Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 13 février 2014, n° 13/00791

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. de la proximité, 13 févr. 2014, n° 13/00791
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 13/00791
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, 29 janvier 2013, N° 12/05335
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 13/00791

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 13 FÉVRIER 2014

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du JUGE DE L’EXÉCUTION du tribunal de grande instance de ROUEN du 30 Janvier 2013 [12/05335]

APPELANTE :

XXX

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Yannick ENAULT, avocat au barreau de ROUEN,

Assistée de Me Robert MEILICHZON, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur H X

XXX

XXX

Représenté et assisté par Me Patrice LEMIEGRE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Madame APELLE, Présidente

Madame LABAYE, Conseiller, entendue en son rapport oral de la procédure avant plaidoiries

Madame POITOU, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme NOEL-DAZY, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Novembre 2013, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Février 2014, date à laquelle le délibéré a été prorogé pour être rendu ce jour

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 13 Février 2014, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

Signé par Madame APELLE, Présidente et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M H X était directeur général délégué de la société Planet Pharma, du 21 novembre 2000 au 14 juin 2012. Il était en parallèle actionnaire d’une société Mauricienne, dénommée Ilapharm.

Par contrat du 16 novembre 2008, la société Planet Pharma était entrée en relations contractuelles avec la société Medigreen, agent exclusif de représentation commerciale des produits pharmaceutiques du Groupe Ubipharm, dont Planet Pharma était une filiale, en Chine et en Malaisie.

Il est reproché à M. X, par la société Planet Pharma, alors qu’il était encore son mandataire social, d’avoir rédigé, au détriment de cette dernière, une convention de représentation de produits médicaux avec la société Shangaï Medigreen International Trade & Co pour le compte de la société Ilapharm dont il était actionnaire, consistant à proposer à Medigreen

le versement d’une commission de 5 % au profit de Ilapharm, sur tous les produits que la société Planet Pharma, et les autres sociétés du Groupe Ubipharm achèteraient en Asie par l’intermédiaire de Medigreen, et ce, à partir du 23 avril 2010, date dudit mémorandum.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 octobre 2012, la société Planet Pharma a porté plainte entre les mains de

M. le Procureur de la République près du Tribunal de Grande Instance de Rouen contre M. X pour abus de biens sociaux, infraction prévue et réprimée par l’article L 242-6 3° du Code de Commerce. La société Planet Pharma indiquait que le montant des achats qu’elle avait effectués, entre le 23 avril 2010, date d’entrée en vigueur du contrat incriminé et le 31 juillet 2012, était de 18.899.224,55 €. La commission que s’était, selon elle, attribuée illicitement la société Ilapharm, égale à 5% de ce montant, s’élevait à 944.962 €.

En l’absence de réponse du Parquet dans le délai de 3 mois de l’article 85 du Code de procédure pénale, la société Planet Pharma a déposé le 7 janvier 2013 plainte avec constitution de partie civile entre les mains de M. le Doyen des Juges d’Instruction du Tribunal de Grande Instance de Rouen.

Soutenant avoir les plus grandes craintes pour le recouvrement de sa créance à l’encontre de M. X, la société Planet Pharma a soumis le 16 octobre 2012 au juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Rouen une requête afin de sûreté judiciaire provisoire sur différents biens immobiliers appartenant à M. X, pour sûreté et conservation de la somme de 1.000.000 euros.

Par ordonnance du même jour, le juge de l’exécution a fait droit à la demande d’inscription provisoire d’hypothèque judiciaire sur des biens immobiliers appartenant à M. X pour sûreté et conservation de la somme de 1.000.000 euros à laquelle la créance est évaluée provisoirement. Les biens concernés étaient les lots n° 8,9 et 10 d’un immeuble situé 1 et XXX à Rouen, les lots XXX et 3135 dans un immeuble situé 22 à XXX à Rouen, les lots XXX, 2113 et 2102 dans un immeuble situé XXX et XXX à Rouen.

L’inscription provisoire d’hypothèque judiciaire a été déposée le 18 octobre 2012 et publiée vol 2012 V n°3268 avec un bordereau rectificatif du 06 décembre 2012 vol 2012 V n°3683 ; elle a été dénoncée à M. X le 25 octobre 2012.

Par acte d’huissier en date du 20 novembre 2012, M. X a fait assigner la société Planet Pharma devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Rouen pour voir :

— constater l’inexistence de la créance prétendue,

— déclarer illicite la mesure conservatoire,

— ordonner la mainlevée de d’hypothèque provisoire prise le 18 octobre 2012,

— condamner la société Planet Pharma au paiement de la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêt pour procédure abusive,

— condamner la société Planet Pharma au paiement de la somme de 2.000¿ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

— condamner la société Planet Pharma aux dépens.

