Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 1er février 2022, n° 19/00521

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Chronologie de l’affaire

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rocheblave.com · 20 octobre 2023

Pourquoi un accident du trajet est-il « préférable » pour un employeur à un accident du travail ? Qu'est-ce qu'un accident du trajet ? L'accident de trajet est défini par l'article L 411-2 du code de la sécurité sociale : « Est également considéré comme accident du travail, lorsque la victime ou ses ayants droit apportent la preuve que l'ensemble des conditions ci-après sont remplies ou lorsque l'enquête permet à la caisse de disposer sur ce point de présomptions suffisantes, l'accident survenu à un travailleur mentionné par le présent livre, pendant le trajet d'aller et de …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. soc., 1er févr. 2022, n° 19/00521
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 19/00521
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

1er FEVRIER 2022


Arrêt n°


ChR/NB/NS


Dossier N° RG 19/00521 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FFQU

Y Z

/

S.A.S. DENTSPLY SIRONA FRANCE, CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME (CPAM), .M. […]


Arrêt rendu ce PREMIER FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller


En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. Y Z

[…]

[…]


Représenté par Me DISSARD, avocat suppléant Me Philippe BRUN de la SELARL BRUN, avocat au barreau de REIMS

APPELANT

ET :

S.A.S. DENTSPLY SIRONA FRANCE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[…]

[…]


Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME (CPAM)


Service juridique

[…] 63031 CLERMONT-FERRAND CEDEX 9


R e p r é s e n t é e p a r M e M a r i e – c a r o l i n e J O U C L A R D , a v o c a t a u b a r r e a u d e CLERMONT-FERRAND

.M. […]

[…]

[…]


Non comparant ni représenté

INTIMES

Monsieur RUIN, Président et Mme VICARD, Conseiller après avoir entendu, Monsieur RUIN, Président en son rapport, à l’audience publique du 22 novembre 2021, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Y X, né le […], a été engagé le 25 février 1998 selon un contrat à durée indéterminée, en qualité de VRP, par la société LABORATOIRE SPAD aux droits de laquelle vient aujourd’hui la SAS DENTSPLY SIRONA FRANCE en suite d’une fusion-absorption intervenue le 31 décembre 1999. A compter du 1er janvier 2000, le contrat de travail de Monsieur Y X a donc été transféré à la SAS DENTSPLY SIRONA FRANCE.


Le 20 décembre 2012, Monsieur Y X a été victime d’un infarctus du myocarde. Cet événement a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie du PUY-DE-DOME selon une décision en date du 6 mars 2013. Le salarié a été consolidé le 16 février 2014 sans séquelles indemnisables.


Le 1er novembre 2014, Monsieur Y X a été placé en invalidité 2ème catégorie. À compter du 1er novembre 2014, il a perçu une pension d’invalidité (montant annuel brut de 17.956,63 euros en 2014).


Par courrier daté du 3 décembre 2014, Monsieur Y X a saisi la caisse primaire d’assurance maladie du PUY-DE-DOME aux fins de mise en oeuvre de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans l’accident du travail survenu le 20 décembre 2012.


Le 6 mars 2015, Monsieur Y X s’est vu notifier son licenciement pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement.


Le 3 juin 2015, Monsieur Y X a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du PUY-DE-DOME d’une action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur s’agissant de l’accident du travail du 20 décembre 2012.


Par jugement réputé contradictoire en date du 19 mai 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale du PUY-DE-DOME a débouté Monsieur Y X de son recours ainsi que de toutes ses demandes.


Le 1er juin 2016, Monsieur Y X a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 26 mai 2016. La procédure d’appel devant la chambre sociale de la cour d’appel de Riom a d’abord été enregistrée sous le numéro RG 16/01399.
Suite à l’ordonnance de radiation rendue le 4 juillet 2017, l’affaire a été réinscrite au rôle sur demande de Monsieur Y X le 11 mars 2019 sous le numéro RG 19/00521.


Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 22 novembre 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES


Dans ses dernières écritures, oralement reprises lors de l’audience, Monsieur Y X demande à la cour de :


- Dire et juger recevable et bien fondé son appel et en conséquence l’infirmer en toutes ses dispositions ;


Statuant à nouveau,


- Reconnaître la faute inexcusable de la SAS DENTSPLY FRANCE dans l’accident du travail survenu le 20 décembre 2012 ;


En conséquence,


- Fixer au maximum l’indemnité en capital ou la rente qui lui est servie en application des articles L452-1, L452-2 alinéas 2 et 3 du Code de la Sécurité Sociale ;


Et, avant dire droit, sur le préjudice et les dommages et intérêts,


- Ordonner une expertise et nommer tel expert qu’il plaira à la cour avec pour mission de:

* Faire la constatation médicale de toutes les lésions ayant un lien avec l’accident du travail survenu le 20 décembre 2012;

* Rechercher les incidences de la maladie et de sa rechute dans sa vie courante ;

* Fixer la durée de l’incapacité temporaire totale;

* Perte de gains professionnels actuels: indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été du fait de son déficit fonctionnel temporaire dans l’incapacité d’exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle;

* Fixer la date de consolidation;

* Fixer le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l’accident du travail;

* Perte de gains professionnels futures: indiquer si le déficit fonctionnel permanent entraîne l’obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d’activité professionnelle;

* Décrire et évaluer les souffrances endurées, y compris celles postérieures à la consolidation;

* Décrire l’évolution prévisible des séquelles;

* Décrire et évaluer le préjudice d’agrément;

* Décrire et évaluer le préjudice sexuel;

* Décrire et évaluer le préjudice esthétique;

* Indiquer la nécessité éventuelle de l’aide d’une tierce personne et sa durée;

* Préciser la nature et la quantité de soins postérieurs à la consolidation ;
En tout état de cause,


- Condamner la SAS DENTSPLY FRANCE à lui payer la somme de 5.000 € à titre d’indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de l’ensemble des préjudices subis,


- Condamner la SAS DENTSPLY FRANCE à lui payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;


- Condamner la SAS DENTSPLY FRANCE aux entiers dépens;


- Déclarer la décision à intervenir commune à la caisse primaire d’assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Monsieur Y X expose que le climat social s’est dégradé au sein de l’entreprise suite à la décision de l’employeur de créer une force de vente unique constituée exclusivement d’attachés commerciaux en 2008. Suite au refus de la modification de leur contrat de travail, les salariés ayant le statut de représentant, auxquels il appartient, ont subi des pressions pour les pousser à démissionner. Il fait valoir que le harcèlement moral dont il a été victime caractérise une faute inexcusable de l’employeur puisque celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du risque auquel était exposé le salarié et n’a pas pris les mesures nécessaires pour y remédier. Il indique que ces faits de harcèlement ont été constatés dans un procès-verbal dressé par l’inspection du travail, étant précisé qu’il a par ailleurs déposé plainte contre son employeur. Il ajoute que dès lors que la jurisprudence n’exige pas que la faute inexcusable de l’employeur soit la cause déterminante de l’accident, celui-ci ne peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant la pathologie préexistante du salarié.

Monsieur Y X sollicite en conséquence que soit ordonnée une expertise afin d’évaluer l’étendue du préjudice subi. Il sollicite la fixation d’une indemnité en capital ou rente au taux maximal en application de l’article L. 452-2 du Code de Sécurité Sociale, ainsi que l’indemnisation de ses préjudices complémentaires non pris en charge par la CPAM.


