Cour d'appel de Toulouse, 2eme chambre section 2, 31 mai 2011, n° 09/04200

  • Dépôt frauduleux- détournement du droit des marques·
  • Fonction d'indication d'origine·
  • Collectivité territoriale·
  • Exploitation sporadique·
  • Provenance géographique·
  • Déchéance de la marque·
  • Validité de la marque·
  • Caractère distinctif·
  • Exploitation réelle·
  • Caractère déceptif

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le chiffre 29 est distinctif pour designer des vêtements fabriqués en n’importe quel lieu géographique français ou étranger. La marque n’a pas pour objet de promouvoir des produits spécifiques du Finistère ni d’indiquer la provenance des produits. Elle n’est donc pas trompeuse pour le consommateur. L’atteinte aux droits d’une collectivité locale sur son nom est constituée lorsque l’usage du signe contesté entraîne un risque de confusion avec ses propres activités ou est de nature à lui porter préjudice. En l’espèce l’usage du signe 29 sur des vêtements, de qualité convenable, ne porte pas atteinte à la renommée du Finistère. La demande en nullité formée par ce département doit être rejetée. La marque doit servir à identifier le produit. Un usage à un titre autre que celui attaché à la fonction du signe ne peut être retenu comme consistant un usage sérieux à titre de marque. Le signe 29 a été utilisé, à titre décoratif et sous la bannière de la marque 64, marque centrale de la commercialisation des produits. De plus, son exploitation s’est limitée à un faible volume de ventes. En l’espèce, le droit de marque n’a pas été constitué et utilisé pour distinguer des produits ou des services en identifiant leur origine, mais s’est trouvé détourné de sa fonction dans le but de se réserver, par l’appropriation d’un signe identifiant un département, un accès privilégié et monopolistique à un marché local au détriment d’autres opérateurs. En conséquence, la marque 29 doit être annulée.

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 31 mai 2011, n° 09/04200
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 09/04200
Publication : PIBD 2011, 945, IIIM-538
Décision précédente : Cour d'appel de Toulouse, 27 juin 2007, N° 06/1066
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Toulouse, 28 juin 2007, 2006/01066
  • Cour de cassation, 23 juin 2009, M/2007/19542
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : 29
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 98747296
Classification internationale des marques : CL03 ; CL24 ; CL25
Référence INPI : M20110331
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE TOULOUSE ARRÊT DU TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE ONZE

2e Chambre Section 2 N°RG: 09/04200

Décision déférée du 28 Juin 2007 – Cour d’Appel de TOULOUSE – 06/1066

APPELANT(E/S) SARL JULOU COMPAGNIE MOMO LE HOMARD […] 29870 LANDEDA représentée par la SCP NIDECKER PRIEU JEUSSET, avoués à la Cour assistée de Me Claire S, avocat au barreau de PARIS

INTIME(E/S) SAS B TOKI […] 64210 GUETHARY représentée par Me Bernard DE-LAMY, avoué à la Cour assistée de Me Jean I, avocat au barreau de TOULOUSE

LE DEPARTEMENT DU FINISTERE 32 BD DUPLEIX 29196 QUIMPER CEDEX représentée par la SCP NIDECKER PRIEU JEUSSET, avoués à la Cour assistée de Me Claire S, avocat au barreau de PARIS

INTERVENANT(S) Monsieur Olivier M représenté par Me Bernard DE-LAMY, avoué à la Cour assisté de Me Jean I, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 05 Avril 2011 en audience publique, devant la Cour composée de : V. SALMERON, faisant fonction de président A. ROGER, conseiller P. DELMOTTE, conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. MARGUERIT

ARRET :

- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par V. SALMERON, faisant fonction de président, et par M. MARGUERIT, greffier de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL JULOU COMPAGNIE, dont l’objet est le commerce de détail d’habillement en magasin spécialisé, a été créée le 1er mars 2004 pour distribuer, sous le nom commercial et la marque « Momo le Homard », une ligne de tee-shirts déclinant les symboles, folklore et lieux communs attachés à la Bretagne, et singulièrement au département du Finistère (29) où se situent son siège et son principal point de vente. Le 20 août 2004, la société JULOU COMPAGNIE, procédait au dépôt de la marque 29 et découvrait l’existence de la marque antérieure semi-figurative 29 déposée par la SAS B TOKI le 25 août 1998 sous le numéro 98747296.