Par jugement du 30 janvier 2013, le juge de l’exécution a :

— dit que la mesure d’hypothèque provisoire prise le 18 octobre 2012, sous la référence d’enliassement volume 2012 V n°3268 auprès de la Conservation des hypothèques de Rouen, était abusive,

— ordonné la mainlevée de l’hypothèque provisoire prise le 18 octobre 2012, sous la référence d’enliassement volume 2012 V n°3268 auprès de la Conservation des hypothèques de Rouen,

— condamné la société Planet Pharma à payer à M. X la somme de 1.000 € à titre de dommages intérêts,

— condamné la société Planet Pharma à payer à M. X la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

— rappelé que sa décision était exécutoire par provision,

— condamné la société Planet Pharma aux dépens.

Le juge de l’exécution rappelle qu’il y a lieu d’apprécier si la créance,

en l’espèce délictuelle, apparaît fondée en son principe et donc si les éléments produits aux débats revêtent l’apparence du délit d’abus de biens sociaux reproché par la société Planet Pharma. Le document 'mémorandum', qualifié de contrat par la société Planet Pharma, est un document particulièrement sommaire, rédigé en langue française, relève le juge de l’exécution ; il ne contient aucune référence à l’application du droit anglo-saxon qui permettrait de prendre en considération la définition anglaise du mémorandum soit une convention devant produire des effets juridiques entre les parties. Il est attesté de l’absence de toute relation commerciale mise en oeuvre postérieurement au mémorandum. Le juge de l’exécution en a déduit que l’apparence d’un contrat entre les sociétés Ilapharm et Medigreen n’est pas rapportée, ni un risque anormal pour la société Planet Pharma du fait de la rédaction de ce mémento et qu’il convient de donner mainlevée de la saisie.

La société Planet Pharma a interjeté appel de la décision par déclaration du 05 avril 2013.

Le 16 avril 2013, la société Planet Pharma a saisi, en la forme des référés, le délégataire du premier président de la cour d’appel de Rouen pour solliciter, suivant dernières conclusions du 1er juin 2013 et au visa de l’article R. 121-22 du Code des procédures d’exécution, le sursis à exécution de ce jugement jusqu’à ce que la Cour d’appel, saisie par déclaration au greffe du 05 avril 2013, ait statué sur le mérite de son appel. M. X s’est opposé à la demande et a sollicité des dommages et intérêts et une indemnité de procédure.

Par ordonnance du 26 juin 2013, le délégataire du premier président a :

— débouté la société Planet Pharma de sa demande de sursis à exécution,

— condamné la société Planet Pharma à payer à M. X la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ,

— rejeté toute autre demande,

— condamné la société Planet Pharma aux dépens de l’ordonnance.

*****

Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 octobre 2013, la société Planet Pharma demande à la Cour :

— d’infirmer le jugement du 30 janvier 2013 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

— de débouter M. X de la totalité de ses demandes,

— de condamner M. X à lui verser la somme de 2.500 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— de condamner M. X aux dépens de la première instance et d’appel, ces derniers pouvant être recouvrés par Me Yannick Enault pour ceux dont il a fait l’avance dans les conditions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

La société Planet Pharma rappelle les conditions dans lesquelles

M. X a quitté la société, estimant mensongères ses prétentions selon lesquelles la séparation se serait faite à l’amiable. Le conseil d’administration du 23 mai 2011 a révoqué son mandat de directeur général délégué, même s’il a continué d’exercer son mandat d’administrateur de la société jusqu’en juin 2012. M. X a fait des offres pour une nouvelle collaboration auxquelles M. N Y, président directeur général de la société, n’a pas voulu donner suite reprochant à M. X la mauvaise gestion de dossiers qui lui avaient été confiés. Les relations n’étaient nullement

cordiales puisque existaient 'des conflits ouverts’ entre M. X et

M. Y depuis 2009.

La société Planet Pharma soutient que, contrairement à ce qu’affirme M. X, elle n’a jamais eu connaissance d’autres sociétés de consultants créées par M. X, ni du contrat prétendument établi en juillet 2011 qui devait, selon M. X, encadrer les relations de la société Ilapharm avec la société Planet Pharma.

La société Planet Pharma affirme n’avoir eu connaissance de l’existence de la société Ilapharm que lorsqu’elle a découvert, au mois de juillet 2012, la clé USB par laquelle avaient été transférées en 2010 à un autre ordinateur les données de l’ordinateur de M. X qui était en panne, clé sur laquelle se trouvait le 'mémorandum’ du 23 avril 2010. La proposition de collaboration transmise par M. X l’était à titre personnel, selon la société, sans mentionner l’existence d’une quelconque structure à travers laquelle il entendait exercer cette collaboration.

La société Planet Pharma ajoute avoir alors également appris que

M. X avait mis en place 'clandestinement’des structures destinées à détourner des clients de la société Planet Pharma et ce, depuis 2009. Il a ainsi créé une société Ila &Partners, il détenait 90% des actions de la société Ilapharm Group, immatriculée le 28 janvier 2009. Cette société a été donc constituée, note la société appelante, alors que M. X exerçait les fonctions de directeur général délégué, soit plus de deux ans et demi avant sa révocation et à l’insu de la société Planet Pharma et de ses dirigeants.

