Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 11 juin 2020, n° 19/04197

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. de la proximité, 11 juin 2020, n° 19/04197
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 19/04197
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, JEX, 15 octobre 2019, N° 19/01738
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

N° RG 19/04197 – N° Portalis DBV2-V-B7D-IKG4

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 11 JUIN 2020

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

[…]

Jugement du JUGE DE L’EXECUTION DE ROUEN du 16 Octobre 2019

APPELANTE :

SARL LESUEUR TP

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Olivier BODINEAU de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Axelle DURIER, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

SAS EIFFAGE IMMOBILIER NORD OUEST

[…]

[…]

représentée par Me Philippe FOURDRIN de la SELARL PATRICE LEMIEGRE & PHILIPPE FOURDRIN ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Cyril DUTEIL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 06 Février 2020 sans opposition des avocats devant Madame LEPELTIER-DUREL, Présidente, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEPELTIER-DUREL, Présidente

Madame LABAYE, Conseillère

Monsieur MELLET, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme GIRARDEL, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 06 Février 2020, où l’affaire a été mise en délibéré au 09 Avril 2020 prorogé au 11 Juin 2020

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 Juin 2020, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEPELTIER-DUREL, Présidente et par Madame DUPONT, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

La société Eiffage Immobilier Nord Ouest est maître d’ouvrage d’une opération de construction d’un immeuble d’habitation de 87 logements sur une parcelle située […] à Rouen (76) dont la réalisation a été confiée à l’entreprise générale, la société Eiffage Construction Haute-Normandie. La société Lesueur TP a procédé sur le terrain contigu à des terrassements faisant craindre un empiètement sur la parcelle appartenant à la société Eiffage Immobilier Nord Ouest.

Au titre des conséquences de ce possible empiètement, la société Eiffage Immobilier Nord Ouest a demandé la remise des bordereaux de suivi des déchets des terres excavées dont elle pouvait être juridiquement responsable en vertu de l’article L.541-2 du code de l’environnement relatif à l’évacuation des terres polluées. Elle indique s’être désistée de cette demande devant le juge des référés en raison de la remise à l’audience de référé de 6 bordereaux de suivi des déchets des terres excavées.

Par ordonnance du 21 septembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen a ordonné une expertise et désigné M. X avec mission essentiellement de réunir tous documents utiles, notamment ceux établissant les limites de propriété des deux parcelles concernées, décrire les travaux réalisés sous la maîtrise d’oeuvre de la société Amoprim par la société Lesueur TP, sous-traitante de la société Le Bâtiment Avance et déterminer si ces travaux empiètent sur le fonds voisin sur lequel la société Eiffage Immobilier Nord Ouest réalise un immeuble de logements, dans l’affirmative, déterminer les travaux propres à mettre fin à cet empiétement et ceux de remise en état du terrain objet de l’empiétement, nécessaires à la poursuite de l’opération de construction par la société Eiffage et en chiffrer le coût à partir de devis contradictoirement débattus.

Par ordonnance du 5 juin 2018, sur demande de la société Eiffage Immobilier Nord Ouest qui soutenait au vu des deux premières notes aux parties de l’expert, que la société Lesueur TP ne lui avait en réalité remis des bordereaux ne correspondant qu’à 5 % des terres excavées, le juge des référés a étendu la mission de l’expert, enjoint à la société Lesueur TP de produire les bordereaux correspondant aux volumes de terres évacuées par elle tels que fixés par l’expert et rejeté toute autre demande.

Par acte du 18 décembre 2018, déplorant l’absence de production de ces bordereaux malgré plusieurs demandes, la société Eiffage Immobilier Nord Ouest a fait citer la société Lesueur TP devant le juge des référés pour que l’injonction soit assortie d’une astreinte provisoire de 3 000 euros par jour de retard au-delà d’un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir.

Par ordonnance du 5 mars 2019, le juge des référés s’est déclaré incompétent au profit du juge de l’exécution.