Dans ses dernières écritures, oralement reprises lors de l’audience, la SAS DENTSPLY SIRONA FRANCE demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de :


- Constater que le malaise cardiaque survenu à Monsieur Y X constitue un accident de trajet et ne présente aucun caractère professionnel ;


- Constater que la pathologie cardiaque de Monsieur Y X est antérieure à la modification proposée de son contrat de travail ;


- Constater en tout état de cause que Monsieur Y X échoue dans la démonstration de la preuve concernant la faute inexcusable invoquée ;


En conséquence,


- Rejeter la demande de reconnaissance de faute inexcusable à l’encontre de la société DENTSPLY SIRONA FRANCE ;


- Rejeter la demande d’expertise sollicitée par Monsieur Y X ;


- Débouter Monsieur Y X de l’ensemble de ses demandes;


- Rejeter la demande de majoration de la rente versée à Monsieur Y X a son taux maximum;


- Rejeter la demande d’expertise aux frais avancés par la société ou de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie;
- Rejeter la demande de paiement de la somme de 5.000 euros à titre provisionnel à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;


- Rejeter la demande indemnitaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


- Rejeter la demande d’exécution provisoire de la décision à intervenir ;


- Condamner Monsieur Y X au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.


La SAS DENTSPLY SIRONA FRANCE fait valoir que c’est à bon droit que les juges de première instance ont écarté la faute inexcusable au motif que les preuves produites par le salarié sont insuffisantes à démontrer que l’employeur aurait eu conscience d’un quelconque danger auquel aurait été exposé le salarié et qu’il n’aurait pas pris toutes les mesures utiles pour le prévenir. Elle rappelle par ailleurs qu’aucune faute inexcusable de l’employeur ne peut être retenue en cas d’accident de trajet, comme tel est le cas en l’espèce, étant expliqué que le malaise cardiaque a eu lieu sur le trajet entre le domicile et une visite clientèle.


Subsidiairement, si la cour retenait la qualification d’accident du travail, la SAS DENTSPLY SIRONA FRANCE invoque comme cause d’exonération l’état pathologique préexistant du salarié, celui-ci ayant été hospitalisé pour des troubles cardiaques en 2006.


Concernant le procès-verbal établi par l’inspection du travail, l’employeur fait valoir que seuls les faits personnellement et matériellement constatés font foi jusqu’à preuve du contraire, et qu’en l’espèce, les témoignages des salariés se plaignant de harcèlement managérial n’ont que la valeur de renseignements. Par ailleurs, la constitution de partie civile du salarié ne présume pas une condamnation pénale de l’employeur.


La SAS DENTSPLY SIRONA FRANCE ajoute que contrairement à ce qu’affirme le salarié, l’avenant proposé en 2008 n’avait pas pour but de modifier le niveau de rémunération des salariés mais de mettre en place un système de rémunération plus adapté à l’évolution du marché et à la politique de produits de l’entreprise, étant au-delà contesté tout harcèlement moral.


La SAS DENTSPLY SIRONA FRANCE conclut ainsi au rejet de la demande d’expertise au motif que l’article 146 du Code de procédure civile interdit au juge d’ordonner une mesure d’instruction en vue de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve. En l’espèce le salarié ne produit aucun commencement de preuve de l’existence des préjudices.


Dans ses dernières écritures, oralement reprises, la caisse primaire d’assurance maladie du PUY-DE-DOME demande à la cour de :


- Prendre acte qu’elle s’en remet à droit au fond et sur les quantum;


- Condamner l’employeur à régler le montant des préjudices extra-patrimoniaux;


- Dire que conformément aux dispositions de l’article 452-3 alinéa 3, elle procédera à leur avance, sur demande, et en récupérera leur montant auprès de l’employeur.

Monsieur le chef de l’antenne MNC RHÔNE-ALPES AUVERGNE, bien que régulièrement convoqué (accusé de réception signé le 27 novembre 2020), n’est ni présent ni représenté à l’audience.


Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions ou écritures déposées qui ont été oralement reprises lors de l’audience.

MOTIFS Monsieur Y X expose que le 20 décembre 2012, il a été victime d’un infarctus du myocarde alors qu’il partait travailler avec son véhicule. Il considère que ce malaise est subséquent à une dégradation de ses conditions de travail survenue depuis l’année 2008, époque à laquelle lui a été proposée, ainsi qu’aux autres VRP de l’entreprise, une modification de son contrat de travail qu’il a refusée. Il prétend avoir subi ensuite des pressions de la part de l’employeur, constitutives selon lui d’un harcèlement moral, et ayant altéré son état de santé. Il considère de la sorte que ledit accident procède de la faute inexcusable de l’employeur dès lors que celui-ci avait connaissance du danger auquel il était exposé et qu’il s’est pourtant abstenu de prendre les mesures utiles à préserver sa santé et sa sécurité.