La SOCIETE BIL TOKI commercialise divers produits textiles notamment sous les marques figuratives 64 et 29 mais aussi sous d’autres numéros de département principalement sur internet.

Le 24 janvier 2005, la SOCIETE JULOU COMPAGNIE écrivait à la SOCIETE BIL TOKI pour lui faire part de ce qu’elle avait connaissance du dépôt de la marque 29 qu’elle souhaitait exploiter, prétendant que cette marque n’aurait pas été exploitée par la SOCIETE BIL TOKI depuis 5 ans.

Par courrier du 2 février 2005, le conseil de la SOCIETE BIL TOKI répondait au conseil de la SOCIETE JULOU COMPAGNIE en lui adressant des justificatifs de l’exploitation de la marque 29. La SARL JULOU COMPAGNIE estimait que ces pièces n’attestaient nullement d’un usage sérieux mais elle affirme qu’elle faisait toutefois choix de ne pas utiliser la marque composée du chiffre 29 dans un cercle.

La SOCIETE BIL TOKI affirmant au contraire que la SOCIETE JULOU COMPAGNIE a fait fabriquer une gamme de vêtements sur lesquels est apposé le chiffre 29 dans un cercle et les a commercialisés au sein d’une boutique à l’enseigne «'MOMO LE HOMARD'» […] et au travers du site Internet «'MOMO LE HOMARD », a fait pratiquer le 28 avril 2005 un procès-verbal de constat d’achat par Maître Patrick A – LEGRAND, huissier de justice à BREST et , le 29 novembre 2005, la SCP LAMARQUE, huissiers de justice à COLOMIERS, a réalisé un constat du site Internet de la SOCIETE JULOU COMPAGNIE sur lequel des modèles de vêtements portant le chiffre 29 sont mis en vente.

La SAS B TOKI a fait citer la SARL JULOU COMPAGNIE devant le Tribunal de grande instance de Toulouse qui a fait droit à son action en contrefaçon.

La SARL JULOU COMPAGNIE a interjeté appel.

Par voie de conclusions notifiées le 19 octobre 2006, le Département du Finistère est intervenu volontairement devant la Cour d’appel pour demander qu’il soit jugé que le numéro 29 est indisponible au sens du droit des marques en ce qu’il fait partie de l’image du département du Finistère et de voir en conséquence l’annulation de la marque 29 déposée auprès de l’INPI par la SOCIETE BIL TOKI.

Par arrêt en date du 28 juin 2007, la Cour d’appel de Toulouse a confirmé le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance et, y ajoutant, a élevé les dommages et intérêts alloués à la société BIL TOKI à la somme de 30.000 €

Par arrêt en date du 23 juin 2009, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu’il a déclaré le DEPARTEMENT DU FINISTERE recevable en son intervention, l’arrêt rendu le 28 juin 2007 entre les parties, par la Cour d’Appel de TOULOUSE.

La société JULOU COMPAGNIE a saisi la cour d’appel en exécution de cet arrêt le 20 juillet 2009.

L’ordonnance de clôture est en date du 4 avril 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 24 mars 2011, la SARL JULOU COMPAGNIE soutient :

In limine litis, que le jugement en date du 23 mai 2006 est nul, par suite de la violation du principe du contradictoire et des dispositions de l’article 445 du Code de Procédure Civile commise par le premier juge en recevant la société BIL TOKI en ses notes en délibéré

Elle invoque également la fraude commise lors du dépôt de cette marque, le droit de marque ayant été détourné de sa fonction, et le caractère déceptif de la marque et la déchéance dont elle est frappée en raison de l’absence d’usage sérieux.

