Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 7 décembre 2020, n° 18/03051

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 7 déc. 2020, n° 18/03051
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 18/03051
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Montauban, 14 mai 2018, N° 17/00780
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

07/12/2020

ARRÊT N°

N° RG 18/03051 – N° Portalis DBVI-V-B7C-MM4X

J-C.G/NB

Décision déférée du 15 Mai 2018 – Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN – 17/00780

(M. X)

B Y

C/

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEPT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT

***

APPELANTE

Madame B Y

[…]

[…]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Claude ARIE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES

Pôle de contrôle Revenus Patrimoine

[…]

[…]

Représentée par Me Marc JUSTICE-ESPENAN de la SCP CABINET MERCIE – SCP D’AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 21 Septembre 2020 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. BELIERES, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : L. SAINT LOUIS AUGUSTIN

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. BELIERES, président, et par L. SAINT LOUIS AUGUSTIN, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Mme B Y était domiciliée au […] à Lauzerte (82) au cours des années 2009 à 2014.

A ce titre, elle a déposé des déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) concernant ces six années auprès de la Direction Départementales des Finances Publiques du Tarn et Garonne.

Par proposition de rectification contradictoire 3905 du 15 décembre 2014 et proposition de rectification contradictoire 2120 du 16 décembre 2014, l’administration a procédé à l’intégration dans les bases taxables des impôts précités les éléments suivants :

— au titre des années 2010 à 2014, la valeur imposable du compte courant d’associé détenu par Mme Y au sein de la Sarl Domaine de Preisch ;

— au titre des années 2010 et 2011, la valeur de 1407 actions Wendel ;

— au titre des années 2011 à 2014, la valeur du château de Preisch ;

— au titre des années 2009 à 2014, la valeur d’un appartement de 104 m² situé 8 rue des Francs-A à Paris 3e et d’une maison d’habitation située 7, route de la Corniche à Champeaux (Manche) non soumis à la mesure de faveur conditionnelle prévue pour les locaux d’habitation meublés par l’article 885 R du code général des impôts.

D’autre part, l’administration a réévalué divers biens immobiliers mentionnés par Mme Y dans ses déclarations d’Impôt sur la fortune 2011 à 2014 :

— au 8 rue des Francs-A, deux appartements de 37 m² et 169 m² (2011 à 2014) et d’un appartement de 53 m² (2011 à 2013) ;

— au 8, rue des Francs-A, des locaux commerciaux de 35 m², 53 m² et 70 m².

Par courrier n° 3926 du 25 août 2015 répondant aux observations de la contribuable des 3 mars et 24 juillet 2015 sur la proposition de rectification 3905 du 15 décembre 2014, l’administration a réduit la valorisation des biens situés à Champeaux et des trois appartements situés 8, rue des Francs-A à Paris.

Par courrier n° 3926 du 4 mars 2016 répondant aux observations de la contribuable des 19 janvier et 9 février 2016 sur la proposition de rectification n° 2120 du 16 décembre 2014, l’administration a :

— réduit la valorisation du compte courant d’associé détenu au sein de la Sarl Domaine de Preisch

— pris acte de l’acceptation par la contribuable de l’intégration aux bases taxables de l’Impôt sur la fortune de la valeur du château de Preisch

— confirmé l’intégration aux bases taxables de l’appartement de 104 m² situé 8, rue des Francs-A et de la maison sise à Champeaux ;

— abandonné le rehaussement concernant la reprise des 1407 actions Wendel au vu des éléments apportés par la contribuable.

Conformément aux dispositions de l’article 1653 A du code général des impôts, Mme Y a saisi la Commission départementale de conciliation de Paris quant à la valeur des appartements de 37 m² et 115 m² situés au 8, rue des Francs-A. La Commission a validé, dans sa séance du 20 juin 2017, les valorisations de ces biens réalisées par l’Administration.

L’administration a procédé à la mise en recouvrement des sommes non soumises à l’avis de la Commission départementale de conciliation, par avis de mise en recouvrement n° 16 04 00032 du 18 avril 2016.