La SAS DENTSPLY SIRONA FRANCE réplique que l’accident dont a été victime le salarié le 20 décembre 2012 est un accident de trajet, et non un accident du travail, par nature exclusif de toute faute inexcusable de l’employeur. Elle ajoute, à titre subsidiaire, pour le cas où ledit accident serait qualifié d’accident du travail, que Monsieur Y X souffrait d’un état pathologique antérieur, et plus spécialement de problèmes cardiaques depuis novembre 2006, soit antérieurement à la proposition de modification du contrat de travail dont celui-ci excipe comme point de départ de la prétendue dégradation de ses conditions de travail.


Selon la jurisprudence constante applicable en matière de sécurité sociale, l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles.


Tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, notamment révélé par l’accident du travail ou la maladie professionnelle, a le caractère d’une faute inexcusable si l’employeur avait conscience ou, en raison de ses connaissances techniques et de son expérience, aurait dû avoir conscience du danger encouru par le salarié et qu’il n’a pas pris les dispositions nécessaires pour l’en préserver.


La faute inexcusable est retenue s’il est relevé un manquement de l’employeur en relation avec le dommage subi par le salarié. Il suffit que cette faute de l’employeur soit une cause nécessaire ou l’une des causes de l’accident. Peu importe qu’elle en ait été la cause déterminante ou que d’autres fautes aient concouru au dommage et, en particulier, que la victime ait elle-même commis une imprudence ou une faute. La faute inexcusable implique donc que les manquements de l’employeur soient une cause nécessaire de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle. La responsabilité de l’employeur ne peut être engagée si la faute invoquée par le salarié est étrangère aux causes de l’accident ou de sa maladie ou si la cause de l’accident est indéterminée.


La charge de la preuve de la faute inexcusable de l’employeur, c’est-à-dire de la conscience du danger et de l’absence de mesures nécessaires de prévention et de protection, pèse sur le salarié victime ou sur ses ayants droit. La preuve de la conscience du danger est un préalable à l’établissement de la faute inexcusable, avant même de démontrer que les mesures nécessaires pour préserver le salarié n’ont pas été prises par l’employeur. Ce préalable ne sera pas rempli s’il n’est pas possible de caractériser l’origine exacte de l’affection subie par le salarié ou de l’accident. Par contre, le salarié n’a pas à démontrer le caractère intentionnel du manquement de l’employeur en matière de faute inexcusable ni l’existence d’une condamnation pénale.


En raison de l’indépendance des rapports caisse/victime et caisse/employeur, ce dernier conserve la possibilité de contester devant les juridictions de sécurité sociale, notamment à l’occasion d’une action engagée par le salarié et tendant à voir reconnaître l’existence de sa faute inexcusable, la nature (ou origine) de l’accident subi par le salarié quand bien même celui-ci aurait fait l’objet d’une prise en charge définitive par la caisse primaire d’assurance maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.


À titre liminaire, il échet de constater que le premier juge a débouté Monsieur Y X de sa demande afin de voir reconnaître que l’accident dont il a été victime le 20 décembre 2012 procède de la faute inexcusable de son employeur, la SAS DENTSPLY
SIRONA FRANCE, en considérant que les conditions de la faute inexcusable n’étaient pas remplies puisque Monsieur Y X ne démontrait pas l’existence de pressions imputables à l’employeur ni en quoi la société DENTSPLY SIRONA FRANCE pouvait avoir connaissance du danger auquel se trouvait exposé son salarié.


Le moyen selon lequel le malaise cardiaque dont Monsieur Y X a été victime le 20 décembre 2012 constituerait un accident de trajet, type d’accident ne permettant pas de rechercher la faute inexcusable de l’employeur, n’a pas été soumis au tribunal des affaires de sécurité sociale.


Aux termes de l’article 563 du code de procédure civile : 'Pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.'.


