Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 18 décembre 2019, n° 17/02694

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 9e ch sécurité soc., 18 déc. 2019, n° 17/02694
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 17/02694
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Quimper, 28 février 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

9e Ch Sécurité Sociale

ARRET N°682

N° RG 17/02694 – N° Portalis DBVL-V-B7B-N3HO

Société BARILLEC

C/

URSSAF DE BRETAGNE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Laurence LE QUELLEC, Conseillère,

Assesseur : Madame Z-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Mme X Y, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Octobre 2019

devant Madame Z-Emmanuelle PRUAL, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Décembre 2019 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré initialement fixé au 20 novembre 2019 ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 01 Mars 2017

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de QUIMPER

****

APPELANTE :

Société BARILLEC

[…]

[…]

représentée par Me David CRETOIS, avocat au barreau de LORIENT substitué par Me Thibault DOUBLET, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

URSSAF DE BRETAGNE

[…]

[…]

[…]

représenté par Mme Z-A B (Représentant légal) en vertu d’un pouvoir spécial

FAITS ET PROCEDURE :

La société BARILLEC (la société) a fait l’objet, par l’Urssaf de Bretagne, d’une vérification portant sur la législation de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires AGS pour la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, sur l’ensemble de ses établissements.

Ce contrôle a donné lieu à des redressements sur plusieurs points pour les établissements de Concarneau, Quimper, Lorient, Quimperlé, alors qu’aucune irrégularité n’a été relevée pour ceux de Ploemeur et Brest.

Le 3 septembre 2013, l’Urssaf a ainsi notifié à la société des observations et un redressement pour un montant total de 98 433 euros, tous établissements confondus.

Par courrier du 7 octobre 2013, la société a fait valoir des observations et a notamment sollicité un crédit de cotisations sur la taxe de versement transport.

Par courrier du 8 novembre 2013, l’inspecteur a rejeté ces demandes et observations.

Le 27 novembre 2013, l’Urssaf a adressé à la société plusieurs mises en demeure :

— d’un montant global de 5 714 euros pour l’établissement de Quimper,

— d’un montant global de 7 038 euros pour l’établissement de Quimperlé,

— d’un montant global de 9 304 euros pour l’établissement de Lorient,

— d’un montant global de 90 339 euros pour l’établissement de Concarneau.

La société a saisi la commission de recours amiable (CRA), laquelle a décidé :

— d’annuler le redressement opéré sur le chef « prévoyance complémentaire » sur les années 2010 et 2012, compte tenu d’une erreur matérielle dans le chiffrage de ce chef de redressement,

— de maintenir le redressement opéré sur le chef « prévoyance complémentaire » sur l’année 2011,

— de maintenir les autres redressements contestés.

La société a ensuite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Quimper, lequel a, par jugement du 1er mars 2017 :

— déclaré irrecevable la demande de la société au titre du chef « frais professionnels – limites d’exonération : utilisation d’un véhicule professionnel indemnités kilométriques » d’un montant de 30 385 euros, mais recevable le recours pour le surplus,

— déclaré régulières les mises en demeure du 27 septembre 2013,

— validé le redressement opéré sur le chef « 7-12-13 frais professionnels – limites d’exonération : utilisation d’un véhicule professionnel indemnités kilométriques » à hauteur de 30 385 euros de cotisations,

— validé le redressement opéré au titre de la réduction dite Fillon « 6 – prévoyance complémentaire : ayants droit » à hauteur de 13 827 euros de cotisations,

— condamné la société à régler à l’Urssaf la somme totale de 59 595 euros restant due sur le redressement consécutif à la lettre d’observations du 3 septembre 2013 pour l’établissement de Concarneau, soit 51 470 euros de cotisations et 8 125 euros de majorations de retard, outre les majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’à complet paiement du principal,

— condamné la société à régler à l’Urssaf la somme totale de 7 038 euros restant due sur le redressement consécutif à la lettre d’obsevations du 3 septembre 2013 pour l’établissement de Quimperlé, soit 5 935 euros de cotisations et 1 103 euros de majorations de retard, outre les majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’à complet paiement du principal,

— condamné la société à régler à l’Urssaf la somme totale de 5 714 euros restant due sur le redressement consécutif à la lettre d’observations du 3 septembre 2013 pour l’établissement de Quimper, soit 5 127 euros de cotisations et 587 euros de majorations de retard, outre les majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’à complet paiement du principal,

— condamné la société à régler à l’Urssaf la somme totale de 9 304 euros restant due sur le redressement consécutif à la lettre d’obsevations du 3 septembre 2013 pour l’établissement de Lorient, soit 8 184 euros de cotisations et 1 120 euros de majorations de retard, outre les majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’à complet paiement du principal,

— débouté la société de l’ensemble de ses demandes,

— condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Tribunal a estimé que le principe du contradictoire a été respecté et que les mises en demeure sont régulières ; que les erreurs matérielles constatées sont sans incidence sur la régularité formelle ; sur le fond, que s’agissant de la taxe transport, les documents remis par la société ne lui permettent pas de remettre en cause le redressement intervenu ; que sur la demande de crédit au titre de la réduction « Fillon », aucune pièce n’a été fournie par la société démontrant l’existence d’un crédit ; que sur le redressement « 6 – prévoyance complémentaire : ayants droit », l’Urssaf n’a pas eu recours à la taxation d’office mais à juste titre à une reconstitution pour l’année 2011 de la base à soumettre à cotisations ; que sur le chef de redressement « 7-12-13 frais professionnels – limites d’exonération : utilisation d’un véhicule professionnel indemnités kilométriques », la société est irrecevable en ce qu’elle n’a pas saisi la commission de recours amiable de son moyen de contestation.