Le 9 mai 2017, l’administration a procédé au dégrèvement de la totalité des sommes dues au titre de l’année 2009, de sorte que le litige ne porte que sur les droits et intérêts de retard dûs au titre des années 2010 à 2014.

Par réclamation du 12 août 2016, Mme Y a contesté les sommes mises à sa charge dans l’AMR du 18 avril 2016 aux motifs que :

— le compte courant détenu dans la Sarl du Domaine de Preisch avait une valeur nulle compte tenu de son caractère irrécouvrable ;

— les biens immobiliers objets d’une activité de location meublée professionnelle étaient exonérés d’impôts sur le fortune au titre des années 2010, 2012 et 2013 en application de l’article 885 R du code général des impôts ;

— les rectifications des valeurs vénales des appartements de 53 m² et 169 m² situés 8, rue des Francs-A à Paris ne tenaient pas compte de leur situation juridique (biens donnés en location) et n’étaient pas cohérentes avec les prix du marché de l’immobilier.

L’administration a rejeté les demandes de Mme Y le 10 mai 2017.

Par acte d’huissier en date du 12 juillet 2017, Mme Y a fait assigner la Direction des Finances Publiques devant le Tribunal de grande instance de Montauban aux fins d’annulation de la décision de rejet de sa réclamation et de décharge de l’intégralité des rappels d’impôt sur la fortune des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 d’un montant global de 191 577 €.

Par jugement contradictoire en date du 15 mai 2018, le tribunal de grande instance de Montauban a :

— débouté Mme Y de ses contestations et prétentions ;

— confirmé en conséquence la décision de rejet de sa réclamation contentieuse ;

— condamné Mme Y aux dépens.

Sur le litige relatif au compte courant d’associé, le tribunal a considéré, après avoir notamment rappelé les dispositions des articles 885 E et 758 du code général des impôts :

— que l’administration a déduit du compte courant la part se rapportant à des dépenses de fonctionnement de la société et des dépenses d’entretien constituant des immobilisations, pour ne retenir que les agencements et installations acquis au propriétaire, ainsi que leur valeur probable de recouvrement ;

— que Mme Y, propriétaire du château de Preisch, a donné son exploitation commerciale en location à la société Domaine de Preisch, au sein de laquelle elle est associée à 99 % et détient un compte courant correspondant notamment aux dépenses d’investissement dans l’immeuble qui constituent des immobilisations qui lui seront acquises sans indemnité en fin de bail ;

— qu’il en résulte que ces investissements ne profitent in fine qu’au propriétaire du bien dont ils augmentent directement la valeur grâce au financement qu’il réalise par le biais du compte courant d’associé ;

— que compte tenu de cette situation particulière, il n’est nullement établi par Mme Y, qui en a seule la charge de la preuve, qu’au 1er janvier de chacune des années d’imposition en litige, la société dont elle est quasiment la seule propriétaire et sur laquelle elle a donc un pouvoir effectif de direction, même si elle n’en est pas la gérante, serait dans l’incapacité réelle et définitive de lui rembourser le montant de sa créance, pour la valeur de recouvrement retenue par l’administration

— qu’en effet, la seule indication de résultats comptables annuels déficitaires d’une société est manifestement insuffisante à rapporter la preuve de son incapacité certaine et définitive de rembourser un compte courant ;

— que Mme Y n’est donc pas fondée à soutenir l’irrecouvrabilité de sa créance d’associée qui a été à bon droit intégrée pour sa valeur probable de recouvrement dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Sur les biens locatifs professionnels, le tribunal a constaté au visa de l’article 885 R du code général des impôts dans sa version en vigueur à la date des impositions en litige :

— que Mme Y est propriétaire de biens immobiliers à Saint-D-E (Lot), à Champeaux (Manche) et rue des Francs-A à Paris ;

— qu’elle est inscrite au Registre du commerce et des sociétés en tant que loueur de meublés professionnel et qu’elle soutient que tous ses immeubles ont été loués en meublé depuis 2009 ;

