudice esthétique permanent,

-1.000 euros en réparation de jouissance,

—  5.000 euros en réparation du préjudice moral.

— condamner la SMABTP à relever et garantir la société AC BATIMENT des condamnations prononcées à son encontre,

— débouter les autres parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ils sollicitent en outre le paiement de la somme supplémentaire de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Ils exposent que les infiltrations rendent l’ouvrage impropre à sa destination dans la mesure où il n’est pas hors d’air et hors d’eau.

Ils soutiennent que la société AC BATIMENT avait un rôle de réalisateur et coordonnateur des ouvrages dans la mesure où elle était chargée de la coordination mais également de contrôler la bonne exécution des travaux réalisés par les sous-traitants. Subsidiairement ils invoquent la responsabilité contractuelle de la société AC BATIMENT.

Ils contestent les termes de la facture produite par la société AC BATIMENT dans le cadre de la présence instance, estimant que les montants ne correspondent aucunement au marché de travaux et qu’au surplus cette facture n’a pas été présentée dans le cadre des opérations d’expertise.

Ils font valoir que c’est à tort que le tribunal a limité la garantie de la SMABTP à la police d’assurance, dans la mesure où parmi les activités déclarées, il y a notamment « structure et travaux courants de maçonnerie-béton armé » et que la nomenclature des activités du BTP indique que la réalisation des enduits extérieurs est notamment comprise dans l’activité répertoriée « maçonnerie-béton armé ».

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 22 mars 2022, la société AC BATIMENT et la SMABTP concluent à l’infirmation partielle du jugement entrepris s’agissant des condamnations prononcées à l’encontre de la SMABTP et de la société AC BATIMENT.

Subsidiairement, elles sollicitent la condamnation de la SARL COLOR FACADE à relever et à garantir la société AC BATIMENT des condamnations prononcées relatives à l’enduit réalisé par la société COLOR FACADE ainsi que ses conséquences.

Elles précisent que l’étanchéité de la terrasse n’était pas à la charge de la société AC BATIMENT.

À titre infiniment subsidiaire, elles concluent à la fixation du montant global des travaux de reprise à la somme de 16.016 euros ttc.

En tout état de cause, elles demandent de juger opposable aux consorts [B]-[W] la franchise contractuelle prévue au contrat d’assurance prévoyant 10 % du montant des dommages avec un minimum de 935 euros et au maximum 9.350 euros et sollicitent la condamnation de la SARL COLOR FACADE à leur payer à chacune la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Elles exposent que dans le cadre de la présente instance la SARL COLOR FACADE a pu débattre contradictoirement du rapport d’expertise et qu’il résulte des constatations de l’expert l’existence d’une faute imputable à l’entreprise ayant réalisé les enduits.

Elles soutiennent que les infiltrations d’eau étaient connues des demandeurs avant la réception de l’ouvrage le 3 mars 2017.

Elles insistent sur le fait que la société AC BATIMENT n’avait pas la qualité de maître d’oeuvre.

Elles ajoutent que la facture présentée est due et que les consorts [B]-[W] ne justifient pas s’être acquittés de son montant.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

*Sur l’opposabilité du rapport d’expertise judiciaire

En vertu de l’article 16 du code de procédure civile, un rapport d’expertise judiciaire peut-être déclaré opposable à un tiers aux opérations d’expertise si ce rapport d’expertise a été régulièrement versé aux débats, à la discussion contradictoire des parties et s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve.

En l’espèce, il est constant que le rapport d’expertise judiciaire déposé par Monsieur [Z] le 21 février 2019 a été communiqué à la SARL COLOR FACADE et soumis à la discussion contradictoire des parties dans le cadre de la présente instance.

Outre le rapport d’expertise judiciaire, les consorts [W]-[B] produisent aux débats des photographies de leur maison avant les opérations d’expertise, et notamment avant la pose de l’enduit (mission confiée à la SARL COLOR FACADE) ainsi que des désordres affectant le sous-sol de l’immeuble. Ils communiquent également un courrier, daté du 18 septembre 2017 ,qu’ils ont adressé à la société AC BATIMENT, exposant dans le détail les désordres non contestés, et notamment des infiltrations d’eau importantes dans le sous-sol pour la première fois en octobre 2016, et rappelant que la société AC BATIMENT leur avait indiqué que la pose de l’enduit de façade et le carrelage de la terrasse y remédieraient. Ils précisaient que la SARL COLOR FACADE n’était toujours pas intervenue au 18 septembre 2017.

