Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 12 septembre 2018, n° 17/01927

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. com., 12 sept. 2018, n° 17/01927
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 17/01927
Décision précédente : Tribunal d'instance de Montluçon, 18 mai 2017, N° 11-16-000474
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 12 Septembre 2018

RG N° : 17/01927

VTD

Arrêt rendu le douze Septembre deux mille dix huit

Sur APPEL d’une décision rendue le 19 mai 2017 par le Tribunal d’instance de MONTLUCON (RG n° 11-16-000474)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. François RIFFAUD, Président

M. François KHEITMI, Conseiller

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. Y X

[…]

[…]

Représentant : la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/008135 du 24/08/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANT

ET :

La société ONEY BANK anciennement dénommée BANQUE ACCORD

SA immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n° 546 380 197

[…]

[…]

R e p r é s e n t a n t s : M e S y l v i e A R N A U D – D E F F E R I O L L E S , a v o c a t a u b a r r e a u d e CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL RIVAL, avocats au barreau de LILLE (plaidant)

INTIMÉE

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 31 Mai 2018, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 12 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. François RIFFAUD, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 11 décembre 2013, M. Y X a souscrit auprès de la SA BANQUE ACCORD, désormais dénommée SA ONEY BANK, un crédit renouvelable d’un montant de 1 900 euros, avec utilisation d’une carte de crédit Auchan, remboursable à un taux annuel révisable en fonction du solde dû.

M. X n’ayant pas honoré ses engagements, la banque a entendu se prévaloir de la déchéance du terme par courrier du 5 décembre 2015.

Par ordonnance du 23 mars 2016, le président du tribunal d’instance de Montluçon a enjoint M. X de payer à la société ONEY BANK la somme de 3 709,36 euros avec intérêts au taux légal.

L’ordonnance d’injonction de payer ayant été signifiée le 5 septembre 2016 à M. X, celui-ci a formé opposition le 26 septembre 2016.

Devant le tribunal d’instance de Montluçon, M. X a sollicité l’octroi de dommages et intérêts pour manquement de l’établissement de crédit à son obligation de mise en garde.

Par jugement du 19 mai 2017, le tribunal a :

• déclaré recevable l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer ;

• condamné M. X à payer à la SA ONEY BANK la somme de 3 278,79 euros au titre du contrat n°202 02 44044364121 ;

• dit que la somme susvisée ne porterait pas intérêt au taux légal ;

• débouté les parties de l’ensemble de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

• condamné M. X aux dépens en ce compris les frais liés à la procédure d’injonction de payer ;

• dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a considéré qu’au regard des renseignements fournis, l’octroi d’un crédit de 1 900 euros au regard de ressources mensuelles de 1 780 euros et des crédits en cours pour un montant total mensuel

de 377 euros, n’apparaissait pas excessif, de sorte que la banque n’avait pas à mettre particulièrement en garde l’emprunteur sur ce risque.

Il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts car la banque n’a pas démontré avoir procédé à l’envoi des relevés de comptes mensuels depuis l’octroi du crédit, et également car les relevés de compte informant le débiteur de l’échéance du contrat, ne comportaient pas de bordereau-réponse.

M. Y X a interjeté appel de ce jugement, suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 3 août 2017.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 21 mars 2018, l’appelant demande à la cour d’infirmer le jugement, et de :

— dire que la société ONEY BANK n’a pas respecté son devoir de mise en garde engageant sa responsabilité ;

— condamner ladite société à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et opérer compensation entre cette somme et les sommes dues ;

— lui accorder les plus larges délais de paiement pour acquitter sa dette ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et débouté la société ONEY BANK de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouter la banque de ses autres demandes ;

— condamner la banque aux dépens.

Il constate que la banque lui a accordé un crédit renouvelable alors même que son revenu annuel est de 6 766 euros, montant figurant sur son avis d’imposition qu’il avait fourni. Il ajoute que les relevés de compte produits permettaient de mettre en évidence que divers crédits à la consommation avaient déjà été souscrits.

Il soutient que l’établissement de crédit a manqué à son devoir de mise en garde, obligation dont la charge de la preuve de l’exécution pèse sur la banque.

Il rappelle les dispositions relatives aux crédits à la consommation concernant les mentions obligatoires devant figurer dans le contrat, et les pièces justificatives que doit produire la société financière. Il fait valoir notamment que la société ONEY BANK n’a pas consulté le fichier des incidents de paiement préalablement à la signature du contrat. Il soutient que la banque n’a pas sollicité les justificatifs nécessaires afin de vérifier sa solvabilité. Il ajoute qu’elle n’a pas respecté les dispositions applicables en matière de crédit renouvelable. Ainsi, il estime que ces manquements sont sanctionnés par la déchéance du droit aux intérêts depuis l’origine en application de l’article L.311-48 du code de la consommation.