La jurisprudence admet que l’employeur peut remettre en question la qualification ou l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie dans le cadre d’une accusation de faute inexcusable à son encontre. En effet, la décision de la caisse sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie du salarié est sans incidence sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable. L’employeur peut donc, pour faire échec à la reconnaissance de sa faute inexcusable, ou aux conséquences de cette reconnaissance, contester le caractère professionnel du dommage après décision définitive de la caisse.


Nonobstant la décision de reconnaissance d’un accident du travail par la caisse, définitive dans ses rapports avec le salarié, la cour reste compétente pour déterminer si le malaise cardiaque dont Monsieur Y X a été victime le 20 décembre 2012 est d’origine professionnelle, ou a un caractère professionnel, et notamment s’il relève d’un accident de trajet plutôt que d’un accident du travail.


Selon l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, qu’elle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs.


Aux termes de l’article L. 411-2 du code de la sécurité sociale :

'Est également considéré comme accident du travail, lorsque la victime ou ses ayants droit apportent la preuve que l’ensemble des conditions ci-après sont remplies ou lorsque l’enquête permet à la caisse de disposer sur ce point de présomptions suffisantes, l’accident survenu à un travailleur mentionné par le présent livre, pendant le trajet d’aller et de retour, entre :

1°) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et le lieu du travail. Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d’un covoiturage régulier ;

2°) le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d’une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n’a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l’emploi.'


L’accident de trajet est l’accident survenu au cours du trajet normal accompli habituellement par le salarié pour se rendre de son domicile au lieu de travail et en revenir. Il se situe donc en un temps où le salarié n’est pas en principe sous l’autorité de l’employeur.


Le trajet, au sens de l’article L. 411-2 du code de la sécurité sociale, se distingue donc du déplacement professionnel qui s’inscrit dans le cadre de l’activité professionnelle du salarié, même s’il a pour point de départ ou d’arrivée le domicile du salarié ou le lieu de travail habituel. Le déplacement professionnel consiste dans tout déplacement que le salarié effectue dans l’accomplissement même de son travail.
La notion de temps de travail est établie, par application des dispositions de l’article L. 3121-1 du code du travail, comme étant le temps durant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.


Dès lors, l’accident qui survient au cours d’un trajet lorsque le salarié est à la disposition de l’employeur doit s’analyser comme un accident du travail. A l’inverse, lorsqu’un accident survient au cours d’un trajet mais alors que le salarié n’est pas, ou n’est plus, sous l’autorité de son employeur, il s’agira d’un accident de trajet.


Le caractère d’accident du trajet est apprécié souverainement par les juges du fond.


La loi assimile, en ce qui concerne la réparation ou indemnisation due par la caisse, l’accident de trajet à l’accident du travail proprement dit. En cas d’accident de trajet, le salarié bénéficie ainsi, en cas d’arrêt de travail, d’indemnités journalières payées par la caisse primaire d’assurance maladie. Il bénéfice en outre du remboursement total ou partiel par cet organisme et/ou sa complémentaire santé, des prestations en nature que constituent les frais de santé engagés au titre de l’accident.


En cas d’accident du trajet causé par l’employeur ou ses préposés ou, plus généralement, par une personne appartenant à la même entreprise que la victime, l’article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale autorise le recours direct contre l’auteur de l’accident.


Par contre, les effets de l’accident de trajet différent sensiblement de ceux de l’accident du travail.


La réparation des accidents de trajet est financée par une cotisation forfaitaire, tandis que l’accroissement du nombre des accidents du travail proprement dits influe sur le taux de cotisation de l’employeur, ce dont il résulte que ce dernier peut avoir un intérêt à faire admettre qu’un accident s’est produit au cours du trajet, et non au temps et au lieu du travail.


En matière de droit du travail, les accidents de trajet n’ouvrent pas droit à la protection spécifique des salariés accidents du travail.


Surtout, il résulte d’une jurisprudence constante ainsi que des dispositions des articles L. 411-2 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale que la victime d’un accident de trajet ne peut invoquer à l’encontre de son employeur l’existence d’une faute inexcusable. En effet, il ne saurait être reproché à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité, dans des conditions caractérisant une faute, pour un accident survenu en un temps où le salarié n’était pas ou avait cessé d’être sous l’autorité de l’employeur.