Subsidiairement, elle prétend qu’elle n’a pas commis d’actes de contrefaçon et elle conteste que l’intimée ait subi un quelconque préjudice et forme une demande reconventionnelle pour procédure abusive.

La SARL JULOU COMPAGNIE demande à la Cour de :

1. In limine litis, constater que le jugement en date du 23 mai 2006 a cru pouvoir accueillir deux notes en délibéré de la société BIL TOKI en violation des dispositions de l’article 445 du Code de Procédure Civile,

En conséquence,

— Prononcer la nullité du jugement en date du 23 mai 2006,

— Ordonner la restitution à la société Julou Compagnie de l’ensemble des sommes versées à la société B TOKI,

— Débouter la société BIL TOKI de l’ensemble de ses demandes, prétentions, fins et conclusions ;

2. In limine litis toujours et en tant que de besoin,

2.1. Constater la fraude commise lors du dépôt de la marque 29 par la société BIL TOKI,

Ce faisant,

— Infirmer le jugement en date du 23 mai 2006,

— Ordonner la restitution à la société Julou Compagnie de l’ensemble des sommes versées à la société B TOKI,

— Prononcer la nullité de la marque 29 déposée par la société BIL TOKI le 25 août 1998 sous le numéro 98747296;

2.2. Constater le caractère déceptif de la marque 29 déposée par la société BIL TOKI,

Ce faisant,

— Infirmer le jugement en date du 23 mai 2006,

— Prononcer la nullité de la marque 29 déposée le 25 août 1998 sous le numéro 98747296,

2.3. Constater que la marque 29 déposée par la société BIL TOKI le 25 août 1998 sous le numéro 98747296 n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux répondant aux exigences de l’article L. 714-4 du CPI,

Ce faisant,

— Infirmer le jugement en date du 23 mai 2006,

— Ordonner la restitution à la société Julou Compagnie de l’ensemble des sommes versées à la société B TOKI,

— Prononcer la déchéance des droits de la société BIL TOKI et de Monsieur Olivier M sur ladite marque 29 ;

3. Subsidiairement,

— Constater que la société BIL TOKI n’apporte pas la preuve d’un risque de confusion entre la marque 29 n° 98747296 qu’elle a déposée le 25 août 1998 et les tee-shirts de la société concluante portant le numéro 29,

Ce faisant,


- Infirmer le jugement entrepris,

— Dire et juger que la société Julou Compagnie n’a pas contrefait la marque 29 de la société BIL TOKI et Monsieur Olivier M,

— Ordonner la restitution à la société Julou Compagnie de l’ensemble des sommes versées à la société B TOKI,

4. Très subsidiairement,

— Constater que la société BIL TOKI ne démontre pas le préjudice dont elle se prétend victime par suite des prétendus actes de contrefaçon de la société concluante,

En conséquence,

— Infirmer le jugement entrepris,

— Ordonner la restitution à la société Julou Compagnie de l’ensemble des sommes versées à la société B TOKI,

5. Reconventionnellement,

— Constater le caractère abusif de la procédure entreprise par la société BIL TOKI,

En conséquence,

— Condamner in solidum la société BIL TOKI et Monsieur Olivier M à verser à la concluante une somme de 190.000 euros en réparation du préjudice subi par suite de cette procédure abusive ;

6. Condamner in solidum la société BIL TOKI et Monsieur Olivier M à verser à la société concluante une somme de 20.217,37 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

7. Condamner in solidum la société BIL TOKI et Monsieur Olivier M aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Niedecker Prieu-Philippot.

