Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 6 juillet 2017, n° 17/01715

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 3e ch., 6 juill. 2017, n° 17/01715
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 17/01715
Décision précédente : Tribunal de commerce de Toulouse, 22 février 2017, N° 2016R725
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

06/07/2017

ARRÊT N° 505/2017

N° RG: 17/01715

XXX

Décision déférée du 23 Février 2017 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE ( 2016R725)

C. BASTIDE

SA AXA FRANCE IARD

C/

SARL Z A

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3e chambre

***

ARRÊT DU SIX JUILLET DEUX MILLE DIX SEPT

***

APPELANTE

SA AXA FRANCE IARD Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Eric-gilbert LANEELLE de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SARL Z A

XXX

40190 PUJO-LE-PLAN

Représentée par Me Alice TERRASSE, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat postulant, et par Me Carole CAYSSIALS, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Juin 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BELIERES, Président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BELIERES, président

A. BEAUCLAIR, conseiller

D. BENON, conseiller

Greffier, lors des débats : A. LLINARES

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. BELIERES, président, et par A. LLINARES, greffier de chambre

Exposé des faits et procédure

La Société Sobebo, mandataire d’un groupement momentané d’entreprises, a réalisé pour le compte des Ateliers Industriels de l’Aéronautique – Ministère de la Défense (Aia) la construction de deux bassins de rétention d’eau à ciel ouvert à Cestas (33) ; elle était notamment en charge de l’exécution des ouvrages de béton armé pour laquelle elle avait loué à la Société Matebat un ensemble de banches de fabrication Sateco.

En voulant procéder au calage d’un about de coffrage latéral contenant le béton liquide non durci entre les deux banches, M. X, chef de chantier, s’est appuyé contre le garde-corps de la plate-forme qui a basculé, provoquant sa chute d’une hauteur de 2 m 80 et de graves blessures qui ont justifié l’attribution d’un taux d’incapacité permanente de 33% selon la législation sur les accidents du travail.

L’examen du garde-corps a montré une rupture des deux soudures des montants qui le maintenaient en position verticale.

Les réunions d’expertise amiable qui se sont déroulées sur le site de l’Aia au contradictoire des sociétés Sobebo, Matebat et Sateco et des assureurs de ces dernières, les sociétés Allianz et Axa, n’ont conduit à aucun consensus.

Par acte du 5 février 2016, la société Sobebo, exposée à un éventuel recours de son salarié afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices corporels, a fait assigner la société Matebat et la Sa Axa France Iard devant le président du tribunal de commerce de Toulouse statuant en référés aux fins d’obtenir une mesure d’expertise judiciaire technique afin de déterminer les causes du basculement soudain du garde corps de la banche et, plus généralement, les conditions dans lesquelles l’accident de M. X a pu survenir.

Par ordonnance en date du 31 mars 2016, M. Y a été désigné en qualité d’expert.

Par acte d’huissier en date du 17 novembre 2016, la Sa Axa France Iard a fait assigner la Sarl Z A, titulaire d’une mission de coordination SPC en matière de sécurité et prévention des risques d’accident, devant le président du tribunal de commerce de Toulouse statuant en référés aux fin d’entendre déclarer la mesure d’instruction commune et opposable à cette société.

Par ordonnance du 23 février 2017, cette juridiction a

— débouté la société Axa France Iard de l’ensemble de ses demandes,

— condamné cet assureur à payer à la Sarl Z A la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Pour statuer ainsi, elle a considéré que 'la Sa Axa ne rapporte pas la preuve que la Sarl Z A en charge d’une mission de coordination SPS ait été citée en recherche d’une éventuelle responsabilité, tant par le technicien désigné que par les autre parties, que sa présence sur le chantier ne constitue pas un motif à ce que les opérations d’expertise lui soient dites communes et opposables.'

Par acte du 20 mars 2017, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Sa Axa France Iard a interjeté appel général de cette décision.

Moyens des parties

La Sa Axa France Iard demande dans ses conclusions du 27 avril 2017 de

— constater que la Sarl Z A était chargée de veiller au respect des règles de sécurité lors de l’accident du travail sur lequel portent les opérations d’expertise confiées à Monsieur Y,

— réformer l’ordonnance,

— déclarer commune et opposable à la Sarl Z A, l’expertise confiée à M. Y,

— condamner la Sarl Z A à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Elle fait valoir que les faits litigieux portant sur un grave accident du travail, la présence à l’expertise de la Sarl Z A s’impose avec toute l’évidence fondant la compétence du juge des référés.