Ils ont démontré au juge des référés la persistance des désordres dans une assignation en date du 26 janvier 2018 et donc après la pose de l’enduit de façade.

De plus, contrairement à ce que soutient la SARL COLOR FACADE devant la cour, l’expert judiciaire a été avisé de l’intervention de sous-traitants dont la société COLOR FACADE s’agissant de la réalisation des enduits extérieurs, car celui écrit dans son rapport en page 20 "(…) Nous confirmerons nos explications concernant les enduits extérieurs; que ce soit des « fissures » ou des « micro-fissures »! Ces enduits ont été identifiés comme des causes des infiltrations en sous-sol dès la première visite des lieux, le 11 septembre 2018. L’entreprise ARDENNES CHAMPAGNE BATIMENT avait tout loisir de mettre en cause son sous-traitant avant ce jour".

Dès lors, au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de déclarer le rapport d’expertise judiciaire de Monsieur [Z], opposable à la SARL COLOR FACADE et de confirmer le jugement déféré de son chef.

*Sur la nature des travaux, l’origine des désordres et la réception

*Sur les désordres affectant l’intérieur de l’immeuble

Les consorts [W]-[B] sollicitent l’indemnisation d’un préjudice esthétique permanent à hauteur de 500 euros. Ils font état de désordres affectant les équipements intérieurs, à savoir les bâtis de portes mal ajustées, ou un léger défaut d’horizontalité du sol du séjour émanant d’une mise en 'uvre peut soignée selon l’expert judiciaire.

Sur ce point, la cour comme le premier juge souligne que s’agissant de désordres simplement esthétiques, ces derniers ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs. Par ailleurs, il y a lieu de constater que ces désordres étaient visibles au moment de la réception intervenue le 3 mars 2017 et n’ont pas fait l’objet de réserves, de sorte que la responsabilité de la SARL AC BATIMENT ne peut pas être retenue.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté les consorts [W]-[B] de leur demande en paiement au titre du préjudice esthétique.

*Sur les désordres affectant le sous-sol

Il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 1792 du code civil, la responsabilité décennale du constructeur n’est engagée que si l’ouvrage a fait l’objet d’une réception, et si les désordres, non apparents à la date de la réception, sont de nature à porter atteinte à la solidité de l’ouvrage.

En l’espèce, la matérialité des désordres affectant le sous-sol, à savoir de fortes infiltrations sur les murs extérieurs entrainant de l’humidité et plusieurs inondations à l’occasion d’orages violents ont été constatées par l’expert judiciaire et ce dernier souligne que leur importance est telle que « l’humidité dépasse largement les tolérances admises par le DTU n°20.1 pour les sous-sols ne servant pas de pièces à vivre ».

Dans ces conditions, il ressort de ces constatations que ces désordres portent atteinte à la destination du sous-sol.

S’il résulte du procès-verbal de réception du 3 mars 2017 que les consorts [W]-[B] connaissaient l’existence d’infiltrations en sous-sol préalablement aux opérations de réception, toutefois il y a lieu de souligner que seule l’absence de réalisation des enduits est mentionnée sur ce procès-verbal. Or, il ressort du courrier du 18 septembre 2017 que les consorts [W]-[B] s’étaient ouverts de ces infiltrations avec la SARL AC BATIMENT, laquelle leur avait expliqué que ces infiltrations étaient liées à l’absence d’enduits extérieurs.

Les consorts [W]-[B] étant des profanes en matière de construction, le procès-verbal de réception du 3 mars 2007 n’est pas de nature à purger l’ouvrage de ses vices et à exclure la garantie décennale du constructeur. En effet, la levée de la réserve s’agissant des enduits n’a pas mis fin aux infiltrations et au surplus les enduits réalisés ont contribué à aggraver le phénomène d’infiltrations puisque ces derniers sont également affectés de désordres. Ainsi, c’est dans le cadre de l’expertise judiciaire que l’origine du dommage a été identifiée.

Dans ces conditions, il convient de juger que les désordres affectant le sous-sol sont de nature décenale.