La société Planet Pharma estime que M. X ne peut affirmer que l’objet de la société Ilapharm était, une fois son départ effectif, de conseiller la société Medigreen et l’aider à conserver et à développer son courant d’affaire, y compris avec le Groupe Ubipharm et la société Planet Pharma. Le mémorandum a été signé en avril 2010, soit treize mois avant la révocation de ses fonctions de directeur général délégué et alors qu’il est resté administrateur jusqu’en juin 2012. Le mémorandum ne précise pas qu’il ne prendra effet qu’à la date du départ effectif de M. X de la société Planet Pharma. La société Planet Pharma prétend également, même si

M. X le nie, que ce dernier aurait reçu dès septembre 2009 des sollicitations d’une société Luckycom désirant lui confier une mission de consultant dans les différentes sociétés en Afrique de langue française de la société Planet Pharma et qui proposait de lui verser une rémunération égale à 10% de sa marge. Les relations entre la société Luckycom et M. X, sont établies, avance la société Planet Pharma, de même que la tentative de détournement de clientèle de sa part concernant la société Luckycom. Ainsi, conclut la société appelante, l’objet de la société Ilapharm était bien de concurrencer la société Planet Pharma.

Selon la Société Planet Pharma, M. X admet dans ses conclusions que le document intitulé 'mémorandum’ est en réalité un contrat. Or, M. X ne s’explique pas la raison pour laquelle la société Medigreen aurait accepté de faire appel à la société Ilapharm Group pour la conseiller sur un partenariat avec la société Planet Pharma alors qu’elle bénéficie d’un contrat de représentation exclusive en date du 16 septembre 2008 avec la société Planet Pharma pour une durée de six ans. M. X était le responsable des achats dans la société Planet Pharma ; il a signé avec la société Medigreen un contrat qui lui était particulièrement favorable, signé par lui seul sans avoir été soumis préalablement aux autres dirigeants de la société Planet Pharma ; cette dernière n’a eu connaissance des clauses qui lui étaient défavorables qu’après la révocation de M. X. Le mémorandum a été

consenti en contrepartie des 'largesses’ consenties par M. X à la société Medigreen.

La société Planet Pharma expose que cette opération a entraîné une augmentation des prix des produits pharmaceutiques fournis par la société Medigreen alors que les prix des autres fournisseurs, soit n’ont pas varié, soit ont fait l’objet de baisses. La société Medigreen aurait augmenté les prix qu’elle lui demande pour lui faire supporter le coût de la commission de 5% versée à la société Ilapharm. La société Planet Pharma soutient que, contrairement à ce qu’affirme M. X, elle ignore les prix qui sont consentis par les fabricants à la société Medigreen, cette dernière pratiquant une parfaite opacité des prix. M. X, interlocuteur de la société Medigreen lorsqu’il travaillait au sein de la société Planet Pharma, connaissait ces prix, ce qui lui a permis de déterminer la marge réalisée par la société Medigreen aux fins de pouvoir se faire octroyer la rétrocession de 5% à titre de commission sur les produits achetés par la société Planet Pharma et les autres sociétés du groupe Ubipharm auprès de la société Medigreen. La preuve du caractère important de l’augmentation des prix de la société Medigreen serait fournie par un rapport de l’audit conduit en septembre 2009.

La société Planet Pharma conteste l’interprétation faite par le juge de l’exécution du document intitulé 'mémorandum’ en ce qu’il a retenu qu’il ne constituait pas un contrat mais une note visant à fixer les contours d’une future réunion. La société fait valoir qu’il faut retenir la définition anglo-saxonne et non la définition française du terme 'mémorandum'.

La société Planet Pharma indique s’être adressée, d’une part, à un cabinet d’avocats international ayant un bureau à Paris et une représentation à Shanghaï afin qu’il fasse connaître son analyse tant en droit français qu’en droit chinois du document du 23 avril 2010, d’autre part, à un avocat inscrit aux barreaux de l’Ile Maurice et de Paris, afin qu’il fournisse une opinion sur la nature juridique du mémorandum du 23 avril 2010 au regard du droit mauricien.

La première étude, souligne la société appelante, estime que le document doit être qualifié de contrat en ce qu’il prévoit un accord sur les éléments essentiels de l’opération et sur la volonté des parties de créer des effets juridiques obligatoires. Selon la conclusion de l’étude: ' Il ressort de cette rédaction que les parties ont conclu un engagement ferme, sans condition suspensive et ont fixé la période pendant laquelle cet engagement sera obligatoire'. Le cabinet de Shangaï confirme cette analyse au regard des dispositions de la loi sur les contrats en République Populaire de Chine. Selon ses dispositions, un document constitue un contrat liant les parties si chacune des parties a exprimé son intention d’être liée par le contrat et si le contenu du dit contrat est considéré comme étant suffisamment défini. 'Même si le Mémorandum Medigreen était considéré comme constituant un accord aux fins de convention, au regard du droit de la République Populaire de Chine, ses termes lieraient néanmoins Ilapharm et Medigreen'.

Selon la deuxième étude, les éléments sont réunis pour la validité d’un contrat selon le droit mauricien : consentement de la partie qui s’oblige, capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l’engagement et une cause licite dans l’obligation.