Elle rappelle que le coordonnateur SPS veille au respect des principes de prévention définis au code du travail et plus particulièrement, en matière de risque de chute, en ses articles R 4313-16 et R 4323-99, que la Sarl Z A n’a jamais contesté avoir assuré cette mission

Elle indique qu’afin d’éviter les risques de chute, l’arrêté du 22 octobre 2009 et les articles R 4313-16et R 4323-99 du code du travail imposent au loueur de procéder à des vérifications générales périodiques afin que soit décelée en temps utile toute défectuosité susceptible d’être à l’origine de situations dangereuses, et de les consigner dans une fiche de gestion remise lors de la mise à disposition du matériel, ce que la société Matebat s’est abstenue de faire, ayant reconnu n’avoir rédigé aucune fiche d’entretien alors que la fiche technique établie par le fabricant, la société Sateco, recommande une vérification du bon état de conservation tous les12 mois et un examen d’épreuve statique avant chaque changement de site.

Elle précise que les premières investigations expertales tendent à établir qu’un défaut de solidarité d’une soudure serait à l’origine de l’accident, ce qui a conduit l’expert a solliciter un délai complémentaire dans l’attente des analyses en laboratoire.

Elle fait remarquer que le matériel acquis par la société Matemat en janvier 2006 a servi sur de nombreux chantiers jusqu’en 2014, que lors de la visite du chantier, l’état de vétusté des banches, qui ne pouvait échapper au coordinateur sécurité, aurait dû l’inciter à solliciter la communication des certificats de vérification.

Elle en déduit que, dès lors que la Sarl Z A était chargée de veiller au respect des règles de sécurité dans le cadre du suivi des travaux, sa présence est indispensable aux opérations d’expertise.

La Sarl Z A sollicite dans ses conclusions du 30 mai 2017 de

— constater l’absence de motif légitime à ce que les opérations d’expertise lui soient rendues communes et opposables,

— débouter la Sa Axa de sa demande,

— confirmer l’ordonnance,

— condamner la Sa Axa à lui régler la somme de 2.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l’instance.

Elle fait valoir que l’existence à son égard d’un motif légitime à la mesure d’expertise n’est pas démontrée.

Elle indique que les articles R 4313-16 et R 4323-99 du code du travail se rapportent aux obligations imposées à l’employeur ou au loueur et ne concernent nullement le coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé.

Elle souligne que son rôle ne s’étend pas à la prévention de tous les risques susceptibles d’intervenir sur un chantier, que sa mission est définie par l’article L 4532-2 du code du travail qui prévoit 'une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs est organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses, afin de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives et de prévoir, lorsqu’elle s’impose, l’utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives'.

Elle soutient qu’il s’agit donc de coordonner les intervenants sur un chantier afin de prévenir les risques dit 'exportés’ et non ceux qui sont propres, comme en l’espèce, à l’entreprise, que le coordonnateur n’est pas en charge du suivi matériel et des obligations réglementaires s’imposant à l’entreprise comme la maintenance des équipements, la formation de son personnel ou le respect de ses procédures de travail, raison pour laquelle l’article L 4532-6 du code du travail précise que l’intervention du coordonnateur ne modifie ni la nature ni l’étendue des responsabilités qui incombent, en application des autres dispositions du présent code, à chacun des participants aux opérations de bâtiment et de génie civil.

Elle fait remarquer que la Sa Axa n’indique nullement quels pourraient être les autres fondements de sa demande, que si elle semble reprocher aux sociétés Matebat et Sodebo l’absence de vérifications générales périodiques des banches litigieuses, elle n’établit nullement que le coodonnateur SPS aurait contrevenu à une obligation légale de vérification lui incombant.

Elle rappelle que si le juge peut accueillir une demande fondée sur l’article 145 du code de procédure civil sans être tenu de caractériser l’existence d’un motif légitime au regard de chacun des différents fondements juridiques envisagés par le demandeur, il n’en doit pas moins constater l’existence d’un tel motif au regard de l’un ou l’autre de ces fondements et affirme qu’en l’espèce, l’indication d’un fondement juridique pertinent fait défaut, ce qui doit conduite au rejet de la demande.

Elle prétend que cette solution s’impose d’autant plus que la Sa Axa ne fournit aucun élément permettant d’établir le caractère utile de la mesure sollicitée, aucune note de l’expert, aucun dire à expert, aucun avis de l’expert n’étant produit, ce qui atteste du caractère dilatoire de la demande en vue de retarder le dépôt de conclusions expertales défavorables, d’autant qu’en vertu de l’article 245 alinéa 3 du code de procédure civile, le juge ne peut, sans avoir préalablement recueilli les observations du technicien commis, étendre la mission de celui-ci ou confier une mission complémentaire à un autre technicien.

