Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 5 septembre 2019, n° 17/00982

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 5 sept. 2019, n° 17/00982
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 17/00982
Décision précédente : Tribunal de commerce de Rouen, 9 février 2017, N° 2016003094
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 17/00982 – N° Portalis DBV2-V-B7B-HNAN

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 05 SEPTEMBRE 2019

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

2016003094

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 10 Février 2017

APPELANTE :

SA AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN, avocat postulant

assistée de Me Nelly BERGUIG, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEES :

SAS VDK TRANSPORTS

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Richard SEDILLOT, avocat au barreau de ROUEN

SAS TRANSPORTS ROULLE & FILS

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Richard SEDILLOT, avocat au barreau de ROUEN

SASU STEF TRANSPORT ROUEN

[…]

[…]

représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de ROUEN

assistée parMe Gwenahel THIREL, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 27 Mars 2019 sans opposition des avocats devant Madame BERTOUX, Conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BRYLINSKI, Président

Madame BERTOUX, Conseiller

Madame MANTION, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame X,

DEBATS :

A l’audience publique du 27 Mars 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 27 Juin 2019, délibéré prorogé ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 septembre 2019, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Madame X, greffier

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

La SASU Stef Transport Rouen exerce l’activité de transport routier de marchandises sous température dirigée sur la Normandie et en particulier à Rouen, elle fait partie du groupe Stef qui maille l’ensemble du territoire français.

Pour les besoins de son exploitation, la société Stef est implantée au centre Rouen multi marchandises de Saint Etienne du Rouvray.

Le 29 octobre 2012, un ensemble routier comprenant un véhicule tracteur immatriculé BF 983 CP appartenant à la société Vdk Transports, conduit par l’un de ses préposés, auquel était attelée une remorque citerne immatriculée CK 684 GL appartenant à la société Transports Roullé & Fils, a percuté sur le pont Mathilde à Rouen un muret en ciment séparatif des voies de circulation avant d’entrer en collision avec un camion frigorifique circulant en sens inverse.

Le contenu de la citerne, soit 31.000 litres d’hydrocarbure, s’est enflammé et l’incendie s’est propagé en dessous du pont à différents véhicules et caravanes de forains stationnant sur les quais en contrebas à l’occasion de la foire Saint Romain de Rouen.

Le Pont Mathilde relie les zones industrielles de la rive gauche de Rouen à la rive droite de la Seine et à l’autoroute A28 qui dessert le Nord de la France et est emprunté par plus de 80.000 véhicules chaque jour ; le 31 octobre 2012, le préfet de Seine maritime a interdit la circulation sur celui-ci le temps que l’ouvrage soit expertisé et réparé, il n’a été rouvert à la circulation après de lourds travaux que le 26 août 2014.

Le 13 décembre 2012, à la demande du département de la Seine-Maritime, propriétaire du pont, un collège d’experts, constitué de M. Y pour la partie technique, et de M. Z pour la partie financière, a été désigné par le tribunal de grande instance de Rouen ; le rapport a été déposé le 12 juillet 2016.

La société Stef qui n’était pas partie à cette expertise, a obtenu par ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Rouen en date du 02 décembre 2013, la désignation de M. Z en qualité d’expert comptable judiciaire afin de chiffrer son préjudice lié à la fermeture du pont Mathilde. Le rapport a été déposé le 11 février 2016.

Par actes signifiés les 17, 18 et 22 mars 2016, la SASU Stef Transport Rouen a fait assigner la SAS Vdk Transports, la SAS Transports Roullé & Fils et la SA Axa France Assurance, assureur de ces dernières, devant le tribunal de commerce de Rouen, en réparation de son préjudice.

Par jugement en date du 10 février 2017, le tribunal de commerce de Rouen s’est déclaré compétent et a :

— rejeté la demande de jonction avec l’instance initiée par la société Axa à l’encontre des responsables de l’entier préjudice allégué par la société Stef, demandée par les sociétés Vdk Transports et Transports Roullé & Fils;

— débouté la société Vdk Transports, la société Transports Roullé & Fils et leur assureur, la société Axa, de leur demande de sursis à statuer;

— condamné in solidum la société Vdk Transports, la société Transports Roullé & Fils et leur assureur, la société Axa à payer à la société Stef Transports Rouen la somme de 98.284 € à titre de dommages et intérêts;

— condamné in solidum la société Vdk Transports, la société Transports Roullé & Fils et leur assureur, la société Axa à payer à la société Stef Transports Rouen la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

— condamné in solidum la société Vdk Transports, la société Transports Roullé & Fils et leur assureur, la société Axa aux entiers dépens, en ce non compris les frais d’expertise judiciaire de M. Z;

— condamné la société Axa à relever et garantir la société Vdk Transports et la société Transports Roullé & Fils, dans les termes du contrat d’assurance les liant;

— ordonné l’exécution provisoire du jugement.

