Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 4 octobre 2019, n° 19/00737

  • Presse·
  • Contrats·
  • Abonnés·
  • Sociétés·
  • Journal·
  • Diffusion·
  • Titre·
  • Travail·
  • Indemnité kilométrique·
  • Distribution

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 4 oct. 2019, n° 19/00737
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/00737
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Périgueux, 19 juillet 2015
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

04/10/2019

ARRÊT N°2019/654

N° RG 19/00737 – N° Portalis DBVI-V-B7D-MY6J

Décision déférée du 20 Juillet 2015 – Conseil de Prud’hommes de PERIGUEUX

Y X

C/

SARL CHARENTES ANGOULEME DIFFUSION PRESSE

IMFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANT

Monsieur Y X

[…]

[…]

représenté par Me Françoise FAURIE, avocat au barreau de BORDEAUX,

ayant pour avocat postulant Me Robert RIVES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SARL CHARENTES ANGOULEME DIFFUSION PRESSE

[…]

[…]

représentée par la SELAS CABINET FREDERIC BAUSSET, avocat au barreau de CHARENTE substituée par Me Caroline LAPIOS, avocat au barreau de CHARENTE

ayant pour avocat postulant la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Juillet 2019, en audience publique, devant , M. B et C.PAGE chargés d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. B, président

C. PAGE, conseiller

J.C. GARRIGUES, conseiller

Greffier, lors des débats : B. COUTTENIER

Lors du prononcé : C.DELVER

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par M. B, président, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS ' PROCÉDURE ' PRÉTENTIONS

Le 25 octobre 2013, M. Y X a signé avec la Sarl à associé unique Charente Angoulème Diffusion Presse (société CADP) un contrat en qualité de vendeur colporteur de presse moyennant la perception par ce dernier de commissions et le remboursement de ses frais kilométriques.

Le 12 juin 2014, M. X a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception à la société CADP.

Le 30 octobre 2014, M. X a saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir requalifier le contrat en contrat de travail et condamner la société CADP à lui payer diverses sommes.

Par jugement du 20 juillet 2015, le conseil de prud’hommes de Périgueux a débouté M. X de sa demande de requalification du contrat de commission et s’est déclaré incompétent au profit de tribunal de grande instance de Périgueux pour le surplus des demandes.

Statuant sur contredit, par arrêt en date du 22 février 2017, la cour d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement dans toutes ses dispositions.

Sur pourvoi formé par M. X le 24 avril 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation a, par arrêt du 9 janvier 2019, cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 22 février 2017 et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Toulouse.

La haute juridiction a considéré qu’en confirmant la décision d’incompétence 'par des motifs exclusivement tirés des clauses du contrat, la cour d’appel, qui n’a pas recherché, comme elle y était invitée, si , au regard des conditions de fait dans lesquelles s’exerçait l’activité, M. X n’était pas tenu de respecter les directives de son commettant concernant les horaires de livraison, l’ordre de la tournée, et la clientèle visitée, sur un secteur fixé et modifié unilatéralement par ce dernier, sans disposer d’exemplaires supplémentaires, a privé sa décision de base légale'.

— :-:-:-:-

Par déclaration du 4 février 2019 parvenue au greffe de la cour d’appel de Toulouse, M. X a saisi la cour d’appel de Toulouse aux fins de voir examiner son appel après le renvoi de cassation.

— :-:-:-:-

Par ses dernières conclusions du 12 juin 2019 et oralement reprises à l’audience, M. Y

X a demandé à la cour de :

— juger que le contrat de commissions en date du 25 octobre 2013 liant la société CADP a Monsieur

X, est un contrat de travail, et prononcer sa requalification,

— juger qu’en s’abstenant de régler au salarié les sommes qui lui étaient dues au titre de ce contrat tant au titre des salaires, que des heures supplémentaires, des congés payés

et des indemnités kilométriques lui revenant, l’employeur a déloyalement exécuté ses obligations à l’égard du salarié et qu’il doit supporter la responsabilité de la rupture du contrat,

— juger par conséquent que la rupture du contrat intervenue à l’initiative de l’employeur suivant courrier du 27 juillet 2016, est irrégulière et abusive et qu’elle constitue un licenciement dépourvu de cause,