Le 4 avril 2017, la société a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 6 mars 2017.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par ses conclusions n°2 auxquelles s’est référé et qu’à développées son représentant à l’audience, la société demande à la cour de :

' à titre liminaire :

— relever d’office, sur le fondement des articles 122 et 125 du code de procédure civile, la fin de non recevoir relative à l’inobservation des délais et à l’absence d’ouverture d’une voie de recours du fait de l’inexistence de la commission par l’absence de composition et de constitution de celle-ci par l’Urssaf conformément aux textes qui régissent la constitution et l’existence même d’une telle commission et d’en déduire :

° l’absence et l’inexistence de la commission de recours amiable (CRA) au sein de l’Urssaf de Bretagne,

° l’absence d’ouverture de la voie de recours à la CRA qui aurait dû être légalement constituée, et l’impossibilité pour le cotisant d’avoir pu saisir la « CRA conforme aux textes » dans le délai imposé par l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale afin de contester les mises en demeure du 27 novembre 2013,

° l’irrecevabilité de la demande de l’Urssaf de faire confirmer la décision de la soit-disant CRA du fait de l’inexistence de celle-ci,

° l’irrecevabilité du recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale puis devant la cour d’appel en raison du caractère obligatoire de la saisine de la CRA qui détermine par son étendue celle du juge judiciaire, aux torts exclusifs de l’Urssaf,

' à titre principal :

— infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 1er mars 2017,

— dire et juger que les obligations du cotisant sont de calculer les cotisations dues, les déclarer et régler ce qu’il a déclaré, et ce conformément aux articles L. 243-14, L. 133-5 et L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale,

— dire et juger que les obligations de l’Urssaf, dans le cadre d’un contrôle défini par l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, sont de vérifier et garantir l’exactitude du calcul de toutes les déclarations et cotisations, et ce conformément à l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale et de la charte du cotisant contrôlé,

en conséquence :

— dire et juger que concernant son obligation liée à la vérification de la règle de droit liée à la taxe transport, l’Urssaf n’a pas vérifié et garanti lors de son contrôle sur place que la société employait plus de neuf salariés sur une quelconque zone transport par refus de vérification et que, compte tenu des éléments déclaratifs produits par la société, des pièces fournies et les règles de droit applicables, et notamment l’article R. 242-5 du code de la sécurité sociale, l’Urssaf avait les moyens et l’obligation de procéder au redressement créditeur. Il s’en déduit qu’elle a subi un préjudice par manque à gagner sur un crédit de taxe transport sur toute la période vérifiée, et que la société bénéficie donc d’un redressement créditeur de la totalité de la taxe transport réglée sur Concarneau et Lorient de 2010 à 2012, soit 92 808 euros, qu’elle a le droit de déduire en compensation sur un prochain bordereau de cotisations, ou à défaut de condamner l’Urssaf à lui verser la somme de 92 808 euros à titre de dommages et intérêts en répartion de son préjudice, assortie des intérêts au taux légal à compter de la faute de l’inspecteur, à savoir l’envoi de la lettre d’observations du 3 septembre 2013,

— dire et juger de la même manière qu’en vertu de l’article R. 242-5 du code de la sécurité sociale, le crédit de réduction « Fillon » calculé par le cotisant est validé forfairement à la somme de 41 043 euros ou de condamner l’Urssaf à régler la somme de 41 043 euros à titre de dommages et intérêts pour la faute commise de ne pas avoir réalisé le travail sur place conformément aux textes ;

— dire et juger que la procédure de contrôle est viciée par irrespect du principe d’égalité et du débat contradictoire et par refus de mentionner les évidents redressements créditeurs de taxe transport, soit selon les modalités imposées par l’article R. 242-5 du code de la sécurité sociale, soit par une étude exhaustive, soit par une étude par échantillonnage prévue par l’article R. 243-5-2 du code de la sécurité sociale, et donc annuler le contrôle,

— annuler les mises en demeures en ce qu’elles ne permettent pas au cotisant d’avoir une connaissance exacte de l’étendue de ses obligations,

' à titre subsidiaire :

— annuler le chef de redressement « 6. prévoyance complémentaire : ayants droit » d’un montant de 41 544 euros, du fait du recours à la méthode de l’évaluation forfaitaire sur des bases illégales,

— annuler le chef de redressement « 6. prévoyance complémentaire : ayants droit » d’un montant de 41 544 euros et les chefs de redressement « 7, 12 et 13 – frais professionnels – limites d’exonération : utilisation du véhicule professionnel (indemnités kilométriques) » d’un montant total de 30 385 euros, en raison de l’absence du mode de calcul permettant d’aboutir au résultat de l’inspecteur, par absence de débat contradictoire et au surplus pour absence de base légale,

— annuler le chef de redressement « 6. prévoyance complémentaire : ayants droit » d’un montant de 41 544 euros, les calculs du contrôleur étant faux et incompréhensibles,

— annuler « 7, 12 et 13 – frais professionnels – limites d’exonération : utilisation du véhicule professionnel (indemnités kilométriques) » d’un montant total de 30 385 euros, les calculs du contrôleur étant faux et incompréhensibles,

— condamner l’Urssaf à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de

procédure civile, en sus des dépens.