La SA Axa France Iard a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 09 août 2017, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA Axa France Iard, demande à la cour de :

— la déclarer recevable en son appel;

— l’accueillir en ses observations;

— infirmer en conséquence la décision dont appel;

Ce faisant,

— à titre principal, au visa de la loi 'Badinter’ du 5 juillet 1985, des articles L.211-3 et R.212-8 du code de l’organisation judiciaire, de l’article L.721-3 du code de commerce,

* dire et juger que les accidents de la route relèvent de la compétence exclusive du tribunal de grande instance;

* se déclarer en conséquence incompétent au profit du tribunal de grande instance de Rouen;

— à titre subsidiaire, au visa du rapport déposé le 12 juillet 2016 par le collège expertal commis par ordonnance de référé du 13 décembre 2012, datée du 25 mars 2016, de l’article 6 de la loi du 5 juillet 1985,

* dire et juger que l’article 6 de la loi Badinter est opposable à la société Stef, tiers à l’accident de la circulation survenu le 29 octobre 2012;

* dire et juger qu’en l’état aucune condamnation in solidum ne peut intervenir;

* dire et juger que la quote-part de la société Axa France Iard est strictement limité à 20% du quantum susceptible d’être retenu;

— à titre plus subsidiaire

* dire n’y avoir lieu à préjudice;

* vu le rapport d’expertise de M. Z daté du 11 mars 2016

— prendre acte des observations de la société Axa France Iard aux termes de son dire n°6 du 01er mars 2016 et de l’analyse de M. A B ensuite du rapport d’expertise;

— limiter l’assiette du préjudice allégué par la société Stef à la somme de 41.919,26 €;

— limiter la quote-part d’indemnisation à la somme de 8.383,85 €;

— rejeter toutes demandes plus amples ou contraires de la société Stef;

— en tout état de cause

* condamner la société Stef à payer à la société Axa France Iard la somme de 10.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

* dire n’y avoir lieu à exécution provisoire;

* la condamner également aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise qui seront recouvrés pour ceux les concernant par la SELARL Gray & Scolan.

***

Dans leurs dernières conclusions en date du 18 juillet 2017, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SAS Transports Roullé & Fils et la SAS Vdk Transports demandent à la cour de :

— les déclarer recevables en leurs conclusions, et les dire bien fondées,

En conséquence,

— à titre principal, vu la loi Badinter, les articles L.211-3 et R.212-8 du code de l’organisation judiciaire, L.721 du code de commerce,

* dire et juger que les accidents de la route relèvent de la compétence exclusive du tribunal de grande instance;

* se déclarer en conséquence incompétent au profit du tribunal de grande instance de Rouen;

— à titre subsidiaire, au visa du rapport déposé le 12 juillet 2016 par le collège expertal commis par ordonnance de référé du 13 décembre 2012, datée du 25 mars 2016, de l’article 6 de la loi du 5 juillet 1985,

* dire et juger que l’article 6 de la loi Badinter est opposable à la société Stef, tiers à l’accident de la circulation survenu le 29 octobre 2012;

* dire et juger qu’en l’état aucune condamnation in solidum ne peut intervenir;

* dire et juger que la quote-part de la société Axa France Iard est strictement limitée à 20% du quantum susceptible d’être retenu;

— à titre plus subsidiaire, au visa de l’article 276 du code de procédure civile,

* déclarer nul et nul effet le rapport déposé par M. Z le 8 janvier 2016,

* tout le moins, ordonner la réouverture des opérations expertales de

M. Z, afin de répondre aux dires n°8 et 9 de la société Axa France Iard portant notamment en annexe la note n°5 de M. A-B, expert;

— à titre très subsidiaire,

* dire n’y avoir lieu à préjudice;

— à titre encore subsidiaire,

* vu le rapport d’expertise de M. Z daté du 11 mars 2016

— prendre acte des observations de la société Axa France Iard aux termes de ses dires n°8 et 9, d’une part et de l’analyse de M. A B, d’autre part;

— limiter l’assiette du préjudice allégué par la société Stef à la somme de 41.919,26 €;

— limiter en conséquence la quote-part des sociétés Vdk Transport et Transports Roullé & Fils à 20%, soit 8.383,85 €;

— rejeter toutes demandes plus amples ou contraires de la société Stef;

— en tout état de cause

* condamner la société Axa France Iard à relever et garantir indemne les sociétés Vdk transports et Transports Roullé & Fils, de toutes sommes mises à leurs charges;

* condamner la société Stef à payer aux sociétés Vdk et Transport Roullé la somme de 5.000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

* dire n’y avoir lieu à exécution provisoire;

* condamner la société Stef également aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise.

