Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 4 novembre 2020, n° 19/00242

  • Avis motivé·
  • Maladie professionnelle·
  • Médecin du travail·
  • Refus·
  • Reconnaissance·
  • Charges·
  • Notification·
  • Recours·
  • Travail·
  • Contestation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 4 nov. 2020, n° 19/00242
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 19/00242
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen, 10 décembre 2018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 19/00242 – N° Portalis DBV2-V-B7D-ICHB

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 04 NOVEMBRE 2020

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE ROUEN du 11 Décembre 2018

APPELANT :

Monsieur Y X

[…]

[…]

représenté par Me Nicolas BODINEAU, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE ROUEN – ELBEUF – DIEPPE – SEINE MARITIME

[…]

[…]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 23 Septembre 2020 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur POUPET, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame de SURIREY, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

A B

DEBATS :

A l’audience publique du 23 Septembre 2020, où l’affaire a été mise en délibéré au 04 Novembre 2020

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 04 Novembre 2020, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur POUPET, Président et par M. B, Greffier.

* * *

M. Y X a adressé une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n° 16 bis à la caisse primaire d’assurance maladie de Rouen Elbeuf Dieppe (la caisse) le 23 décembre 2013. Le certificat médical initial établi le 18 novembre 2013 faisant état d’un carcinome verruqueux.

La caisse, après enquête, ayant retenu que M. X ne remplissait pas la condition relative à la liste limitative des travaux, a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Rouen Normandie (le CRRMP) et refusé la prise en charge de la pathologie, le 20 juin 2014, dans l’attente de l’avis motivé du comité.

Le 23 août 2016, la caisse a confirmé à M. X le refus de prise en charge de la maladie à la suite de l’avis défavorable rendu par le CRRMP le 10 août 2016.

M. X a saisi la commission de recours amiable de la caisse en contestation de cette décision, laquelle a rejeté sa demande par décision du 26 janvier 2017.

Il a ensuite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen le 18 août 2016.

Par jugement du 4 octobre 2017, le tribunal a :

— désigné, en application de l’article R.142-24-2 du code de la sécurité sociale, le CRRMP de la région Nord Pas de Calais Picardie avec pour mission de dire, par un avis motivé, si la pathologie de M. X avait été directement causée par son travail habituel.

Le CRRMP désigné a, le 16 mai 2018, rendu un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. X.

Par jugement du 11 décembre 2018, le tribunal a désigné, en application de l’article R.142-24-2 du code de la sécurité sociale, le CRRMP du Pays de la Loire avec pour mission de dire, par un avis motivé, si la pathologie de M. X avait été directement causée par son travail habituel.

Par conclusions remises le 6 mai 2019, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé de ses moyens, M. X demande à la cour de :

— reformer la décision dont appel,

à titre principal :

— lui dire inopposable la décision de refus de prise en charge,

— ordonner à la caisse de procéder à la régularisation du dossier,

à titre subsidiaire :

— désigner un nouveau CRRMP,

en tout état de cause :

— condamner la caisse au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Il fait valoir que la caisse ne lui a jamais adressé de courrier l’informant de la possibilité de venir consulter le dossier et de faire des observations avant transmission au CRRMP ; que la décision de refus de prise en charge lui est donc inopposable et la prise en charge de sa pathologie doit être ordonnée. Il considère que la caisse ne peut se prévaloir de la décision de refus notifiée à titre provisoire en vue de lui interdire de remettre en cause la procédure d’instruction, puisque la notification de cette décision est irrégulière en ce qu’elle n’émane pas de la caisse mais de la société Asphéria. Il en déduit que le délai de contestation de cette décision ne peut lui être opposé, d’autant que la mention du délai et des voies de recours n’est pas mentionnée de façon apparente et que la décision provisoire n’est pas motivée. Il fait en outre observer que la décision provisoire indique que si l’avis attendu du CRRMP est favorable, la décision sera annulée, ce qui l’a poussé à considérer que la décision de refus de prise en charge n’en était pas réellement une et qu’il aurait le loisir d’opérer une contestation ultérieure de celle-ci. Il considère par ailleurs qu’il n’était pas informé que sa contestation pouvait porter sur les modalités de l’instruction.