Motifs de la décision

En vertu de l’article 145 du code de procédure civile, une mesure d’instruction peut être ordonnée à la demande de tout intéressé s’il existe un motif légitime d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Une expertise a été prescrite à la demande de la société Sodebo dans une instance l’opposant à la Sarl Matebat Aquitaine, à la Sas Soteco et à leurs assureurs par ordonnance de référé du 31 mars 2016 qui a confié à un technicien judiciaire la mission notamment de vérifier l’existence des désordres affectant la banche litigieuse, de rechercher et identifier les causes du basculement soudain du garde corps de la banche, de la rupture des soudures, de vérifier si la conception du dispositif de verrouillage du garde corps en position verticale est suffisant pour assurer la stabilité de cet équipement au regard des règlements de sécurité, de vérifier quelles ont été les opérations de maintenance du matériel réalisées par le loueur Matebat et de dire si elles étaient suffisantes et conformes aux règles de sécurité, d’analyser et donner un avis sur les recommandations de montage du fabricant Sateco, de fournir à la juridiction tous éléments de nature à lui permettre de se prononcer sur les responsabilités encourues en précisant à quels fournisseurs ou intervenants ces désordres sont imputables et dans quelles proportions…., décision qui n’a fait l’objet d’aucun recours.

L’appel qui fonde la saisine de la cour est relatif à une autre ordonnance de référé en date du 23 février 2017 qui tend, à la seule requête de la Sa Axa en sa qualité d’assureur de la Sas Sateco suivant assignation du 17 novembre 2016, à voir déclarer communes ces opérations d’expertise à la Sarl Z A.

Il existe un motif légitime d’y faire droit, dès lors que son objet est de rendre opposable la mesure d’instruction, qui est toujours en cours, au coordonnateur SPS en matière de sécurité et prévention des risques d’accident.

Cette société est intervenue sur le chantier dans le cadre d’une mission de coordonnateur chargé légalement de veiller au respect des normes de sécurité et d’hygiène dès lors qu’au moins deux entreprises participent à la réalisation des travaux de construction.

Sa mission concerne strictement la prévention et la sécurité des travailleurs ; or, la mesure d’instruction a pour objet de déterminer l’origine de la grave chute d’un salarié travaillant sur le chantier, la survenance même de l’accident établissant que la sécurité n’a, de fait, pas été assurée.

Le fait que pèsent sur tel ou tel participant à l’opération de construction, notamment l’entrepreneur, le fournisseur ou le fabricant de matériel, des obligations en matière de sécurité ne dispense pas tel ou tel autre de respecter lui-même les règles qui lui ont spécifiques dans le cadre de sa mission propre.

Il n’est pas de nature, à lui seul, à dénier l’utilité de la présence de la Sarl Z A aux opérations d’expertise dès lors que l’étendue exacte de la mission confiée ne permet pas d’écarter, de façon suffisamment évidente, tout rôle quelconque en lien avec la sécurisation du chantier.

Ces éléments suffisent à caractériser l’intérêt légitime pour la Sa Axa à appeler aux opérations d’expertise le coordonnateur SPS.

En effet, si la mise en oeuvre de l’article 145 du code de procédure civile ne se conçoit qu’en prévision d’un possible litige, elle n’exige pas que le fondement et les limites d’une action future, par hypothèse incertaine, soient déjà fixés.

Ce motif existe dès lors que l’éventuelle action au fond n’est pas manifestement vouée à l’échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu’elle est utile et améliore la situation probatoire des parties et qu’elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes des intimés.

Comme en raison de sa nature même, l’extension de ces opérations d’expertise ne préjudicie en rien aux droits de la partie appelée en cause, les objections de la Sarl Z A, qui anticipent le débat à venir sur le fond qu’aucune donnée actuelle ne permet de considérer ni comme purement artificiel ni comme manifestement dépourvu de toute crédibilité, doivent être écartées.

La Sarl Z A ne peut, pour s’y opposer, invoquer les dispositions de l’article 245 alinéa 3 du code de procédure civile qui ne sont pas applicables comme visant une extension des termes de la mission elle-même, alors qu’il s’agit simplement, en l’espèce, de la rendre opposable à un autre partie intervenue sur le chantier.

L’élargissement des opérations d’expertise est, d’ailleurs, de nature à éviter toute difficulté ultérieure de respect du principe du contradictoire.

L’ordonnance sera donc infirmée.

La partie défenderesse à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne pouvant être qualifiée de partie perdante au sens des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la Sa Axa supportera les dépens de première instance et d’appel.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Sarl Z A.

Par ces motifs

La Cour,

— Infirme l’ordonnance,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

— Déclare communes à la Sarl Z A les opérations d’expertise confiées à M. Y par ordonnance du 31 mars 2016,

— Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de cette société,

— Condamne la Sa Axa France Iard aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

A. LLINARES C. BELIERES.

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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