Par ses conclusions responsives auxquelles s’est référé et qu’à développées son représentant à l’audience, l’Urssaf demande à la cour de :

— déclarer recevable mais non fondé l’appel interjeté par la société,

— constater que la société a saisi la commission de recours amiable après réception des mises en demeure,

— constater que par la suite, la société a pu valablement exercer sa voie de recours contre la décision de la commission,

— constater l’absence d’irrégularité quant aux décisions de la commission,

— confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Quimper le 1er mars 2017,

— déclarer régulière et valide la procédure de contrôle,

— déclarer régulières et valides les mises en demeure du 27 novembre 2013,

— déclarer irrecevable la nouvelle demande formée devant le tribunal concernant le chef de redressement « frais professionnels limites d’exonération – utilisation du véhicule personnel »,

— valider le redressement opéré sur le chef « frais professionnels – limites d’exonération : utilisation du véhicule professionnel (indemnités kilométriques) » à hauteur de la somme de 30 385 euros de cotisations pour l’ensemble des établissements de la société,

— valider le redressement opéré sur le chef « prévoyance complémentaire : ayants droit » à hauteur de 13 827 euros de cotisations, après prise en compte de la décision de la commission de recours amiable,

— rejeter toutes les demandes de la société au titre de la demande de crédit concernant le versement transport, ainsi que la demande de dommages et intérêts fondée sur une prétendue faute de l’Urssaf,

— rejeter toutes les demandes de la société sur la demande de crédit au titre de la réduction « Fillon », ainsi que la demande de dommages et intérêts fondée sur une prétendue faute de l’Urssaf,

En conséquence :

— condamner la société à régler à l’Urssaf la somme totale de 59 595 euros restant due sur le redressement pour l’établissement de Concarneau, soit 51 470 euros de cotisations et 8 125 euros de majorations de retard, outre les majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’à complet paiement du principal,

— condamner la société à régler à l’Urssaf la somme totale de 7 038 euros restant due sur le redressement consécutif à la lettre d’obsevations du 3 septembre 2013 pour l’établissement de Quimperlé, soit 5 935 euros de cotisations et 1 103 euros de majorations de retard, outre les majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’à complet paiement du principal,

— condamner la société à régler à l’Urssaf la somme totale de 5 714 euros restant due sur le redressement pour l’établissement de Quimper, soit 5 127 euros de cotisations et 587 euros de majorations de retard, outre les majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’à

complet paiement du principal,

— condamner la société à régler à l’Urssaf la somme totale de 9 304 euros restant due sur le redressement pour l’établissement de Lorient, soit 8 184 euros de cotisations et 1 120 euros de majorations de retard, outre les majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’à complet paiement du principal,

— condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouter la société de toutes ses demandes et prétentions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience du 9 octobre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la régularité de la constitution de la commission de recours amiable et ses conséquences :

1.

La société demande à la cour de relever d’office, sur le fondement des articles 122 à 125 du code de procédure civile, la fin de non recevoir tirée de l’inobservation des délais et de l’absence d’ouverture d’une voie de recours du fait de l’inexistence de la commission de recours amiable par l’absence de composition et de constitution de la CRA par l’Urssaf conformément aux textes qui régissent la constitution et l’existence d’une telle commission et d’en déduire :

— l’absence et l’inexistence de la CRA au sein de l’Urssaf de Bretagne,

— l’absence d’ouverture de la voie de recours à la CRA qui aurait dû être légalement constituée, et l’impossibilité pour le cotisant d’avoir pu saisir la « CRA conforme aux textes » dans le délai imposé par l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale afin de contester les mises en demeure du 27 novembre 2013,

— l’irrecevabilité de la demande de l’Urssaf de faire confirmer la décision de la soit-disant CRA du fait de l’inexistence de celle-ci,

— l’irrecevabilité du recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale puis devant la cour d’appel en raison du caractère obligatoire de la saisine de la CRA qui détermine par son étendue celle du juge judiciaire, aux torts exclusifs de l’Urssaf.

Elle fait valoir que l’article R. 142-2 du code de la sécurité sociale disposait à l’époque des faits que « la commission prévue à l’article précédent comprend : […]

a. Deux administrateurs de l’organisme appartenant à la même catégorie que le réclamant ;

b. Deux administrateurs choisis parmi les autres catégories d’administrateurs.

Elle relève que les catégories dont fait état cet article proviennent des trois catégories de membres du conseil d’administration de l’organisme cité par l’article L. 213-2 ; que pour qu’une CRA soit légalement constituée, il convient que l’Urssaf ait procédé préalablement à sa constitution en la composant de deux administrateurs non salariés et de deux administrateurs choisis parmi les salariés et les personnes qualifiées ; que le Conseil d’Etat, dans sa décision du 4 novembre 2016 n°398443, a jugé que l’article 6 de l’arrêté du 19 juin 1969 était illégal en ce qu’il conduisait à ne retenir que des membres choisis parmi les administrateurs non-salariés et salariés, excluant la possibilité pour les

personnes qualifiées de siéger au sein d’une CRA ; que la CRA réunie en l’espèce n’était constituée que d’administrateurs choisis parmi les non-salariés et salariés, nullement parmi les personnes qualifiées ; que la constitution de la CRA n’est pas conforme aux textes.

L’Urssaf réplique que l’arrêt pré-cité du Conseil d’Etat n’a porté aucune appréciation sur la régularité de la délibération de désignation des membres de la commission de recours amiable de l’Urssaf de Paris, ni sur la légalité des décisions prises par celle-ci ; que la société se contente d’arguer de l’illégalité des décisions de la CRA, sans en tirer de conséquence ; que si elle entend soulever une nullité, cela ne peut se faire contre un acte administratif ; que l’article 114 du code de procédure civile concerne uniquement les actes de procédure ; que la nullité doit être prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public, et celui qui l’invoque doit prouver un grief ; qu’en l’espèce, l’irrégularité soulevée n’a pas privé la société de la possibilité de faire valoir son argumentation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et la cour ; que la cour d’appel de Rennes s’est déjà prononcée sur ce point dans un arrêt du 28 février 2018.