Il fait également valoir que la décision rendue par le comité le 10 août 2016 ne fait état d’aucun avis motivé du médecin du travail, de sorte qu’il n’a pu se prononcer valablement et que cette irrégularité entraîne l’inopposabilité de la décision de refus de prise en charge.

Subsidiairement, il indique que la décision du deuxième CRRMP ne fait pas davantage référence à l’avis motivé du médecin du travail, de sorte qu’elle est également irrégulière et qu’il doit être ordonné la désignation d’un nouveau CRRMP.

Par conclusions remises le 15 juin 2020, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé de ses moyens, la caisse demande à la cour de :

— rejeter la demande d’inopposabilité formulée par M. X,

— à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour constaterait l’irrégularité de l’avis du 16 mai 2018, désigner le CRRMP de la région Nord Pas de Calais avec pour mission de donner son avis sur le point de savoir si la maladie déclarée par M. X a été directement causée par son travail habituel.

Elle soutient avoir respecté les délais réglementaires d’instruction ainsi que ses obligations d’information et fait valoir que la notification d’un refus de prise en charge, même s’il est conservatoire, fait obstacle à la naissance d’une décision implicite de reconnaissance de la maladie professionnelle. Elle en déduit qu’à compter du 20 juin 2014, date de sa décision conservatoire, aucune obligation d’information ne lui incombait plus.

Elle affirme que la notification de cette décision permettait d’identifier sans ambiguïté l’expéditeur, que la voie et le délai de recours étaient mentionnés de manière apparente, qu’il n’était pas fait référence à la seule contestation du motif mais à la contestation de la décision elle-même, qui était au demeurant parfaitement motivée. La caisse indique qu’en tout état de cause la conséquence du

caractère insuffisamment motivé d’une décision ne saurait emporter l’inopposabilité de celle-ci et la prise en charge de la maladie professionnelle. Elle fait valoir que M. X a contesté la décision conservatoire dans ses écritures devant le tribunal, soit au-delà du délai de deux mois à compter de la notification de la décision qui a donc acquis un caractère définitif.

Elle soutient n’avoir jamais réceptionné l’avis du médecin du travail et qu’une éventuelle irrégularité de l’avis rendu par le comité de reconnaissance des maladies professionnelles ne saurait rendre inopposable à l’assuré la décision de refus de prise en charge de sa pathologie.

Elle rappelle qu’elle était liée par l’avis donné par le CRRMP de Normandie et que sa décision de refus de prise en charge est dès lors bien fondée.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge et de régularisation du dossier :

Il résulte des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable en l’espèce, que la reconnaissance implicite d’une maladie professionnelle sanctionne le seul non-respect par la caisse des délais qui lui sont impartis pour statuer.

Lorsqu’une décision de refus de prise en charge, fût-elle conservatoire, a été prise dans le délai imposé à la caisse, l’assuré ne peut utilement solliciter l’inopposabilité de celle-ci au motif d’un non-respect par la caisse de ses obligations d’information et de motivation, l’inopposabilité de la décision de rejet ne conduisant pas à l’anéantissement de celle-ci et à la reconnaissance implicite d’une maladie professionnelle.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la caisse a reçu la demande de reconnaissance de maladie professionnelle le 27 décembre 2013, qu’elle devait donc rendre sa décision avant le 27 mars 2014 à moins de recourir au délai complémentaire d’instruction permettant de lui laisser trois mois supplémentaires, à la condition d’en informer l’employeur et l’assuré avant la fin du premier délai. Or la caisse justifie avoir avisé M. X du recours au délai complémentaire par lettre recommandée du 24 mars 2014, réceptionnée le 26. Sa décision de refus de prise en charge, à titre conservatoire, ayant été prise le 20 juin 2014, l’assuré ne peut se prévaloir d’une reconnaissance implicite de sa pathologie comme maladie professionnelle, en invoquant au surplus un manquement au devoir d’information de la possibilité de venir consulter le dossier avant transmission au CRRMP.