Le Conseil Général du Finistère, agissant pour le compte du département du Finistère, demande à la Cour de :

— Infirmer le jugement en date du 23 mai 2006,

— Prononcer la nullité de la marque 29 déposée par la société Bil Toki le 25 août 1998 sous le numéro

98747296 en raison de la fraude commise lors du dépôt de la marque 29 par la société BIL TOKI,

— Constater la nullité de la marque 29 par suite de la violation des dispositions de l’article L. 711-4 h du CPI,

— Débouter la société BIL TOKI de l’ensemble de ses demandes, prétentions, fins et conclusions,

— Condamner in solidum la société BIL TOKI et Monsieur Olivier M à lui verser une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

— Condamner in solidum la société BIL TOKI et Monsieur Olivier M aux entiers dépens dont distraction au profit de la sep Niedecker Prieu-Philippot.

Par conclusions déposées le 18 mars 2011, la SAS B TOKI et Monsieur Olivier M, cessionnaire de la marque qui se joint à l’intimée, estiment qu’après l’arrêt de la cour de cassation, la discussion sur le caractère distinctif de la marque est close.

La marque n’avait pas pour objet de promouvoir les produits spécifiques du Finistère donc dans la mesure où la marque ne tend pas à décrire un lieu de fabrication, elle ne cherche pas à tromper les consommateurs sur la provenance des produits et ne peut donc être considérée comme déceptive.

Il y aurait donc lieu de considérer que le débat se circonscrit pour l’essentiel à la constatation faite par le Tribunal (et non la Cour) de ce qu’il ne peut être reproché à la société BIL TOKI d’avoir cherché par avance à utiliser le protectionnisme économique permis par le code de la propriété intellectuelle. La société JULOU COMPAGNIE soutient qu’en se réservant un accès privilégié au marché potentiel que sont les départements à forte identité culturelle la SAS B TOKI commettrait une fraude. La SAS B TOKI le conteste car elle n’a jamais voulu se réserver un accès privilégié et monopolistique au marché local, contrairement à l’appréciation sui généris faite par le tribunal.

Elle souhaite seulement se réserver la marque semi figurative composée d’un chiffre et d’un cercle. Si la Cour de Cassation a, à juste titre, sanctionné le Tribunal en ce qu’il avait donné une interprétation non-conforme à la loi en terme de protectionnisme économique, le dépôt de la marque 29 entourée d’un cercle n’en était pas moins licite et non frauduleux.

Sur la demande nouvelle de déchéance de la marque, la SAS B TOKI revendique l’irrecevabilité de la demande et son caractère non fondé puisqu’elle justifie d’un usage constant et sérieux au sens de l’article L 714-5: l’exigence d’un usage pendant une période ininterrompue de 5 ans n’exclut pas qu’un usage débuté postérieurement à la cinquième année après l’enregistrement valide rétroactivement la marque si elle n’a pas fait l’objet d’une action en déchéance pour défaut d’exploitation. Or à ce jour, aucune action en déchéance n’a été engagée, la seule demande de déchéance résultant des conclusions récemment notifiées par la société JULOU COMPAGNIE devant la Cour.

Sur la contrefaçon, la SAS B TOKI fait valoir que la marque utilisée par la SOCIETE JULOU COMPAGNIE est soit une reproduction à l’identique de la marque BIL TOKI, soit une imitation de celle-ci susceptible de créer un risque de confusion dans l’esprit du public.

La SAS B TOKI fait valoir que son préjudice est important compte tenu de la campagne de dénigrement menée par JULOU ET COMPAGNIE («'les basques s’en prennent aux bretons'») et en tentant de déposer les marques 35 et 56.

La SAS B TOKI demande à la Cour de :

— Confirmer en son principe le jugement dont appel et ce par substitution de motifs,

— Constater, dire et juger que le dépôt de la marque 29 effectué par la société BIL 10KI ne revêt aucun caractère frauduleux.