Sur ce :

Les articles 122 à 125 du code de procédure civile donnent la possibilité à une partie de soulever une fin de non recevoir, c’est-à-dire un moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

1.

Obligation est faite à la juridiction saisie de les relever d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.

Cela reste une possibilité pour le juge s’agissant de la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

En l’espèce, à titre liminaire, il doit être relevé que dès lors que le moyen est soulevé par la société, la cour n’a pas à le relever d’office, il appartient à celle-ci d’en tirer toutes les conséquences juridiques et procédurales.

Si la méconnaissance de l’obligation de saisine de la CRA avant saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale constitue une fin de non-recevoir, il n’en va pas de même des conséquences d’une irrégularité de composition de la CRA qui ne sauraient s’analyser en une fin de non recevoir.

Or, en l’occurrence, la CRA a été saisie par la société dans les délais requis, elle a émis un avis que la société a été en mesure de contester régulièrement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Il s’ensuit qu’aucune fin de non recevoir n’est démontrée.

Sur le terrain de la nullité des actes de procédure, si le Conseil d’État dans sa décision du 4 novembre 2016 a jugé que l’article 6 de l’arrêté du 19 juin 1969, qui précise les modalités de désignation des membres des commissions de recours amiable, restreignait illégalement les pouvoirs des conseils d’administration des unions de recouvrement en imposant que les membres désignés pour siéger soient choisis parmi les représentants des salariés et des non-salariés, pour autant les commissions de recours amiable, émanations des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale, prennent des décisions qui ne présentent pas de caractère juridictionnel.

1.

Les articles R. 142-2 et D. 213-3 du code de la sécurité sociale qui fixent leur composition ne prévoient aucune sanction d’une irrégularité de leur composition de sorte qu’en application des

principes posés par l’article 114 du code de procédure civile, à savoir pas de nullité sans texte et sans grief prouvé, l’irrégularité de leur composition est sans incidence sur la régularité de leurs décisions et sur la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Ayant effectivement exercé la voie de recours ouverte contre la décision de la CRA, la société ne justifie en tout état de cause d’aucun grief au sens de l’article précité.

Au surplus, dès lors que la CRA a été saisie et quels que soient les vices affectant sa décision, la juridiction de sécurité sociale est tenue de statuer au fond sur le recours formé par la société, ce recours étant d’ailleurs dirigé non contre la décision de la CRA, mais contre la décision prise par l’organisme social dont la CRA n’est qu’une émanation. En cas de recours contre une décision de redressement, un vice affectant la procédure préalable ne peut affecter la procédure de contrôle et de recouvrement. (2e Civ., 31 mai 2006, pourvoi n° 05-16.138)

Ce moyen sera en conséquence rejeté.

Sur le respect de la procédure de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale :

1.

La société fait valoir que pendant la phase contradictoire, elle a fait parvenir à l’inspecteur un courrier en réponse à la lettre d’observations daté du 7 octobre 2013 demandant la révision de l’assiette de cotisations de la taxe transport aboutissant au chiffrage d’un crédit ; que le contrôleur a refusé de vérifier l’exactitude de cette taxe et a rejeté la demande ; que l’Urssaf n’a pas respecté son obligation de vérifier et garantir l’exactitude des cotisations réglées en refusant de mentionner dans la lettre d’observations les anomalies que le contrôleur a reconnu avoir détectées concernant la taxe transport mais qu’il a refusé de chiffrer et qui devaient conduire à des redressements créditeurs pour le cotisant ; que ce refus a rompu le principe d’égalité et les droits du cotisant et sera sanctionné par la nullité totale du contrôle.

L’Urssaf réplique que rien ne permet à la société de soutenir que des anomalies auraient été relevées sur ce point lors du contrôle sur place et que l’inspecteur aurait refusé d’en faire état dans la lettre d’observations ; que la société a sollicité le crédit dans un courrier postérieur à cette lettre;

que le recouvrement des cotisations repose sur un système déclaratif, ces déclarations étant établies sous l’autorité et la responsabilité des cotisants ; qu’au moment du contrôle, aucune anomalie n’a été détectée au regard des pièces justificatives produites ; que si l’employeur s’aperçoit a posteriori qu’il a déclaré et versé par erreur des cotisations transport pour des salariés n’ayant pas travaillé sur le périmètre du transport urbain, il doit recalculer mois par mois, salarié par salarié, les cotisations qu’il aurait dû verser et celles qu’il a versées à tort, ainsi que justifier de son calcul ; que l’inspecteur a souligné que la vérification d’un échantillon de frais ne pouvait permettre de valider un crédit sur la taxe transport ; que la société n’a pas permis à l’inspecteur de vérifier les informations pour chaque salarié concerné.

Sur ce :

C’est à juste titre, par des motifs qui seront adoptés, que les premiers juges ont estimé que le principe du contradictoire avait été respecté au regard des dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, étant relevé que si la société a estimé avoir trop-versé de cotisations, le système étant déclaratif, il lui appartenait de justifier de la correction à opérer en mettant à disposition de l’inspecteur les pièces probantes pour déterminer si l’assiette de la taxe transport était correcte, par la fourniture de tableaux clairs et précis indiquant par période de paie la répartition par salarié de leur activité au sein de chaque zone de transport fréquentée.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a estimé qu’aucun manquement au principe d’égalité et aux droits du cotisant n’a été établi. De même, aucune faute de l’Urssaf n’a été constatée.

Sur la régularité des mises en demeure :

1.