*Sur les responsabilités engagées

L’expert a identifié quatre causes à l’origine des infiltrations :

— S’agissant de l’enduit, l’expert indique "la principale cause se situe au niveau du raccord horizontal entre les deux types d’enduit habillant les façades; en effet les deux enduits, de même épaisseur mais de compositions différentes, n’ont pas de cohésion entre eux; ce qui provoque une fissure permettant l’infiltration des eaux qui ruissellent sur les façades lors de fortes pluies. Afin d’y remédier, il conviendrait de mettre en 'uvre un joint spécifique entre ces deux enduits après ouverture soignée à la disqueuse";

— S’agissant de la terrasse arrière, l’expert précise "la seconde source d’infiltration se situe au niveau de la terrasse arrière, terrasse qui n’est munie d’aucune étanchéité entre la dalle et la chape destinée à recevoir un carrelage; carrelage ne pouvant en aucun cas être considéré comme étanche. Il conviendrait de procéder à la dépose de cette chape, par ailleurs fortement fissurée, pour mettre en place une étanchéité réglementaire. La protection de cette nouvelle étanchéité (bois ou dallage) restera à la charge des propriétaires";

— S’agissant de la cour anglaise, l’expert expose que 'sur les deux cours anglaises posées, une seule a été drainée en fond; drainage réalisé à l’initiative des propriétaires qui ont subi plusieurs inondations du fait du déversement des eaux de ruissellement de la terrasse dans cette cour anglaise. D’ailleurs le châssis vitré ouvrant sur celle-ci est plein d’eau et devra être changé. Afin d’éviter tout nouveau remplissage en cas d’orage, la seconde cour anglaise devra être déposée et reposée sur un lit drainant constitué de cailloux enveloppés d’un géotextile";

— S’agissant des fourreaux, l’expert préconise « les fourreaux posés par le terrassier, sont également susceptibles de véhiculer de l’eau, leur départ extérieur étant plus haut que leur point de pénétration dans le sous-sol. Il conviendrait de poser un regard de départ, avec fond percé et drainé et calfeutrement soigné des fourreaux au mortier de brai »

Monsieur [Z] relève également , d’une part, que les sauts de loup doivent être adaptés, posés sur un lit drainant permettant d’évacuer l’eau de pluie qu’ils récoltent, et d’autre part, que le saut de loup de la façade n’est pas posé conformément aux règles de l’art.

*Sur la responsabilité de la SARL AC BATIMENT

En vertu du marché d’entreprise conclu le 2 septembre 2015 avec les consorts [W]-[B] pour la construction d’une maison d’habitation, la SARL AC BATIMENT a la qualité de constructeur et est dès lors tenue de la garantie décennale à l’égard des maîtres d’ouvrage sur l’ensemble des ouvrages qu’elle a réalisés soit directement soit par l’intermédiaire de ses sous-traitants.

En l’espèce, au vu des désordres de nature décennale ci-dessus caractérisés, il convient d’adopter le chiffrage préconisé par l’expert judiciaire, s’agissant des travaux de reprise comme suit :

-965 euros HT au titre de la repose du saut de loup en façade avant compris percement du fond et lit drainant,

-3.455 euros HT au titre de la mise en place d’un joint horizontal périphérique entre les deux enduits,

-6.520 euros HT au titre du rebouchage des fissures sur l’enduit ciment et application d’une imperméabilisation I3,

-8.280 euros HT au titre de la mise en place d’une étanchéité réglementaire sur terrasse, compris toutes sujetions,

-565 euros HT au titre du remplacement du châssis à soufflet au sous-sol,

-700 euros HT au titre de la protection et nettoyage de fin de chantier,

soit un total de 20.480 euros HT, soit 24.582 euros TTC.

L’expert a également retenu un préjudice de jouissance à hauteur de 1.000 euros. Il y a lieu de souligner que les consorts [W]-[B] ont toujours indiqué dès le début de leur projet de construction qu’une partie du sous-sol était destiné à accueillir une salle de jeux et le bureau professionnel de Monsieur [W].

Une procédure collective étant ouverte à l’égard de la SARL AC BATIMENT, seule une fixation de créance au passif de la procédure collective de cette dernière pour un montant de 24.582 euros ttc au titre du préjudice matériel et 1.000 euros au titre du préjudice de jouissance peut être ordonnée au profit des consorts [W]-[B], étant précisé que les consorts [W]-[B] n’ont pas sollicité une condamnation in solidum de la SARL AC BATIMENT et de l’assureur de cette dernière la SMABTP.