— Constater, dire et juger que la marque 29 ne présente aucun caractère déceptif,

— Constater, dire et juger l’exploitation de la marque 29 par la société BIL TOKI,

— Constater, dire et juger que la demande de déchéance des droits de la société BIL TOKI est irrecevable pour être formulée pour la première fois en cause d’appel,

— Constater, dire et juger en tout état de cause l’exploitation de la marque avant et après la demande de déchéance,

— Constater, dire et juger la contrefaçon commise par la société JULOU COMPAGNIE,

— Confirmer l’ensemble des condamnations prononcées par le Tribunal,

— Réformer sur le quantum les dommages et intérêts alloués à la société BIL TOKI,

— Condamner la société JULOU COMPAGNIE au paiement de la somme de 50 000 €en réparation du préjudice subi par la société BIL TOKI,

— Condamner la Société JULOU COMPAGNIE au paiement de la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens de la présente procédure,

— Autoriser le recouvrement direct des dépens au profit de son avoué en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRÊT

I – Sur la nullité du jugement pour violation du contradictoire.

Il n’est pas contesté que le premier juge a accepté de recevoir les notes en délibéré produites par la SAS B TOKI , même si le jugement indique que ces notes n’ont pas

affecté la décision. Or, ces notes en délibéré n’avaient pas pour objet de répondre au ministère public ni de déférer à une demande du président. En application de l’article 445 du Code de procédure civile, le premier juge en a fait état alors qu’il aurait du les déclarer irrecevables. La nullité du jugement doit donc être constatée.

Le fait que le contenu des notes en délibéré soit maintenant soumis à l’appréciation de la Cour ne peut influer sur cette nullité, ne constituant qu’une régularisation tardive.

En application de l’article 562 du code de procédure civile, la Cour après annulation du jugement est saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel.

II – Sur l’irrecevabilité de la SAS B TOKI par suite du caractère déceptif de la marque,

A l’appui de son exception d’irrecevabilité, la société JULOU COMPAGNIE invoque l’article L. 711-3 du Code de la Propriété Intellectuelle aux termes duquel «'ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe : c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. ». Elle fait valoir que la société intimée a toujours communiqué, s’agissant de la marque 64, sur le lien fort existant entre le département éponyme et ses produits, que de très nombreuses sociétés du Finistère, pour revendiquer leur origine et leur appartenance, mettent en avant le numéro 29 et que, dans ce contexte, le consommateur est invité à croire que les tee-shirts 29 disponibles sur le site de la société 64 sont fabriqués dans le Finistère.

Cependant, c’est à juste titre que la SAS B TOKI réplique que la marque n’avait pas pour objet de promouvoir les produits spécifiques du Finistère ni d’indiquer la provenance des produits et qu’elle ne cherchait donc pas à tromper les consommateurs sur la provenance des produits. Tel n’est pas le cas s’agissant de vêtements banals fabriqués en n’importe quel lieu géographique français ou étranger. Ainsi un chiffre, et en l’occurrence le chiffre 29, est parfaitement distinctif pour ce type de produit.

III – Sur la demande du Département du Finistère de constater la nullité de la marque 29 par suite de la violation des dispositions de l’article L. 711-4 h du CPI.

L’article L 711-4 du CPI interdit le signe qui porte atteinte «‘notamment. … au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale'». Le Conseil général du Finistère soutient que l’atteinte à ses droits résulte de l’impossibilité pour lui d’utiliser le chiffre 29.

Cependant il ne résulte d’aucun élément de la cause que la société BIL TOKI porte atteinte au nom, à l’image ou a la renommée du Finistère en utilisant la marque 29 sur des tee-shirts, des polos ou des chemises qui sont

au surplus de qualité très convenable; l’atteinte aux droits d’une collectivité territoriale sur son nom n’est constituée que pour autant que celle-ci établisse que l’usage du

signe contesté entraîne un risque de confusion avec ses propres attributions ou est de nature à lui porter préjudice ou à porter préjudice à ses administrés.

La demande de nullité du Département du Finistère sera donc rejetée.

IV – Sur la fraude commise lors du dépôt de la marque.