La société relève que la mise en demeure doit permettre à l’employeur d’avoir une connaissance exacte de l’étendue de son obligation, soit la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent ; qu’en l’espèce, les mises en demeure énoncent une étendue des obligations erronée ; que les obligations contenues dans les mises en demeure obligent le cotisant à régler sa dette sous un mois, sous peine de lui faire porter des frais supplémentaires et des poursuites pénales, alors qu’aux termes des dispositions du code de la sécurité sociale synthétisé dans la charte du cotisant contrôlé, celui-ci dispose du droit fondamental « de ne pas avoir à régler les sommes réclamées sur une mise en demeure dans le cas où il conteste régulièrement sa dette » ; que cette discordance sur l’étendue des obligations du cotisant vicie les mises en demeure.

La société soulève en outre le fait que le motif de mise en recouvrement, qui est le même sur l’ensemble des mises en demeure, proviendrait de « chefs de redressement notifiés en date du 10 août 2013 » ; que l’Urssaf ne produit cependant aucun chef de redressement notifié le 10 août 2013 avec pour conséquence que la cause de ce redressement est erronée ; qu’elle a été induite en erreur sur la cause des mises en demeure qui ne lui permet pas d’avoir une exacte connaissance de son obligation.

La société fait valoir enfin qu’entre la lettre d’observations et les mises en demeure existent des divergences dans les montants notamment pour l’établissement de Concarneau ; que dans ce cas, la jurisprudence estime que la procédure de contrôle est irrégulière.

En réplique, l’Urssaf indique qu’au stade de la mise en demeure, il est nécessaire que le cotisant soit informé des suites qui peuvent être données à une mise en demeure restée impayée ; que la saisine de la CRA ne fait pas obstacle à ce que l’organisme décerne une contrainte avant examen de la réclamation du cotisant ; s’agissant de l’erreur de date quant au renvoi à la lettre d’observations, il s’agit d’ une simple erreur de chiffre (10 août 2013 au lieu de 10 septembre 2013) qui ne saurait à elle seule justifier l’annulation des mises en demeure, dès lors que les mentions relatives à la nature et au montant des cotisations réclamées sont exactes ; que les montants de cotisations redressés et notifiés par lettre d’observations correspondent aux montants de cotisations figurant sur les mises en demeure pour tous les établissements ; que les annexes à la lettre d’observations ne sont pas obligatoires et n’explicitent que certains chefs de redressement ; qu’il n’y a pas lieu de fournir le détail de calcul pour chaque chef de redressement ; que la société tente de faire des comparaisons avec des éléments non comparables pour l’établissement de Concarneau ; que si la CRA a décidé d’annuler le redressement du chef « prévoyance complémentaire : ayants droit » pour les années 2010 et 2012 compte tenu d’une erreur constatée, cela ne remet pas en cause la régularité des mises en demeure, d’autant que cette erreur ne concerne que la mise ne demeure pour l’établissement de Concarneau.

Sur ce :

Aux termes de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, « à l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l’employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d’absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l’organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu’il dispose d’un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu’il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix.

En l’absence de réponse de l’employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l’organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement.

Lorsque l’employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement ne peut intervenir avant l’expiration de ce délai et avant qu’il ait été répondu par l’inspecteur du recouvrement aux observations de l’employeur ou du travailleur indépendant.

L’inspecteur du recouvrement transmet à l’organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s’il y a lieu, de la réponse de l’intéressé et de celle de l’inspecteur du recouvrement ».

L’article L. 244-2 dans sa version applicable ajoute que « toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-11 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’Etat invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n’a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l’employeur ou au travailleur indépendant ».

L’article R. 244-1 dans sa version applicable énonce en outre que « l’envoi par l’organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l’article R. 155-1 de l’avertissement ou de la mise en demeure prévus à l’article L. 244-2, est effectué par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. L’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent ».

Il est constant que la mise en demeure constitue une demande impérative en paiement dans le délai d’un mois, sous peine de faire supporter à l’employeur des frais supplémentaires, nonobstant la faculté pour ce dernier d’exercer des voies de recours, qui sont clairement mentionnées sur les mises en demeure litigieuses.

1.

Ces deux éléments ne sont nullement contradictoires et ne modifient pas l’étendue de l’obligation portée à la connaissance du cotisant, et ce d’autant que la saisine de la commission de recours amiable ne fait pas obstacle à ce que l’organisme décerne une contrainte.

Il s’ensuit que ce moyen sera écarté.

S’agissant de la date de notification des redressements figurant sur les mises en demeure, une erreur a été commise par l’Urssaf, en ce qu’il est fait référence à la lettre d’observations reçue le 10 août 2013 alors qu’elle a été réceptionnée par la société le 10 septembre 2013.

1.

Cette simple erreur de date n’entache en rien la connaissance que pouvait avoir la société de la nature de l’obligation, réclamée en l’espèce au titre du « régime général », la référence au contrôle qui renvoyait à la lettre d’observations reçue par la société peu important sa date de réception, le montant de l’obligation, identique à celui précisé dans la lettre d’observations et la période à laquelle elle se rapporte.

Ce moyen de nullité sera également écarté.

Sur le moyen tenant à une erreur de chiffrage d’un chef de redressement et sur les bases à soumettre à cotisations figurant dans les annexes de la lettre d’observations, il ressort en tout état de cause des pièces produites aux débats que les montants réclamés dans la lettre d’observations et dans les mises en demeure sont identiques.

1.

Les mises en demeure précisent la nature du redressement envisagé, le contenu et les modalités d’application des textes invoqués, les assiettes et le montant de ce redressement par année, de sorte qu’elles répondent aux conditions de validité fixées par l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale sus-rappelé. Il sera d’ailleurs noté que cet argument n’avait pas été invoqué par la société dans ses observations à l’inspecteur aux termes de son courrier du 7 octobre 2013.