— que ses déclarations de recettes en location meublée à l’administration ne concernent cependant que l’immeuble de Champeaux et un des appartements de Paris ;

— que s’agissant du studio au 1er étage, elle l’a elle-même déclaré dans l’assiette de l’impôt de

solidarité sur la fortune pour les années 2009 à 2014, et que s’agissant de l’appartement au 4e étage, elle a produit un bail Z de locaux nus en juillet 2010 ;

— qu’ainsi, seules pouvaient être prises en considération les recettes tirées de la location meublée de l’immeuble de Champeaux et de l’appartement du 4e étage de Paris jusqu’en juin 2010 ;

— que pour l’année 2010, les recettes déclarées ont été de 10 420 €, soit inférieures au seuil de 23 000 €, en sorte que la discussion sur le point de savoir si tel ou tel bien devait être considéré comme loué en meublé est sans emport ;

— que pour les années 2011 et 2012, elle a déclaré 30 047 € et 24 445 €, mais que dans la mesure où seule la location meublée de l’immeuble de Champeaux peut être effectivement retenue, le montant admissible se trouve inférieur chaque année au seuil de 23 000 € ;

— que pour l’année 2013, elle a déclaré un montant de recettes de

17 865 €, inférieur au seuil de 23 000 € ;

— d’autre part, que même à supposer que tous les loyers perçus devraient être considérés comme provenant de l’activité professionnelle de loueur en meublé, excédant ainsi le seuil de 23 000 €, la deuxième condition de l’article 885 R du code général des impôts tenant à la proportion du revenu locatif dans le revenu du foyer fiscal ne serait pas remplie, dès lors que l’activité de loueur en meublé produisant des résultats déficitaires, les recettes locatives, quel que soit leur montant, ne peuvent être considérées comme venant remplir la condition de représenter plus de 50 % des revenus imposables du foyer fiscal ;

— que c’est donc à bon droit que l’administration fiscale a réintégré ces biens dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Enfin, sur la valeur des biens immobiliers de Paris, le tribunal a relevé qu’après ses observations en réponse à l’administration, Mme Y a elle-même proposé les valeurs vénales rehaussées qui ont ensuite été acceptées et retenues, sans qu’elle ne saisisse la commission départementale de conciliation, qu’elle critiquait donc aujourd’hui ses propres évaluations, et que ces valeurs apparaissaient pertinentes eu égard aux termes de comparaison avec des appartements similaires et aux dépréciations qui ont été admises tenant aux caractéristiques propres aux logements en cause.

Mme Y a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 10 juillet 2018 en critiquant l’ensemble de ses dispositions.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 13 février 2019, Mme Y, appelante, demande à la cour, au visa des articles R 207-1, R 199-1 du Livre des procédures fiscales, 885 R du code général des impôts, 700 du code de procédure civile, de :

— dire son appel recevable et bien fondé ;

— annuler le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

— annuler la décision de rejet de réclamation en date du 10 mai 2017 ;

— annuler l’avis de mise en recouvrement n° 20160400032 de la somme de 191 577 €, somme déjà réglée à l’administration fiscale ;

— prononcer la décharge et la restitution de l’intégralité des rappels d’ISF des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, s’élevant à un montant global de 191 577 € (comprenant les droits en principal et intérêts de retard) ;

— condamner le Directeur de la Direction des Finances Publiques Pôle de Contrôle Revenus

Patrimoine de Montauban aux entiers dépens, à son profit, en application de l’article R 207-1 du Livre des procédures

fiscales ;

— condamner le Directeur de la Direction des Finances Publiques Pôle de Contrôle Revenus Patrimoine de Montauban à lui verser la somme de

5 000 €, au titre des frais non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— prononcer l’exécution immédiate de l’arrêt à intervenir.

Sur le compte courant d’associé, Mme Y explique qu’elle est associée de la société Domaine de Preisch ayant pour objet l’exploitation du domaine éponyme, qu’elle est propriétaire de ce domaine qu’elle loue à la société dans le cadre d’un bail commercial, et que la société a porté à son actif immobilisé divers travaux d’aménagement et de restauration dont le financement a été assuré par plusieurs paiements et apports en compte courant d’associé qu’elle a réalisés à titre personnel.