M o n s i e u r P a s c a l B E R T H O N a é t é h o s p i t a l i s é e n s e r v i c e c a r d i o l o g i e à CLERMONT-FERRAND du 20 au 24 décembre 2012, sans précision justifiée quant à son heure d’arrivée.


La déclaration d’accident du travail concernant le malaise cardiaque dont Monsieur Y X aurait été victime le 20 décembre 2012 ne mentionne aucune précision horaire (heure 0000 '), mais seulement que l’employeur a été avisé de l’événement le 20 décembre 2012 à 13 heures, que le VRP devait en principe travailler ce jour-là de 8 heures 30 à 12 heures et de 13 heures 30 à 19 heures, que Monsieur Y X aurait été hospitalisé pour un problème de 'coeur'. L’employeur a mentionné dans cette déclaration 'nous ignorons si Mr X était en train de travailler au moment des faits ; rien ne permet de dire qu’ils sont en lien avec le travail'.


Selon un certificat médical d’arrêt de travail daté du 24 décembre 2012, Monsieur Y X souffrait des conséquences d’un infarctus du myocarde, sans autre précision.


Aucun justificatif d’intervention des secours n’est produit pour la journée du 20 décembre 2012. Aucun témoignage n’est versé aux débats.
D’après les réponses aux questionnaires de la caisse, Monsieur Y X aurait indiqué qu’il a ressenti des douleurs thoraciques vers 8 heures 30 ou 8 heures 45, alors qu’il était dans son véhicule et s’apprêtait à aller travailler, qu’il serait immédiatement rentré chez lui pour appeler les secours. Le lieu de l’accident mentionné est '[…]', ce qui correspond au domicile privé du salarié à l’époque considérée.


En l’espèce, à la lecture des pièces versées aux débats, la cour ne trouve aucune justification des circonstances matérielles précises, notamment en termes de temps et de lieu, concernant le malaise cardiaque dont Monsieur Y X a été victime le 20 décembre 2012.


Dans ses écritures, Monsieur Y X indique seulement qu’il partait travailler dans son véhicule, qu’il a alors ressenti une forte douleur à la poitrine, qu’il a fait immédiatement demi-tour pour appeler les secours depuis son bureau. Monsieur Y X ne conteste pas sérieusement qu’il ne se trouvait pas, à ce moment précis, sous l’autorité ou à la disposition de son employeur. En tout état de cause, alors que la présomption d’origine professionnelle en cas d’événement survenant au temps et au lieu du travail ne peut s’appliquer aux faits de l’espèce, l’appelant ne justifie pas qu’au moment de son malaise cardiaque il était à la disposition de l’employeur, se conformait à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.


Par contre, il n’est pas contesté par l’employeur que l’accident du 20 décembre 2012 est survenu au cours du trajet accompli habituellement par le salarié pour se rendre de son domicile à son lieu de travail.


En conséquence, au vu des développements qui précèdent, l’accident dont a été victime Monsieur Y X en date du 20 décembre 2012 ne saurait être analysé en un accident du travail susceptible de permettre au salarié d’agir en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Cet accident relève d’un accident de trajet pour lequel il ne saurait être reproché à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité, dans des conditions caractérisant une faute, alors que le salarié n’était pas sous son autorité.


Il s’ensuit, aux motifs substitués, que c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de Monsieur Y X tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de la SAS DENTSPLY SIRONA FRANCE et débouté celui-ci de son recours.

Monsieur Y X, qui succombe totalement en son recours, sera condamné aux entiers dépens d’appel.


En équité, il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,


- Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur Y X de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la SAS DENTSPLY SIRONA FRANCE s’agissant d’un accident survenu le 20 décembre 2012 ;


- Condamne Monsieur Y X aux dépens d’appel;


- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.


Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.


Le greffier, Le Président,


N. BELAROUI C. RUIN
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Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 1er février 2022, n° 19/00521