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 17 avril 2018, la SA ONEY BANK sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné M. X aux dépens, en ce compris les frais liés à la signification de l’injonction de payer ;

et l’infirmation du jugement en ce qu’il a :

— condamné M. X à lui payer la somme de 3 278,79 euros au titre du contrat n°202 02 44044364121 ;

— dit que la somme susvisée ne porterait pas intérêt au taux légal ;

— débouté les parties de l’ensemble de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Statuant à nouveau, elle demande à la cour de :

— débouter M. X de ses demandes ;

— condamner M. X à lui payer la somme de 4 546,64 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 13,45 % l’an courus et à courir à compter du 5 décembre 2015 et jusqu’au jour du plus complet paiement ;

— condamner M. X à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner M. X aux dépens dont distraction au profit de Maître Sylvie ARNAUD-DEFFERIOLLES, avocat.

Elle rappelle que le devoir de mise en garde s’impose au prêteur de deniers uniquement dans l’hypothèse où deux conditions cumulatives sont réunies : un emprunteur non averti et l’exposition de celui-ci à un risque d’endettement excessif né de la souscription du contrat. La seule limite à ce devoir est la déloyauté de l’emprunteur que la banque ne peut normalement déceler. Il n’incombe pas à l’organisme prêteur auquel on dissimule l’existence d’autres crédits de livrer une enquête y compris dans ses services pour s’assurer de l’authenticité des déclarations faites par l’emprunteur.

Elle fait valoir que M. X a déclaré pour revenus mensuels nets la somme de 1 780 euros, et des charges de 377 euros. En se basant sur un plafond d’endettement à ne pas franchir de 33 %, il pouvait prendre en charge un remboursement mensuel de 216 euros. Elle soutient que l’historique de compte démontre que les mensualités de remboursement n’ont jamais excédé ce montant. Elle constate en outre qu’il a remboursé le crédit pendant près d’un an et demi.

Enfin, elle rappelle que dans l’hypothèse d’un manquement au devoir de mise en garde, le préjudice s’analyse comme une perte de chance de ne pas contracter.

Elle explique également qu’elle produit l’intégralité des courriers mensuels adressés à M. X de décembre 2013 à novembre 2015, parmi lesquels figurent les courriers de renouvellement annuel du contrat du 25 août 2014 et du 25 septembre 2015. Elle indique produire également le justificatif de consultation du FICP à la souscription du contrat et périodiquement.

Elle soutient enfin que dans l’hypothèse d’une déchéance du droit aux intérêts, le taux légal doit s’appliquer.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2018.

Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la responsabilité de l’organisme de crédit

Il résulte de l’article 1147 ancien du code civil que le banquier est tenu à l’égard de ses clients, emprunteurs profanes, d’un devoir de mise en garde. Ce devoir oblige le banquier, avant d’apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client. Le banquier doit justifier avoir

satisfait à cette obligation au regard non seulement des charges du prêt mais aussi des capacités financières et des risques de l’endettement né de l’octroi du prêt.

En l’espèce, la société BANQUE ACCORD devenue la société ONEY BANK a consenti à M. X le 11 décembre 2013, un crédit renouvelable utilisable par fractions d’un montant maximum autorisé de 1 900 euros.

Le même jour, M. X a signé un questionnaire de solvabilité dans lequel il est mentionné que son revenu mensuel est de 1 700 euros et que ses charges mensuelles correspondant à la catégorie 'Crédit immo-Loyers’ est de 360 euros.

M. X n’a déclaré aucune somme due au titre de crédit renouvelable ou d’autres crédits.

Ces renseignements sont corroborés par des documents versés par le prêteur, notamment un document émanant de la CARSAT AUVERGNE faisant état d’une pension de retraite au bénéfice de M. X de 1 784,10 euros versée à partir d’avril 2013.

M. X se prévaut des relevés de comptes versés aux débats par le prêteur, permettant selon lui de mettre en évidence qu’il avait souscrit divers crédits à la consommation.

Il s’agit d’une pièce versée par le prêteur. Toutefois, ce relevé de compte est en date de janvier 2014 et n’a pas pu être communiqué au moment de la signature du contrat qui est en date du 11 décembre 2013. Ce document a été transmis à l’occasion d’une autre demande de financement.