***

Dans ses dernières conclusions en date du 13 septembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la société Stef demande à la cour, au visa de l’article 1240 du code civil, de :

— confirmer le jugement entrepris,

— débouter la société Axa de sa demande de voir le tribunal de commerce se déclarer incompétent et de sa demande de sursis à statuer;

— constater que l’ensemble routier appartenant à la société Vdk et la société Roullé est à l’origine de la fermeture le 29 octobre 2012 du Pont Mathilde;

— dire et juger que la société Vdk et la société Roullé assurées auprès d’Axa sont pleinement responsables de la fermeture du Pont Mathilde du fait de l’accident qu’elles ont provoqué et de l’incendie des marchandises et du pont qui s’en est suivi le 29 octobre 2012;

— en conséquence, condamner in solidum la société Vdk, la société Roullé et leur assureur Axa à payer à la société Stef la somme de 98.284 € à titre de dommages et intérêts;

— condamner encore in solidum la société Vdk, la société Roullé et leur assureur à payer à la société Stef la somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire de M. Z.

***

SUR CE

- sur la compétence

Pour la société Axa France Iard et les sociétés Vdk Transports et Transports Roullé & Fils, ses assurés, le préjudice allégué par la société Stef résulte d’un accident de la circulation; que ce sont les dispositions de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 qui doivent recevoir application; que le tribunal de grande instance est donc seul compétent en application des dispositions des articles L.211-3 et R.212-8 du code de l’organisation judiciaire.

La société Stef réplique que l’article L.311-10-1 de la loi Badinter (abrogé) ou R.212-8 du code de l’organisation judiciaire sont des textes de pure organisation juridictionnelle et ne confèrent pas une compétence exclusive au profit du tribunal de grande instance de sorte que ce contentieux particulier de la responsabilité délictuelle relève désormais du droit commun des actions personnelles ou mobilières; que la compétence est ainsi partagée en matière civile entre le tribunal d’instance ou le tribunal de grande instance, en matière commerciale, le tribunal de commerce retrouve sa compétence au titre de l’article L.721-3, 1° du code de commerce; qu’il s’agit d’un litige entre cinq sociétés commerciales toutes inscrites au registre du commerce et des sociétés; que la loi du 05 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation n’est pas applicable en l’espèce; que le tribunal de commerce est compétent et pas le tribunal de grande instance.

Si l’article R.212-8 du code de l’organisation judiciaire en sa rédaction applicable prévoit que le tribunal de grande instance connaît à juge unique des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre, c’est dans la section relative à l’organisation du service juridictionnel au sein du tribunal à l’article délimitant les attributions du juge unique ; les domaines de compétence exclusive du tribunal de grande instance sont définis par l’article R.211-4 du même code, qui ne vise pas les actions au titre d’accidents de la circulation ; les anciennes dispositions du code de l’organisation judiciaire résultant de l’article 45 de la loi du 5 juillet 1985 attribuant compétence exclusive au tribunal de grande instance pour connaître des actions sur le fondement de cette loi ont été abrogées sans être remplacées par une autre disposition reprenant cette même compétence exclusive.

Le jugement ne peut en conséquence être critiqué en ce que le tribunal de commerce a retenu sa compétence matérielle.

Il est en tout état de cause observé que la question de la juridiction compétente pour statuer sur le litige qui opposait en première instance les parties est sans incidence en cause d’appel, dès lors que la cour est juridiction d’appel du tribunal de grande instance et du tribunal de commerce, et qu’elle est en mesure d’évoquer le fond afin de donner à cette affaire une solution définitive, après avoir le cas échéant ordonné une mesure d’instruction et ce en application des articles 88 et 89 du code de procédure civile.

- sur les dispositions légales applicables au fond et le quantum de la réparation

Il convient de relever au préalable que le principe de l’obligation à l’indemnisation du préjudice, sous condition qu’il soit justifié de sa réalité en lien avec la fermeture du pont, subi par la société Stef n’est pas contesté par la société Axa et ses assurées, puisque ces dernières opposent seulement à l’intimé, qui sollicite l’indemnisation de l’intégralité de son préjudice sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, les dispositions de l’article 6 de la loi du 05 juillet 1985 pour voir limiter la quote-part de l’indemnisation auquel la société Axa et ses assurées sont tenues.

