Cour d'appel de Rouen, 4 février 2016, n° 15/02824

  • Incendie·
  • Appareil électrique·
  • Dommage·
  • Sinistre·
  • Réseau·
  • Cabinet·
  • Cause·
  • Électricité·
  • Électroménager·
  • Rupture

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 4 févr. 2016, n° 15/02824
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 15/02824
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, 30 mars 2015, N° 12/04900

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 15/02824

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 04 FEVRIER 2016

DÉCISION DÉFÉRÉE :

12/04900

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 31 Mars 2015

APPELANTE :

SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD

XXX

XXX

représentée et assistée de Me MARCILLE de la SELARL JP MARCILLE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

SA Z (ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE) SA à directoire et à Conseil de surveillance au capital de 270.037.000euros agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

XXX

XXX

XXX

représentée par Me LETRAY de la SCP LENGLET, MALBESIN et Associés, avocat au barreau de ROUEN, postulant

assistée de Me Florence TOUCHARD de la SELARL TOUCHARD, avocat au barreau de CAEN, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 09 Décembre 2015 sans opposition des avocats devant Madame BERTOUX, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur FARINA, Président

Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

Madame BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme JEHASSE, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 09 décembre 2015, où l’affaire a été mise en délibéré au 04 février 2016

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Février 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur FARINA, Président et par Mme LAKE, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. G D et Mme I C sont propriétaires d’une maison d’habitation située XXX

Dans la soirée du 9 décembre 2009, ils ont constaté des dysfonctionnements dans l’alimentation électrique de leur maison et ont débranché leurs appareils électriques à l’exception d’un congélateur et d’un lave-linge installés dans leur garage; peu après, dans la nuit, un incendie s’est déclaré dans le garage qui a occasionné des dégâts à la construction (charpente et maçonnerie) et au mobilier qu’il contenait.

M. G D et Mlle I C ont déclaré le sinistre auprès de leur assureur, la société Assurances du Crédit Mutuel qui a mandaté un expert, le cabinet Texa représenté par M. A qui s’est rendu sur place le 10 décembre et a rencontré des agents Z. Ces derniers, déjà en intervention sur le réseau suite à l’alerte donnée par d’autres voisins, ont expliqué que les dysfonctionnements provenaient d’une surtension provoquée par une rupture du 'neutre’ sur le réseau consécutive à la chute de branches d’arbres situés sur la propriété de M. X.

Le représentant du cabinet Sogedex mandaté par l’assureur de Mme X a participé à l’expertise du cabinet Texa et les propriétaires à une réunion le 29 mars 2010, Z et la commune de Varneville Bretteville n’ayant pas répondu à la première convocation.

M. A du cabinet Texa a établi un rapport le 22 avril 2010 aux termes duquel il évalue les dommages immobiliers et mobiliers résultant de l’incendie à la somme de 45.152,20€.

Par acte extrajudiciaire en date du 29 octobre 2012, la société Assurances du crédit mutuel (ci-après dénommée B) a fait assigner la société Z, devant le tribunal de grande instance de ROUEN aux fins d’obtenir , au visa des articles 1386-1 et suivants du code civil, sa condamnation au paiement de diverses sommes en réparation des dommages causés le 10 décembre 2009 au préjudice de M. D et Melle C, outre des dommages et intérêts pour résistance abusive et indemnité de procédure.

Par jugement en date du 31 mars 2015, le tribunal de grande instance a :

— débouté la société B de ses demandes,

— condamné la société B à payer à la société Z la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société B aux dépens.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel en date du 10 juin 2015, la société B a interjeté appel de ce jugement.

Pour l’exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions du 24 juillet 2015 pour l’appelante, et du 25 septembre 2015 pour l’intimée.

La SA Assurances du Crédit Mutuel – B – conclut à l’infirmation du jugement et demande à la cour de dire et juger que la société Z SA entièrement responsable des dommages causés le 10 décembre 2009 au préjudice de M. G D et Melle C, dire et juger que la société B est régulièrement subrogée dans les droits et actions de M. D et Melle C, condamner la société Z à lui payer la somme en principal de 45.621,54 € en réparation des dommages susvisés, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et capitalisation, outre celles de 10.000 € à titre de dommages et intérêts supplémentaires pour résistance abusive et de 7.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, entiers dépens de première instance et d’appel en sus.