Dès lors, prétend la société Planet Pharma, tant au regard du droit mauricien que du droit chinois, ce mémorandum contient tous les éléments constitutifs d’un contrat. Il ne s’agit nullement d’un document d’aide à la mémoire ni encore d’un document préparatoire dont l’effet obligatoire serait subordonné à la signature d’un contrat définitif.

La société Planet Pharma conteste les affirmations de M. X selon lesquelles il ne pouvait pas engager la société Ilapharm dans la mesure où le dirigeant de cette société est M. P Q Z. En effet la société Ilapharm a comme seuls administrateurs M. X et M. Z,

M. X possédant 90 % des actions de la société. La société appelante affirme qu’en droit mauricien, pour une société Ilapharm, qui est une société de 'category 2 global business licence’ opérant dans le secteur offshore, l’actionnaire est décideur et dispose de la capacité d’agir au nom et pour le compte de la société d’engager celle-ci. En outre, l’affirmation du juge de l’exécution, selon laquelle l’absence de nom et de fonction des signataires du document du 23 avril 2010 conforte la position de M. X, est inopérante pour la société Planet Pharma qui ajoute qu’aucune disposition en droit français ne prévoit que l’existence d’un contrat est subordonnée à un tel formalisme.

S’agissant des attestations produites par M. X pour soutenir qu’aucune commission n’a été versée par la société chinoise à la société Ilapharm Group, la société Planet Pharma explique que Mme J A tente de contester la réalité des faits puisque admettre avoir signé un contrat avec la société Ilapharm serait reconnaître que la société Shanghai Medigreen a commis une faute susceptible d’aboutir à la résiliation du contrat du 16 septembre 2008 la liant à la société Planet Pharma et l’exposerait à des poursuites pour complicité d’abus de bien sociaux. En tout état de cause, même si aucune commission n’a été versée à la société Ilapharm, il n’en demeurerait pas moins que le délit d’abus de bien sociaux serait susceptible d’être retenu puisqu’il n’est pas nécessaire que le prévenu ait bénéficié directement ou indirectement de fonds sociaux mais qu’il suffit qu’il ait fait peser un risque anormal sur la société, ce qui est au moins le cas en l’espèce.

S’agissant de l’attestation de Mme B, expert-comptable, la société appelante la conteste en indiquant qu’une société comme Ilapharm, qui relève de la 'category 2 global business licence', n’a aucune obligation comptable mais doit simplement déposer un sommaire financier constitué d’un bilan simplifié et d’un compte de pertes et profits simplifié et les documents versés ne permettent nullement d’établir l’existence ou l’absence d’une transaction déterminée ou la perception de commissions provenant d’une entité déterminée. Il résulte des états financiers produits par M. X que la société Ilapharm Group aurait généré en 2010 et 2011 un chiffre d’affaires nul, ce qui suppose une absence de toute activité. La société Planet Pharma dit avoir les plus grands doutes quant à la véracité de ces états qui sont certifiés par M. D E de la société C à laquelle appartient Mme F B. Néanmoins, et même si ces états étaient sincères, le délit d’abus de biens sociaux sanctionne un acte contraire à l’intérêt social et non un acte préjudiciable, appauvrissant le patrimoine social ; aussi, la société Planet Pharma considère qu’il ne lui appartient pas de démontrer la perte encourue du fait des agissements de M. X.

Le jugement doit donc être réformé en toutes ses dispositions y compris sur la condamnation à dommages intérêts dans la mesure où M. X ne démontre nullement que la demande de la société Planet Pharma constitue un abus de droit, ni encore qu’elle a agi avec une intention de nuire. M. X doit également être débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ; la société observe en effet qu’il forme dans les sept dossiers une demande identique, qu’il se contente de reprendre, à travers sept jeux de conclusions identiques, les écritures qu’il avait déposées devant le Premier président de la cour d’appel de Rouen, alors que la somme de 3.000 € lui a été allouée par chaque ordonnance du Premier président, soit 21.000 € en tout.

*****

Dans ses dernières écritures signifiées le 17 octobre 2013, M. X demande à la Cour :

Vu les articles L 511-1, L 512-1, L 512-2 du Code des procédures civiles d’exécution,

Vu la jurisprudence,

— de dire que la société Planet Pharma ne présente aucun moyen sérieux de réformation de la décision du juge de l’exécution,

— de confirmer en toutes ses dispositions la décision du juge de l’exécution dont appel,

Y ajoutant :

— de dire que la présente procédure est abusive,

en conséquence :

— de condamner la société Planet Pharma au paiement de la somme de 8.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice qu’il a subi,

— de condamner la société Planet Pharma au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

— de condamner la société Planet Pharma aux dépens, en ce compris les frais de mainlevée.