S’agissant de la forclusion de la contestation de la décision de rejet conservatoire de la prise en charge invoquée par la caisse, il est constant que la forclusion du délai de deux mois dans lequel la décision doit être contestée devant la commission de recours amiable de la caisse ne peut être opposée à l’intéressé que si la notification indique de manière très apparente le délai de recours et ses modalités d’exercice.

La lettre de notification du 20 juin 2014 indique clairement et de façon très apparente ces informations en mettant en gras la mention « deux mois » et en majuscules l’adresse de la commission de recours amiable. Elle précise en outre que c’est la décision qui peut être contestée et non uniquement sa motivation. Il est indifférent, ainsi que l’a relevé le tribunal, que l’avis de réception mentionne le nom de la société Asphéria (à laquelle la caisse a confié la gestion de ses envois) et son adresse pour le retour de cet avis, dès lors que la notification de la décision est au nom de la caisse. Aucune confusion n’était donc possible sur l’identité de la personne dont émanait la décision et sa notification, ainsi que sur l’adresse où devait être envoyé un éventuel recours. Contrairement à ce que soutient l’assuré un éventuel défaut de motivation d’une décision ne peut faire échec à la forclusion. Enfin, M. X ne peut utilement soutenir qu’ayant été informé de ce que la caisse attendait l’avis du CRRMP pour rendre, le cas échéant, une décision différente de celle du 20

juin 2014, il pouvait légitimement attendre cette seconde décision pour effectuer une contestation portant notamment sur la procédure d’instruction menée jusqu’à la décision de rejet conservatoire et qu’en retenant la forclusion de sa contestation qui n’a pas été engagée dans les deux mois de la notification de la décision de rejet conservatoire, il a été privé de son droit à un recours effectif. En effet, ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus l’assuré ne peut se prévaloir d’une reconnaissance implicite de maladie professionnelle en cas de manquement de la caisse à ses obligations d’information et de motivation et l’assuré peut, devant la commission de recours amiable et les juridictions, contester le bien-fondé de la décision par laquelle la caisse rejette sa demande de prise en charge de sa maladie après avis défavorable du CRRMP.

Ainsi, la caisse est fondée à opposer à l’assuré, qui n’a pas saisi la commission de recours amiable dans les deux mois de la notification de sa décision de rejet du 20 juin 2014, le délai de forclusion.

C’est également à tort que M. X déduit de l’absence d’un avis motivé du médecin du travail dans le dossier constitué par la caisse et transmis au CRRMP l’inopposabilité de la décision de refus de prise en charge, la seule sanction applicable étant la nullité de l’avis qui doit conduire à la désignation d’un nouveau comité.

Sur la désignation d’un CRRMP :

En application de l’article D. 461-29 du code de la sécurité sociale le dossier constitué par la caisse, adressé au CRRMP, doit notamment comprendre un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l’exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises. En cas d’impossibilité matérielle pour la caisse d’obtenir l’avis motivé du médecin du travail le comité peut valablement s’exprimer sur le caractère professionnel ou non de la maladie.

En l’espèce la caisse ne se prévaut pas d’une impossibilité matérielle et elle connaissait les coordonnées du médecin du travail qui sont mentionnées dans son enquête. Les avis rendus par les CRRMP sont donc irréguliers. Il appartiendra en conséquence à la caisse de solliciter l’avis du médecin du travail ou d’établir l’impossibilité de l’obtenir, de permettre à M. X, en cas d’obtention de l’avis, d’en avoir connaissance et de faire d’éventuelles observations, avant de le faire parvenir au CRRMP chargé de donner son avis.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a désigné un autre CRRMP. M. X qui perd en appel sera débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement ;

Y ajoutant :

Dit qu’il appartiendra à la caisse de solliciter l’avis du médecin du travail ou d’établir l’impossibilité de l’obtenir, de permettre à M. X, en cas d’obtention de l’avis, d’en avoir connaissance et de faire d’éventuelles observations, avant de le faire parvenir au CRRMP chargé de donner son avis ;

Condamne M. X aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 4 novembre 2020, n° 19/00242