Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 29 octobre 2021, n° 19/04753

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 29 oct. 2021, n° 19/04753
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/04753
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 2 octobre 2019, N° 17/00042
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

29/10/2021

ARRÊT N°2021/518

N° RG 19/04753 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NIZX

MD/PG

Décision déférée du 03 Octobre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de Toulouse ( 17/00042)

MME X

[…]

O Y

C/

SOCIETE GENOSKIN

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

***

APPELANTE

Madame O Y

[…]

[…]

Représentée par Me Mathilde SOLIGNAC, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SOCIETE GENOSKIN

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-paul BOUCHE de la SELARL BOUCHE JEAN-PAUL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, et C. KHAZNADAR, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUMÉ, présidente

M. DARIES, conseillère

C. KHAZNADAR, conseillère

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par S. BLUMÉ, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE:

La société Genoskin exerce l’activité de recherche, de développement, de mise sur le marché et de commercialisation de matériel d’origine chimique et biologique, de développement, mise au point, commercialisation de cellules et tissus humains dérivés de reliquats opératoires et destinés à l’industrie. Elle applique la convention collective des industries chimiques.

Mme O Y a été engagée par la société Genoskin par contrat de travail à durée déterminée à temps complet du 19 octobre 2011 au 31 décembre 2011 en qualité de chercheur.

Le 1er janvier 2012, la relation de travail s’est poursuivie à durée indéterminée en qualité de chercheur, catégorie cadre.

A compter du mois d’août 2015, la salariée a été placée en arrêt de travail puis en congé maternité du 3 octobre 2015 au 24 janvier 2016.

Après avoir été convoquée le 14 mai 2016 à un entretien préalable fixé au 23 mai 2016 avec mise à pied à titre conservatoire, la salariée a été licenciée par la société le 3 juin 2016 pour faute grave.

Le 11 janvier 2017, Mme O Y a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse pour

contester son licenciement.

Par jugement de départition du 3 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse, a :

— dit que le licenciement était fondé sur une faute grave,

— condamné la société à verser à la salariée les sommes suivantes :

*1 833,86 euros au titre des heures supplémentaires réalisées de janvier 2014 à août 2015 outre les congés payés afférents,

*1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté le surplus des demandes,

— rappelé que la présente décision bénéficiait de l’exécution provisoire de droit en vertu de l’article R. 1454-28 du code du travail et fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire à 3 475,91 euros,

— condamné la société aux entiers dépens.

Par déclaration du 31 octobre 2019, Mme O Y a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 15 octobre 2019.

PRETENTIONS DES PARTIES:

Par conclusions transmises par RPVA le 11 août 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme O Y demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Genoskin au paiement des sommes suivantes :

*1 833,86 euros au titre des heures supplémentaires réalisées de janvier 2014 à août 2015 outre les congés payés afférents,

— réformer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une faute grave, et l’a déboutée de ses demandes,

— statuant à nouveau, dire que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamner la société Genoskin à lui verser les sommes suivantes à titre principal :

*1 622 euros au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà de 39 heures hebdomadaires du lundi au vendredi, outre les congés payés afférents,

*1 507,10 euros au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà de 39 heures hebdomadaires le samedi, outre les congés payés afférents,

*1 328,87 euros au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà de 39 heures hebdomadaires le dimanche, outre les congés payés afférents,

— à titre subsidiaire : 2 500,61 euros au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents,

— constater que l’employeur a eu à son égard une attitude déloyale et discriminatoire à son retour de congé de maternité,

— condamner la société à lui verser 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

— condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

*982,62 euros au titre du rappel de salaire outre les congés payés afférents,

*10 144,23 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

*3 099,55 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

*40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*2 000 euros au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel, outre les entiers dépens.

Par conclusions transmises par RPVA le 21 juillet 2021, la société Genoskin demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement de la salariée fondée sur une faute grave,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à verser à la salariée les sommes suivantes :

*1 833,86 euros au titre des heures supplémentaires réalisées de janvier 2014 à août 2015 outre les congés payés afférents,

*1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

— statuant à nouveau, rejeter l’ensemble des demandes de la salariée,

— condamner Madame Y au paiement de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 27 août 2021.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

MOTIVATION :

I/ Sur les heures supplémentaires :

L’article L 3171-4 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié . Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forge sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en

produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme Y expose que :

— selon contrats de travail à durée déterminée des 19 octobre et 21 décembre 2011, le temps de travail mensuel était fixé à 169 heures (soit 39 heures hebdomadaires) et la société est redevable envers elle, ayant réglé un taux horaire majoré pour 13,56 heures au lieu de 17,33 heures de octobre 2011 à décembre 2015, la situation ayant été régularisée à compter de janvier 2016,

— elle a accompli des heures supplémentaires au-delà de 39 heures, en semaine, durant le weekend en travaillant certains samedis: 14 en 2014, 3 en 2015 et un en 2016, outre certains dimanches: 9 en 2014 et 3 en 2016.

