Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 28 septembre 2021, n° 18/01275

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. soc., 28 sept. 2021, n° 18/01275
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 18/01275
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

28 SEPTEMBRE 2021

Arrêt n°

KV/NB/NS

Dossier N° RG 18/01275 – N° Portalis DBVU-V-B7C-FALD

E F X

/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME (CPAM), .M. […], Association CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP

Arrêt rendu ce VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Claude VICARD, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI, Greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme E F X

[…]

[…]

Représentée par Me Nadjiba HABILES de la SCP HABILES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME (CPAM)

Service juridique

[…]

63031 CLERMONT-FERRAND CEDEX 9

R e p r é s e n t é e p a r M e M a r i e – c a r o l i n e J O U C L A R D , a v o c a t a u b a r r e a u d e CLERMONT-FERRAND

.M. […]

[…]

[…]

non comparant ni représenté

Association CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP

[…]

69792 SAINT-PRIEST

Représentée par Me Philippe BOISSIER de la SCP BILLY-BOISSIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat substitué par Me Olivier BOST de la SELARL BOST-AVRIL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat plaidant

INTIMES

Mme VALLEE, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l’audience publique du 28 Juin 2021, tenue en application de l’article 945-1 du code de procédure civile, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs

explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 2 juillet 2015, la CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP DU MASSIF CENTRAL, employeur de Mme E G F épouse X, a souscrit une déclaration relativement à un accident ayant eu lieu le 22 juin 2015, assortie d’un certificat médical initial daté du même jour faisant état de troubles psychologiques avec choc émotionnel.

Après enquête et avis du médecin conseil, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du PUY DE DOME a reconnu le caractère professionnel de l’accident ainsi déclaré .

Mme X a été indemnisée du 22 juin 2015 au 25 juillet 2015 et du 11 août 2015 au 24 avril 2016. Son état de santé a été consolidé le 30 juin 2016 et une indemnité en capital basée sur un taux d’incapacité permanente de 8 % (dont 1 % pour le taux professionnel) lui a été allouée.

Le 1er avril 2016, la CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP DU MASSIF CENTRAL a fusionné avec d’autres caisses locales de conges intempéries BTP pour former la CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP RHONE ALPES AUVERGNE.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 16 février 2017, Mme X a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de CLERMONT FERRAND d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Suivant jugement contradictoire prononcé le 17 mai 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de CLERMONT FERRAND, a :

— débouté Mme X de son recours et de l’intégralité de ses demandes ;

— débouté la Caisse de Congés Intempéries BTP de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

— dit n’y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 18 juin 2018, Mme X a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne le 23 mai 2018.

L’affaire a été fixée à l’audience de la chambre sociale du 25 mai 2020. Toutefois, cette audience ayant été supprimée en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus dit 'covid 19" et de ses conséquences sur le fonctionnement des juridictions et ce dossier ne répondant pas aux critères fixés

par la chambre sociale pour un éventuel recours à la procédure sans audience, elle a été renvoyée à l’audience du 28 juin 2021.

M. le chef de l’antenne MNC RHONES ALPES n’y a pas comparu, ni ne s’y est fait représenter.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières écritures notifiées le 17 septembre 2018, oralement reprises, Mme X demande à la cour de :

— dire mal jugé, bien appelé ;

— réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de CLERMONT-FERRAND du 17 mai 2018 ;

— dire et juger que l’accident du travail dont elle a été victime le 22 juin 2015 procède de la faute inexcusable de son employeur, la Caisse de Congés Intempéries BTP ;

— fixer au maximum la majoration de rente à laquelle elle peut prétendre ;

Avant dire droit sur les préjudices envisagés par l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale

— ordonner une expertise médicale et commettre pour y procéder tel expert qu’il plaira au tribunal désigner ;

— lui allouer une provision qui ne saurait être inférieure à 5.000 euros.

Par ses dernières écritures notifiées le 17 mars 2020, oralement reprises, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME demande à la cour de :

— prendre acte qu’elle s’en remet à droit au fond et sur les quantum ;

— condamner I’employeur à régler le montant des préjudices extra-patrimoniaux;

— dire que conformément aux dispositions de l’article L 452-3 3e alinéa du code de la sécurité sociale, elle procédera à leur avance, sur demande, et en récupérera leur montant auprès de l’employeur.

