Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 18 janvier 2017, n° 16/02308

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 1re ch. civ., 18 janv. 2017, n° 16/02308
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 16/02308
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, 28 avril 2016, N° 15/00100
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 16/02308

COUR D’APPEL DE ROUEN 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU 18 JANVIER 2017 DÉCISION DÉFÉRÉE :

15/00100

COMMISSION D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE DOMMAGES RESULTANT D’UNE INFRACTION DE ROUEN du 29 Avril 2016

APPELANT :

Monsieur B Y

né le XXX à XXX

Chez Monsieur L Y

XXX

XXX

représenté et assisté par Me Laura GRECO de la SCP GODDEFROY-GANCEL & GRECO, avocat au barreau de ROUEN

INTIME :

LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE

TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS

XXX

XXX

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN, postulant

assistée de Me Aude CANTALOUBE, avocat au barreau de PARIS (Cabinet

FABRE), plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Monsieur LOTTIN, Président de Chambre

Monsieur SAMUEL, Conseiller Madame FEYDEAU-THIEFFRY, Conseiller

Madame le Conseiller FEYDEAU-THIEFFRY a été entendue en son rapport oral

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme VERBEKE, Greffier

LE MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DEBATS :

A l’audience publique du 16 Novembre 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 Janvier 2017

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Janvier 2017, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur LOTTIN, Président et par Melle VERBEKE, Greffier présent à cette audience.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Le 5 juillet 2010, la société X O, entreprise spécialisée dans le commerce de peintures, vernis, encres et mastics, gérée par F X, a procédé au rachat d’une entreprise en liquidation afin de reprendre la fabrication de ses produits.

Ce rachat a conduit à la nécessité de démonter et remonter la chaîne de production dans des locaux prévus à cet effet à SAINT ETIENNE DU ROUVRAY.

La société X O a alors signé un marché début juillet 2010 avec la société ACTENIUM, laquelle a sous-traité une partie des travaux à la société D E, entreprise spécialisée dans le montage et le démontage de machines industrielles et ayant pour gérant M. Frédéric FENET.

Le 9 juillet 2010, un incendie a détruit les locaux appartenant à la société X O, dans lesquels la chaîne de production démontée devait être reçue.

F X étant alors en congé, le père de celui-ci, P-Q X, gérant de la société H X, dont l’activité consiste en la fabrication de peintures, a alors décidé de faire remonter la chaîne de production dans un bâtiment attenant lui appartenant. Cette opération nécessitant une rehausse de la structure, la société H X a fait appel à la société D E.

C’est dans le cadre de ces travaux que M. B Y, monteur au sein de la société D E, a été victime d’un accident du travail le 26 octobre 2010 : alors qu’il soulevait une plaque de bardage métallique avec l’un de ses collègues, il a été déséquilibré, a posé son pied sur une tôle du toit en fibrociment qui a cédé et a fait une chute d’une hauteur de 7 mètres.

Il présente à ce jour une tétraplégie de haut niveau avec ventilo-dépendance définitive.

***

Le 20 mars 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de ROUEN a :

reconnu la faute inexcusable de la société D E et son jugement a : été déclaré commun aux sociétés H X, X O, A ASSURANCES et XXX

sursis à statuer sur la demande d’expertise et sur la majoration de la rente jusqu’à consolidation de la victime,

condamné la CPAM à régler à M. B Y une provision de 80.000 euros,

condamné la société D E à payer à M. B Y une provision de 30.000 euros.

Par un arrêt en date du 05 février 2013, la cour d’appel de ROUEN a :

confirmé le jugement en ce qu’il a dit que l’accident de travail dont M. Y a été victime le 26 octobre 2010 était dû à la faute inexcusable de la société D E, sursis à statuer sur sa demande de majoration de la rente jusqu’à consolidation de son état de santé et déclaré le jugement commun aux sociétés H X, X O, A ASSURANCES et XXX

l’a infirmé pour le surplus,

statuant à nouveau, a condamné la CPAM à régler à M. B Y une provision de 200.000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

ordonné une expertise médicale confiée au Dr Z,

fixé à 1.000 euros la provision à valoir sur les frais d’expertise,

déclaré l’arrêt commun aux sociétés H X, X O, A ASSURANCES et XXX.

Le 25 juillet 2013, l’expert a déposé son rapport, concluant à une date de consolidation au 23 mai 2013 et à un taux d’IPP de 100%.