Elle ajoute que 'les feuilles de temps’ produites par l’employeur ne sont pas destinées au décompte des heures effectuées mais servent de base à une déclaration pour bénéficier d’un crédit impôt recherche (CRI).

Les éléments fournis par l’appelante (contrats de travail, bulletins de salaires, courriers électroniques adressés libellés hors des horaires de travail, tableaux de synthèse des mails envoyés durant la semaine hors des horaires de travail, de chiffrage des heures supplémentaires réalisées le samedi et le dimanche) permettent à l’employeur de répondre.

La société Genoskin réplique que :

— le contrat de travail contient une erreur matérielle, la durée réelle de travail de la salariée étant de 165 heures par mois, comme coïncidant avec les fiches de temps mensuelles déclarées et signées par elle et le CIR est calculé sur la masse salariale de l’ensemble du personnel réalisant des recherches,

— l’appelante, étant cadre, n’avait pas d’horaires de travail définis mais ils étaient modulables et la salariée a établi et signé des feuilles de temps sur la période considérée, communiquées à la procédure et a formulé des demandes de jours de congés compensateurs qui ont été accordés et qui ne figurent pas dans les décomptes.

Elle conclut au débouté des prétentions.

Sur ce :

— Si le contrat initial à durée déterminée mentionne 169 heures, sans qu’une modification ne soit intervenue dans l’avenant du 21 décembre 2011 établissant la contractualisation d’un contrat à durée indéterminée, ni dans celui du 27 juillet 2012 augmentant la rémunération mensuelle à partir d’avril 2012, les bulletins de salaire versés à la procédure portent 165 heures payées de août 2013 à décembre 2015, puis 169 heures à la suite de l’avenant du 24 janvier 2016 prévoyant une augmentation salariale et disposant qu’à compter du 25 janvier, la salariée est engagée à raison de 169 heures mensuelles.

Ce nouvel avenant modificatif du nombre d’heures et les feuilles de temps mensuelles, précisant le nombre d’heures accomplies selon les activités et les congés et absences, signées du directeur et de la salariée, portant mention d’un total de 165 heures, corroborent l’existence d’une erreur matérielle sur les conventions initiales, ce d’autant que jusqu’à la procédure de licenciement, Madame Y

n’avait pas relevé un différentiel.

Aussi la demande de rappel de salaire pour les heures effectuées entre 35 et 39 heures hebdomadaires sera rejetée.

— Madame Y produit un récapitulatif des courriels adressés en semaine entre 15H 56 et 22 H 33 (pour le plus tardif) pour la période d’octobre 2013 à juillet 2015 ainsi que les copies des courriels correspondant à cette période, la grande majorité étant établis entre 18 heures et 19 heures.

S’agissant des heures accomplies le samedi et le dimanche, elle communique un tableau par date mentionnant la durée de travail sans précision des horaires, ni élément complémentaire justifiant les raisons de ces heures non sollicitées par l’employeur et réalisées sur site.

Au regard des critiques et des pièces versées par la société venant remettre en cause l’effectivité d’heures supplémentaires non rémunérées et non compensées, l’appelante sera déboutée de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires dites accomplies au-delà de 39 heures et pendant la fin de semaine.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé sur ces chefs.

II/ Sur la discrimination en raison de la maternité :

Par application de l’article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l’article L.1142-1 du code du travail :

'Sous réserve des dispositions particulières du présent code, nul ne peut :

1° Mentionner ou faire mentionner dans une offre d’emploi le sexe ou la situation de famille du candidat recherché. Cette interdiction est applicable pour toute forme de publicité relative à une embauche et quels que soient les caractères du contrat de travail envisagé ;

2° Refuser d’embaucher une personne, prononcer une mutation, résilier ou refuser de renouveler le contrat de travail d’un salarié en considération du sexe, de la situation de famille ou de la grossesse sur la base de critères de choix différents selon le sexe, la situation de famille ou la grossesse ;

3° Prendre en considération du sexe ou de la grossesse toute mesure, notamment en matière de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation.'