Elle expose que le compte d’immobilisation de la société Domaine de Preisch ne comprend aucun actif réalisable puisqu’il est uniquement constitué :

— des agencements immobilisés liés aux travaux de la salle de réception du château, non cessibles car directement rattachés à des murs n’appartenant pas à la Sarl ;

— du petit matériel et outillage dont la valeur vénale est négligeable compte tenu de son ancienneté ;

— des frais d’entretien immobilisés (électricité, eau, entretien, chauffage…) qui n’ont par définition pas de valeur marchande.

Elle indique par ailleurs que les bilans 2009 à 2013 de la société Domaine de Preisch démontrent que celle-ci dégage un résultat déficitaire depuis plusieurs années et doit supporter le remboursement de ses dettes financières auprès des établissements bancaires et que les apports en compte courant de Mme Y ont permis à la société de financer les investissements nécessaires pour assurer son activité, ce qui a conduit à considérer que la valeur du compte courant d’associé était nulle au titre des années redressées et que c’est en toute logique qu’il n’a pas été déclaré au titre des déclarations d’Impôt sur la fortune 2009 à 2013.

Elle indique qu’elle est d’accord avec le raisonnement du tribunal sauf en ce qu’il a conclu que les agencements étaient valorisables dans la société du seul fait qu’elle en est associée à 99 % et que la valeur nette de ces actifs devait être considérée comme étant la valeur probable de recouvrement de la créance constituée par le compte courant d’associé.

Elle soutient que la possibilité de recouvrer les sommes engagées dans le cadre plus large du domaine de Preisch est absolument infondée, dès lors que la situation de la société est bien celle d’une société qui au 1er janvier de chaque année considérée, n’avait aucun actif réalisable, et que quand bien même le château aurait été mis en vente au jour du fait générateur de chaque année redressée, ou aurait été susceptible de faire l’objet d’une cession, les sommes issues de cette cession auraient été directement appréhendées par Mme Y, seule propriétaire du château, et la société n’aurait rien perçu à ce titre.

Sur les biens professionnels, elle estime que l’analyse du tribunal est en contradiction avec les dispositions de l’article 885 R du code général des impôts et en outre fondée sur une appréciation erronée des faits.

Elle soutient que les recettes à retenir pour l’application de la limite de

23 000 € ne doivent pas être limitées aux seuls loyers tirés de la location de la maison de Champeaux et de celle de l’un des appartements de Paris, alors qu’il convient également de prendre en compte les

recettes tirées de la location de la maison de Saint-D-E (2009), de la location de l’appartement de 115 m² de la rue des Francs-A (2009-juin 2010) et du studio de 37 m² de la rue des Francs-A.

Elle soutient par ailleurs qu’aucune disposition légale ne conditionne le respect de la condition liée au seuil de 50 % à la réalisation d’un bénéfice net tiré de l’activité de location meublée, cette ancienne doctrine administrative n’étant plus en vigueur et n’étant pas applicable à compter de l’ISF 2013.

Elle en conclut que le tribunal a ajouté à la loi, au moins en ce qui concerne les exercices 2013 et 2014.

Sur la valeur des biens immobiliers, à savoir l’appartement de 53 m² et l’appartement de 169 m² sis au 8, rue des Francs-A, Mme Y expose qu’elle a contesté les rectifications dans la mesure où elles sont fondées sur une valorisation qui ne tient pas compte de la situation juridique des appartements et où elles ne sont pas cohérentes au regard des prix du marché de l’immobilier résultant de la base des données des notaires.