Par ses dernières écritures notifiées le 7 décembre 2018, oralement reprises, la CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP RHONE ALPES AUVERGNE demande à la cour de :

— confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de CLERMONT FERRAND en date du 17 mai 2018;

— débouter Mme X de l’intégra1ité de ses demandes, fins et conclusions, non fondées et particulièrement injustifiées ;

— condamner Mme X à verser à lui la somme de 3.000 euros au titre de l’artic1e 700 du code de procédure civile ;

— condamner Mme X aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l’audience, pour l’exposé de leurs moyens.

MOTIFS

La déclaration d’accident du travail régularisée le 2 juillet 2015 par le directeur de la CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP DU MASSIF CENTRAL ne rapporte aucune circonstance de l’accident autre que celle selon laquelle celui-ci est intervenu sur le lieu habituel de la victime,

laquelle entend en l’espèce voir reconnaître que ledit fait accidentel procède d’une faute inexcusable de l’employeur.

Aux termes de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

En vertu des arrêts rendus le 8 octobre 2020 par la Cour de cassation, le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu à l’égard du travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable de l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident subi par le salarié. Il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur puisse être engagée, alors même que d’autres fautes, en ce compris la faute de la victime, auraient concouru à la réalisation du dommage.

Il incombe en principe au salarié agissant en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur de prouver que ce dernier, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Cette conscience du danger est appréciée souverainement par les juges du fond, et ce in abstracto en référence à ce qu’aurait dû connaître un professionnel avisé.

Le non-respect de la réglementation en matière de santé et de sécurité des salariés, l’existence d’accidents antérieurs, d’avertissements des salariés ou des représentants du personnel, d’une mise en demeure de l’inspecteur du travail, ou encore d’une condamnation pénale peuvent notamment révéler cette conscience du danger.

Selon l’article L. 1152-4 du code du travail, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Les personnes mentionnées à l’article L. 1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33 du code pénal.

L’auteur du harcèlement moral engage sa responsabilité civile personnelle à l’égard de la victime, sans pour autant exclure celle de l’employeur. L’employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur ses salariés. L’employeur est responsable des faits de harcèlement commis sur ses salariés par un autre salarié, y compris par un représentant du personnel dans l’exercice de son mandat ou par un tiers exerçant une autorité de fait ou de droit sur ceux-ci, mais pas des agissements commis par un médecin du travail.

La prévention du harcèlement moral à l’encontre des salariés de l’entreprise est confiée au chef d’entreprise à qui il appartient de prendre toute mesure en ce sens, mais également d’infliger des sanctions disciplinaires aux salariés auteurs de tels agissements.

Dans le cadre de son obligation de sécurité, l’employeur doit prévenir le harcèlement moral mais également réagir de façon rapide et adaptée pour faire cesser des faits de harcèlement avérés ou susceptibles d’avoir été commis.

En matière de prévention du harcèlement, le chef d’entreprise est tenu à une obligation de sécurité de résultat, mais l’employeur n’a pas commis de manquement en la matière s’il démontre avoir pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, avoir mis en oeuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral.

L’obligation de sécurité de résultat étant désormais appréciée par rapport non à la réalisation du risque, mais par rapport aux diligences de l’employeur, la responsabilité de ce dernier ne peut être ainsi écartée que s’il a mis en oeuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, notamment des actions d’information et de formation, et a mis fin au harcèlement dès qu’il en a été avisé.

L’employeur qui a connaissance d’une situation de harcèlement doit agir vite pour soustraire la victime à son harceleur. Il ne peut pas se contenter d’attendre l’issue de l’instance prud’homale si le salarié se disant victime à saisi le conseil de prud’hommes. Dès qu’il a connaissance d’une possible situation de harcèlement moral, l’employeur doit immédiatement procéder à une enquête et, si celle-ci laisse présumer des faits de harcèlement, engager une procédure disciplinaire dans les deux mois suivant la date à laquelle il a eu connaissance des reproches du salarié harcelé.

Si la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur l’existence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité à l’occasion d’un litige portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail, en revanche, relève de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, qu’ils soient ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, ainsi que la caractérisation d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

Si la notion ou définition de l’obligation de sécurité de l’employeur tend à converger en droit du travail et en sécurité sociale, l’indépendance du juge du contentieux de la sécurité sociale vis-à-vis du juge prud’homal, et vice-versa, quant à l’appréciation d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité reste un principe d’actualité.