L’article L.1225-25 du Code du travail prévoit : « A l’issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. »

Sur le plan probatoire, en cas de litige relatif à une discrimination, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 ; au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Madame Y rappelle qu’elle a été absente de l’entreprise du mois d’août 2015 au 24 janvier 2016, pour cause de congé pathologique, puis de congé maternité. Elle soutient qu’elle a été victime de discrimination à son retour, étant déchargée de ses fonctions en matière de production et ses missions d’encadrement des équipes étant réduites.

Elle produit à cet effet :

— un organigramme de la société Genoskin du 10 novembre 2014 sur lequel elle figure comme assumant les fonctions de Responsable qualité, Chef de projet au sein du département R & D (recherche et développement) composé de trois personnes: Madame Z, doctorante, Monsieur T F, technicien et Madame A, technicienne, outre Chef de projet au sein du département production,

— un second organigramme du 19 février 2016 sur lequel elle est portée Responsable qualité et Chef de projet et responsable R & D.

Elle expose qu’en qualité de responsable qualité, elle comptait dans son équipe Monsieur B, consultant et qu’au sein du pôle R & D, elle n’encadrait plus aucun salarié, Madame Z, étant devenue, à sa place, responsable équipe technique et chef de projet au sein du pôle production et étude, tel qu’il ressort des termes même de la lettre de licenciement du 3 juin 2016: « (') vous devez consulter Madame Z responsable et manager de l’équipe technique (') » .

Elle considère que celle-ci avait, de par cette responsabilité, la possibilité d’affecter un technicien de son choix à une mission spécifique et avait la main sur l’organisation et l’avancement des projets.

L’appelante indique également qu’avant son congé maternité, elle travaillait dans le même bureau de la direction que le gérant, Monsieur C, et qu’à son retour, elle a été installée, sans prévenance, dans celui des techniciens, partagé avec trois autres personnes, ce qu’elle assimile à une rétrogradation.

Elle ajoute que la société Genoskin, contrairement à ce qu’elle prétend, ne l’a pas valorisée par une hausse de sa rémunération par avenant du 24 janvier 2016, n’ayant fait que régulariser l’erreur de rémunération existant depuis 2011.

L’appelante conclut que l’employeur a manqué à son obligation de la réintégrer dans ses fonctions.

La cour estime que l’ensemble de ces éléments pris dans leur ensemble laisse supposer l’existence d’une discrimination à l’encontre de Madame Y.

En réponse, la société Genoskin, réfutant toute discrimination, explique que :

— il a été mis en place un système d’organisation et de management des équipes de travail (non cadre), par le biais d’un planning des équipes dont l’établissement et la gestion ont été confiés à Madame Z, cadre responsable,

— le 31 juillet 2015, tous les collaborateurs, y compris l’appelante, ont bénéficié d’une première

formation sur les outils de gestion et la structuration d’une start- up et une seconde formation a été organisée que la salariée a suivie au retour de son congé maternité, à raison de 70 heures.

La société réplique que Mme Y est devenue responsable recherche et développement en plus de chef de projet et responsable qualité et qu’elle a été augmentée en terme de salaire, effectuant 4 heures mensuelles de plus. Elle affirme que ses fonctions n’ont pas varié, continuant à encadrer deux techniciens jusqu’à la fin de son contrat de travail.

Concernant le changement de bureau, la société comportait deux bureaux : l’un de trois places et l’autre de cinq places, Monsieur C, directeur, étant localisé dans celui de trois places, avec une consultante administrative, Madame D. En décembre 2015, Madame E, en stage de développement commercial et sous la responsabilité du directeur, a été recrutée et installée à la place de Madame Y, compte tenu des fonctions des uns et des autres. L’intéressée a donc intégré le second bureau où était présente Madame Z avec Messieurs F et G, techniciens.

Sur ce :

Une entreprise évoluant dans le temps peut apporter des modifications relevant du pouvoir de direction, en termes organisationnels, tant sur le plan des fonctions que de la situation physique des postes sur le site. En ce cas, l’employeur n’a pas l’obligation de réintégrer le salarié dans son ancien poste s’il n’est plus disponible et peut le muter sur un autre poste n’emportant pas modification d’un élément essentiel du contrat de travail.