Pour la société Axa France Iard et les sociétés Vdk Transports et Transports Roullé & Fils, ses assurés, le préjudice qu’allègue la société Stef résulte d’un accident de la circulation, et le fondement juridique allégué, à savoir la responsabilité délictuelle, est inopérant.

La société Stef réplique que la loi du 05 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation n’est pas applicable en l’espèce; qu’elle est fondée à rechercher la responsabilité civile extra contractuelle des sociétés Vdk Transport et Roullé en sa qualité de victime indirecte pour les conséquences préjudiciables de la fermeture du Pont Mathilde; que celle-ci a été provoquée par les dégradations qu’a causées un chauffeur conduisant un tracteur appartenant à la société Vdk transport et un ensemble avec citerne loué par la société Roullé qui s’est renversé sur la chaussée du pont Mathilde puis a pris feu avec ses 31.000 litres d’hydrocarbures; que ce

chauffeur dont l’employeur est responsable, agissant dans le cadre de son travail, a commis à tout le moins, un défaut de maîtrise de son véhicule qui a eu pour conséquence de générer un accident de la circulation; que la fermeture du pont Mathilde est en premier lieu directement imputable aux véhicules de la société Vdk et de la société Roullé qui sont à l’origine du fait générateur du sinistre ayant entraîné la fermeture du pont Mathilde.

Elle fait valoir les principes généraux de la responsabilité civile délictuelle et son application dans la théorie de l’équivalence des conditions pour solliciter la condamnation des sociétés Vdk et Transports Roullé et leur assureur Axa in solidum pour l’intégralité de son préjudice.

Les dispositions du chapitre I de la loi du 5 juillet 1985 s’appliquent aux victimes, directement ou par ricochet, d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques.

Il résulte des éléments ci-dessus rappelés qu’un accident de la circulation a eu lieu sur le pont Mathilde impliquant les véhicules des sociétés Vdk Tranports et Roullé & Fils, au cours duquel leur cargaison s’est enflammée, causant des dommages importants au pont Mathilde qui ont nécessité sa fermeture à la circulation ; la société Stef qui demande réparation d’un préjudice économique résultant de la fermeture du pont à raison des dommages causés par l’incendie, étant victime par ricochet de l’accident, son action est régie par les dispositions de la loi du 5 juillet 1985.

L’article 6 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d’un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l’indemnisation de ces dommages.

Les limitations ou exclusions sont celles applicables à la victime directe de l’accident ; les dommages de la victime directe de l’accident étant les dommages matériels causés au pont, il convient de se référer à l’article 5 de la même loi, qui prévoit la limitation ou l’exclusion de l’indemnisation en considération de la seule faute de la victime, et non en considération de l’existence de plusieurs véhicules impliqués dans l’accident ou d’autres responsables dans la réalisation ou l’importance du dommage, étant rappelé que par application de l’article 2 de la même loi, la victime ne peut se voir opposer par le conducteur impliqué l’existence d’un cas de force majeure ou le fait d’un tiers.

Aucune limitation ou exclusion d’indemnisation n’est opposable pour l’indemnisation des dommages causés au pont dont il n’est nullement prétendu ni à plus forte raison démontré qu’il aurait eu un quelconque rôle dans la survenance de son dommage.

La société Stef victime par ricochet des dommages causés à ce pont, est en conséquence fondée à agir, à l’encontre des sociétés Vdk Tranports et Roullé & Fils et de leur assureur, dès lors que les véhicules appartenant à ces dernières sont impliqués dans l’accident qu’ils ont causé, et ce pour la totalité de son préjudice justifié, peu important que l’ampleur de l’incendie et des dommages ait pu être augmentée par la présence dite fautive de véhicules de forains sous le pont, sauf aux sociétés Vdk Tranports et Roullé & Fils et de leur assureur à exercer leur recours contre ces forains.

Pour ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu le principe de l’indemnisation de la totalité du préjudice subi par la société Stef.

- sur la demande en nullité du rapport de M. Z du 8 janvier 2016 et à tout le moins de réouverture des opérations expertales.

Les sociétés Vdk Transports et Transports Roullé & Fils sollicitent la nullité du rapport de

M. Z du 08 janvier 2016 et à tout le moins la réouverture des opérations expertales de M. Z, afin de répondre aux dires n°8 et 9 de la société Axa France Iard portant notamment en annexe la note n°5 de M. A-C, expert.

Outre le fait que les sociétés Vdk Transports et Transports Roullé & Fils ne développent aucun moyen à l’appui de leurs demandes, force est de constater que le rapport de M. Z dans le cadre de la présente instance est daté du 11 mars 2016 et ne compte que 6 dires de la société Axa.