Par arrêt du 07 juillet 2015, la cour d’appel de ROUEN a :

avant-dire-droit, désigné un expert en la personne de M. HOORELBEKE, pour évaluer le coût d’acquisition et des aménagements de la maison, fixé les préjudices de M. B Y comme suit :

60.000 euros au titre des souffrances endurées,

80.000 euros au titre du préjudice d’agrément,

70.000 euros au titre du préjudice esthétique,

2.943,82 euros au titre des frais divers,

237.610,65 euros au titre des frais de véhicule et de l’assurance automobile,

3.309,73 euros au titre du surcoût du loyer,

32.550 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

81.077,25 euros au titre de l’assistance temporaire d’une tierce-personne,

70.000 euros au titre du préjudice sexuel,

100.000 euros au titre du préjudice d’établissement.

L’affaire a été renvoyée à l’audience du 24 janvier 2017 pour débats, après dépôt du rapport d’expertise, au titre du coût d’acquisition et d’aménagement du logement.

***

Par jugement en date du 20 décembre 2013, le tribunal correctionnel de ROUEN a :

Sur l’action publique :

déclaré les sociétés H X, X O et D E coupables de blessures involontaires avant entraîné une ITT supérieure à 3 mois dans le cadre du travail sur la personne de Monsieur B Y et les a condamnées au paiement d’une amende de 10.000 euros chacune,

déclaré M. FENET, gérant de la société D E, coupable des 3 délits d’hygiène et sécurité et l’a condamné au paiement d’une amende de 3.500 euros.

Sur l’action civile :

Concernant M. B Y :

déclaré recevable sa constitution de partie civile,

constaté la liquidation judiciaire de la société D E,

condamné les sociétés H X et X O à lui verser, chacune, la somme de 250 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

Concernant les proches de M. B Y :

déclaré recevables et bien fondées leurs constitutions de partie civile, déclaré les sociétés H X, X O et D E entièrement et solidairement responsables des préjudices,

constaté la liquidation judiciaire de la société D E, et dit que la créance de chacune des 9 parties civiles à l’égard de la société D E sera inscrite au passif de ladite société,

condamné solidairement les sociétés H X et X O à indemniser les victimes par ricochet de leur préjudice d’affection,

condamné les sociétés H X, X O à verser, chacune, la somme de 250,00 euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale, et ce à chacune des 9 parties civiles,

rejeté la demande de mise hors de cause de la société XXX,

dit que la société XXX devra garantir ses assurées des condamnations mises à leur charge et l’a déboutée du surplus de ses demandes

accueilli l’exception relative à l’exclusion de la garantie présentée par la société A Assurances et dit en conséquence qu’elle ne sera pas tenue de garantir la société D E des condamnations prononcées à son encontre et l’a déboutée du surplus de ses autres demandes,

déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la C.P.A.M,

dit le jugement commun et opposable aux sociétés XXX et A ainsi qu’à la CPAM.

La SARL ETABLISSEMENT X n’a pas relevé appel de la décision rendue par le tribunal correctionnel du 20 décembre 2013, de sorte que le jugement est définitif à son égard sur le plan pénal.

Les autres prévenus ont interjeté appel.

Par arrêt en date du 12 février 2015, la cour d’appel de ROUEN a :

sur la forme, déclaré recevables les appels des prévenus, des parties intervenantes et du ministère public,

au fond :

— confirmé le jugement,

quant aux dispositions pénales et civiles concernant la société D E à l’exception de l’inscription au passif de cette société des sommes dues pour la réparation du préjudice moral subi par les parties civiles,

quant à la déclaration de culpabilité de M. FENET,

quant aux dispositions civiles concernant l’ensemble des parties civiles,

quant à la mise hors de cause de la société A, quant au rejet de la mise hors de cause de la société XXX.

— a infirmé le jugement pour le surplus et y ajoutant

relaxé la société X O des fins de la poursuite,

condamné M. FENET à 5 amendes de 700 euros chacune,

condamné la société D E à régler 2.000 euros à l’ensemble des parties civiles au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

déclaré recevable et bien fondée l’intervention de la CPAM contre la société H X en qualité de tiers,

ordonné un partage de responsabilité entre la société H X et la société D E à hauteur d’un tiers pour la 1re et de deux tiers pour la 2e,

sursis à statuer quant à la liquidation du préjudice subi par M. B Y et renvoyé à l’audience sur intérêts civils,

déclaré l’arrêt commun et opposable à la société XXX quant aux condamnations civiles de la société H X à l’exception de la condamnation au titre de l’article 475-1,

débouté les parties intervenantes et les parties civiles pour le surplus de leurs demandes.

L’affaire a ainsi été renvoyée à l’audience du 27 juin 2017 pour la liquidation des seuls préjudices de la CPAM à l’encontre du tiers responsable.