En l’espèce, Mme X, qui considère avoir été victime de faits de harcèlement moral ayant induit la survenance de l’incident survenu le 22 juin 2015, déclaré le 2 juillet 2015 par l’employeur, expose tout d’abord avoir été victime des agissements répétés de M. Y, directeur de la CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP DU MASSIF CENTRAL, qu’elle considère comme constitutifs de harcèlement moral et qui ont entraîné selon elle une dégradation de son état de santé et altéré sa dignité. Elle ajoute avoir par ailleurs informé M. Z, président de la Caisse, des difficultés ainsi rencontrées dans son travail, ce dont elle estime justifier par les différents témoignages qu’elle verse aux débats. Elle en déduit que M. Z ne pouvait ignorer le danger auquel elle était exposée dans le cadre de son travail, ni même son impact sur son état de santé. Elle conteste à cet égard avoir présenté un quelconque état antérieur consistant en une fragilité psychologique. Elle estime que la CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP DU MASSIF CENTRAL a commis une faute inexcusable dans la survenance de l’accident du travail dont elle a été victime le 22 juin 2015 en ne prenant pas les mesures utiles pour préserver sa santé et sa sécurité.

En réponse, la CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP RHONE ALPES AUVERGNE rappelle à titre liminaire l’indépendance des rapports entre les décisions rendues par les juridictions de sécurité sociale et celles rendues par les juridictions prud’homales pour en déduire que la décision prononcée par le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND le 4 juin 2018, aux termes de laquelle cette juridiction a retenu l’existence d’un harcèlement moral commis à l’encontre de la salariée, est sans incidence sur le présent litige .

Concernant plus spécialement l’existence d’une faute inexcusable, elle conteste que M. Z ait été informé des faits de harcèlement moral dont la salariée se prétend victime depuis plusieurs années. Elle indique au contraire que celui-ci a pris toutes les mesures utiles pour préserver sa santé et sa sécurité dès qu’il a été informé de l’accident du travail survenu le 22 juin 2015, date à laquelle il a eu pour la première fois connaissance du contexte relationnel difficile prétendument existant entre l’appelante et M. Y. Elle ajoute que le courriel du 22 juin 2015 à l’origine de l’accident litigieux a été perçu par Mme X, selon ses dires, comme une éviction imprévisible de ses fonctions, un tel caractère brutal et soudain étant incompatible avec la notion de faute inexcusable. En tout état de cause, elle conteste que Mme X ait été victime de harcèlement moral de la part de M. Y, étant expliqué que la salariée n’a pas été dépossédée de ses fonctions à l’arrivée de celui-ci en 2012 mais que les modifications intervenues ne sont que la résultante d’une réorganisation des Caisses et de la préparation de la fusion-absorption, subie par l’ensemble des salariés des structures s’agissant de la création d’une Caisse régionale. Elle soutient enfin que l’appelante ne justifie pas d’une dégradation de son état de santé qui serait imputable à ses conditions de travail mais relève au contraire l’existence d’un état pathologique antérieur consistant principalement en une fragilité psychologique sans lien avec son travail.

Pour sa part, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE du PUY-DE-DOME indique s’en remettre à droit s’agissant de la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur dans l’accident

du travail survenu le 22 juin 2015.

Au vu des principes de droit susvisés, il incombe à l’appelante de démontrer, d’une part qu’elle a été, dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, soumise à un danger particulier ayant induit une dégradation de sa santé et sa sécurité et, d’autre part, que l’employeur ou la personne qu’il s’est substituée dans la direction était dûment informé de cette circonstance et qu’il ou elle n’a pris aucune mesure pour le prévenir.