Ainsi la start-up Genoskin, née en 2011, a amorcé avant-même le départ en congé pathologique de Mme Y, une restructuration en termes d’organisation et de définition des tâches des collaborateurs, puisqu’il s’évince des pièces versées et non contestées, qu’une formation a débuté en juillet 2015 à laquelle l’appelante a participé, portant sur une introduction sur la structuration d’une start-up et sur l’intérêt des process et des outils de gestion.

La salariée avait donc connaissance de la mise en place de changements organisationnels dans l’entreprise et elle a bénéficié à son retour de congé maternité d’une seconde formation portant sur les outils à mettre en place pour la gestion des projets, pour le management des équipes (dont planning des équipes) et des process.

La restructuration a impacté le champ de compétences de l’appelante puisqu’elle n’intervient plus sur le Pôle production dont Mme Z, ancienne collaboratrice, est devenue chef de pôle en même temps que responsable équipe technique, à laquelle a été attribuée la nouvelle tâche d’élaboration des plannings.

Néanmoins, Mme Y a conservé la responsabilité du Pôle qualité avec l’assistance d’un consultant M. Bonzom et est devenue responsable du Pôle R & D dont elle était chef de projet, élargissant ainsi ses compétences.

Si au vu de l’organigramme du 19 février 2016, le management des 3 techniciens T F, U A et V H apparaît partagé avec le Pôle production, il n’en demeure pas moins que l’appelante continue, tel qu’il ressort des échanges de mails avec Messieurs F et H, à donner des instructions à ses collaborateurs la sollicitant et à exercer ainsi une responsabilité de management.

Elle n’invoque, ni un retrait de projet de recherche, ni une modification de son contrat de travail.

A compter de janvier 2016, l’employeur a procédé à une augmentation de la rémunération et du temps de travail porté à 169 heures de travail, ce qui exclut un traitement défavorable à son retour de

congé maternité.

Enfin, le changement de bureau relève d’une organisation logistique cohérente au regard des relations de travail.

Aussi, au vu des éléments objectifs opposés par l’employeur, l’existence d’une discrimination et d’une exécution déloyale du contrat de travail au retour de congé- maternité de l’appelante n’est pas caractérisée et Mme Y sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé sur ce chef.

III/ Sur le licenciement :

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importante telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. Le juge doit tenir compte des éléments qui lui sont alors soumis pour apprécier la gravité de la faute soutenue. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

' Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d’une faute grave, ce dont nous vous avonsfaitpart lors de notre entretien du 23 mai 2016.

En effet, nous avons appris que vous aviez demandé à un stagiaire dont vous aviez la responsabilité, d’utiliser dans l’après midi du 19 avril 2016 la plateforme vidéo microscope APOTOME de notre partenaire, le laboratoire ITAV, et ce alors que le règlement de la plateforme l’interdit formellement.

Alors que vous aviez parfaitement connaissance de l’obligation de formation des utilisateurs de la plateforme et de la nécessité d’une autorisation préalable d’utilisation du responsable de la plateforme outre le fait que vous étiez vous même formée à cette utilisation, vous avez laissé un stagiaire utiliser la plateforme.

Le lendemain soit le 20 avril, vous avez à nouveau fait réserver un créneau de 9h à 11h sur la plateforme APOTOME par votre stagiaire.

De surcroît, le 20 avril, vous étiez absente de votre poste car en formation. Dès lors, le stagiaire dont vous aviez la responsabilité pouvait utiliser seul des équipements de la plateforme sans formation ni validation préalable, ce qui a eu pour conséquence un courrier de rappel de la direction du laboratoire ITAV.

Consciente de votre faute, vous avez faussement indiqué à la direction du laboratoire et sans en informer votre supérieur hiérarchique Monsieur C, que votre stagiaire n’avait fait que procéder à une réservation d’un créneau d’utilisation alors que vous saviez parfaitement que votre stagiaire s’était rendu seul dans la matinée sur la plateforme puisque vous étiez en formation. En atteste le message de votre stagiaire qui vous indiquait par courriel à 9h30 se trouver au laboratoire jusqu 'à 11 h, ce qui n’a provoqué aucune réaction de votre part.

En outre, nous avons appris par courriel de Madame J du laboratoire ITAVque vous n’aviez pas vérifié l’état du cryostat le 25 avril dernier après le travail effectué par une stagiaire que vous encadrez au laboratoire.

Malgré le fait que Monsieur C soit votre supérieur hiérarchique et du fait des précédents du 19 et 20 avril, vous n’avez pasjugé nécessaire d’informer ce dernier.

