Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 22 septembre 2021, n° 20/03999

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 1re ch. civ., 22 sept. 2021, n° 20/03999
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 20/03999
Décision précédente : Tribunal judiciaire d'Évreux, 4 octobre 2020, N° 20/00609
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 20/03999 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IT4A

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2021

DÉCISION DÉFÉRÉE :

[…]

Juge de la mise en état d’Evreux du 05 octobre 2020

APPELANTE :

Sa LOGEMENT FAMILIAL DE L’EURE

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Aurélie BLONDE de la Selarl CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de l’Eure

INTIMEE :

Sas MPO FENETRES

[…]

[…]

représentée par Me Caroline SCOLAN de la Selarl GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 23 juin 2021 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. François BERNARD, conseiller

M. Jean-François MELLET, conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme X Y

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU PRONONCE :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

DEBATS :

A l’audience publique du 23 juin 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 22 septembre 2021

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 septembre 2021, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme Y, greffier.

*

* *

Par acte en date du 31 janvier 2020, la Sas MPO Fenêtres a fait assigner la Sa Logement familial de l’Eure après que cette dernière ait résilié unilatéralement un marché de construction conclu entre elles le 20 décembre 2018.

La Sa Logement familial de l’Eure a soulevé par voie d’incident l’irrecevabilité de la demande pour non-respect de la clause contractuelle de conciliation obligatoire.

Par ordonnance contradictoire en date du 5 octobre 2020, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d’Evreux a rejeté la fin de non-recevoir et condamné la Sa Logement familial de l’Eure aux dépens outre une somme de 750 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le juge de la mise en état a considéré que la norme NF P 03-001 applicable entre les parties ne décrivait pas les modalités de la procédure de médiation ou de conciliation applicable, si bien que la proposition faite par la Sas MPO Fenêtres dans un courrier du 9 septembre 2019 était satisfactoire au regard de ces dispositions.

Par déclaration reçue au greffe le 6 décembre 2020, la Sa Logement familial de l’Eure a interjeté appel de la décision.

L’affaire a été orientée selon la procédure à bref délai régie par l’article 905 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 6 janvier 2021, la Sa Logement familial de l’Eure demande à la cour d’appel, au visa de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et des articles 122 et 789 du code de procédure civile, de :

— infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :

dit que la société MPO Fenêtres a, préalablement à l’assignation en justice, proposé une mesure de médiation à la société Logement familial de l’Eure,

déclaré l’action de la société MPO Fenêtres recevable,

condamné la société Logement familial de l’Eure à régler à la société MPO Fenêtres la somme de 750 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Logement familial de l’Eure aux dépens de l’incident,

statuant à nouveau,

— écarter des débats la lettre entre avocats du 9 septembre 2019 (pièce n° 14-1 de première instance de la société MPO Fenêtres),

— dire et juger la société MPO Fenêtres irrecevable en l’ensemble de ses demandes,

— condamner la société MPO Fenêtres à payer à la Sa Logement familial de l’Eure la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamner la société MPO Fenêtres à payer à la Sa Logement familial de l’Eure la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société MPO Fenêtres aux entiers dépens de l’instance, tant de première instance que d’appel.

Elle soutient que la clause concernée constitue bien une fin de non-recevoir, quand bien même elle ne définit pas précisément ses modalités de mise en 'uvre. Par ailleurs, la correspondance entre avocats invoquée par la Sas MPO Fenêtres afin de justifier d’une tentative de conciliation serait confidentielle en application de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, et devrait donc être écartée des débats.

Par dernières conclusions notifiées le 5 février 2021, la Sas MPO Fenêtres intimée, demande à la cour d’appel de :

— confirmer l’ordonnance rendue sauf à en substituer :

. considérer que la clause visée dans la norme AFNOR relative à la tentative de médiation ou de conciliation est un préalable avant toute action,

— en tout état de cause, confirmer de plus fort l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 5 octobre 2020 en ce qu’elle a :

. dit que la société MPO Fenêtres a, préalablement à l’assignation en justice, proposé une mesure de médiation à la Sa Logement familial de l’Eure ;

. condamné la Sa Logement familial de l’Eure à régler à la Sa MPO Fenêtres la somme de 750 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

. condamné la Sa Logement familial de l’Eure aux dépens de l’incident,

— condamner la Sa Logement familial de l’Eure au paiement d’une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle fait valoir en substance que :

— la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en 'uvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge et n’institue pas une fin de non-recevoir ;

— elle a adressé à son cocontractant une mise en demeure l’invitant à se rapprocher d’elle pour convenir d’une solution amiable, et démontre ainsi le respect de cette clause.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire, plaidée à l’audience du 23 juin 2021, a été mise en délibéré au 22 septembre 2021.