Les consorts [W]-[B] au vu de l’ancienneté du litige et des nombreuses démarches accomplies démontrent avoir subi un préjudice moral du fait des tracas causés par les nombreux désordres imputables à la SARL AC BATIMENT, celle-ci ayant également failli dans sa mission de coordinatrice des ouvrages entre ses sous-traitant mais également de contrôle de la bonne exécution des travaux de ces derniers.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré s’agissant de la fixation au passif de la procédure collectice de la SARL AC BATIMENT des sommes de 24.582 euros TTC et 1.000 euros en réparation des préjudices matériel et de jouissance des consorts [W]-[B] et l’infirmer s’agissant du préjudice moral, en fixant l’indemnisation à la somme de 2.000 euros.

Il y a également lieu de dire que la somme allouée au titre du préjudice matériel porter intérêts au taux légal à compter du 21 février 2019, date du dépôt du rapport d’expertise judiciaire.

*Sur la responsabilité de la SARL COLOR FACADE

La SARL COLOR FACADE est intervenue en qualité de sous-traitant de la SARL AC BATIMENT pour la réalisation de l’enduit, selon la facture datée du 10 octobre 2017.

En l’absence de lien contractuel avec les consorts [W]-[B] (maître d’ouvrage), la responsabilité de la SARL COLOR FACADE (sous-traitant) ne peut être recherchée par ces derniers que sur le fondement quasi-délictuel de l’article 1382 ancien et 1240 du code civil, qui exige la démonstration d’une faute en lien de causalité direct et certain avec le dommage.

En l’espèce, la fissure sur l’enduit par laquelle l’eau s’infiltre a été mise en évidence par l’expert judiciaire qui a relevé un défaut au niveau du raccord des enduits ainsi que sur l’épaisseur de ces derniers. Ces désordres caractérisent un manquement de la SARL COLOR FACADE à son obligation de résultat à laquelle elle était tenue à l’égard de son donneur d’ordre, la SARL AC BATIMENT.

Ce manquement contractuel est constitutif d’une faute quasi délictuelle à l’égard du maître de l’ouvrage.

Les travaux de reprise concernant l’enduit sont constitués par les postes suivants :

-3.455 euros HT au titre de la mise en place d’un joint horizontal périphérique entre les deux enduits,

-6.520 euros HT au titre du rebouchage des fissures sur l’enduit ciment et application d’une imperméabilisation I3,

-700 euros HT au titre de la protection et nettoyage de fin de chantier, /2 = 350 euros HT

soit un total de 10.160 euros HT, soit 12.390 euros TTC.

Par conséquent, il convient de condamner in solidum sur le principe avec la SARL AC BATIMENT, eu égard à la fixation de créance susvisée, la SARL COLOR FACADE à payer aux consorts [W]-[B] la somme de 12.390 euros TTC au titre du préjudice matériel, 1.000 euros au titre du préjudice de jouissance et 2.000 euros au titre du préjudice moral et d’infirmer le jugement déféré de ce chef.

Il y a lieu d’ajouter les intérêts au taux légal sur le préjudice matériel, à compter du dépôt du rapport d’expertise judiciaire en date du 21 février 2019.

*Sur les garanties dues

*s’agissant de la SMABTP

La SARL AC BATIMENT a souscrit auprès de la SMABTP pour l’année 2015 des garanties concernant les activités professionnelles suivantes :

— structure et travaux courants de maçonnerie -béton armé,

— charpente en bois,

— électricité

— plâtrerie à base de plaques de plâtre ,

— menuiseries extérieures.

Si la responsabilité de la SARL BATIMENT AC a été retenue au titre des enduits, force est de constater que cette activité, au vu du contrat souscrit, n’est pas garantie par la SMABTP. Dans ces conditions, il convient de condamner la SMABTP à garantir la SARL BATIMENT AC des seules condamnations prononcées au titre de la reprise de la terrasse arrière, de la cour anglaise, du saut de loup et de 50% des frais de nettoyage, soit la somme globale de 10.325 euros HT, soit 12.192 euros TTC au titre du préjudice matériel et de 500 euros au titre du préjudice de jouissance, le préjudice moral étant cependant exclu de la garantie.