Elle fait valoir que, quand bien même elle a initialement proposé des valorisations, sans être véritablement au fait des prix de marché, rien ne l’empêchait de se référer par la suite à des sources plus officielles pour demander que soit revue la valorisation initiale. Elle estime que le premier juge aurait dû expliquer dans quelle mesure les valeurs proposées n’étaient pas retenues au lieu de se limiter à considérer que les valeurs initiales étaient proposées par le contribuable, et aurait également dû se prononcer sur la pertinence de l’abattement de 20 % résultant de l’occupation des appartements.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 19 novembre 2018, l’Administration des Finances Publiques, intimée, demande à la cour de :

— confirmer le jugement rendu dont appel en ce qu’il :

— a débouté Mme Y de ses contestations et prétentions ;

— a confirmé en conséquence la décision de rejet de sa réclamation contentieuse ;

— a condamné Mme Y aux dépens ;

et statuant à nouveau :

— débouter Mme Y de l’ensemble de ses demandes ;

— confirmer la décision de rejet de sa réclamation contentieuse ;

— confirmer sa position quant au bien-fondé des rehaussements en

litige ;

— confirmer la recouvrabilité du compte courant d’associé et son

évaluation ;

— juger que les dispositions de l’article 885 R du code général des impôts ne s’appliquaient pas en l’espèce et confirmer le bien-fondé du rehaussement sur ce point ;

— confirmer les valorisations des appartements de 53 et 169 m² situés 8, rue des Francs-A à Paris ;

— confirmer les droits supplémentaires découlant des rehaussements précités ainsi que les intérêts de retard et majoration ressortant de l’avis de mise en recouvrement du 18 avril 2016 ;

— condamner l’appelante aux entiers dépens de l’instance ;

— rejeter la demande de condamnation de l’administration au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Sur le compte courant d’associé, l’Administration expose qu’à partir de 2005 la Sarl Domaine de Preisch a porté à son actif immobilisé divers travaux d’aménagement et de restauration dont le financement a été assuré par divers paiements et apports en compte courant d’associé réalisés par Mme Y, que dans le bail commercial conclu entre celle-ci et la Sarl, il est précisé que 'les travaux de transformation ou d’amélioration pourront être effectués avec l’accord du bailleur et ne pourront donner lieu à indemnisation', et que Mme Y n’a indiqué aucune valeur relative au compte courant d’associé sur ses déclarations d’ISF déposées au titre des années 2010 à 2014, étant précisé qu’elle avait déclaré la somme de 534 548 € au titre dudit compte courant concernant l’ISF des années 2008 et 2009. Elle estime que Mme Y s’est abstenue à tort de porter à l’actif de ses déclarations d’ISF la valeur de ce compte courant d’associé et elle précise qu’elle n’a pas retenu les valeurs du compte pour leur montant nominal mais seulement pour la valeur nette comptable des agencements et installations, diminuée en outre du poste 'autres dettes'. Elle considère que le service s’est livré, conformément à l’arrêt de la Cour de cassation du 9 juillet 2013, à 'une estimation réaliste en fonction des possibilités pour l’associé de recouvrer sa créance, au premier janvier de chaque année concernée, compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société , et non des seuls éléments comptables inscrits dans les déclarations fiscales'.

Elle réplique que Mme Y ne démontre en rien l’impossibilité définitive de recouvrer une partie de la créance détenue sur une société toujours active à ce jour et que ses demandes ne peuvent donc qu’être rejetées.

Elle précise que la valeur du château n’est pas en débat, que cette valeur a été retenue à 1 982 000 € au titre de chacune des années en cause, à hauteur de celle retenue par Mme Y dans l’acte de partage de succession du 19 juillet 2004, soit bien avant les investissements en litige qui ne peuvent donc être compris dans la valorisation du château.

Enfin, elle fait observer que l’irrecouvrabilité, alléguée par Mme Y, des sommes avancées à la société, ne l’a pas empêchée de persévérer dans l’alimentation de son compte courant à hauteur de

114 092 € entre 2011 et 2014, ce qui est pour le moins paradoxal.