Par acte du 18 avril 2019, la société Eiffage Immobilier Nord Ouest a fait assigner la société Lesueur TP devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Rouen en prononcé de cette astreinte et en paiement d’une indemnité de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 16 octobre 2019, le juge de l’exécution a :

— déclaré recevable la société Eiffage Immobilier Nord Ouest en sa demande et en son action,

— enjoint à la société Lesueur TP de produire les bordereaux correspondant au volume de terrain évacué par elle tel que fixé par l’expert et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à défaut de remise de ces documents dans le délai d’un mois de la signification de la décision et pour une durée de 60 jours,

— débouté la société Lesueur TP de ses demandes,

— condamné la société Lesueur TP à verser à la société Eiffage Immobilier Nord Ouest la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— l’a condamnée aux dépens.

La SARL Lesueur TP a interjeté appel de toutes les dispositions de ce jugement hormis celle ayant déclaré l’action recevable, par déclaration reçue au greffe le 28 octobre 2019. Puis, dans ses premières conclusions notifiées le 11 décembre 2019, son appel a également visé la disposition relative à la recevabilité de l’action.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 février 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, la société Lesueur TP demande à la cour de :

— dire que la Société Eiffage Immobilier Nord Ouest ne justifie pas de sa qualité et de son intérêt à agir et que son action est irrecevable,

— réformer le jugement entrepris,

— dire que le demandeur ne justifie pas de circonstances nouvelles faisant apparaître la nécessité d’une astreinte,

— dire n’y avoir lieu à fixation d’une astreinte,

— débouter la Société Eiffage Immobilier Nord Ouest de ses demandes,

— subsidiairement, limiter le montant de l’astreinte provisoire à la somme de 10 euros par jour dans la limite de 2 mois,

— en tout état de cause, condamner la Société Eiffage Immobilier Nord Ouest au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Lesueur TP fait valoir que le juge des référés, dans son ordonnance du 5 juin 2018 acceptée par la société Eiffage Immobilier Nord Ouest, a considéré que rien ne justifiait le prononcé d’une astreinte, qu’aucun élément nouveau ne justifiait la saisine du juge de l’exécution d’une demande identique, qu’au vu des bordereaux de suivi des déchets déjà produits démontrant qu’aucune pollution n’avait été relevée, la société Eiffage Immobilier Nord Ouest s’était désistée d’une précédente demande de production de ces bordereaux et qu’il n’existe aujourd’hui aucun élément nouveau de nature à justifier la production d’autres pièces.

La société Lesueur TP soutient également que la société Eiffage Immobilier Nord Ouest n’a ni qualité ni intérêt à agir, aucun organisme ne l’ayant mise en demeure de fournir la moindre documentation au titre de ces terres excavées depuis plus de deux ans, sa responsabilité ne pouvant être recherchée aux motifs qu’elle a expressément reconnu ne pas être détentrice de ces terres, qu’ayant reçu dans le passé des bordereaux de suivi de déchets, elle est libérée de toute responsabilité, qu’elle n’a jamais fourni le moindre document laissant supposer que les terres auraient été polluées et que, n’ayant pas produit de rapport d’étude actualisé des sols entre 2013 et 2017 d’un terrain désormais totalement remblayé puis reconfiguré, on ignore tout de l’état du terrain au moment de son intervention en juin 2017.

Par ses dernières écritures notifiées le 10 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, la société Eiffage Immobilier Nord Ouest demande à la cour de :

— la recevoir en sa demande et l’en déclarer bien fondée,

— débouter la Société Lesueur TP de ses demandes,

— confirmer le jugement entrepris,

— condamner la Société Lesueur TP aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Philippe Fourdrin, membre de la SELARL Patrice Lemiele, Philippe Fourdrin, Gilles Le Bousse & associés, avocat postulant, par application de l’article 699 du code de procédure civile,

— condamner la Société Lesueur TP à lui verser une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.