Il convient, dans ces conditions, de débouter les sociétés Vdk Transports et Transports Roullé & Fils de ces chefs de demande.

- sur l’évaluation du préjudice

La société Axa France Iard et ses assurées opposent à la société Stef l’absence de lien de causalité avéré entre le préjudice allégué et l’événement évoqué.

La société Stef réplique que le lien de causalité entre les fautes des sociétés Vdk Transports et Transports Roullé & Fils et le préjudice de la société Stef ressort du fait que la fermeture du pont Mathilde a contraint la société Stef subir quotidiennement pendant

2 ans, d’importants détours à l’occasion de ses opérations de transport et à supporter un surcoût de fonctionnement plus lourd comprenant des heures supplémentaires ainsi que des kilomètres supplémentaires.

Il est constant que le pont Mathilde a été fermé à la circulation à la suite de l’accident causé par l’ensemble routier appartenant à la société Vdk Transports et à la société Roullé & Fils.

A l’évidence, la fermeture du pont Mathilde à la circulation a nécessité la mise en place d’un nouveau plan de circulation dans l’agglomération de Rouen qui a perturbé l’organisation de l’activité des automobilistes empruntant habituellement ce pont, et notamment l’activité de commerce de gros alimentaire de la société Stef et ses trafics quotidiens ainsi qu’il résulte de l’expertise de M. Z en date du 11 mars 2016.

Le lien de causalité entre le préjudice économique par la société Stef, à savoir des kilomètres et heures supplémentaires et la fermeture du pont est par conséquent établi.

S’appuyant sur le rapport d’expertise de M. Z en date du 11 mars 2016, la société Stef réclame le paiement d’une somme de 98.284 € à titre de dommages et intérêts.

Comme le fait justement remarquer la société Stef, la société Axa conteste en cause d’appel ce qui a été discuté au cours de l’expertise de M. Z quant à l’existence de surcoût kilométrique découlant des kilomètres supplémentaires réalisés par la Stef et à l’existence d’heures supplémentaires.

Il ressort par ailleurs du rapport d’expertise que M. Z a examiné les observations de M. A-B, expert de la société Axa, auxquelles il a répondu après les avoir soumis à la discussion des parties.

La société Axa France Assurance et ses assurées ne versent aux débats aucun avis ou observation technique utile qui vient contredire les réponses données par l’expert, rien ne permettant d’établir que l’analyse de la réclamation faite par M. A-B, le 13 juin 2016, produite par Axa contiendrait des éléments qui viendraient remettre en cause les conclusions de l’expert. A cet égard, il convient d’observer que l’expert a tenu compte pour la

rédaction de son rapport du dire n°6 du 29 février 2016 accompagné de la note à expert n°3 de M. A-B.

Le chiffrage de l’expert Z pour les postes de préjudice contestés, à savoir la somme de 98.284 €, sera en conséquence retenu.

Dès lors, il convient de condamner in solidum, la SAS Vdk Transports, la SAS Transports Roullé & Fils et la société Axa qui ne conteste pas sa garantie, à payer à la SASU Stef la somme de 98.284 € à titre de dommages et intérêts.

La SA Axa France Assurances, sera condamnée à garantir les sociétés Vdk Transports et Transports Roullé & Fils de toutes sommes mises à leurs charges en principal, intérêts, frais et dépens, sous déduction des franchises et plafonds contractuellement applicables.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ces chefs.

- sur les frais et dépens

Le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance.

S’y ajouteront les frais d’expertise judiciaire de M. Z, (étant observé que le jugement comporte une contradiction, en ce que dans les motifs il prévoit la condamnation aux dépens en ce compris les frais d’expertise alors que le dispositif condamne aux dépens en ce non compris ces mêmes frais d’expertise), ainsi que les dépens du référé.

En cause d’appel, il paraît inéquitable de laisser à la charge de la société Stef ses frais irrépétibles non compris dans les dépens qu’il convient d’évaluer à la somme de 6.000 € ; la SAS Vdk Transports, la SAS Transports Roullé & Fils, et la SA Axa France Iard seront condamnées in solidum au paiement de cette somme, ainsi qu’aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Vdk Transports, la SAS Transports Roullé & Fils et la société AXA France Iard in solidum aux dépens de référé et frais de l’expertise judiciaire de M. Z ;

Condamne la SAS Vdk Transports, la SAS Transports Roullé & Fils et la société AXA France Iard in solidum à payer à la SASU Stef Transport Rouen la somme de 6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne la SAS Vdk Transports, la SAS Transports Roullé & Fils et la société AXA France Iard in solidum aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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