La société JULOU COMPAGNIE et le Département du Finistère demandent de prononcer la nullité de la marque 29 déposée le 25 août 1998 sous le numéro 98747296 et la société JULOU COMPAGNIE demande également de prononcer la déchéance des droits de la société BIL TOKI et de Monsieur Olivier M sur ladite marque 29 pour défaut d’exploitation en invoquant des moyens qui viennent à l’appui de la demande de nullité.

La société JULOU COMPAGNIE et le Département du Finistère font en premier lieu valoir que est nul le signe ou la dénomination qui a fait l’objet d’un dépôt frauduleux, notamment parce qu’il s’agit d’une marque de barrage uniquement destinée à rendre le signe indisponible aux tiers qui ont un intérêt légitime à l’utiliser. Ils invoquent également le défaut d’exploitation sérieuse du signe 29 à titre de marque.

L’aptitude d’un chiffre à être déposé en tant que marque ne fait pas de doute mais l’usage qui est prévu d’en faire ou qui en est fait doit remplir la fonction essentielle de la marque qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou services commercialisés. La marque sert à identifier le produit ou le service auprès de la clientèle et un usage du signe à un titre autre que celui attaché à la fonction de la marque ne peut être retenu comme constituant un usage sérieux à titre de marque.

Ces principes induisent l’obligation de vérifier si l’usage que la société BIL TOKI entendait faire de la marque 29 était un usage sérieux à titre de marque.

Alors que l’arrêt de la CJCE du 11 mars 2003 (Ansul) exclut de retenir comme un usage sérieux une exploitation purement symbolique n’ayant pour objet que de maintenir les droits conférés par la marque, il est tout d’abord constant, ainsi que l’a constaté le premier juge que l’usage de la marque 29 s’est révélé sporadique et peu important pour des produits de grande consommation comme les tee shirts. Cet usage, n’ayant débuté qu’en juillet 2004 alors que la marque a été déposée en 1998, n’est justifié que par des factures de 2004 (501 tee-shirts) et une exploitation par site internet dont le poids économique est difficile à apprécier. Les autres factures produites sont postérieures aux échanges de lettres entre les parties en date des 24 janvier 2005 et 2 février 2005.

En définitive, c’est à bon droit que les appelants soutiennent que le seul usage dont la société BIL TOKI est susceptible de se prévaloir est la fabrication de 501 tee- shirts, dont elle n’a jamais prouvé qu’ils étaient proposés à la vente dans l’un quelconque de ses magasins avant le présent litige.

Cet usage est de plus effectué sous la bannière de la marque 64 qui apparaît comme la réelle marque d’identification des produits commercialisés par la société BIL TOKI anciennement nommée SARL 64.

La société BIL TOKI ne le conteste pas reconnaissant que la marque 64 est la marque centrale de la commercialisation mais soutenant que ce n’est pas parce qu’une marque est plus utilisée qu’une autre que le caractère frauduleux d’un dépôt est caractérisé.

Mais en l’espèce, le chiffre 69 a été utilisé par B TOKI comme un logo décoratif et non à titre de marque. En effet, sur le site internet de la société BIL TOKI vendant les tee shirts portant le chiffre 69, les tee shirts sont appelés «'logo 69'» et la marque du produit est identifiée comme étant la marque 64, «'la marque au logo évocateur et du pays basque'». Les tee- shirts portent au cou une étiquette portant uniquement la marque 64 dans un cercle et l’étiquette de code barres porte également uniquement la marque 64. Il s’agit pour le moins d’un usage équivoque du chiffre 29 à titre de marque.