— condamner la société CADP à lui payer les sommes suivantes :

* 6 572,52 € à titre de rappels de salaires pour les heures de nuit,

* 207,93 € à titre de rappel de salaire pour le travail durant les jours fériés,

* 10 962,93 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires liées à l’attente,

* 3.263,76 € à titre de préavis et congés payés sur préavis,

* 1 497,19 € à titre d’indemnité de licenciement,

* 5 379,50 € à titre de congés payés,

* 11 682,33 € au titre du travail dissimulé,

* 26 318,86 € au titre des indemnités kilométriques,

— condamner la société CADP à lui remettre, sous astreinte de 500 € par jour de retard, courant à compter de la notification de la décision à intervenir, des bulletins de salaires réguliers à compter du 26 octobre 2013, et jusqu’a la date de rupture du contrat.

— condamner la société CADP à lui payer en outre les sommes de :

* 5 000 € à titre de dommages et intérêts en raison de I’absence de repos compensateur,

* 15 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel résultant de la rupture abusive de son contrat,

* 5 000 € à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral,

— condamner la société CADP à lui remettre , sous astreinte de 500 € par jour de retard, à compter de la décision à intervenir, les documents de fin de contrat de travail qui lui reviennent,

— condamner la société CADP à lui payer une indemnité de 15 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société CADP aux entiers dépens.

M. X a soutenu qu’il ne saurait être considéré comme un travailleur indépendant au sens des dispositions de l’article 22 de la loi n° 91-1 du 3 janvier 1991, modifié par la loi n°2009-431 du 20 avril 2009 en son article 6 relatif aux vendeurs colporteurs de presse et aux vendeurs de presse, loi spéciale dérogeant au principe général de sorte qu’il existe deux modes d’exercice de cette profession, l’un en travailleur indépendant, l’autre en qualité de salarié.

Pour retenir cette deuxième qualification, M. X a expliqué que le lien de subordination qui caractérise la qualité de salarié était démontré par :

— l’attribution d’un secteur géographique pour la distribution des journaux Sud-Ouest, La Dordogne Libre et Sud-Ouest Dimanche sans aucune exclusivité et ainsi susceptible d’être modifiée pour des raisons d’organisation, prérogative de l’employeur que la société CADP a exercée en modifiant de façon autoritaire l’affectation d’abonnés sur le secteur voisin,

— l’absence de liberté pour organiser ses tournées et en définir le contenu dès lors qu’il lui était remis périodiquement une liste de distribution avec un ordre de livraison et des feuilles de route contredisant les termes de l’article 4 du contrat prévoyant une liberté d’organisation,

— la liste de distribution mentionne le nombre précis de journaux à distribuer sans exemplaire supplémentaire autre que pour combler une éventuelle erreur, ne permettant pas une prospection indépendante ou la vente sur la voie publique et l’appelant n’ayant pu faire à une exception près que des renouvellements d’anciens abonnés,

— les horaires à respecter imposés pour se rendre chaque nuit dans un dépôt pour attendre la livraison des journaux avec des feuilles de route extrêmement précises,

— les congés n’ont pu être pris depuis 2014 et que sa demande de congés sollicitée le 4 juillet 2016 a été l’occasion prise par la société CADP pour rompre le contrat en se fondant sur une clause artificielle de celui-ci imposant au vendeur colporteur de presse de rechercher lui-même un remplaçant pour affranchir la société de presse de ses obligations d’employeur,

— la vente accessoire et marginale de calendriers mis à disposition des vendeurs moyennant paiement n’est pas de nature à modifier la qualification devant être donnée au contrat mais résulte d’une coutume ancienne, les sommes récoltées étant considérées comme des étrennes,

— l’obligation de rendre des comptes était incluse dans les termes du contrat.

M. X a soutenu que la rupture du contrat doit être retenue aux torts de la société CADP aux motifs que celle-ci n’a pas réglé les indemnités kilométriques au tarif fiscal en vigueur au mépris des subventions versées par l’État aux dépositaires, le montant complet des 'commissions’ conforme au minimum légal notamment en matière de travail de nuit, les congés payés, primes et autres avantages liés à la relation contractuelle relevant de la qualification de contrat de travail.