Pour ce faire, Mme X verse tout d’abord aux débats une attestation établie par M. B C, ancien comptable de la CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP DU MASSIF CENTRAL, aux termes de laquelle celui-ci indique que l’appelante a informé M. Z lors de sa venue en mars 2015 au sein de la caisse, de ce que M. Y 'venait de lui supprimer brutalement la validation des congés du personnel de la caisse, mais, ainsi, que l’un des salariés de la caisse qui avait sollicité son accord pour une récupération d’heures dans le cadre de son déplacement pour une formation sur Lyon, s’était vu refuser sa demande et recadrer par la directrice adjointe de la caisse de Grenoble sans que Mme X en ait été avertie, alors que le salarié était sous l’autorité de Mme X …'. La cour constate toutefois que ce témoignage n’est corroboré par aucune autre pièce du dossier et qu’en tout état de cause, comme l’a très justement souligné le premier juge, cette attestation a été établie le 28 février 2018, soit d’une part environ trois ans après les faits relatés, de sorte que sa valeur probante s’en trouve affectée.

Mme X produit également une attestation établie par Mme H-I, collègue de travail, au terme de laquelle celle-ci explique 'avoir été témoin de l’état de détresse de Mme X qui exerçait à cette date la fonction de directrice adjointe de la caisse CIBTP Massif central et plus généralement la détérioration de son état psychologique et physique depuis la prise de fonctions de M. Y au poste de la caisse'. Elle ajoute par ailleurs que 'pour la majorité des collaborateurs de la caisse, ces agissements étaient perçus comme volontaires de la part du Directeur. Il est évident que ce contexte de travail a eu au fil des mois un impact non seulement sur l’état psychologique de Mme X mais également sur sa santé physique. En effet, j’ai pu comme d’autres collaborateurs constater son manque d’appétit et sa perte de poids'. Ce récit, à la description relativement vague, se contente de faire état d’une dégradation de l’état de santé psychique de Mme X, imputée à un contexte de travail décrit comme difficile, sans autres explications circonstanciées qui étayeraient par des éléments précis l’existence de conditions caractérisant une situation de harcèlement moral.

En outre, s’agissant du manque d’appétit de Mme X et sa perte de poids subséquente, tels que retranscrits par Mme H-I, l’appelante ne peut utilement soutenir que M. Z avait nécessairement conscience, eu égard à cette seule circonstance, d’une dégradation de l’état de santé de la salariée liée à son travail avant l’accident du 22 juin 2015, dès lors que cette altération peut parfaitement trouver sa source dans diverses causes de nature extraprofessionnelle, étant souligné en tout état de cause l’absence d’élément justifiant l’information sur ce point de M. Z.

Plus généralement, les témoignages produits aux débats par l’appelante ne font que retranscrire un contexte de travail général au sein de la caisse du Massif Central et une dégradation de l’état de santé de Mme X, sans établir par des éléments précis et objectifs qu’elle soit en lien avec son travail.

Il résulte de l’ensemble de ces constatations que l’appelante D à démontrer qu’elle aurait informé son employeur, M. Z, de quelconques difficultés rencontrées dans le cadre de son contrat de travail, et notamment d’ordre relationnel avec M. Y, antérieurement à l’accident du travail survenu le 22 juin 2015. Elle ne justifie pas plus de ce que celui-ci aurait été informé antérieurement à cette date et par tout autre moyen, des prétendues difficultés alléguées par Mme X.

S’agissant ensuite de la substitution de M. Y à M. Z dans la direction de l’entreprise dont se prévaut l’appelante, il y a lieu de relever que les statuts de la CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP DU MASSIF CENTRAL comportent un article 18 prévoyant notamment que 'le directeur est le chef de l’ensemble des services de la caisse, il les dirige, organise et contrôle leur travail'. A cet égard, l’organigramme fonctionnel CI-BTP de la Caisse du Massif Central désigne

expressément M. Y en qualité de directeur. Il ressort par ailleurs des pièces de la procédure que M. Y a introduit le recours porté par l’intimée devant la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie du PUY-DE-DOME tendant à la contestation de la décision de prise en charge de l’accident du 22 juin 2015 au titre de la législation professionnelle, une telle initiative traduisant, comme l’a pertinemment décidé le premier juge, la substitution de M. Y à M. Z dans la direction de la caisse.

Si l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale évoque certes la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction de l’entreprise, il appartient toutefois à Mme X de démontrer que M. Y a été dûment informé d’un danger auquel elle aurait été exposée dans le cadre de son travail et qu’il s’est pourtant abstenu de prendre toutes mesures utiles pour le prévenir et préserver la santé et la sécurité de sa salariée.