MOTIFS

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Il résulte du préambule du CCAP versé en pièce n° 2 par l’appelant que le marché est constitué, par ordre de prééminence, par les deux CCAG et en dernier lieu par la norme NF P 03 001.

L’appelante se prévaut de l’applicabilité, entre les parties, du paragraphe 21.2 de cette norme.

Les dispositions concernées stipulent que 'Les différends relatifs à la validité, l’interprétation, l’exécution, l’inexécution ou la résiliation du marché seront soumis, préalablement à toute action en justice, à une médiation ou à une conciliation. Lorsque le litige n’a pas pu trouver de solution amiable, si les parties ne sont pas convenues d’une procédure d’arbitrage, il est porté devant la juridiction du lieu d’exécution de la prestation'.

L’intimée soutient en premier lieu que la clause concernée ne serait pas applicable entre les parties, car elle serait contradictoire avec l’article12.6 du CCAG selon lequel ' toutes les contestations… qui ne peuvent être réglées amiablement sont soumises au tribunal de grande instance du lieu d’exécution des travaux auquel les parties donnent attribution de compétence'.

Cet article 12.6 instaure une clause attributive de compétence territoriale en cas d’échec des tentatives amiables. Elle n’est pas contradictoire de la norme AFNOR qui impose justement la réalisation d’une conciliation préalable.

Le moyen tiré, par la SAS MPO Fenêtres, de l’inapplicabilité de l’article 20.1 à raison du caractère supplétif de la norme NFP 03001, ne peut donc qu’être rejeté.

La Sa Logement familial de l’Eure soutient que la clause concernée devrait s’interpréter comme une fin de non recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile.

Le moyen tiré du défaut de mise en 'uvre d’une clause instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, même non assortie de précisions sur ses modalités de mise en 'uvre, constitue une fin de non-recevoir.

L’article 21.2 de la norme NFP 03001 a été modifié au mois d’octobre 2017 dans le sens de la rédaction reprise ci-dessus. Il en résulte désormais clairement, à raison de l’emploi du futur de l’indicatif, dont le sens légistique est prescriptif, que les parties sont tenues d’organiser une conciliation ou une médiation avant toute saisine.

Il s’agit donc bien d’une fin de non recevoir, ainsi que l’a estimé le premier juge.

Afin d’établir qu’elle a tenté de parvenir à un réglement amiable du litige préalablement à la saisine de la juridiction, la Sas MPO Fenêtres s’est prévalue, devant le premier juge, d’une correspondance entre avocats du 9 septembre 2019 proposant à son cocontractant de ' tenter un solutionnement amiable du litige ou éventuellement de procéder par voie de médiation'.

La société Logement familial de l’Eure sollicite, en cause d’appel, que cette pièce soit écartée des débats. Cette demande est formée à juste titre, puisqu’au vu des dispositions de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, les correspondances entre avocats sont couvertes par le secret professionnel, sauf si elles portent la mention 'officielle'. Il n’y a toutefois pas lieu de statuer en ce sens puisque cette correspondance, sur la base duquel le juge de la mise en état avait statué, n’est plus versée en cause d’appel par la société MPO Fenêtres.

La société MPO Fenêtres se prévaut d’une mise en demeure adressée le 27 juin 2019 par son conseil à la Sa Logement familial de l’Eure. Toutefois, dans ce courrier, elle ne fait qu’exiger de sa cocontractante qu’elle renonce à la résiliation unilatérale du marché et reprenne les relations contractuelles afin de permettre la terminaison de l’opération. C’est uniquement à cette fin qu’elle explique, être prête 'à organiser un rendez-vous, avec l’ensemble des opérateurs de cette opération ainsi que l’inspection du travail'. La société MPO Fenêtres n’évoque pas la mise en place d’une conciliation afin de résoudre le différend qui les oppose. Il s’agit d’une simple mise en demeure à son cocontractant de renoncer à résilier pour reprendre l’exécution du contrat, et non d’une proposition de conciliation. Il en va de même de la relance du 2 août 2019.

Il s’ensuit que l’intimée ne justifie d’aucune démarche de conciliation préalable susceptible de satisfaire à la clause prescrite à l’article 21.2 de la norme NFP 03-001.

La décision doit donc être infirmée et les demandes de la Sas MPO Fenêtres déclarées irrecevables.

Quand bien même la Sas MPO Fenêtres est déclarée irrecevable, l’introduction de l’instance n’apparaît pas marquée par l’intention de nuire ou une négligence équipollente au dol. La demande indemnitaire formée à son encontre à raison du caractère abusif de la procédure sera donc rejetée.

La Sas MPO Fenêtres sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, outre un somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme l’ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes formées par la Sas MPO Fenêtres,

Condamne la Sas MPO Fenêtres à payer à la Sa Logement familial de l’Eure la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamne la Sas MPO Fenêtres aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier La présidente

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