****

Par ses dernières conclusions déposées le 1er juillet 2019, l’Eurl Charente Angoulème Diffusion Presse (société CADP) a demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

— a déclaré qu’il n’existait pas de contrat de travail entre M. X et la société CADP,

— s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Périgueux.

La société CADP a demandé la condamnation de M. X à lui payer la somme de 7 000 euros 'à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile' ainsi qu’aux dépens.

La société CADP a rappelé que la loi n° 91-1 du 3 janvier 1991 distingue les porteurs de presse qui ont la qualité de salarié et les vendeurs colporteurs qui exercent leur activité en qualité de mandataire commissionnaires et sont des travailleurs indépendants, l’article 22 de cette loi définissant ces derniers comme étant des personnes qui, sur la voie publique ou par portage à domicile, vendent des publications quotidiennes et assimilées.

Soutenant que le contrat ainsi formé avec M. X est un contrat de mandat et que l’intéressé est immatriculé en tant que tel auprès du conseil supérieur des messageries de presse qui lui a délivré une attestation, elle a considéré que les deux statuts ont pour seul point commun l’activité de portage et que le statut salarié est l’exception.

Rejetant toute assimilation avec des jurisprudences portant sur des faits différents, la société CADP a précisé :

— que l’article L. 1232-1 du code de commerce définissant le mandat régissant le contrat de commission, permettait comme en l’espèce la possibilité pour le commettant d’attribuer un secteur à son commissionnaire en limitant géographiquement la mission qui lui est confiée,

— que M. X était libre de s’organiser pour respecter l’horaire imposé par le lecteur, à savoir le client du journal, et non par la société de diffusion,

— que le compte rendu de la gestion par le commissionnaire n’est que l’application des dispositions de l’article 1993 du code civil relatif au mandat,

— que M. X avait la possibilité de prospecter et de développer une clientèle dans le secteur attribué ainsi qu’il a pu concrètement le faire, l’intéressé ayant eu plus d’abonné en fin de contrat qu’au début,

— que M. X détermine lui-même son circuit de distribution en fixant l’ordre de passage et spécialement des nouveaux abonnés et vient prendre quand il le veut les exemplaires le concernant dont une part supplémentaire qu’il n’est pas tenu de restituer,

— qu’il n’est ainsi pas un simple porteur mais aussi un vendeur procédant à des prospections pouvant se faire remplacer à sa guise par un prestataire de son choix comme en attestent des bordereaux portant d’autres noms sans qu’il soit tenu d’en informer préalablement la société CADP,

— qu’il vend parallèlement des calendriers qu’il commande pour pouvoir les proposer à ses clients en

conservant l’intégralité des paiements résultant de ses ventes, signe d’une prospection libre.

La société CADP a indiqué avoir scrupuleusement respecté les dispositions du contrat sur le

paiement des indemnités kilométriques et qu’il ne peut être reproché aux dépositaires de ne pas

verser d’aides qu’ils ne perçoivent pas, les subventions reçues par la SAPESO lui étant inopposables.

MOTIVATION

- sur la qualification du contrat liant M. X à la société CADP :

L’article 22-1 de la loi n° 91-1 du 3 janvier 1991 dispose notamment :

'I.-Les personnes dénommées : vendeurs-colporteurs de presse effectuant, sur la voie publique ou

par portage à domicile, la vente de publications quotidiennes et assimilées au sens de l’article 39 bis

du code général des impôts et qui répondent aux conditions de l’article 72 de son annexe III sont des

travailleurs indépendants lorsqu’elles exercent leur activité en leur nom propre et pour le compte

d’un éditeur, d’un dépositaire ou d’un

diffuseur. Elles ont la qualité de mandataire-commissionnaire aux termes d’un contrat de mandat.

Elles sont inscrites à ce titre au Conseil supérieur des messageries de presse qui leur délivre

l’attestation, prévue à l’article 298 undecies du code général des impôts, celle-ci justifiant de leur

qualité de mandataire-commissionnaire.