La Z SA conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, au débouté de la compagnie B de l’intégralité de ses demandes, à sa condamnation au paiement d’une indemnité complémentaire de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, entiers dépens de première instance et d’appel en sus.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2015.

SUR CE

— sur la responsabilité D’Z

Au soutien de son appel, B fait valoir pour l’essentiel que :

— La responsabilité d’Z est engagée sur le fondement des dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil : l’électricité est expressément considérée comme un produit; Z n’est pas un simple transporteur ou distributeur d’un produit émanant d’un producteur tiers qu’elle livrerait tel quel au consommateur; elle joue un rôle actif et déterminant dans la qualité de l’électricité fournie aux usagers au regard des besoins de ces derniers et, surtout, de la sécurité à laquelle ils peuvent légitimement s’attendre, notamment par la transformation et le maintien de la tension appropriée; ce faisant elle concourt essentiellement à la production de l’électricité en tant que produit fourni au consommateur et doit donc être considérée comme producteur au sens desdits articles; la mise en circulation du produit qu’est l’électricité s’effectue lorsque celle-ci franchit le compteur, moment auquel Z s’en dessaisit au profit du client, et où peut s’apprécier, par conséquent, l’éventuelle défectuosité du produit.

— La réalité et l’importance du sinistre sont attestées par le procès-verbal de constatations établi et signé contradictoirement par M. A du cabinet Texa, expert mandaté par B, M. Y du cabinet Sogedex, expert mandaté par la Macif, assureur de Mme X, responsable du dommage survenu aux lignes électriques d’Z; ces deux experts ont évalué les dommages imputables à ce sinistre à la somme de 45.152,20 €; la preuve du dommage résulte également du rapport d’expertise du cabinet Texa du 22 avril 2010; sa réalité et son évaluation sont corroborées par les devis et les factures versées aux débats, afférents aux travaux de remise en état du garage à la suite de ce sinistre; Z a été convoquée par l’expert Texa, a reçu le rapport dès qu’il a été établi, ce rapport a régulièrement été versé aux débats et donc soumis à la discussion contradictoire; le rapport amiable est donc opposable et peut valoir à titre de preuve;

— L’électricité étant une énergie issue d’un phénomène physique, son caractère défectueux réside nécessairement dans une défaillance affectant, en termes de sécurité, la 'mise en circulation’ de cette énergie au domicile du client; en l’espèce, il résulte des investigations du cabinet Texa auprès des agents d’Z que 'la rupture du neutre’ a généré 'une surtension en émettant du 380V sur l’ensemble du réseau, entraînant également des dommages d’ordre électrique dans les habitations voisines.'; il ne peut être prétendu qu’une tension électrique de 380 volts dans une maison, dont l’installation électrique et les appareils qui y sont raccordés, sont normalement conçus pour recevoir une tension de 220 ou 230 volts, offre la sécurité à laquelle les occupants et utilisateurs peuvent légitimement s’attendre; il n’est pas rare qu’une surtension du réseau de fourniture électrique provoque la mise hors d’usage des appareils branchés qui peuvent, en surchauffant, provoquer un incendie; il est donc établi que la surtension est un défaut affectant l’électricité en tant que produit, au sens des dispositions du code civil ci-dessus visées;

— Il est établi par les éléments du dossier que le défaut d’élagage des arbres de Mme X a causé une rupture du 'neutre’ du réseau électrique desservant plusieurs maisons de Varneville-Bretteville; que cette rupture du neutre a généré une surtension électrique estimée par les agents d’Z à 380 volts; que cette surtension a provoqué des dommages d’ordre électrique chez les riverains; que le rapport d’expertise du cabinet Texa confirme le lien de causalité entre la surtension et l’incendie, peu important la cause initiale de cette surtension; qu’il résulte du procès-verbal de constatations établi à la suite des réunions d’expertise contradictoire des 01er février et 29 mars 2010, que l’incendie était d’origine électrique. qu’il a pris naissance au niveau d’un appareil électroménager, consécutivement à une surtension au niveau du réseau de fourniture électrique;