Les annexes sont des éléments complémentaires destinés à une meilleure compréhension par l’employeur de certains chefs de redressement, précisant la base de calcul, mais ne doivent pas être comparées à la lettre d’observations. Elles ne sont en outre pas obligatoires. Aucune nullité ne saurait découler d’une erreur figurant dans une annexe.

Par ailleurs, les erreurs de chiffrage contenues dans les mises en demeure, dès lors qu’elles sont issues de la lettre d’observations, n’affectent pas la régularité de ces dernières mais relèvent du bien-fondé du redressement, à tel effet que la commission de recours amiable a annulé pour l’établissement de Concarneau une partie du redressement « prévoyance complémentaire – ayants droit » pour les années 2010 et 2012, les bases soumises à cotisations figurant dans la lettre d’observations pour ces années ayant été inversées.

A ce titre, la réduction de la créance de l’Urssaf postérieurement à la mise en demeure n’affecte pas la connaissance par l’assuré de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation, de sorte que la mise en demeure initiale demeure valable pour servir de base au recouvrement.

Les mises en demeure délivrées le 27 novembre 2013 sont ainsi parfaitement régulières et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de rectification de l’assiette de taxe transport et de crédit en faveur de la société :

1.

La société expose que l’inspecteur doit vérifier et garantir que l’entreprise est assujettie ou non à la taxe transport sur toute la période vérifiée et garantir le montant exact des cotisations versées ; que l’Urssaf, lors de son contrôle, n’a formulé aucune observation concernant la vérification de l’assiette de taxe transport malgré les pièces analysées qui démontrent que la plupart des salariés sont en situation de déplacement fréquents dont de nombreux sont en « grands déplacements » tout le mois voire plusieurs mois consécutifs ; que si la vérification effectuée ne permet pas de déterminer que les conditions de l’article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales sont remplies, le cotisant ne doit pas être assujetti en application du droit commun ; que le contrôleur a refusé de vérifier l’exactitude de cette taxe et a rejeté la demande de révision de l’assiette de cotisations ; que si les documents ne permettent pas de chiffrer un redressement, l’inspecteur a l’obligation de fixer forfaitairement le montant des cotisations ; qu’elle a mis à disposition du contrôleur tous les bulletins de salaire ; que l’Urssaf n’a pas pu établir lors de son contrôle qu’elle employait plus de neuf salariés sur une quelconque zone de transport ; qu’il s’en déduit qu’elle n’était pas assujettie à cette taxe sur toute la période vérifiée.

En réponse, l’Urssaf fait valoir que la société qui entend ne pas être assujettie en raison de la situation de certains de ses salariés itinérants, doit pouvoir justifier du lieu d’activité des intéressés ; que parallèlement à la demande de crédit sollicitée par courrier du 7 octobre 2013, la société n’a fourni aucun justificatif permettant de déterminer si la demande était bien fondée dans son principe et dans son montant ; que la mission des inspecteurs est de vérifier les déclarations faites par le cotisant et ainsi la conformité de la comptabilité des entreprises au regard de la législation de la sécurité sociale mais non d’établir la comptabilité des établissements contrôlés ;

que la société n’a pas mis à disposition du contrôleur des tableaux clairs et précis (justificatifs à l’appui) indiquant par période de paie, la répartition par salarié de leur activité au sein de chaque zone de transport fréquentée ; qu’au jour du contrôle, aucune anomalie n’a été décelée dans les

calculs opérés par la société en fonction des pièces justificatives jointes au calcul ; qu’une minoration des bases de versement transport doit s’analyser en une dérogation au droit commun et c’est donc à l’employeur d’en rapporter la preuve ; que la société ne démontre pas que ses salariés travaillant sur des chantiers pouvaient être exonérés de taxe transport.

Sur ce :

Aux termes de l’article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable, sont assujetties au versement transport, toutes les personnes physiques ou morales, privées ou publiques, qui emploient tous établissement confondus plus de neuf salariés ou assimilés au sens de la législation de la sécurité sociale, dont le lieu de travail effectif se situe sur le périmètre d’une autorité organisatrice de transport (AOT).

Les salariés dont le lieu de travail effectif se répartit entre plusieurs zones de transport sans qu’aucune zone de rattachement prioritaire puisse être identifiée doivent être rattachés au siège de l’entreprise pour le calcul du taux et de l’assiette de la taxe transport.

Il est constant qu’il appartient au débiteur de la taxe de justifier par des éléments probants des lieux d’activités des salariés pour déterminer s’ils exercent ou non leur activité en totalité ou en majeure partie dans le secteur d’une autorité organisatrice de transport ou que les conditions de travail spécifiques des personnels qui se déplacent fréquemment et sur des zones de transport différentes ne permettent pas de déterminer un lieu où s’exerce l’activité principale.

Les salariés travaillant sur des chantiers, même nombreux, ne sauraient entrer dans la catégorie des salariés itinérants puisque leur lieu d’activité est déterminable.

En l’espèce, la société produit devant la cour (pièces n°15, 16 et 18) les bulletins de salaire de ses employés, les tableaux récapitulatifs annuels des cotisations versées pour les sites de Concarneau et Lorient, un listing d’emplois du temps de ses employés du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Ces éléments établis par la société sont inexploitables et non probants, en ce qu’aucun tableau clair, reprenant mois par mois par salarié son activité au sein de chaque zone de transport fréquentée n’a été produit et du fait de l’absence de toute autre pièce comptable de nature à établir que les salariés ne travaillaient pas sur le périmètre urbain de l’autorité organisatrice de transport ou effectuaient des déplacements fréquents et sur des zones de transport différentes ne permettant pas de déterminer un lieu où s’exerce l’activité principale.