II.-Les personnes dénommées : porteurs de presse effectuant, sur la voie publique ou par portage à

domicile, la distribution de publications quotidiennes et assimilées au sens de l’article 39 bis du code

général des impôts et qui répondent aux conditions de l’article 72 de son annexe III ont la qualité de

salarié au sens du droit du travail lorsque les conditions juridiques de leur activité ne répondent pas

à celles visées au

paragraphe I'.

En l’espèce, il est constant que le 25 octobre 2013, M. Y X a signé avec la société

CADP un contrat intitulé 'contrat de commission Vendeurs colporteurs de presse' confiant à M.

X sur le secteur de Trelissac (24) la vente et la fourniture au domicile des particuliers

plusieurs titres de presse quotidiens ou hebdomadaires. Il est produit une attestation du conseil

supérieur des messageries de presse rédigée le 24 novembre 2014 confirmant l’inscription de M.

X sur la liste des personnes ayant la qualité de commissionnaire, chargé de la distribution et

de la vente des publications quotidiennes et périodiques sans qu’il soit précisé la date de cette

inscription.

C’est à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve,

spécialement en présence d’un contrat placé explicitement sous l’empire des dispositions 22-1

précitées et relatives à la définition du vendeur colporteur de presse travailleur indépendant.

Il est de principe que le contrat de travail se caractérise par une rémunération en contrepartie d’une prestation de travail exécutée sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l’espèce, il résulte des pièces versées au dossier que si le contrat ne prévoyait aucune disposition relative aux horaires de livraison autres que ceux limites 'imposés par le lecteur', il était remis à M. X une liste de 'distribution’ portant l’identité du porteur, le secteur de la tournée '264 Trelissac Ville’ qui ne peut être considérée comme une simple liste d’abonnés sur un tel secteur mais comme un programme de livraison pour la journée comportant le nombre d’exemplaires de journaux à distribuer par titres, et un ordre de livraison par rues pour certaines adjacentes ou proches. Il était également fourni des 'feuilles de route avec repérage' de sorte que la liberté d’organisation opposée par la société CADP demeurait théorique spécialement dans le cadre de temps attendu pour une livraison utile aux clients, la société fournissant à M. X un imprimé de relevé mensuel de kilométrage pour ses tournées à remplir à la main par l’intéressé.

M. X recevait un nombre de journaux identique au nombre d’abonnés, augmenté d’un exemplaire pour le journal 'La Dordogne Libre’ et de trois pour le journal

'Sud-Ouest', nombre reporté sur les listes de distribution et les feuilles de route, ne permettant pas à l’intéressée de procéder à une prospection complémentaire qu’était censé lui permettre le contrat litigieux en prévoyant la restitution des 'invendus'.

Sur la durée contractuelle et les quatre contrats d’abonnement signés à l’initiative de M. X produits au dossier par la société CADP, la majorité correspond à des réabonnements, aucun élément n’étant fourni pour établir une activité significative de prospection par l’appelant.

Il sera noté que le secteur attribué dans le contrat à M. X était déterminé par la société CADP 'sans exclusivité' pour une diffusion à une 'clientèle déterminée' et pouvant 'être modifié pour des raisons d’organisation'.

Il n’est pas discuté que cinq abonnés de la tournée de M. X ont été basculés sur le secteur voisin, changement opéré durant un arrêt maladie de l’intéressé qui l’a signalé à la société CADP pour s’en plaindre le 12 novembre 2015.

La société intimée explique dans ses écritures que 'dans un souci de rationalité et d’équité, l’éditeur demande de répartir ses abonnés entre les VCP des secteurs concernés' de sorte que la société CADP reconnaît qu’elle n’était elle-même pas libre de l’organisation des secteurs et que les modifications intervenaient sans concertation avec le colporteur, la société CADP précisant : 'lorsqu’il y a décalage, il est procédé à un rééquilibrage, mais sans pénaliser qui que ce soit'. L’existence affirmée par la société CADP d’un solde positif d’abonnés en fin d’activité ne saurait contredire le constat de l’exercice par la société d’un pouvoir unilatéral sur les conditions d’exécution du contrat.