A cet égard, l’appelante indique avoir été dépossédée de ses fonctions de directrice-adjointe de la caisse du Massif Central par M. Y depuis son arrivée au sein de la caisse en 2012 et que cette éviction progressive s’inscrit dans le cadre d’un harcèlement moral de la part de celui-ci à son encontre. La cour constate toutefois que Mme X ne procède que par voie d’allégations dès lors qu’aucune pièce du dossier ne vient corroborer ses dires. Le premier juge a ainsi exactement souligné que les attestations versées aux débats et émanant de collègues de travail de Mme X, se contentent de relater une dégradation de son état de santé ou de décrire certains faits (tels notamment la création d’une plate-forme téléphonique sans que Mme X n’en soit informée, le refus opposé à un collaborateur quant au bénéfice d’une formation dans le cadre d’un DIF sans qu’elle n’en soit de même avertie, ainsi que la nomination d’un responsable de projet DSN sans information préalable de l’appelante) qui ne sont toutefois confirmés par aucun élément concret et matériellement vérifiable.

S’agissant ensuite de l’éviction de Mme X du poste de responsable ressources humaines de la future CAISSE DE CONGÉS INTEMPÉRIES BTP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES, il résulte des pièces du dossier que dans le cadre de la réorganisation des différentes caisses de congés intempéries BTP subséquente à la réforme des régions, un pôle ressources humaines a été créé afin notamment de prévoir des dispositifs de formations et de développer la fonction RH au sein des futures caisses. Dans ce cadre, l’appelante a participé à diverses réunions dudit pôle RH en qualité de représentante de la CAISSE DE CONGÉS INTEMPÉRIES BTP DE CLERMONT-FERRAND, et notamment à une réunion en date du 5 décembre 2013 lors de laquelle a été décidé que le pôle RH devait se composer de participants représentant les caisses des futures régions. Il était par ailleurs précisé, comme cela ressort du compte-rendu de réunion, que 'les futures régions Ouest et Rhône-Alpes sont en cours de réflexion sur leur organisation et désigneront ultérieurement un collaborateur'.

Il s’en déduit que Mme X était nécessairement dûment informée de la nomination future d’un représentant de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et qu’en conséquence, sa présence au sein du pôle RH n’était que provisoire, sous réserve de sa désignation à ce poste. La cour constate toutefois, comme l’a très justement souligné le premier juge, que la salariée ne justifie pas avoir candidaté sur le poste de représentant RH de la région Auvergne-Rhône-Alpes, en conséquence de quoi elle apparaît mal fondée à soutenir que son défaut de nomination sur ce poste caractériserait un acte d’harcèlement moral à son encontre.

Il apparaît par ailleurs que M. Y a proposé en mai 2015 à Mme X de rejoindre la CAISSE DE CONGÉS INTEMPÉRIES BTP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES en qualité d’assistante de direction, une telle proposition confirmant qu’elle ne pouvait raisonnablement ignorer qu’elle ne serait pas affectée au poste de responsable ressources humaines. Il convient par ailleurs de souligner que, par courriel en date du 3 juin 2015, M. Y a précisé à l’appelante que sa rémunération demeurerait inchangée et que son ancienneté serait reprise, outre que les frais de déménagement seraient pris en charge (sous réserve de la présentation de trois devis), ainsi que les frais d’agence pour la recherche d’un logement, de tels acquis ne pouvant à l’évidence traduire l’existence de faits constitutifs d’un harcèlement moral à l’encontre de Mme X. En tout état de cause, il est manifeste que le poste ainsi proposé à la salariée au sein de la nouvelle CAISSE RÉGIONALE AUVERGNE-RHÔNE-ALPES, d’envergure nécessairement plus importante que celle de la caisse du Massif Central, ne saurait s’apparenter avec certitude à une rétrogradation. Elle traduit au contraire la confiance témoignée à la salariée par M. Y en lui proposant un poste non dénué de responsabilités et de prises d’initiatives.