Sur les biens immobiliers objets d’une activité de location meublée professionnelle, l’Administration soutient que les recettes 'locations meublées’ à retenir pour l’appréciation de la limite de 23 000 € mentionnée à l’article 885 R du code général des impôts concernent le seul bien situé à Champeaux et sont inférieures à 23 000 € et qu’en conséquence les valeurs du bien situé à Champeaux et de l’appartement de 104 m² situé 8, rue des Francs-A à Paris, devaient être ajoutées à l’actif taxable ISF au titre des années en cause.

Elle réplique aux arguments de l’appelante : – qu’à la lecture même du montant des recettes déclarées par la contribuable, celle-ci ne pouvait bénéficier de la mesure de faveur au titre de ses impôts sur la fortune 2011 et 2014 en raison d’un montant de recettes inférieur à 23 000 € ; – qu’il n’est pas trouvé trace dans les écritures comptables de la société de location de recettes issues d’un bien situé à Saint-D-E ;

— que Mme Y ne produit aucun document de location attestant du caractère meublé de la location consentie à Mme Z en 2010 ; que ce contrat démontre au contraire que le bien a été loué en tant que bien nu, ce qui justifie la déduction de ces loyers des recettes de la société, d’où un montant de recettes inférieur à 23 000 € ; – qu’au surplus, les exercices au titre des années en cause sont presque tous déficitaires et que la condition de seuil de 50 % des revenus tirés de la location ne peut donc être retenue ; – que l’appelante indique que l’appartement de 37 m² de la rue des Francs-A était en fait loué meublé au titre des années 2011 à 2014, mais que cette 'omission’ ne saurait tromper le tribunal et que ces assertions ne sont assorties d’aucune justification matérielle.

Sur les valeurs vénales rehaussées des deux appartements de 53 et 169 m² situés au 8, rue des Francs-A, elle réplique que trois termes de comparaison ont été retenus par l’Administration pour servir de base à l’évaluation initiale des deux biens, que les valeurs vénales opposées par l’appelante ont ensuite été retenues, que les prix au m² opposés aujourd’hui proviennent d’une publication privée et sont donnés à titre purement indicatif, et qu’il a parfaitement été tenu compte de la situation juridique des biens évalués.

MOTIFS

Sur le compte courant d’associé

En vertu de l’article 885 E du code général des impôts, l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant au contribuable.

Un compte courant d’associé est un compte ouvert au nom d’un associé dans les livres comptables de l’entreprise, inscrit au passif du bilan, sur lequel sont portées les sommes prêtées temporairement à la société par cet associé. Il s’analyse pour l’associé comme une créance détenue sur la société.

Le montant du compte courant d’associé détenu par le contribuable au sein d’une société entre dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune lorsqu’il peut être considéré comme une créance non bloquée, remboursable par la société, au vu d’une estimation réaliste en fonction des possibilités de recouvrement compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société, sans s’arrêter aux seuls éléments comptables déclarés.

Les dispositions de l’article 758 du code général des impôts, mettant à la charge du contribuable la déclaration estimative de ses créances, s’appliquent à la créance en compte courant d’associé, qui peut être déterminée en fonction de sa valeur probable de recouvrement lorsque la société est en difficulté.

Mme Y, propriétaire du château de Preisch, a donné son exploitation commerciale en location à la Sarl Domaine de Preisch, au sein de laquelle elle est associée à 99 % et détient un compte courant correspondant notamment aux dépenses d’investissement dans l’immeuble qui constituent des immobilisations qui lui seront acquises sans indemnité en fin de bail.

Mme Y n’a indiqué aucune valeur relative à ce compte courant d’associé dans ses déclarations d’ISF déposées au titre des années 2010 à 2014.

Lorsque, comme en l’espèce, il n’est déclaré aucun montant au titre des soldes de comptes courants d’associé, l’administration peut se fonder soit sur la valeur nominale du compte courant, soit sur sa valeur probable de recouvrement qui peut être identique à la valeur nominale quand le contribuable ne démontre pas que sa créance devrait être tenue pour irrécouvrable au jour de l’exigibilité de l’impôt.