— L’expert fait clairement le lien de causalité, directe et exclusive, entre la rupture du neutre, la surtension, les dommages électriques et l’incendie; il en est de même du procès-verbal de constatations; la réserve émise par l’expert SOGEDEX mandaté par l’assureur de Mme X, qu’Z désignait alors comme seule responsable des dommages causés par la surtension, sur la cause exacte de l’incendie ne remet nullement en cause l’origine électrique de cet incendie, et ne peut se rapporter qu’à, soit la cause initiale et indirecte (non-élagage des arbres, cause de la rupture du neutre, cause de la surtension) de l’incendie, soit une éventuelle cause concurrente (appareil électro-ménager lui-même défaillant);

— La dernière argumentation sur l’existence d’une éventuelle cause intrinsèque à l’habitation (appareil électro-ménager lui-même défaillant, en l’occurrence une défaillance du congélateur ou du lave-linge qui n’aurait pas respecté les normes techniques) est inopérante en fait et en droit; l’éventualité d’une défaillance d’un appareil soumis à la surtension qui aurait pu concourir 'au-delà de la surtension’ (et non indépendamment de celle-ci), à la réalisation du dommage, n’est pas de nature à réduire la responsabilité d’Z, encore moins à l’en exonérer, conformément à l’article 1386-14 du code civil; Z est tenue d’une obligation de résultat dans la fourniture du courant et ne peut s’en exonérer que par une cause étrangère; or ni une rupture de neutre sur le réseau, ni la défectuosité d’un appareil ménager ne sont imprévisibles ni irrésistibles pour le distributeur; de plus la preuve de la non-conformité dudit appareil n’est pas rapportée; le lien de causalité entre le défaut que constitue la surtension électrique et le dommage résultant de l’incendie est suffisamment établi, la surtension étant incontestablement la cause principale et déterminante du sinistre;

— La responsabilité d’Z ne saurait être réduite par une éventuelle défaillance d’un appareil électrique qui aurait concouru à la réalisation du dommage; il en est de même concernant le fait imputable à Mme X; il n’appartient pas à B d’exercer directement son action contre celle-ci; enfin Z ne rapporte la preuve d’aucune des causes prévues à l’article 1386-11 qui lui permettraient de s’exonérer de sa responsabilité de plein droit;

— En exécution du contrat multirisque habitation, au vu du rapport d’expertise et au titre de l’indemnisation des dommages causés par l’incendie du 10 décembre 2009, elle a versé la somme totale de 45.621,54 € à ses assurés dans les droits et actions desquels elle est subrogée suivant une quittance subrogatoire; il s’agit d’une subrogation légale, la concomitance de la subrogation et du paiement étant exigée pour la subrogation conventionnelle;

— L’indemnisation allouée devant réparer le préjudice subi par la victime sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit, celle-ci devant être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, il n’y a donc pas lieu d’appliquer un quelconque coefficient de vétusté à l’indemnité;

— L’attitude désinvolte et abusive d’Z, qui n’a pas hésité à invoquer successivement des motifs dont elle ne pouvait ignorer l’absence de fondement juridique, tel que le fait d’un tiers comme cause exonératoire de sa responsabilité, jusqu’à remettre en cause en tout dernier lieu le lien de causalité parfaitement établi et jusqu’alors non contesté entre la surtension et les dégâts survenus au domicile de M. D comme chez d’autres riverains, justifie que lui soit allouée des dommages et intérêts pour résistance abusive.

La société Z réplique, en résumé, que :

— A aucun moment, elle n’a contesté la rupture du neutre constatée sur le réseau; cet incident a été provoqué par la chute de branches d’arbre appartenant à Mme X, voisine de M. D et Melle C;

— Mais si la rupture de neutre est susceptible de provoquer une surtension, elle n’est pas systématiquement la cause directe d’un incendie; en l’espèce, la cause exacte est restée inconnue et l’est toujours;

— Les allégations et pseudo-constat du rapport Texa sont insuffisants pour que soit consacrée la responsabilité d’Z; l’expert n’a procédé à aucune investigation ou analyse et s’est contenté de constater que l’incendie avait pris naissance dans le garage au niveau du congélateur et du lave-linge;