Le contrat expose en son article 7 que 'dans le cas où, et pour une durée limitée, ou à titre exceptionnel, le vendeur-colporteur ne pourrait procéder lui-même à la fourniture à domicile de sa clientèle, il devra prendre toute disposition nécessaire pour que cette fourniture soit assurée, sous sa responsabilité, par le prestataire de son choix'.

Outre le fait qu’une telle disposition insistant sur le caractère exceptionnel du remplacement autorisé, ne laissait que peu de place, par son caractère limité en volume du temps d’indisponibilité, au recours à un remplaçant en exigeant à titre principal une

exécution personnelle de la mission devant s’exercer par nature tous les jours de l’année, fins de semaine compris, il sera relevé que M. D A a attesté avoir effectué des remplacements de plusieurs porteurs jusqu’au jour où la société CADP lui a affecté la responsabilité d’un secteur.

L’attestation produite par la société CADP (pièce n° 20) de M. Z se présentant comme 'responsable logistique CADP' tout en cochant la case 'non’ au sujet de l’existence d’un lien de subordination avec cette société, confirme l’attestation de M. A et avoir été l’interlocuteur de ce dernier de sorte que s’il n’est établi aucune intervention directe de la société CADP dans le remplacement du colporteur de presse, elle n’était pas dans l’ignorance des modalités prises pour le remplacement de ce dernier, des difficultés rencontrées de manière récurrente pour trouver un remplaçant et des contraintes qu’elle imposait en limitant le recours à ces remplacements.

L’examen des commissions sur les deux années pleines d’exercice (2013 et 2014) montre que le montant des sommes versées par la société CADP sont très sensiblement égales en tenant compte de l’absence pour congé maladie en septembre et octobre 2015.

La vente de calendriers dont il n’est pas établi qu’elle représentait un volume significatif, ne saurait caractériser une activité indépendante étant relevé, à la lumière de la pièce n° 17 produite par la société CADP, que ces calendriers étaient commandés au journal 'Sud Ouest’ pour une quantité de 140 exemplaires pour le prix total de 21 euros, correspondant au nombre approximatif d’abonnés du secteur de M. X.

En résumé, dès lors que l’intéressé devait :

— effectuer sa tournée dans un secteur géographique déterminé dans un ordre délimité par les adresses des clients à livrer,

— distribuer les seuls journaux imposés par la société CADP,

— cesser la distribution à certains clients, la reprendre et distribuer à de nouveaux abonnés,

— rendre compte de son activité en travaillant directement pour le compte de la société CADP,

— livrer sans procéder à aucun encaissement les quotidiens ou hebdomadaires fournis en nombre correspondant au nombre d’abonnés avec très peu d’exemplaires supplémentaires ne permettant pas de réaliser une prospection digne de ce nom, percevant un volume de commission quasi identique d’un mois sur l’autre comme d’une année sur l’autre et distribuant ainsi toujours sensiblement la même masse de journaux dans ce même secteur déterminé,

il ne peut être retenu que M. X exerçait pour son compte une activité de vendeur-colporteur de presse mandataire-commissionnaire au sens de l’article 22, I de la loi du 3 janvier 1991 mais qu’au contraire, il doit en être déduit que ce dernier avait la qualité de porteur de presse salarié tel que défini par l’article 22, II de cette même loi.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

- sur les demandes financières :

La société CADP a considéré que les demandes indemnitaires et salariales sont 'fantasques’ et ont varié au cours de la procédure, ne tenant pas compte des sommes versées au titre des commissions. Elle n’apporte toutefois aucun élément concret pour en critiquer le détail et il convient d’examiner chacune de ces demandes au regard de l’activité établie de M. X.

' Sur les rappels de salaire :

Il est de principe que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il n’est toutefois pas soutenu par M. X qu’il ait travaillé l’équivalent d’un temps complet.

Il est versé aux débats par ce dernier ses relevés de commissions arrêtés à la date de la rupture intervenue après l’introduction de l’instance prud’homale ainsi que le récapitulatif mis à jour des rémunérations perçues, en remplacement des documents précédemment communiqués.