La société Eiffage Immobilier Nord Ouest répond qu’elle a qualité à agir puisqu’elle est propriétaire du terrain dans lequel la société Lesueur TP a excavé des terres, qu’elle a intérêt à agir puisque les bordereaux de suivi des déchets produits par la société Lesueur TP ne portaient que sur 141 tonnes de terres évacuées alors que le volume de terres évacuées est de 2 750 tonnes, qu’elle est toujours exposée au risque de voir sa responsabilité recherchée en qualité de détenteur de déchets et qu’aucune preuve d’absence de pollution de ces déchets n’est rapportée. Elle fait valoir que l’absence d’exécution de la décision du juge des référés constitue un fait nouveau fondant sa demande d’astreinte.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 février 2020.

MOTIFS de la DECISION

Sur la recevabilité de l’action

L’article 31 du code de procédure civile dispose que 'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour éteindre un intérêt déterminé.

L’action en prononcé d’une astreinte assortissant l’injonction faite à la société Lesueur TP par ordonnance de référé du 5 juin 2018 de produire les bordereaux correspondant au volume de terrain évacué par elle tel que fixé par l’expert est formée par la société Eiffage Immobilier Nord Ouest, en sa qualité non contestée de propriétaire du terrain en cause.

Cette société a donc qualité à agir pour élever toute prétention relative à son terrain.

Les articles L.541-1-1 et L.541-2 du code de l’environnement définissent la notion de déchet comme étant 'toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire' et déterminent les responsables de la gestion des déchets, à savoir 'tout producteur ou détenteur de déchets'. L’article R.541-45 du même code dispose que toute personne qui produit des déchets dangereux ou des déchets radioactifs, tout collecteur de petite quantité de ces déchets, toute personne ayant reconditionné ou transformé ces déchets et toute personne détenant des déchets dont le producteur n’est pas connu et les remettant à un tiers émet, à cette occasion, un bordereau qui accompagne les déchets.

Sur le fondement de ces dispositions, la responsabilité de la société Eiffage Immobilier Nord Ouest peut être recherchée quant au respect de l’obligation de suivre les déchets pouvant avoir cette nature et ayant été extraits de sa parcelle. Aussi, sans qu’il soit nécessaire au préalable de vérifier si elle pourrait être en définitive considérée comme détentrice ou non desdits déchets, si ceux-ci étaient ou non pollués au moment de l’intervention de la société Lesueur TPen 2017 (étant précisé à ce sujet que les quelques bordereaux remis visaient des 'terres polluées non dangereuses') ou si une réclamation des bordereaux a d’ores et déjà été adressée à la société Eiffage Immobilier Nord Ouest, celle-ci a un intérêt légitime à intenter une action afin d’obtenir les documents relatifs au suivi des terres excavées provenant de sa parcelle.

Le rejet de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société Eiffage Immobilier Nord Ouest sera donc confirmé.

Sur le prononcé d’une astreinte

Le juge de l’exécution a rappelé les dispositions de l’article L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution qui lui permettent d’assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

Pour s’y opposer, la société Lesueur TP soutient que la société Eiffage Immobilier Nord Ouest ne justifie pas de telles circonstances.

Mais comme l’a retenu justement le juge de l’exécution, le fait que la société Lesueur TP n’ait pas satisfait à l’injonction définitive qui lui a été faite malgré signification de l’ordonnance de référé et trois rappels par courriers officiels entre avocats, élément auquel il convient d’ajouter sa contestation du bien-fondé de l’injonction et sa résistance à l’exécution de l’injonction, constituent des circonstances faisant apparaître la nécessité de l’astreinte dont le montant et la durée sont à la mesure tant de l’injonction elle-même que des circonstances nécessitant son prononcé.

Aussi, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

La société Lesueur TP succombe en appel et aura la charge des dépens. Elle devra en outre verser à la société Eiffage Immobilier Nord Ouest la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 16 octobre 2019 par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Rouen,

Y ajoutant,

Condamne la société Lesueur TP aux dépens et accorde droit de recouvrement direct à Me Philippe Fourdrin, membre de la SELARL Patrice Lemiele, Philippe Fourdrin, Gilles Le Bousse & associés, avocat postulant, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

La condamne à payer à la société Eiffage Immobilier Nord Ouest la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La déboute de sa demande sur ce fondement.

La Greffière La Présidente

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