Dans le cadre de la proposition de rectification, l’Administration a déduit du compte courant la part se rapportant à des dépenses de fonctionnement de la société et des dépenses d’entretien constituant des immobilisations, pour ne retenir que les agencements et installations acquis au propriétaire, ainsi que leur valeur probable de recouvrement. Ces investissements ne profitent in fine qu’au propriétaire du bien dont ils augmentent directement la valeur grâce au financement qu’il réalise par le biais du compte courant d’associé.

Compte tenu de cette situation particulière, il n’est nullement établi par Mme Y, qui en a seule la charge de la preuve, qu’au 1er janvier de chacune des années d’imposition en litige, la société dont elle est quasiment la seule propriétaire et sur laquelle elle a donc un pouvoir effectif de direction, même si elle n’en est pas la gérante, serait dans l’incapacité réelle et définitive de lui rembourser le montant de sa créance, pour la valeur de recouvrement retenue par l’administration. La seule indication de résultats comptables annuels déficitaires d’une société est notamment insuffisante pour rapporter la preuve de son incapacité certaine et définitive de rembourser un compte courant. Sur ce point, l’Administration fait observer à juste titre que l’irrecouvrabilité des sommes avancées à

la société, alléguée par Mme Y, n’a pas dissuadé cette dernière de continuer à alimenter le compte courant de 2011 à 2014.

Dans ces conditions, le premier juge doit être approuvé en ce qu’il a considéré que Mme Y n’était pas fondée à soutenir l’irrecouvrabilité de sa créance d’associée qui avait été à bon droit intégrée pour sa valeur probable de recouvrement dans l’assiette de l’Impôt sur la fortune.

Sur les biens locatifs professionnels

L’article 885 R du code général des impôts, dans sa version en vigueur à la date des impositions en litige, dispose que 'sont considérés comme des biens professionnels au titre de l’Impôt sur la fortune, les locaux d’habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés par des personnes louant directement ou indirectement ces locaux, qui, inscrites au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueurs professionnels, réalisent plus de 23 000 € de recettes annuelles et retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62".

Les conditions énoncées par cet article sont cumulatives.

Mme Y a omis de porter sur ses déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune deux biens dont elle est propriétaire : – une maison d’habitation sise à Champeaux (50) ; – un appartement de 104 m² sis au 4e étage du 8, rue des Francs-A à Paris.

Les valeurs de ces deux biens ont en conséquence été ajoutées à l’actif taxable ISF.

Mme Y est inscrite au Registre du commerce et des sociétés en tant que loueur de meublés professionnel et sollicite le bénéfice des dispositions de l’article 885 R du code général des impôts.

Pour atteindre le seuil de recettes de 23 000 € par an, elle soutient que les recettes des locations meublées comprenaient les recettes tirées de la location des biens suivants :

Année 2009 – maison sise à […] maison sise à Saint-D E – appartement de 110 m² sis 8 rue des Francs-A à Paris – studio de 37 m² sis 8 rue des Francs-A à Paris

Année 2010 – maison sise à […] appartement de 110 m² sis 8 rue des Francs-A à Paris du 1er janvier au 30 juin – studio de 37 m² sis 8 rue des Francs-A à Paris

Année 2011 – maison sise à […] appartement de 37 m² sis 8 rue des Francs-A à Paris

Année 2012 – maison sise à […] appartement de 37 m² sis 8 rue des Francs-A à Paris

Année 2013 – maison sise à […] appartement de 37 m² sis 8 rue des Francs-A à Paris.

Elle précise que le studio de la rue des Francs-A a été déclaré par erreur au titre de l’ISF des années 2010, 2012 et 2013 par ses conseils qui n’avaient pas su lui indiquer qu’il n’y était pas soumis dans la mesure où il faisait l’objet d’une location en meublé.

Pour l’année 2010, les recettes déclarées par Mme Y ont été de 10 420 €, relatives à la seule maison de Champeaux, soit inférieures au seuil de 23 000 €.