Il apparaît ainsi, sans démenti sérieux, que les commissions perçues par le concluant correspondent à une moyenne de temps de travail consacré aux tournées de 4 heures, 6 jours par semaine et 3 heures le dimanche si l’on tient compte d’un taux horaire initial de 9,43 € ayant augmenté chaque

année (2014 : 9,53 €, 2015 : 9,61 € et 2016 : 9,67 €) et du fait que ces heures étaient par nécessité accomplies la nuit (pièce 39 de M. X) subissant une majoration de 25 % non précisément discutée par la société CADP en son principe comme en son taux, soit selon un calcul vérifiable, la somme de 6 572,50 € qu’il lui reste due après versement des commissions.

Il lui est également dû au titre des jours fériés travaillés la majoration de 50% prévue à l’article 13 de la convention collective nationale des porteurs de presse soit un rappel de salaire d’un montant de 207,93 euros qu’il convient de retenir.

M. X ajoute une demande de paiement d’heures complémentaires correspondant au temps d’attente et de pliage des journaux au dépôt qu’il calcule à hauteur d’une heure par jour. Il résulte de la page du site Sud Ouest.fr comportant une photographie (pièce n° 39 de l’appelant) montrant en pleine nuit

(4 heures du matin) des porteurs de journaux à domicile prenant livraison des journaux et faisant apparaître les liasses de journaux non pliés de sorte que ces porteurs étaient tenus de les déliasser et de les plier pour procéder à la distribution dans les boîtes aux lettres s’ajoutant au temps d’attente, l’ensemble étant raisonnablement forfaitisé à une heure par jour.

M. X est donc en droit de réclamer, sur la base ces éléments suffisants pour étayer sa demande et non concrètement contestés par la société CADP, la somme totale de 10 962,93 euros à ce titre.

Le travailleur de nuit bénéficie de contreparties au titre des périodes de travail de nuit pendant lesquelles il est employé, sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale. M. X doit être indemnisé de ce chef par la condamnation de la société CADP à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de réparation.

' Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail :

La rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur sans le respect du cadre juridique propre à ce contrat, doit avoir les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par conséquent, M. X est fondé à réclamer la somme

de 2 694,33 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 269,43 euros au titre des congés payés sur préavis.

Aux termes de l’article 21 de la convention collective nationale applicable, le salarié licencié alors qu’il compte une ancienneté supérieure à un an et inférieure à dix ans a droit, sauf en cas de faute lourde ou grave, à une indemnité de licenciement calculée sur la base d’un cinquième de mois de salaire sur la moyenne la plus avantageuse des douze dernier mois ou des trois derniers mois soit en l’espèce, M. X bénéficiant de trois ans et un mois d’ancienneté, la somme de 922,24 euros [(17 966/12 = 1497,19 € x 1/5)*(3+1/12)].

M. X est également en droit de réclamer les congés payés sur la période contractuelle soit la somme totale exactement calculée au montant

de 5 379,50 euros.

Il n’est pas établi que la société CADP employait à l’époque de la rupture plus de onze salariés. Compte tenu de la situation du salarié et de son ancienneté, il convient de fixer à la somme de 5 000 euros l’indemnité qui lui est due à titre de dommages et intérêts au titre de cette rupture.

Il est de principe que le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts distincts de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de comportement fautif de l’employeur dans les circonstances de la rupture. Toutefois, la seule décision de notifier la résiliation du contrat écrit sous la qualification revendiquée par la société CADP ne saurait caractériser l’existence d’une faute de l’employeur dans les conditions de mise en oeuvre de la rupture du contrat. Il en résulte que M. X sera débouté de sa demande de dommages et intérêts détachables de l’indemnité réparant les conséquences matérielles de la rupture.

- sur le travail dissimulé :

Le fait de ne pas déclarer totalement ou partiellement les heures de travail effectuées par le salarié, ou de ne pas mentionner sur les bulletins de paye la totalité des heures de travail, constitue au regard des dispositions

des articles L. 8221-1 et suivants du code du travail, la dissimulation de l’emploi salarié, s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié et il n’est pas établi en l’espèce, au regard des éléments qui précèdent, que la société CADP ait agit d’une manière l’exposant à la sanction découlant des faits visés par l’article précité. M. X sera donc débouté

de sa demande formée à ce titre.