Or, en application des articles L.311-9 et L.311-10 anciens du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au moment de la conclusion du contrat, si le prêteur doit, avant de conclure le contrat de crédit, vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier, à la demande du prêteur, il n’est pas exigé que l’emprunteur fournisse son relevé de compte (précision faite que le crédit octroyé était de 1 900 euros).

Il appartient à l’emprunteur de remplir avec sincérité le questionnaire de solvabilité. La banque n’est pas tenue d’effectuer une enquête concernant les crédits déjà souscrits. A défaut de remplir la fiche avec sincérité, il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir rempli son devoir de mise en garde.

Au vu des renseignements recueillis, l’octroi du crédit renouvelable n’apparaissait pas excessif par rapport aux ressources de M. X. Le montant de la mensualité en fin de crédit est monté à 159,74 euros. Ce montant était encore compatible avec le plafond de 33 % d’endettement qu’il est d’usage de retenir (l’endettement total ressortait à 30,6 %).

Il n’est donc pas justifié d’un manquement de la société ONEY BANK à son obligation de mise en garde et M. X sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement sera confirmé sur ce premier point.

- Sur la déchéance du droit aux intérêts

Le contrat liant les parties est soumis aux dispositions du code de la consommation relatives aux crédits mobiliers qui sont d’ordre public et doivent être appliquées impérativement.

Ce sont les dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 dite loi LAGARDE qui régissent le contrat.

L’article L.311-16 alinéa 8 du code de la consommation, devenu l’article L.312-77 prévoit que l’emprunteur doit pouvoir s’opposer aux modifications proposées lors de la reconduction du contrat, jusqu’au moins 20 jours avant la date où celles-ci deviennent effectives, en utilisant un bordereau-réponse annexé aux informations écrites communiquées par le prêteur.

Ainsi, le document afférent doit comporter un bordereau refus.

La société ONEY BANQUE produit aux débats copie des relevés de compte en dates des 25 août 2014 et 25 septembre 2015 mentionnant les conditions de reconduction du contrat.

Outre le fait que l’envoi de ces relevés de compte et des conditions de reconduction du contrat n’est pas établi, la société de crédit ne démontre pas que figurait un bordereau-réponse annexé à ces documents.

En application de l’article L.311-48 ancien du code de la consommation, il convient de sanctionner cette irrégularité par la déchéance du droit aux intérêts, sans qu’il soit utile d’examiner les autres moyens soulevés susceptibles d’entraîner les mêmes conséquences.

Il ressort de l’historique de compte et du décompte que le total des financements peut être fixé à 4 156,87 euros et le total des remboursements à 878,02 euros. La somme restant dûe par M. X peut ainsi être fixée à 3 278,85 euros, somme portant intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure notifiée le 11 décembre 2015.

Il convient en outre de dire que l’intérêt aux taux légal ne sera pas majoré comme il est prévu à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, une telle majoration étant de nature à affaiblir la sanction de la déchéance des intérêts, et à lui faire perdre son caractère dissuasif, au sens de l’article 23 de la Directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, tel qu’interprété par la Cour de justice des communautés européennes (arrêt du 27 mars 2014, C-565-12).

Le jugement sera ainsi confirmé, sauf en ce qui concerne les intérêts au taux légal.

- Sur la demande de délais de paiement

En application de l’article 1244-1 du code civil devenu l’article 1343-5, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

M. X a d’ores et déjà, de fait, bénéficié de larges délais qui excèdent les deux années prévues par l’article 1343-5 du code civil et, à l’évidence, sa situation de surendettement n’est pas susceptible d’être traitée avec une quelconque efficacité dans le cadre des dispositions du droit commun.

En conséquence, sa demande de délais de paiement sera rejetée.

- Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

M. X succombant principalement à l’instance, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, dépens qui incluront les frais liés à la procédure d’injonction de payer.

Maître Sylvie ARNAUD-DEFFERIOLLES, avocate sera autorisée à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aura fait l’avance sans avoir reçu provision.

Par ailleurs, l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a dit que la somme de 3 278,79 euros ne porterait pas intérêt au taux légal ;

Statuant à nouveau,

Dit que la somme de 3 278,79 euros portera intérêts au taux légal non soumis à la majoration de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, à compter de la mise en demeure du 11 décembre 2015 ;

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne M. Y X aux dépens de première instance et d’appel, dépens qui incluront les frais liés à la procédure d’injonction de payer ;

Autorise Maître Sylvie ARNAUD-DEFFERIOLLES, avocat à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aura fait l’avance sans avoir reçu provision.

Le Greffier, Le Président,

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