Pour les années 2011 et 2012, elle a déclaré des recettes de 30 047 € et 24 445 €. Mais il n’est pas produit de baux de locations meublées pour les appartements de Paris, à l’exception de quelques contrats de location de très courte durée (un à quatre jours), de sorte que seule la location de la maison de Champeaux peut être retenue pour un montant inférieur à

23 000 € par an.

Pour l’année 2013, les recettes déclarées par Mme Y ont été de 17 865 €, inférieures au seuil de 23 000 €.

C’est ainsi à bon droit que l’administration fiscale a réintégré les biens non déclarés dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Sur la valeur des biens immobiliers

En application de l’article L.17 du Livre des Procédures fiscales, 'l’administration des impôts peut rectifier le prix ou l’évaluation d’un bien ayant servi de base à la perception d’une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations'.

L’appartement sis au 3e étage de l’immeuble 8, rue des Francs-A à Paris

Conformément aux principes appliqués en la matière, l’administration a recherché des termes de comparaison pertinents, c’est à dire ayant une similitude suffisante avec le bien en nature, date, situation géographique et caractéristiques.

Au vu de trois termes de comparaison efficients, elle a appliqué un prix au m² de 11 764 € à la superficie connue (70 m²) pour obtenir une valeur de 823 000 €.

Suite aux observations de Mme Y (surface de 53 m², bien donné en location), la valeur de 572 000 € a été retenue par l’Administration.

Mme Y conteste cette rectification pour deux motifs : défaut de cohérence avec les prix du marché de l’immobilier tel que résultant de la base de données des notaires et défaut de prise en compte de la situation de l’appartement qui était loué, ce qui justifiait selon elle un abattement de 20 % pour occupation.

La base de données des notaires ne fournit qu’un prix au m² médian pour les biens situés dans le quartier des Archives à Paris (3e), sans aucune précision sur les caractéristiques des biens, et ne permet pas une comparaison et une contestation utiles par rapport aux termes de référence comparables au bien litigieux fournis par l’Administration.

Par ailleurs, au regard de la valeur de 623 492 € qui aurait été obtenue par application du prix de 11 764 €/m² à la surface de 53 m², la valeur retenue de 572 000 € correspond à une décote d’environ 10 % justifiée au regard de la nature de l’occupation meublée, une décote de 20 % n’étant pas justifiée dans un tel cas.

La contestation de Mme Y doit être rejetée.

L’appartement sis au 1er étage de l’immeuble 8, rue des Francs-A à Paris

L’analyse est la même qu’en ce qui concerne l’appartement susvisé.

L’administration a recherché des termes de comparaison pertinents, c’est à dire ayant une similitude suffisante avec le bien en nature, date, situation géographique et caractéristiques.

Au vu de trois termes de comparaison pertinents, elle a appliqué un prix au m² de 13 845 € à la superficie connue (197 m²) pour obtenir une valeur de 2 181 000 € en appliquant une décote de 20 % pour bien occupé.

Suite aux observations de Mme Y (surface de 169 m² notamment ), la valeur de 2.020.000 € avancée par elle a été retenue par l’Administration.

Mme Y conteste cette rectification pour deux motifs : défaut de cohérence avec les prix du marché de l’immobilier tel que résultant de la base de données des notaires et défaut de prise en compte de la situation de l’appartement qui était loué, ce qui justifiait selon elle un abattement de 20 % pour occupation.

La base de données des notaires ne fournit qu’un prix au m² médian pour les biens situés dans le quartier des Archives à Paris (3e), sans aucune précision sur les caractéristiques des biens, et ne permet pas une comparaison et une contestation utiles par rapport aux termes de référence comparables au bien litigieux fournis par l’Administration.

Par ailleurs, l’abattement de 20 % a bien été pratiqué par l’Administration.

La contestation de Mme Y doit donc également être rejetée en ce qui concerne ce bien.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Mme Y, partie principalement perdante, a été justement condamnée par le premier juge aux dépens de première instance.

Succombant en appel, elle sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Montauban en date du 15 mai 2018 ;

Y ajoutant,

Condamne Mme Y aux dépens d’appel ;

Déboute Mme Y de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 7 décembre 2020, n° 18/03051