- Sur la remise des documents sociaux :

La société CADP sera condamnée à remettre à M. X une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie conformément aux dispositions du présent arrêt, en l’autorisant récapituler l’ensemble des éléments les composant en un seul bulletin sans qu’il soit justifié d’assortir cette obligation d’une astreinte.

- sur la demande relative aux indemnités kilométriques :

Le contrat initialement signé entre les parties prévoyait le versement de remboursement de frais 'justifiés’ sans préciser qu’il s’agit précisément d’indemnités kilométriques ni a fortiori la base sur laquelle ces indemnités seraient calculées. Selon l’appelant, il conviendrait d’appliquer le barème fiscal légal et son dernier décompte fait apparaître une créance à son profit de 26.318,86 euros.

La société CADP oppose le régime fiscal du travailleur indépendant appliqué au vendeur colporteur de presse prévoyant au titre de son régime d’imposition un abattement forfaitaire de 50 % pour frais.

Toutefois, il sera constaté qu’au regard des indemnités effectivement versées par la société CADP durant la période contractuelle (9 280,56 €) et les imprimés de relevés kilométriques remis à l’intéressé, ces frais étaient nécessairement pris en compte sans qu’il soit préalablement établie une modalité précise d’indemnisation de ces frais de sorte que sans qu’il soit nécessaire de rechercher le régime fiscal d’imposition de M. X dont le réel statut vient d’être reconnu par la présente décision, il convient bien de faire droit à la demande de l’appelant tendant à voir fixer cette indemnisation des frais kilométriques par référence au barème officiel des impôts pour un véhicule d 6 CV dont l’application au kilométrage non contesté réalisé pour l’exécution de la relation de travail ne fait l’objet d’aucune critique pertinente. La société CADP sera donc condamnée à payer le solde réclamé de 26 318,86 euros.

- sur les autres demandes :

La Sarl à associé unique Charentes Angoulème Diffusion Presse, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d’appel en ce compris les dépens de la procédure d’appel cassée comme le prévoit l’article 639 du code de procédure civile.

M. Y X est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens qu’il a du exposer à l’occasion de cette procédure. La Sarl à associé unique Charentes Angoulème Diffusion Presse sera tenue de régler à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 al. 1er 1° du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Périgueux du 20 juillet 2015 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie le contrat signé le 25 octobre 2013 entre M. Y X et la Sarl à associé unique Charentes Angoulème Diffusion Presse en contrat de travail.

Se déclare en conséquence compétent pour connaître de l’ensemble des demandes formées par M.

X.

Condamne la Sarl à associé unique Charentes Angoulème Diffusion Presse à payer à M. Y X les sommes suivantes :

—  6 572,52 € à titre de rappels de salaires pour les heures de nuit,

—  207,93 € à titre de rappel de salaire pour le travail durant les jours fériés,

—  10 962,93 € à titre de rappel de salaire pour les heures complémentaires,

—  2 000 € à titre de dommages intérêts pour absence de repos compensateurs,

—  2 694,33 € à titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  269,43 € au titre des congés payés sur préavis,

—  922,24 € à titre d’indemnité de licenciement,

—  5 379,50 € au titre des congés payés,

—  5 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  26 318,86 € au titre du solde restant dû des indemnités kilométriques.

Déboute M. Y X de ses demandes présentées au titre du travail dissimulé et du préjudice distinct.

Ordonne à la Sarl à associé unique Charentes Angoulème Diffusion Presse de remettre à M. Y X une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie conformément aux dispositions du présent arrêt, l’ensemble des éléments les composant pouvant être mentionnés en un seul bulletin.

Dit n’y avoir lieu à astreinte.

Condamne la Sarl à associé unique Charentes Angoulème Diffusion Presse aux dépens de première instance et d’appel en ce compris les dépens de la procédure suivie devant la cour d’appel de Bordeaux.

Condamne la Sarl à associé unique Charentes Angoulème Diffusion Presse à payer à M. Y X la somme de trois mille euros (3000 €) au des dispositions de l’article 700 al. 1er 1° du Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. B, président et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE, LE PRESIDENT,

C.DELVER M. B

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 4 octobre 2019, n° 19/00737