— D’une manière générale, une surtension n’est pas la cause d’un incendie mais plutôt le révélateur d’une anomalie d’un appareil électrique atteint d’un défaut de conception ou de fabrication; ce n’est pas un phénomène exceptionnel; c’est un événement parfaitement prévisible que les fabricants des appareils électriques doivent intégrer dans la conception de leurs produits; la défaillance du conducteur neutre, susceptible de provoquer une surtension allant jusqu’à 400v est un événement prévisible; le fabricant doit assurer une sécurité satisfaisante des produits qu’il fabrique en application de l’article 1386-4 du code civil, aux termes duquel un produit est défectueux dès lors qu’il n’assure pas la sécurité à laquelle l’utilisateur peut légitimement s’attendre; en l’espèce l’incendie a été très probablement provoqué par la défaillance d’un des deux appareils électriques présents sur le site; de manière générale en cas de sinistre comparable ou similaire, les experts procèdent à l’identification du type d’appareil et de sa marque pour, le cas échéant, qu’un recours ultérieur puisse être exercé; les appareils électriques disponibles sur le marché sont normalement dotés de dispositif qui détecte les élévations de température, coupe l’alimentation et évite les départs d’incendie; en tout état de cause, il est décisif de noter que les riverains qui avaient eux-mêmes constaté des dysfonctionnements le même jour n’ont pas été victimes d’un incendie; cette constatation suffit à démontrer que, au-delà de la surtension, l’incendie a probablement eu une cause intrinsèque à l’habitation de M. D et Melle C; l’expert Cabinet Texa, mandaté par B devait procéder à des investigations complémentaires sur les deux appareils susceptibles d’être concernés;

— Le régime juridique de la responsabilité des produits défectueux applicable en l’espèce impose que le produit distribué par Z, soit l’énergie électrique, soit défectueux; la charge de la preuve incombe au demandeur, la société B; force est de constater que cette preuve n’est pas établie, la Sté B se contentant de faire état d’un phénomène de surtension;

— Il est indispensable que soit démontrée l’existence d’un lien de causalité entre le sinistre et la surtension alléguée; quelles que soient les précautions prises par Z en sa qualité d’exploitant du réseau, les ruptures de neutre accidentelles ne peuvent être totalement évitées; d’une manière quasi-générale, ces surtensions ne sont heureusement pas à l’origine d’un incendie;

— Le rapport du cabinet Texa ne lui est pas opposable, même s’il est régulièrement produit et ne peut constituer un élément de discussion; en l’absence d’Z aux opérations, il était impossible de procéder à un constat contradictoire des désordres et de rechercher en conséquence la cause exacte et précise du sinistre; il convenait de faire désigner un expert judiciaire;

— Le rapport de Texa est laconique et ne comporte aucune explication rationnelle et pas davantage une quelconque démonstration de la cause de l’incendie, l’appareil à l’origine de celui-ci n’a pas été identifié; de surcroît le procès-verbal de constations établi le 10 décembre 2009 par les cabinets Texa et Sogedex mentionne clairement en conclusion que l’incendie a pris naissance au niveau d’un appareil électrique branché dans le garage et que la cause exacte de l’incendie n’a pas été clairement démontrée;

— En l’absence de production des factures relatives aux réfections exécutées ou à l’acquisition des matériels endommagés, Z est autorisée à considérer que M. D et Melle C ont été indemnisés à partir de l’estimation effectuée par le cabinet Texa et acceptée par celui de l’assureur de Mme X (cabinet Sogedex); seules les factures acquittées des travaux pourraient constituer le montant indemnisable à l’exclusion de la seule évaluation des experts qui n’a pas été établie contradictoirement à l’égard d’Z; le débouté d’B de sa demande s’impose donc; en toute hypothèse, le montant envisagé à l’alinéa 2 de l’article 1386-2 du code civil devra être pris en considération et déduit du montant susceptible d’être alloué à la compagnie B.

Ceci exposé,

Les parties s’accordent sur l’application au présent litige du régime juridique de la responsabilité du producteur du fait des produits défectueux énoncée aux articles 1386-1 et suivants du code civil.

Il est ainsi admis que l’énergie électrique est un produit au sens de l’article 1386-1 qui dispose que 'le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime.'

Selon l’article 1386-4, 'un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.'

Il n’est pas contesté que l’énergie électrique est distribuée par la société Z et que celle-ci puisse être considérée comme producteur au sens des dispositions ci-dessus évoquées, en ce qu’elle concourt essentiellement à la production de l’électricité en tant que produit fourni au consommateur.