Il importe enfin de souligner qu’aux termes de son courrier en date du 26 juin 2015 adressé à M. Y aux fins que celui-ci procède à la déclaration de l’accident survenu le 22 juin, Mme X indique expressément avoir subi une 'éviction brutale' du pôle ressources humaines, une telle formule traduisant une soudaineté qui ne ressort pourtant pas de la chronologie des événements telle qu’elle s’évince objectivement du dossier. Nonobstant le fait que M. Y reconnaît lors de son audition dans le cadre de l’enquête administrative diligentée par la caisse primaire d’assurance maladie du Puy-de-Dôme ne pas avoir contacté personnellement Mme X préalablement à l’envoi du courriel litigieux du 22 juin 2015, celle-ci connaissait a minima depuis le réunion du 5 décembre 2013 sus-évoquée le caractère par nature temporaire de sa présence au sein du pôle RH Auvergne-Rhône-Alpes.

Si Mme X D ainsi à démontrer, tant son éviction progressive des fonctions de directrice adjointe de la Caisse du Massif Central par M. Y que son éviction brutale du pôle RH de la future Caisse régionale, et partant, l’existence de faits constitutifs d’un harcèlement moral à son encontre, il y a lieu, surabondamment, de souligner d’une part les termes courtois employés par M. Y à son égard dans les différents courriels et échanges produits aux débats et, d’autre part, la perception par la salariée de primes exceptionnelles sous la présidence de ce dernier. A cet égard, si Mme X argue de ce que les primes dont elle a bénéficié résulteraient exclusivement de l’initiative de M. A, directeur de la Caisse de septembre 2011 à octobre 2012 en versant notamment, pour étayer ses allégations, une attestation établie par celui-ci, aux termes de laquelle il explique que 'dans le but de motiver cette dernière, je me suis engagé avec l’accord du président de la Caisse, à lui verser des primes dont l’enveloppe avoisinait, dans mon souvenir, la somme de 3.000 euros', il ressort toutefois des fiches de paie de la salariée de février 2013 et février 2014 qu’elle a perçue respectivement les sommes de 1.300 euros et de 2.000 euros au titre de primes exceptionnelles. Or, en l’absence de toute contractualisation de l’engagement de M. A susvisé, il est manifeste que Mme X a continué à percevoir des primes exceptionnelles, d’un montant significatif et dépassant celui de l’enveloppe globale tel qu’évoqué par M. A dans son attestation, sous l’impulsion de M. Y, une telle circonstance infirmant l’hypothèse d’une volonté , de la part de ce dernier, de dégrader ses conditions de travail ou de se livrer à une entreprise de dévalorisation professionnelle.

Enfin, en raison de l’indépendance entre les décisions rendues par les juridictions prud’homales et les juridictions de sécurité sociale, la reconnaissance par le conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand d’une situation de harcèlement moral qu’elle aurait subie à raison des faits répétés de M. Y est sans incidence sur la solution du litige relatif à la faute inexcusable de l’employeur.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme X ne démontre pas utilement avoir été, dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, exposée à un danger qui aurait conduit à l’accident du travail survenu le 22 juin 2015, pas plus qu’elle n’établit que l’employeur et M. Y, substitué dans sa direction, auraient été informés d’un quelconque danger auquel elle aurait été exposée.

Il s’ensuit que c’est à bon droit et par des motifs pertinents que le premier juge en a exactement déduit l’absence de toute faute inexcusable de l’employeur dans la survenance de l’accident du travail de Mme X et débouté celle-ci de son recours et de l’intégralité de ses demandes. Le jugement de première instance sera dès lors confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme X, qui succombe totalement en son recours sera condamnée au dépens d’appel.

En cause d’appel, Mme X, afin de justifier de sa situation patrimoniale et professionnelle postérieure à son licenciement, se contente de produire une attestation de paiement de l’aide de retour à l’emploi établie par la caisse Pôle Emploi de CLERMONT-FERRAND et faisant état de ce qu’elle a bénéficié de ladite aide de septembre à novembre 2016 pour un montant global de 5.722,86 euros. Elle ne verse cependant aucun autre élément susceptible d’éclairer la cour sur sa situation

contemporaine à la présente décision. Elle sera condamnée à payer à la CAISSE DE CONGÉS INTEMPÉRIES BTP RHONE ALPES AUVERGNE la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

— Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

—  Y ajoutant,

— Condamne Mme X à payer la CAISSE DE CONGES INTEMPERIES BTP AUVERGNE RHONE ALPES la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

— Condamne Mme X aux dépens d’appel ;

— Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

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Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 28 septembre 2021, n° 18/01275