S’agissant de la garantie légale, il convient de rappeler qu’aucun plafond ni franchise n’est applicable.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SMABTP à garantir la SARL AC BATIMENT à hauteur de 12.192 euros ttc et de 500 euros et a rejeté les autres demandes.

Il y a lieu d’ajouter les intérêts au taux légal sur le préjudice matériel, à compter du dépôt du rapport d’expertise judiciaire en date du 21 février 2019.

*s’agissant de la SARL COLOR FACADE

La SARL COLOR FACADE étant intervenue sur le chantier litigieux en qualité de sous-traitant de la SARL AC BATIMENT, elle est donc responsable de la qualité de son ouvrage vis à vis de son donneur d’ordre sur le fondement de la responsabilité contractuelle. En effet, elle est tenue à une obligation de résultat à l’égard de la SARL AC BATIMENT.

Il résulte des éléments ci-dessus développés que les enduits réalisés par la SARL COLOR FACADE n’ont pas été exécutés conformément aux règles de l’art et caractérisent une faute à l’origine des travaux de reprise pour un montant total de 12.390 euros ttc et de 500 euros au titre du préjudice de jouissance.

Par conséquent, il convient de condamner la SARL COLOR FACADE à garantir la SARL AC BATIMENT de ces montants et de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Il y a lieu d’ajouter les intérêts au taux légal sur le préjudice matériel, à compter du dépôt du rapport d’expertise judiciaire en date du 21 février 2019.

*Sur le solde de la facture émise par la SARL AC BATIMENT

Il n’est pas contesté que les consorts [W]-[B] sont encore redevables de la somme de 11.361,48 euros à l’égard de la SARL AC BATIMENT au titre du solde du chantier.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné les consorts [W]-[B] à payer à la SARL AC BATIMENT la somme de 11.361,48 euros et ordonné la compensation judiciaire de cette somme avec celles dues par la SARL AC BATIMENT au profit de ces mêmes consorts [W]-[B].

*Sur les autres demandes

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la SARL AC BATIMENT, la SMABTP et la SARL COLOR FACADE, succombant, elle seront tenues in solidum aux dépens d’appel, ladite somme étant fixée au passif de la procédure collective de la SARL AC BATIMENT

Les circonstances de l’espèce commandent de condamner in solidum la SMABTP et la SARL COLOR FACADE à payer aux consorts [W]-[B] la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles à hauteur d’appel, de fixer cette même somme au passif de la procédure collective de la SARL AC BATIMENT et de rejeter les demandes des autres parties sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 27 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières en ce qu’il a :

— débouté Monsieur [Y] [W] et Madame [T] [B] de leurs demandes en paiement dirigées à l’encontre de la SARL COLOR FACADE ainsi qu’au titre du préjudice moral à l’égard de la SARL AC BATIMENT,

Et statuant à nouveau,

Condamne la SARL COLOR FACADE à payer à Monsieur [Y] [W] et à Madame [T] [B] les sommes de :

-12.390 euros ttc avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2019, au titre du préjudice matériel,

-1.000 euros au titre du préjudice de jouissance,

-2.000 euros au titre du préjudice moral,

Fixe au passif de la procédure collective de la SARL AC BATIMENT la somme de 2.000 euros due à Monsieur [Y] [W] et à Madame [T] [B] en réparation de leur préjudice moral et dit que la somme due au titre du préjudice matériel portera intérêts au taux légal à compter du 21 février 2019.

Le confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit que la garantie due par la SMABTP à la SARL AC BATIMENT s’agissant du préjudice matériel d’un montant de 12.192 euros ttc portera intérêt au taux légal à compter du 21 février 2019.

Fixe au passif de la procédure collective de la SARL AC BATIMENT la somme de 3.000 euros due à Monsieur [Y] [W] et à Madame [T] [B] à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et condamne in solidum la SARL COLOR FACADE et la SMABTP au paiement de ladite somme.

Rejette les demandes en paiement des autres parties à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Fixe au passif de la procédure collective de la SARL AC BATIMENT les dépens d’appel et condamne in solidum la SARL COLOR FACADE et la SMABTP au paiement de ladite somme.

Le greffier La présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Reims, 1re chambre section civile, 13 septembre 2022, n° 21/01575