M. X indique qu’il souhaite, en premier lieu, rappeler le contexte de son départ de la société Planet Pharma. Compte-tenu des conflits l’opposant au président directeur général, M. Y, une séparation amiable a été décidée et son départ de la société pour mai 2011 était programmé et faisait le consensus général. Toutefois, un écrit du 28 juillet 2010, qu’il a adressé à M. Y à la suite du conseil d’administration du mois de mai 2010, démontre qu’une collaboration future devait être mise en place entre Planet Pharma et lui-même, et ce, après son départ effectif prévu pour mai 2011. Il est resté administrateur de la société jusqu’en mai 2012, ce qui démontre, selon lui, que les relations entre les dirigeants de Planet Pharma et lui étaient cordiales. Ce n’est qu’à compter du conseil d’administration de mai 2012,au cours duquel il a affirmé sa décision de ne pas proposer à l’assemblée générale des actionnaires son renouvellement, que la situation se serait envenimée.

M. X prétend qu’en mars 2011, il a adressé un courrier à M. Y pour réaffirmer sa disponibilité concernant le nouveau mode de collaboration qui devait être mis en place entre les deux parties, et leurs sociétés. La société Planet Pharma était donc parfaitement informée de l’existence de la société de consulting qu’il avait créée en vue de la réorientation de sa carrière professionnelle suite à son départ programmé depuis 2009. M. X soutient que la société Planet Pharma ne peut prétendre que la société Ilapharm était inconnue d’elle, puisqu’elle en connaissait l’existence au moins depuis juillet 2011, soit plus d’un an avant qu’elle n’ait connaissance du mémorandum, du fait du projet de contrat établi en juillet 2011, qui devait encadrer sa nouvelle collaboration avec la société Planet Pharma via la société Ilapharm.

M. X remarque que la société Planet Pharma reconnaît, dans ses dernières écritures, que M. Y n’excluait pas la possibilité d’une future collaboration avec M. X qui pouvait être un apporteur d’affaires significatif ; la société Planet Pharma envisageait donc de continuer à travailler avec lui. L’appelante prétend qu’il entretenait une relation privilégiée avec Medigreen ; toutefois, M. X indique qu’il a en fait toujours entretenu des relations fortes avec tous les partenaires de la société Planet Pharma, ce qui faisait entièrement partie de ses fonctions.

M. X soutient que la prétendue société Ila & Partners, invoquée par la société Planet Pharma, n’a jamais existé ; il s’agissait d’une marque qu’Ilapharm Group avait créée en 2009, pour tester le marché, et ce, pour une activité à laquelle M. X souhaitait se consacrer après son départ programmé de la société Planet Pharma. C’est dans ce cadre que la société Luckycom l’a contacté sans qu’il n’y ait de suite, la société Luckycom ayant des demandes irréalistes. M. X fait valoir qu’il a été 'transparent’ dans cette affaire puisqu’il a étudié les possibilités de travail entre les sociétés Luckycom et Planet Pharma, cette dernière était l’interlocutrice de la société Luckycom sans que la société Ilapharm n’ait voulu usurper la place que devait jouer Planet Pharma dans cette affaire, laquelle n’a d’ailleurs jamais abouti. M. X relève qu’il résulte d’un des derniers mails de la société Luckycom qu’elle avait bien l’intention de travailler avec la société Planet Pharma et non avec la société Ilapharm, laquelle n’est l’auteur d’aucune tentative pour détourner une quelconque affaire à son profit.

Sur la nature du mémorandum, M. X affirme qu’il ne s’agissait nullement d’un contrat, mais d’une note, d’un compte rendu de réunion. Ce compte rendu a été rédigé en français et la notion de mémorandum doit s’entendre dans ce cas conformément à la culture francophone. Selon M. X, les contrats signés par la société Planet Pharma et versés par elle aux débats, l’ont été avec des sociétés chinoises ; ils sont tous en anglais et suivent la culture anglophone de la notion de mémorandum. Mais, lorsqu’ils sont écrits en français, ils portent bien le nom de contrat et non de mémorandum, ce qui démontre que dans les usages de la profession, y compris ceux de la société appelante, les notions de 'contrat ' et de 'mémorandum’ n’ont pas le même sens, selon qu’ils s’utilisent dans un contexte de relations anglo-saxonnes, ou françaises.

M. X prétend également que, n’étant pas le dirigeant de la société Ilapharm, il ne pouvait engager la société sur un accord définitif. M. P Q Z étant le seul dirigeant de la société Ilapharm, il était seul a pouvoir signer des contrats au nom de cette société.

M. X conclut que le mémorandum, objet du présent litige, n’est donc absolument pas un contrat, mais bien un compte rendu de réunion n’engageant pas les parties. Si la société Medigreen avait, à l’époque, contacté la société Ilapharm afin de recourir à ses services, aucun contrat n’a jamais été régularisé, et ni la société Ilapharm, ni lui-même n’ont perçu la moindre commission directement ou indirectement de la société Medigreen. ll est d’ailleurs versé aux débats, souligne l’intimé, une attestation du directeur général de la société Medigreen qui confirme qu’aucun contrat définitif n’a été signé avec Ilapharm, que la collaboration entre ces deux sociétés n’a jamais été effective, et qu’en conséquence la société Medigreen n’a jamais effectué de paiement de quelque nature que ce soit à la société Ilapharm. Cette dernière n’avait nullement l’intention de détourner la clientèle de la société Planet Pharma et ne le pouvait pas puisque son activité est totalement différente.