La société BIL TOKI affirme que jamais elle n’a imaginé et encore moins entrepris d’action contre des personnes qui utilisaient le chiffre 29 en dehors de celles qui reproduiraient à l’identique la marque 29 entourée d’un cercle sur des articles textiles. Pourtant, dans ses conclusions en première instance, elle reprochait à la SARL JULOU COMPAGNIE l’utilisation, non seulement du chiffre 29 dans un cercle mais du «'chiffre 29 en caractère arrondis, très proche de ceux déposés'» et elle a obtenu que le jugement dont appel interdise à la société JULOU COMPAGNIE de commercialiser des produits «représentant seul ou en association avec d’autres éléments graphiques ou figuratifs le nombre 29 en chiffres arabes'».

Le premier juge ne pouvait donc se satisfaire d’une exploitation strictement limitée à un faible volume juste suffisant, selon lui, pour éviter la déchéance de la marque pour non-utilisation.

En l’espèce, le droit de marque n’a pas été constitué et utilisé pour distinguer des produits ou des services en identifiant leur origine, mais se trouvait détourné de sa fonction dans le but de se réserver, par l’appropriation d’un signe identifiant un département, un accès privilégié et monopolistique à un marché local au détriment des autres opérateurs empêchés d’entrer sur le marché.

La marque 29 déposée le 25 août 1998 sous le numéro 98747296 sera en conséquence annulée.

V – Sur la déchéance.

Même si la demande n’est pas nouvelle, il ne sera pas statué sur la déchéance des droits de la société BIL TOKI de la marque 29 n° 98 747296 pour défaut d’exploitation sérieuse, la déchéance n’étant encourue que si la marque est valide. En application de l’ article L 712-6 du Code de la propriété intellectuelle, un dépôt de marque effectué de manière frauduleuse ne peut conférer un titre de protection valable au profit du déposant.

VI – Sur la contrefaçon.

Pour les mêmes raisons, la marque 29 déposée le 25 août 1998 sous le numéro 98747296 étant annulée, il n’y a pas lieu non plus de statuer sur la contrefaçon de cette marque reprochée à JULOU COMPAGNIE.

VII – Sur la demande de dommages et intérêts formulée par la société JULOU COMPAGNIE.

La société JULOU COMPAGNIE demande, sur le fondement du caractère abusif de la procédure entreprise par la société BIL TOKI, de la condamner in solidum avec Monsieur Olivier M à lui verser une somme de 190.000 euros en réparation du préjudice subi par suite de cette procédure abusive.

Dans la mesure où, notamment, le bon droit de la société BIL TOKI avait été reconnu en première instance et devant la Cour d’appel, le caractère abusif de la procédure n’est pas établi. De plus, les pièces produites sont insuffisantes à établir un tel préjudice alors que le chiffre d’affaires de la société a progressé de manière importante. La demande sera donc rejetée.

Sur la demande de restitution des sommes versées à la société BIL TOKI en vertu de l’exécution provisoire du jugement entrepris, il convient de rappeler que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire du jugement infirmé, qui porteront intérêts au taux légal à compter de la signification de cette décision valant mise en demeure, en vertu de l’article 1153 du Code civil.

Il sera en revanche fait application de l’article 700 au profit de la société JULOU COMPAGNIE et du Département du Finistère.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Prononce la nullité du jugement en date du 23 mai 2006,

Et statuant de nouveau sur l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel,

Prononce la nullité de la marque 29 déposée par la société BIL TOKI le 25 août 1998 sous le numéro 98747296,

Déboute la société BIL TOKI de l’ensemble de ses demandes, prétentions, fins et conclusions, Déboute la société JULOU COMPAGNIE de sa demande en réparation du préjudice subi pour procédure abusive,

Condamne in solidum la société BIL TOKI et Monsieur Olivier M à verser à la société JULOU COMPAGNIE une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société BIL TOKI et Monsieur Olivier M à verser au Département du Finistère représenté par le Conseil général du Finistère la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société BIL TOKI et Monsieur Olivier M aux entiers dépens,

Autorise le recouvrement direct des dépens au profit des avoués de la cause en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

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Cour d'appel de Toulouse, 2eme chambre section 2, 31 mai 2011, n° 09/04200