***

M. B Y a, par requête en date du 18 mai 2015, saisi la CIVI de ROUEN d’une demande d’indemnisation complémentaire de ses préjudices, en se prévalant de ce que l’accident du travail dont il avait été victime était, en partie, imputable à un tiers à l’entreprise, la société H X.

Devant la C.I.V.I., le Fonds de Garantie a conclu à l’irrecevabilité des demandes formulées par le requérant aux motifs que seule était applicable la réglementation spécifique d’ordre public en matière d’accident du travail et, qu’en tout état de cause, la société H X ne pouvait être considérée comme un tiers en raison de la co-activité entre elle et la société D E au moment de l’accident

Par jugement du 29 avril 2016, la commission d’indemnisation des victimes d’infractions de ROUEN a rejeté la requête de M. B Y et laissé les dépens à la charge du Trésor Public.

***

M. B Y a formé appel général de la décision le 10 mai 2016.

Par dernières conclusions du 9 août 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. B Y demande à la cour de :

débouter le Fonds de garantie de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, infirmer le jugement entrepris,

statuant de nouveau, de le déclarer recevable et bien-fondé en sa demande,

à titre principal en application du barème de capitalisation de 2016 : dire que le Fonds de Garantie indemnisera, sauf à parfaire, ses préjudices comme suit :

Au titre des dépenses de santés actuelles : 46.993,61 euros

Débours de la CPAM : 735.805,85 Euros

Au titre des dépenses de santés futures : 1.223.228,45 euros

Débours de la CPAM : 4.237.376,42 Euros

Au titre des pertes de gains professionnels futurs : 0,00

Après déduction des débours de la CPAM (rente AT) : 805.385,27 Euros

Au titre de l’incidence professionnelle : 835.648,41 Euros

Après déduction des débours de la CPAM (solde rente AT) : 26.557,17 Euros

Au titre du déficit fonctionnel permanent : 1.842.159,86 Euros

Au titre de la tierce-personne permanente : 7.746.611,13 Euros

Après déduction :

Des débours de la CPAM : 668.676,83 Euros

Prestation de compensation du Handicap : 1.962.819,00 Euros

Au titre du préjudice esthétique temporaire : 40.000,00 Euros

Au titre du préjudice permanent exceptionnel : 400.000,00 Euros

Dire que les indemnisations mises à la charge du Fonds de garantie à hauteur de 12.134.641,46 Euros (à parfaire) seront versées en capital et, à défaut, comme suit :

6.000.000,00 Euros sous forme de rente annuelle, revalorisée chaque année ;

6.134.641,46 Euros en capital qui porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

A titre subsidiaire, en application du barème de capitalisation de 2013, de dire que le Fonds de Garantie indemnisera, sauf à parfaire, ses préjudices comme suit :

Au titre des dépenses de santés actuelles : 46.993,61 Euros

Débours de la CPAM : 735.805,85 Euros

Au titre des dépenses de santés futures : 1.181.211,43 Euros Débours de la CPAM : 4.237.376,42 Euros

Au titre des pertes de gains professionnels futurs : 0,00

Après déduction des débours de la CPAM (rente AT) : 778.108,25 Euros

Au titre de l’incidence professionnelle : 786.462,37 Euros

Après déduction des débours de la CPAM (solde rente AT) : 53.834,19 Euros

Au titre du déficit fonctionnel permanent : 1.816.719,36 Euros

Au titre de la tierce-personne permanente : 7.462.870,79 Euros

Après déduction :

Des débours de la CPAM : 668.676,83 Euros

Prestation de compensation du Handicap : 1.895.070,60 Euros

Au titre du préjudice esthétique temporaire : 40.000,00 Euros

Au titre du préjudice permanent exceptionnel : 400.000,00 Euros

dire que les indemnisations mises à la charge du Fonds de garantie à hauteur de 11.734.257,56 Euros (à parfaire) lui seront versées en capital et, à défaut, comme suit :

5.000.000,00 Euros sous forme de rente annuelle, revalorisée chaque année ;

6.734.257,56 Euros en capital qui porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

en tout état de cause, de dire que le Fonds de Garantie lui réglera la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 14 novembre 2016, auxquelles il convient de se référer, le Fonds de Garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions demande à la cour :

de déclarer irrecevable B Y en son action et ses demandes,

en tout état de cause, de dire M. B Y mal fondé en toutes ses demandes,

de faire sommation à M. B Y de produire l’entier dossier pénal si besoin avec autorisation du Ministère Public et faire sommation de produire toutes pièces permettant de savoir quelles sommes ont été perçues ou sont susceptibles d’être perçues et refuser à l’intéressé toute audience dans cette attente,

à titre subsidiaire d’inviter B Y à saisir la CIVI d’une requête en liquidation de ses préjudices,

à titre infiniment subsidiaire, de dire le rapport d’expertise du Dr Z inopposable au F.G.T.I., de surseoir à statuer sur la liquidation des préjudices de M. B Y en l’état dans l’attente d’éventuelles nouvelles opérations d’expertise qui seraient ordonnées au contradictoire du F.G.T.I.,

dire qu’en tout état de cause, il devra être fait application des dispositions de l’article 706du code de procédure pénale.