Ainsi, l’attestation de Mme A J confirme que la collaboration projetée entre Ilapharm et Medigreen n’a jamais été effective, le commissaire aux comptes de la société Ilapharm, le cabinet C, atteste qu’aucune transaction n’a été conclue en 2010 et 2011 entre les sociétés Medigreen et Ilapharm, et qu’aucune commission n’a été perçue, au titre du mémorandum. En tout état de cause, il est prouvé que la société Ilapharm n’a eu aucune activité en 2010 et 2011 alors que, si le mémorandum avait été mis en application, les commissions auraient constitué son chiffre d’affaires ; or, la société n’a dégagé aucun chiffre d’affaires comme le démontrent les pièces comptables, que la société Planet Pharma ne peut pas remettre en cause puisque établies par un commissaire aux comptes.

M. X avance que, même si le mémorandum avait été mis en application, la société Planet Pharma n’aurait subi aucun préjudice, puisque la commission aurait été réglée, non par elle, mais par la société Medigreen et aurait été prélevée sur la marge de la société Medigreen.

Les profits et revenus de la société Planet Pharma n’auraient pas été affectés de quelque façon que ce soit et le mémorandum n’est donc pas de nature à faire courir le moindre risque anormal à la société Planet Pharma, d’autant que les sociétés Planet Pharma et Ilapharm ont des objets sociaux et des activités différentes, la première agissant en tant que distributeur et promoteur de produits pharmaceutiques et la seconde, en tant que conseil de l’industrie pharmaceutique. M. X précise qu’étant actionnaire de la société holding Ubipharm, propriétaire de la société Planet Pharma, il n’avait aucun intérêt à agir à l’encontre des intérêts de cette dernière.

L’argument sur les soi-disant augmentations des prix d’achat des produits pharmaceutiques n’a pas été invoqué par la société Planet Pharma auparavant, la société n’en a d’ailleurs pas fait état dans sa plainte pénale.

La société se livre volontairement à une confusion entre ses différentes activités : lorsque son rôle est d’assurer l’approvisionnement des filiales d’Ubipharm, le prix d’achat des produits qu’elle leur fournit, acquis auprès des différents laboratoires, ne peut varier car il est fixé et homologué par le ministère de la santé du pays dans lequel le produit sera vendu, mais lorsqu’elle distribue les marques que la société Ubipharm et elle-même font fabriquer pour leur propre compte, elle passe des contrats avec des fabricants, achète les produits fabriqués 'au prix d’achat fabricant', et y ajoute sa propre marge. Ainsi, selon M. X, les affirmations de la société Planet Pharma, selon lesquelles elle n’a aucune relation avec les fabricants des produits sont mensongères. M. X prétend que la société Medigreen n’est qu’un intermédiaire, et non un fournisseur. Elle ne fait que recevoir les ordres de Planet Pharma pour ses besoins en produits, puis les transmet aux fabricants. Toute variation de prix provient de la variation des prix de fabrication imposés par le fabricant et la société Medigreen se contente de répercuter l’augmentation sur la société Planet Pharma. En aucun cas, la société Medigreen ne peut influer sur le prix de fabrication des produits. En outre, on compare des prix de produits qui ne sont pas comparables. En effet, on ne peut pas, selon M. X, comparer les prix de produits différents, d’une part, des marques de laboratoires pharmaceutiques, et d’autre part, des produits fabriqués sous les marques de Ubipharm.

M. X expose n’avoir pu favoriser la société Medigreen car il agissait, au sein de la société Planet Pharma avec deux autres directeurs général délégués et le président directeur général ; les achats des produits ont toujours fait l’objet d’une attention toute particulière de la part de tous les dirigeants de la société et c’est M. Y, président directeur général, qui prenait la décision finale d’achat. Les clauses du nouveau contrat conclu avec la société Medigreen n’ont pu y être insérées qu’avec l’accord des dirigeants de la société Planet Pharma et ce contrat ayant été signé plus de deux ans avant le mémorandum, il ne peut y avoir entre eux un quelconque lien de causalité. M. X affirme que la société appelante ne démontre en rien, comment il aurait pu favoriser la société Medigreen pour en retirer un quelconque avantage. Bien au contraire, il estime qu’il est démontré qu’il a, dans le cadre de ses fonctions, su protéger la marge de Planet Pharma au détriment de la société Medigreen.

M. X considère qu’aucun abus de biens sociaux, ni de risque anormal pesant sur la société Planet Pharma ne saurait lui être reproché du fait de ce mémorandum et la saisie conservatoire étant fondée sur une créance inexistante, sa mainlevée est justifiée.

M. X soutient que les procédures diligentées par la société Planet Pharma visant à bloquer ses comptes bancaires et à saisir tous ses biens, lui ont causé un préjudice important d’autant que ses comptes et ses biens ont été bloqués neuf mois. M. X assure que le but de la société Planet Pharma est de gagner du temps et de lui nuire délibérément, afin 'de faire pression sur lui, dans le cadre d’autres dossiers à venir'. Il sollicite des dommages intérêts pour procédure abusive et une indemnité de procédure.