Comme l’indique à juste titre B, la mise en circulation de l’électricité s’effectue lorsque celle-ci franchit le compteur du particulier, Z s’en dessaisissant au profit du client.

L’article 1386-9 prévoit que 'Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.'

* sur le dommage

En l’espèce, la réalité et la matérialité du dommage, consistant dans l’incendie survenu dans la nuit du 09 au 10 décembre 2009, au domicile de M. D et Melle C, ainsi que l’étendue des dégâts occasionné par ce sinistre, à savoir la destruction partielle du garage et des biens meubles s’y trouvant, ne sont pas contestées.

* sur le défaut et le lien de causalité entre le dommage et l’incendie

Le distributeur d’énergie électrique est tenu à une obligation de résultat dans la fourniture de courant et qu’il ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère.

Si l’ensemble des constatations a été effectué en l’absence d’Z, force est de constater que celle-ci avait été convoquée aux opérations d’expertise amiable.

En tout état de cause, le rapport du cabinet Texa et le procès-verbal de constatations co-signés par le cabinet Texa et le cabinet Sogedex le 10 décembre 2009 qui sont produits aux débats, sont par suite opposables à Z et constituent des éléments de preuve soumis à la discussion.

En l’espèce, selon les informations recueillies auprès d’Z par le cabinet Texa, des ' branches d’arbre implantées sur la propriété de Mme X F ont entraîné une rupture du neutre générant une surtension en émettant du 380 v sur l’ensemble du réseau, entraînant des dommages d’ordre électriques dans les habitations voisines.', ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par Z.

Z ne conteste pas davantage que la rupture du neutre susceptible de provoquer une surtension allant jusqu’à 400 v est un événement prévisible, mais pour soutenir que les fabricants des appareils électriques sont tenus d’assurer une sécurité satisfaisante des produits et doivent, pour ce faire, intégrer dans la conception de leurs produits, la survenance possible d’un tel événement. En effet selon elle, l’incendie a été probablement provoqué par la défaillance d’un des deux appareils électriques présents dans le garage, preuve en est que d’autres riverains avaient eux-mêmes constaté des dysfonctionnements le même jour et n’ont pas été victimes d’incendie.

Selon le procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances du sinistre établi le 03 février 2010, 'LES CIRCONSTANCES DU SINISTRE Tous les experts présents [Texa mandaté par B et Sogetex mandaté par l’assureur de Mme X] constatent qu’un début d’incendie d’origine électrique a pris naissance au niveau d’un matériel électroménager situé dans le garage du pavillon de M. D…, consécutivement, une surtension au niveau du réseau de fourniture électrique, a été générée par la rupture du neutre.

LA CAUSE DU SINISTRE Tous les experts présents constatent que : la rupture du neutre a entraîné l’émission de 380v dans le réseau précité générant également de nombreux dommages d’ordre électrique dans les propriétés voisines.

…/…

OBSERVATIONS

Le cabinet Sogetex précise et confirme que l’incendie a pris naissance au droit d’un appareil électrique branché dans le garage que la cause exacte de l’incendie n’a été clairement déterminée.'

Il est également versé aux débats un constat de dommages causés aux ouvrages par des tiers entre EDF Distribution et Mme X du 10 février 2010 qui mentionne comme circonstances du sinistre : 'dégâts apparents : rupture du conducteur de neutre Circonstances : frottement de branche d’arbres sur réseau', et désigne comme auteur du dommage : Mme X F.

Si au vu de ces éléments, les causes exactes du sinistre ne sont pas clairement établies, il n’en demeure pas moins que l’incendie a pris naissance au niveau d’un appareil électrique, qu’une surtension sur le réseau électrique existait, le courant électrique présentant une tension de 380v.

Or une surtension du courant électrique de 380 v, soit près du double de la tension électrique normale de 220 ou 230 v habituellement fourni dans une maison dont l’installation électrique et les appareils qui y sont raccordés sont normalement conçus pour recevoir une telle tension, est un phénomène anormal et partant, qui n’offre pas la sécurité à laquelle les utilisateurs peuvent s’attendre.