S’agissant d’une demande crédit et non d’un redressement, la société inverse le raisonnement en indiquant que l’Urssaf devait fixer forfaitairement le montant des cotisations, alors que l’organisme n’avait détecté aucune anomalie lors de son contrôle sur site. La société avait procédé à une déclaration qu’elle estime finalement erronée de sorte qu’il lui revient de justifier de l’assiette de cotisations qu’elle entend voir désormais appliquer avant d’envisager le chiffrage.

L’inspecteur n’a commis aucune faute dans la mise en oeuvre de sa mission, il ne lui appartenait pas de pallier la carence de la société dans l’administration de la preuve.

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société de sa demande de ce chef.

Sur la demande de crédit concernant la réduction Fillon :

1.

La société soutient que l’Urssaf avait l’obligation de chiffrer les anomalies constatées pour les années 2011 et 2012 alors que la lettre d’observations n’en fait pas mention, notant uniquement qu’une compensation s’était effectuée sur les deux années ; que l’inspecteur a commis la même faute que pour la taxe transport ; que les justificatifs de la demande de crédit ont été adressés à l’inspecteur qui

n’en a pas tenu compte ; que l’Urssaf ne démontre pas que les calculs réalisés par elle sont erronés ; qu’elle n’a pu recalculer les données de l’année 2011 du fait d’un changement de logiciel de paie.

L’Urssaf réplique que les éléments produits par la société ne sont pas probants et en tout état de cause insuffisants ; que la société omet de recalculer les données de 2011 alors que l’inspecteur avait pu déceler des anomalies lors de son contrôle sur place ; que l’inspecteur avait pris la décision de ne pas opérer de redressement sur l’année 2011 dans la mesure où un crédit de cotisations pouvait être calculé sur l’année 2012 et qu’une compensation s’opérait de droit sur les deux années ; qu’il a invité la société à modifier son calcul pour les années suivantes ; qu’il a respecté les dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale.

Sur ce :

La lettre d’observations du 3 septembre 2013 mentionne qu’ « une vérification des allégements de cotisations patronales décomptés dans le cadre du dispositif « Fillon » a été effectuée. Il en ressort que pour les exercices 2011 et 2012, des anomalies ont été constatées.

En 2011, lors de certaines absences ou lorque des heures supplémentaires étaient effectuées, la proratisation du Smic était erronée voire non effectuée.

En 2012, le nombre des heures supplémentaires n’a pas été rajouté au Smic ».

L’Urssaf rappelle ensuite la règle de proratisation du Smic lors des absences partiellement ou non rémunérées.

Devant la commission de recours amiable, le tribunal des affaires de sécurité sociale et aujourd’hui devant la cour, l’Urssaf prétend qu’une compensation a été opérée entre les deux années, dès lors qu’un débit a été constaté pour 2011 et un crédit pour 2012.

Cependant, l’organisme n’a procédé à aucun redressement, ni à aucun chiffrage du crédit.

Pour que des créances se compensent, encore faut-il qu’elles soient certaines, liquides et exigibles, conformément à l’article 1291 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ce qui n’est en l’occurrence pas le cas du fait de l’absence de chiffrage.

Ces deux créances ne sont donc pas liées et c’est à tort que l’Urssaf maintient l’argument d’un traitement global. La demande de crédit pour 2012 n’est pas conditionnée au chiffrage du débit de 2011 que l’Urssaf a choisi de ne pas réclamer.

La société produit un tableau détaillé pour l’année 2012 réalisé à l’aune des règles rappelées par l’inspecteur dans sa lettre d’observations, lequel aboutit à un crédit de 41 043 euros. (Pièces n°19 et 20 de ses productions) ;

Elle produit également les bulletins de salaire de ses employés sur la période, éléments comptables mentionnés par la commission de recours amiable comme étant nécessaires pour procéder à la vérification du nouveau calcul qu’elle opère. (Pièce n°15)

La transmission de ces pièces n’a amené aucune remarque de la part de l’Urssaf sur la somme réclamée.

Dès lors, c’est à bon droit que la société, qui se révèle créditrice d’une somme de 41 043 euros au titre des réductions « Fillon » pour l’année 2012, sollicite la validation de ce crédit.

Le jugement sera infirmé de ce chef et le crédit de réduction « Fillon » sera validé à hauteur de

41 043 euros.

Sur la demande d’annulation de chefs de redressement :

1.

Sur le chef « 6. Prévoyance complémentaire ayants droit » pour l’établissement de Concarneau :

1.

La société allègue que pour ce chef de redressement, l’Urssaf a pratiqué une « évaluation forfaitaire » qui ne repose sur aucune base légale ; que le forfait ne pouvait être établi que sur la base des « conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée » en application de l’article R. 242-5 du code de la sécurité sociale, contrairement à ce qui a été opéré en l’espèce. Elle soutient également que les indemnités redressées ont été reçues en net par les salariés et qu’il aurait fallu soumettre à cotisations la base en brut.

L’Urssaf réplique que la commission a annulé le redressement opéré pour les années 2010 et 2012 compte tenu de l’erreur matérielle constatée de sorte qu’il a été ramené à la somme de 13 827 euros et que dès lors la société est malvenue de solliciter l’annulation de ce chef de redressement pour 41 544 euros ; que le contrat ne prévoyant aucune obligation d’affiliation des ayants droit, la différence entre la part « isolée » et la part «famille » doit être réintégrée dans l’assiette de cotisations ; que l’inspecteur a dû déterminer une méthode de calcul pour arbitrer la base à soumettre à cotisations pour l’année 2011 compte tenu de l’absence de fourniture de documents exploitables par la société ; qu’il ne s’agit pas d’une taxation forfaitaire au sens de l’article R. 242-5 du code de la sécurité sociale, mais d’une détermination de base à soumettre à cotisations.