*****

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 octobre 2013.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon les articles L 511-1 et L 512-1 du Code des procédures civiles d’exécution : 'toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire

sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire.

Même lorsqu’une autorisation préalable n’est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article L. 511-1 ne sont pas réunies'.

La société Planet Pharma a déposé une plainte avec constitution de partie civile à l’encontre de M. X pour des faits d’abus de bien sociaux, constitués par le fait de signer 'un contrat allouant une commission de 5% sur tous les achats effectués par elle et les sociétés du groupe Ubipharm auprès de la société Medigreen', commission au profit de la société Ilapharm dont il est, indique la plainte, 'le principal actionnaire et dirigeant et probablement l’unique animateur'. La société invoque un document intitulé 'mémorandum’ du 23 avril 2010 et estime son préjudice à 944.962 € pour la période du 23 avril 2010 au 31 juillet 2012.

Pour sûreté et conservation de cette créance, elle a sollicité et obtenu du juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Évreux l’autorisation d’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire sur des biens immobiliers appartenant à M. X.

La société Planet Pharma doit justifier d’une créance paraissant fondée en son principe, à l’encontre de son débiteur, en l’espèce selon elle, M. X. La société invoque tout à la fois, le document intitulé mémorandum qu’elle considère être un véritable contrat, mais également, la plainte pénale pour l’infraction d’abus de biens sociaux, que selon elle, aurait commis

M. X, et dans ce cas, il s’agirait d’une créance délictuelle, comme retenu par le premier juge.

En droit de la responsabilité, il est admis que, certes, un contrat peut être invoqué par un tiers, mais uniquement sur le fondement de la responsabilité délictuelle des articles 1382 et 1383 du Code civil et jamais sur celui de la responsabilté contractuelle de l’article 1147 du même Code.

Pour que la responsabilité délictuelle puisse être invoquée, encore faut il que ce tiers démontre qu’il a existé un contrat auquel il est extérieur.

Le mémorandum, rédigé en français, a été signé à Shanghai le 23 avril 2010, entre deux sociétés, l’une chinoise, l’autre de droit mauricien est le suivant :

'partie A : Shanghai Medigreen International Trade Co. Ltd (Medigreen)'

et

'partie B : Ilapharm Group Ltd (Ilapharm)'

Il stipule :

'la société Shanghai Medigreen International Trade Co. Ltd est d’accord pour donner 5% de commission à la société Ilapharm Group Ltd sur tous les produits que la société PlanetPharma SA, les autres sociétés du groupe Ubipharm SA et ses partenaires présentés par Ilapharm achètent en Chine et plus largement en Asie par Medigreen à partir du 23 avril 2010.

Ce mémorandum entre en vigueur dès que la signature de chaque partie et est valable jusqu’au 31 décembre 2014".

Il n’est pas contesté que le document a été signé par Mme A pour la société Shanghai Medigreen International Trade Co. Ltd et par M. X

pour la société Ilapharm Group Ltd, bien que leurs noms et qualités ne soient pas spécifiés.

Ce document fait état d’un accord sur les éléments essentiels de la convention soit sur l’objet de la prestation de la société Ilapharm, sur la présentation de clients, sur le prix – la commission à verser par la société Medigreen – et sur le terme de la convention.

Pourtant, ce document est intitulé ' memorandum ', terme qui n’a de signification juridique précise qu’en droit international public, où il désigne l’expression unilatérale, bilatérale ou multilatérale d’une position, qu’elle porte sur des constatations ou des prétentions, en marquant que cette expression ne peut jamais avoir à elle seule valeur contraignante en droit. Dans la pratique des affaires, notamment dans les pays anglo-saxons, mais aussi dans de nombreux autres pays, notamment en République populaire de Chine et en République de Maurice, l’expression désigne un document émanant d’un supérieur hiérarchique à destination d’un subordonné ou échangé entre deux parties en relations d’affaires, relativement à une ligne de conduite à tenir ; là encore, ce document en lui-même n’a pas, en principe, d’effet contraignant, celui-ci ne pouvant être obtenu qu’au moyen d’un acte passé ensuite en bonne et due forme par des parties ayant qualité, sauf hypothèse, similaire à celle retenue dans le raisonnement français, où l’acte renferme déjà un accord parfait sur les conditions du contrat des parties ayant capacité et qualité. Le recours à l’expression ' mémorandum ' est donc de nature à démontrer que les parties n’entendaient pas conférer au document efficacité juridique, ce qui est strictement cohérent avec l’argument de M. X, selon lequel, n’étant pas dirigeant en droit, peu important qu’il fût ou non actionnaire très majoritaire de la société Ilapharm Group Ltd, il n’avait pas qualité pour contracter ; en outre, le texte de cet écrit énonce que 'ce mémorandum entre en vigueur dès que la signature de chaque partie et est valable’ ce qui présuppose nécessairement qu’elle ne l’était pas à la date du document.

Le mémorandum ne peut donc être tenu pour un acte, dont la société Planet Pharma peut se prévaloir pour fonder son action en responsabilité délictuelle.

La société Planet Pharma fonde également son action sur la plainte pénale pour abus de biens sociaux qu’elle a déposée à l’encontre de M. X.