Le Ministère Public, dans ses réquisitions du 9 novembre 2016, qui ont été portées à la connaissance des parties avant l’ouverture des débats, demande la confirmation de la décision, conformément aux conclusions du Fonds de garantie, notamment au vu de la compétence exclusive de la juridiction sociale pour statuer sur les préjudices découlant d’accidents du travail, de l’impossibilité de compléter l’indemnité forfaitaire par une indemnisation de « droit commun », la société X O n’étant pas une société considérée comme tiers à la société D (travaux confiés par X O à l’entreprise FOURCADE laquelle a, pour la dernière partie des travaux de réhausse, fait appel à la société D, les deux sociétés ayant vu leur activité intervenir conjointement) étant observé que la société X O a fait l’objet d’une relaxe au pénal.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 novembre 2016.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes

En vertu de l’article 706-3 du code de procédure pénale, « toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne », à la condition que la victime soit de nationalité française et que les faits « soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois » soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, … ».

En vertu de l’article L451-1 du code de la sécurité sociale, « sous réserve des dispositions prévues aux articles L452-1 à L452-5, L454-1, L455-1, L455-1-1 et L455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnées par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit ».

Le principe est donc que le droit spécial des accidents du travail produit l’effet d’éviction du droit commun de l’indemnisation, rendant l’action devant la CIVI irrecevable.

Ce principe connaît plusieurs exceptions, notamment celle tenant au fait du tiers.

En effet, en vertu de l’article L454-1 du code de la sécurité sociale, « si la lésion dont est atteint l’assuré social est imputable à une personne autre que l’employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du présent livre ».

La question est donc de savoir si, dans le présent litige, il y a un tiers, sans se poser celle, comme l’a fait la commission, du caractère intentionnel de la faute de ce tiers, cette condition n’étant nullement posée par l’article L454-1 du code de la sécurité sociale.

M. B Y soutient qu’il existe un tiers, en la personne de la société ETABLISSEMENT X, entreprise extérieure à la société D E. Est considéré comme tiers toute personne étrangère à l’entreprise qui, au moment de l’accident, n’avait pas la qualité de préposé occasionnel ou qui n’effectuait pas de travail en commun avec l’employeur.

Il n’est pas soutenu que la société H X était le préposé de la société D E.

En revanche, pour le Fonds de garantie, la notion de tiers doit être exclue au regard de la coaction existant entre les sociétés H X et D E, coaction reconnue, selon lui, par le juge pénal dans sa décision du 20 décembre 2013.

Or, il y a travail en commun lorsque plusieurs sociétés travaillent simultanément pour un objet et un intérêt communs, sous une direction unique, ce qui implique une concertation des représentants de ces entreprises sur la tâche à accomplir, sous une seule direction et de manière simultanée.

Dans le cas présent, le contrat de montage et de démontage de la chaîne de production liait l’employeur, la société D E, à la société X O.

Le dirigeant de cette société étant en congés au moment de l’incendie des locaux devant accueillir la chaîne de production, le père de celui-ci, gérant de la société H X, a pris l’initiative de faire remonter la dite chaîne dans un autre bâtiment, ce sans établir de contrat particulier.

Dans ces conditions, faute de clause contractuelle, il doit être établi, pour retenir un travail en commun, une concertation préalable des entreprises sur la façon d’accomplir, sous une direction unique et de manière simultanée, une tâche déterminée.

En l’espèce, s’il est constant que plusieurs salariés appartenant aux deux sociétés oeuvraient en même temps sur le chantier, rien n’établit qu’il y ait eu entre les différents intervenants cette concertation préalable.

Il ressort au contraire du rapport de l’inspection du travail que les salariés des deux sociétés menaient côte à côte leurs activités respectives, les activités de fabrication et de commercialisation de la société ETABLISSEMENT X et de la société X O n’ayant pas été suspendues pendant les travaux de remontage de la chaîne de production.

Il n’est pas davantage justifié que la société D E aurait prêté de la main d’oeuvre à la société H X en vue de lui offrir une compétence ou une technicité particulière.