Sur ce :

Il ressort des dispositions des articles L 242-1 et D. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, que sont exclues de l’assiette des cotisations les contributions des employeurs destinées au financement de prestations de prévoyance complémentaire versées au profit de leurs salariés, ancien salariés et de leurs ayants droit lorsque ces garanties revêtent un caractère obligatoire.

En l’espèce, la société a souscrit une mutuelle d’entreprise, ouverte à tous les salariés, avec possibilité d’adhésion pour les ayants droit. Le salarié peut donc choisir entre le tarif « isolé » et le tarif « famille ».

Le contrat ne prévoyant aucune obligation d’affiliation des ayants droit, la contribution de l’employeur versée au bénéfice de ces derniers doit être totalement intégrée dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale, soit en l’occurrence la différence entre la part « isolée » et la part « famille ».

Lors du contrôle, la société n’a édité aucun état de charges du 1er janvier au 30 avril 2011 de sorte qu’un chiffrage au réel s’est avéré impossible pour l’année considérée.

La règle de calcul utilisée pour l’année 2011 résulte dès lors du constat que pour l’année 2010, la base à soumettre à cotisations représentait 35 % du montant de l’ensemble des contributions patronales finançant le régime des frais de santé pour l’année 2010 ; ce même pourcentage a été appliqué en 2011 pour déterminer la base à soumettre à cotisations, calcul dont le détail figure en annexe de la lettre d’observations.

Si l’article R. 242-5 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, dispose que « lorsque la comptabilité d’un employeur ne permet pas d’établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l’organisme chargé du recouvrement. Ce forfait est établi compte tenu des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l’emploi est déterminée d’après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve. Lorsque l’employeur ou le travailleur indépendant ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle engagé en application de l’article L. 243-7 ou lorsque leur présentation n’en permet pas l’exploitation, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l’organisme chargé du recouvrement, dans les conditions prévues au présent article », il fait référence aux conventions collectives en vigueur ou à défaut aux salaires pratiqués dans la profession pour déterminer les rémunérations servant de base aux cotisations.

Or, en l’espèce, il ne s’agit pas de rémunération mais de contribution de l’employeur à un régime de prévoyance complémentaire.

A toute fin, la société se contente d’arguer de l’application des conventions collectives sans dire lesquelles ni indiquer quel calcul aurait dû être opéré.

Elle ne justifie pas davantage que l’Urssaf se serait basée sur des indemnités reçues en net par les salariés.

C’est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la contestation de la société pour ce chef de redressement et le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

Sur la demande d’annulation du chef redressement « frais professionnels – limites d’exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques » pour défaut de calcul et de base légale :

1.

La société allègue que les indemnités redressées ont été reçues en net par les salariés et qu’il aurait fallu soumettre à cotisations la base en brut ; que sa contestation devant la CRA portait sur la totalité du contrôle de sorte qu’elle n’était pas obligée de développer d’emblée tous les moyens relatifs à ses prétentions ; que c’est à tort que le tribunal a déclaré ce moyen irrecevable, n’ayant présenté aucune nouvelle prétention.

L’Urssaf fait valoir que la contestation de ce chef de redressement est nouvelle dans la mesure où la société n’en avait pas saisi la CRA avant d’être soumise au tribunal des affaires de sécurité sociale.

Sur ce :

Il ressort de la lettre de saisine de la CRA par la société (pièce n°5 de l’Urssaf) et de la décision de cette commission (pièce n°7 de l’Urssaf), que le redressement du chef « frais professionnels – limites d’exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques » n’a pas été contesté, de sorte que la décision du tribunal sera confirmée en ce qu’il a déclaré irrecevable cette contestation nouvelle émise devant lui.

En revanche, la décision de première instance sera infirmée en ce qu’elle a validé le redressement opéré sur le chef « frais professionnels – limites d’exonération : utilisation du véhicule professionnel (indemnités kilométriques) » à hauteur de la somme de 30 385 euros de cotisations pour l’ensemble des établissements de la société, le tribunal ayant excédé ses pouvoirs en statuant au fond après avoir relevé l’irrecevabilité du recours.

Sur les autres demandes :

1.

L’équité commande qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile en procédure d’appel.

S’agissant des dépens, si la procédure était, en application de l’article R.144-10 du code de la sécurité

sociale gratuite et sans frais, l’article R.142-1-1 II, pris en application du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, dispose que les demandes sont formées, instruites et jugées selon les dispositions du code de procédure civile, de sorte que les dépens sont régis désormais par les règles de droit commun conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe principalement.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par décision mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Quimper du 1er mars 2017 sauf :

— en ce qu’il a validé le redressement opéré sur le chef « frais professionnels – limites d’exonération : utilisation du véhicule professionnel (indemnités kilométriques) » à hauteur de la somme de 30 385 euros de cotisations pour l’ensemble des établissements de la société,

— en ce qu’il a débouté la société de sa demande relative au crédit concernant la réduction « Fillon »,

STATUANT à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

DIT n’y avoir lieu à statuer sur le chef « frais professionnels – limites d’exonération : utilisation du véhicule professionnel (indemnités kilométriques) » ;

VALIDE le crédit de réduction « Fillon » au bénéfice de la société pour l’année 2012 à hauteur de 41 043 euros,

DIT n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société BARILLEC aux dépens exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 18 décembre 2019, n° 17/02694