L’énergie électrique en tant que produit était donc affectée d’un défaut au moment de sa distribution aux particuliers, la surtension du courant électrique. L’incendie est donc bien d’origine électrique, ce qui est d’ailleurs admis.

Or, à la suite de la surtension du courant électrique, il s’en est suivi des dommages, la surtension est donc bien le fait générateur du sinistre. Le lien de causalité entre le défaut et le sinistre se trouve ainsi établi.

Il appartient alors à Z de rapporter la preuve d’une cause exonératoire.

Or, les causes exonératoires de responsabilité sont limitativement énumérées à l’article 1386-11 du code civil et le fait d’un tiers n’y figure pas. Le défaut d’élagage des arbres imputable à Mme X n’exonère donc pas EDRF de sa responsabilité.

Z invoque la probable défectuosité des appareils électriques branchés dans le garage comme la cause de l’incendie en générant notamment une surtension sur le réseau. Il lui appartient d’en rapporter la preuve

Z ne verse aux débats aucun texte réglementaire qui imposerait aux fabricants de concevoir des appareils électro-ménagers capables de résister à une surtension, quand bien même s’agirait-il d’un phénomène prévisible, qui reste néanmoins anormal.

Z ne peut davantage faire valoir l’insuffisance des investigations effectuées, alors que l’organisation d’une expertise judiciaire si elle l’estimait utile lui incombait du fait de l’obligation de résultat à laquelle elle est soumise en ce qui concerne la fourniture d’électricité, le seul fait que d’autres riverains se soient plaints sans déplorer pour autant d’incendie ne suffisant pas à démontrer la défectuosité des appareils électro-ménagers branchés dans l’habitation des assurés d’B.

Z, qui échoue dans l’administration de la preuve d’une cause exonératoire, doit, en conséquence, être déclarer entièrement responsable des dommages causés le 10 décembre 2009 au préjudice de M. D et Melle C.

Le jugement déféré sera par conséquent réformé.

— sur la subrogation d’B

Aux termes de l’article 121-12 alinéa 1er du code des assurances ' L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers, qui par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.'

En l’espèce, au vu des quittances subrogatoires produites, B justifie du versement à ses assurés de la somme totale de 45.621,54 €.

Le montant des factures produites correspondant aux travaux de réfection de l’immeuble s’élève à la somme de 40.795,20 €, soit une différence de 4.826,34 € qui correspond à l’indemnisation par B des dommages mobiliers qui avaient été évalués par ses assurés à la somme de 7.180 € ainsi qu’il résulte du rapport du cabinet Texa du 22 avril 2010.

L’indemnisation allouée à la victime doit réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte, ni profit, celle-ci se trouvant ainsi replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’appliquer un coefficient de vétusté.

Enfin, aux termes de l’article 1386-2 alinéa 2 du code civil, la responsabilité du fait des produits défectueux du producteur, responsable du dommage, s’applique à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d’une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.

Il y a lieu, en conséquence de tenir compte de la franchise de 500 €, montant visé à l’article 1386-2 ci-dessus et fixé par décret n° 2005-113 du 11 février 2005.

Dans ces conditions, il convient de condamner Z à payer à B la somme de 45.121,54 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2012 (pièce n° 24 du dossier d’B : MED), avec capitalisation desdits intérêts dans les conditions prévues à l’article 1154 du code civil.

— sur la résistance abusive

Les divers moyens invoqués par Z ne sont pas constitutifs d’un comportement dilatoire de sa part mais des éléments de sa défense qu’elle est fondée à opposer à B pour résister à ses demandes.

Il convient en conséquence de débouter B de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

— sur l’indemnité de procédure

Z succombe en cause d’appel. Il convient en conséquence de la débouter de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile formée en première instance et d’infirmer la décision entreprise sur ce point.

En revanche, l’équité commande d’allouer à B l’indemnité de procédure indiquée au dispositif sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise,

Et statuant à nouveau,

Déclare Z entièrement responsable des dommages causés le 10 décembre 2009 au préjudice de M. D et Melle C,

Condamne Z à payer à B la somme de 45.121,54 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure à compter du 18 juillet 2012, et capitalisation desdits intérêts dans les conditions prévues à l’article 1154 du code civil,

Condamne Z à payer à B la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Z aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Rouen, 4 février 2016, n° 15/02824