Il ne peut y avoir délit d’abus de biens sociaux de la part d’une personne qui n’est dirigeant ni de fait ni de droit de la société qui soutient être victime.

Or, si la société Planet Pharma précise que M. X était directeur général délégué, elle ajoute que le président directeur général était M. Y et n’allègue pas que M. X était dirigeant de droit et de fait.

En l’état des éléments produits aux débats, et sans porter aucun préjugement relativement à l’information en cours, la société Planet Pharma ne rapporte donc pas la preuve d’avoir une apparence de créance délictuelle sur M. X fondée sur un abus de biens sociaux.

La société Planet Pharma affirme, par ailleurs, que les prix des produits pharmaceutiques que lui a fournis la société Medigreen ont fortement augmenté entre 2005 et 2012 sans établir en quoi cette hausse de prix aurait un lien de causalité avec le mémorandum d’avril 2010, se contentant d’affirmer que cette augmentation était destinée à payer les 5% de commissions prévues par le mémorandum au profit de la société Ilapharm. Cette affirmation échoue donc, faute de justificatifs à l’appui, à démontrer une faute civile de M. X qui aurait consisté à pousser la société Medigreen à surfacturer ses prestations à la société Planet Pharma. M. X produit, au contraire, des pièces (n° 34 et suivants) qui établissent qu’il ne prenait pas seul la décision quant aux termes des contrats signés avec les fabricants ou les fournisseurs et qu’il n’aurait pas pu signer une convention contenant des clauses particulièrement avantageuses pour la société Medigreen sans que les autres dirigeants de la société Planet Pharma n’en soient informés.

La société Planet Pharma ne justifie pas, par voie de conséquence, d’ une utilisation non qualifiable pénalement du document litigieux par

M. X, fondée sur une faute purement civile de ce dernier.

Dès lors, faute de créance fondée en son principe, la société Planet Pharma ne peut être autorisée à prendre une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens de M. X.

La décision de mainlevée de l’hypothèque provisoire prise le 18 octobre 2012 par la société Planet Pharma auprès de la conservation des hypothèques de Rouen sera confirmée par substitution de motifs.

L’article L 512-2 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que, lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire.

Même si la condamnation du créancier sur le fondement de l’article L 512-2 ne nécessite pas la constatation d’une faute de celui-ci, encore

faut-il que le débiteur établisse la réalité du préjudice dont il demande réparation.

Compte-tenu du montant de la créance invoquée soit 1.000.000 €, la société Planet Pharma avait fait diligenter sept mesures conservatoires. Bien

que cela ne soit pas précisé, les mainlevées ordonnées n’ont du être effectives qu’après la décision du premier président de juin 2013.

M. X souligne que ses biens et ses comptes sont restés bloqués neuf mois (ce qui n’est toutefois pas exact dans deux dossiers sur les sept), qu’il subit un préjudice, estimant que la société Planet Pharma a agi dans le but de 'gagner du temps et de lui nuire délibérément, afin de faire pression sur lui,' parce qu’il 'détient des informations que Planet Pharma n’a pas intérêt à voir ressurgir', éléments qui pourraient motiver un abus de droit mais ne démontrent pas l’existence d’un préjudice lié à la mesure conservatoire elle-même.

Il n’est ainsi pas démontré que M. X n’aurait pu, alors qu’il le souhaitait, vendre ses biens immobiliers. Il n’est pas indiqué la composition du patrimoine de M. X pour apprécier s’il avait été dépossédé de celui-ci en totalité ou en partie seulement.

M. X sera donc débouté de sa demande de dommages intérêts.

M. X fait valoir que la société Planet Pharma, si elle a réglé les sommes dues en principal, peine à payer les dépens.

La société Planet Pharma soutient, sans être démentie, avoir réglé à M. X la somme de 36.350,36 €, montant de toutes les sommes auxquelles elle avait été condamnée par les différentes décisions, sur un total de 37.417,53 €, la différence représentant les honoraires de l’huissier qui a délivré les commandements de payer.

Le juge de l’exécution a fait une application équitable des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. Il y a lieu de confirmer le jugement sur les dispositions correspondantes et d’y ajouter au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel la condamnation de la société Planet Pharma à payer à M. X une somme de 1.000 €.

La condamnation aux dépens de la procédure de première instance mis à la charge de la société Planet Pharma sera confirmée et cette dernière, qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel, en ce compris les frais de mainlevée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en qu’il a ordonné mainlevée de l’hypothèque provisoire prise le 18 octobre 2012, par la société Planet Pharma auprès de la Conservation des hypothèques de Rouen et sur la condamnation de la société Planet Pharma sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ainsi qu’aux dépens de première instance.

Le réforme sur la condamnation à dommages et intérêts pour préjudice causé par la saisie conservatoire et statuant à nouveau, déboute M. H X de sa demande de chef

Y ajoutant

Condamne la société Planet Pharma à verser à M. H X la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Condamne la société Planet Pharma aux dépens exposés en cause d’appel en ce compris les frais de mainlevée et avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 13 février 2014, n° 13/00791