Le Fonds de garantie ne peut soutenir valablement qu’il y aurait autorité de la chose jugée au pénal du fait que le tribunal correctionnel aurait reconnu la coaction.

En effet, la juridiction pénale n’a fait que retenir que les deux sociétés avaient des obligations particulières en termes d’analyse des risques liés à l’interférence de leurs activités, après avoir fait application des dispositions de l’article 4121-5 du code du travail qui prévoit que « lorsque dans un même lieu de travail les travailleurs de plusieurs entreprises sont présents, les employeurs coopèrent à la mise en 'uvre des dispositions relatives à la santé et à la sécurité du travail ».

D’ailleurs, le tribunal correctionnel a retenu la qualité de tiers de la société H X en déclarant recevable et bien fondée l’intervention de la CPAM contre cette société.

Au vu de ces éléments, la qualité de tiers de la société H X est établie.

Les autres conditions de saisine de la CIVI étant remplies, il convient de dire M. B Y recevable à saisir la commission.

Cependant, cette recevabilité ne peut être que limitée à l’indemnisation de certains préjudices.

En effet, selon l’article L454-1 du code de la sécurité sociale, la possibilité de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, n’est ouverte que « dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du présent livre ».

Or, l’appelant forme des demandes au titre des dépenses de santé actuelles, des dépenses de santé futures, de l’incidence professionnelle, du déficit fonctionnel permanent et de la tierce-personne permanente, qui sont déjà réparés par la législation sur les accidents du travail.

M. B Y est donc irrecevable à présenter des prétentions à ces titres devant la commission d’indemnisation des victimes d’infractions.

En revanche, le préjudice esthétique temporaire et le préjudice permanent exceptionnel ne sont pas indemnisés par le livre IV, de sorte que l’appelant est recevable à former des demandes de ces chefs.

Sur le bien-fondé des prétentions

En vertu de l’article 568 du code de procédure civile, « lorsque la cour d’appel est saisie d’un jugement qui a ordonné une mesure d’instruction, ou d’un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l’instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction ».

La cour estime être d’une bonne justice que de faire application de la faculté d’évocation s’agissant des deux demandes d’indemnisation qui sont recevables.

sur le préjudice esthétique temporaire

Le préjudice esthétique temporaire renvoie à l’idée qu’une victime peut subir entre l’accident et la consolidation une altération de son apparence physique, justifiant une indemnisation distincte du préjudice esthétique définitif.

Il est constant que M. B Y, à la suite de l’accident, s’est trouvé paralysé sur son lit d’hôpital, sous respiration artificielle avec pose d’une canule de trachéotomie.

Lorsqu’il a pu quitter l’hôpital, il s’est retrouvé dans un fauteuil roulant, avec la tête en arrière, maintenue par un demi-cerceau, tronc et pieds sanglés, canule de trachéotomie et tube ventilatoire.

Il est également établi que l’intéressé a subi diverses opérations chirurgicales qui lui ont laissé d’importantes cicatrices.

Ces constatations factuelles permettent à la cour, sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise. d’évaluer le préjudice esthétique temporaire à la somme de 20.000 euros.

sur le préjudice permanent exceptionnel

Le poste 'préjudices permanents exceptionnels’ permet d’indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extra patrimonial permanent particulier non indemnisable par un autre biais.

M. B Y fait valoir que depuis son accident, il a subi un nombre important d’interventions, qu’il a souffert d’infections urinaires et pulmonaires, qu’il est en permanence sous assistance respiratoire et qu’il a un préjudice d’anxiété lié à l’angoisse de la mort.

Or, ces postes entrent dans le champ des souffrances endurées indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, de sorte qu’ils ne constituent pas un préjudice permanent exceptionnel.

Il convient de rejeter la demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les frais exposés devant les juridictions de première instance et d’appel statuant en matière d’indemnisation des victimes d’infraction sont à la charge du Trésor public en vertu de l’article R93 11° du code de procédure pénale.

Il n’y a donc pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions de ROUEN,

STATUANT à nouveau,

DIT M. B Y irrecevable en ses demandes formées au titre des dépenses de santé actuelles, des dépenses de santé futures, de l’incidence professionnelle, du déficit fonctionnel permanent et de la tierce-personne permanente,

DIT M. B Y recevable en ses demandes formées au titre du préjudice esthétique temporaire et du préjudice permanent exceptionnel,

ALLOUE à M. B Y la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice esthétique temporaire,

DEBOUTE M. B Y de sa demande formée au titre du préjudice permanent exceptionnel,

DEBOUTE M. B Y de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

LAISSE les dépens de première instance et d’appel à la charge du Trésor Public.

Le Greffier Le Président

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