Nous avons aussi appris que vous aviez commis plusieurs fautes dans la réalisation des tâches qui vous incombent du fait de votre qualité de chef de projet.

En effet, à ce titre vous devez consulter Madame Z responsable et manager de l’équipe technique en charge de la planification du travail liée aux projets de la société GENOSKIN et ce afin de répartir les tâches entre les techniciens de la société.

Votre fiche de fonctions et la tâche de suivi de tout projet GENOSKIN dont vous avez par ailleurs contribué à mettre en place vous oblige à travailler en concertation avec Madame Z.

Or nous avons appris que le 11 avril 2016 vous aviez pris le créneau réservé à Monsieur F, technicien de la société GENOSKIN, au laboratoire ITAV pour la mise enforme de marquages liés à l’étude GEN 15. 071 car vous n’aviez pas réalisé des photos dans les délais prévus. Ce qui a eu pour conséquence de ne pas permettre au manager de l’équipe technique de choisir un autre créneau pour la mise enforme des marquages.

De surcroît, vous vous êtes permis de reprocher à Monsieur F à 10 minutes d’une réunion suivi Production/Etudes la non mise en forme des marquages.

Deplus, nous avons appris le 9 mai dernier, que vous aviez comptabilisé des heures de formation pour le compte de Madame M sans consulter au préalable Madame Z alors que Madame M n’était pas prévue au planning sur ce projet.

Ces faits ont eu pour conséquence de désorganiser le planning de travail de la société et l’avancement de certains projets.

Par ailleurs, en application de votre contrat de travail et de votrefiche de poste, vous aviez l’obligation de rendre compte de rapports d’étude R&D à Monsieur C.

Or, il vous a été demandé un compte rendu R&D 16-013, dont vous aviez programmé l’étude, le 12 avril dernier pour une remise le 26 avril. Malgré une relance par courriel de Monsieur C le 11 mai, ce rapport n’a jamais été rendu en violation de vos obligations contractuelles.

Enfin le 17 mai dernier, alors que vous étiez en arrêt de travail depuis ce même jour etjusqu’au 22 mai, vous avez accédé à votre messagerie professionnelle pour transmettre des informations confidentielles liées à un protocole à Madame W AA de la société SYNELVIA qui est une société concurrente de la société GENOSKIN et ce en violation de l’article 10 de votre contrat de travail vous soumettant à une obligation de confidentialité.

Votre conduite met donc en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies après de vous au cours de notre entretien du 23 mai dernier ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation du sujet. En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. Nous vous confirmons pour les mêmes raisons la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l’objet depuis le 23 mai dernier. ''

Il est reproché à Madame Y les griefs suivants :

— avoir laissé un stagiaire utiliser la plateforme vidéo microscope APOTOME en contrevenance des instructions imposées,

— une absence de vérification de l’état du Cryostat,

— une désorganisation de la société,

— un retard dans la restitution de rapport d’étude,

— la transmission d’informations confidentielles à une société concurrente.

Sur les quatre griefs relatifs au non-respect par la salariée des consignes établies par l’employeur, les éléments versés aux débats corroborent leur matérialité ainsi que le conseil de prud’hommes l’a retenu.

— Sur l’utilisation de la plateforme vidéo Microscope Apotome, dont l’employeur indique que l’utilisation se fait via un ordinateur et est soumise par le CNRS à une formation préalable à laquelle l’intéressée a participé et celle-ci ne pouvait laisser un stagiaire, Monsieur N, se servir seul à deux reprises les 19 et 20 avril 2016 de l’équipement.

Il sera relevé que Monsieur N, à deux reprises, a procédé avec son propre login à la réservation du microscope à la demande de l’appelante qui explique que le 19 avril, le stagiaire non formé, a manipulé l’ordinateur mais sous son contrôle.

Après un temps d’incertitude exprimée le 11 mai 2016 par mail à sa maître de stage sur cette utilisation : ' tu te souviens de quand on y a été ensemble à l’Apotome la première fois, j’ai jamais utilisé ce truc tout seul non formé, on est d’accord ' J’ai juste besoin de cette confirmation', le lendemain, il répondait à son employeur, 'avoir commencé à manipuler l’ordinateur ce jour-là sous le contrôle strict de O, ne pensant pas faire mal et reconnaître que c’était une erreur et une entorse au règlement de la plateforme'.

L’utilisation des équipements est soumise à formation et validation comme le rappelait le responsable de la plateforme Monsieur P dès le lendemain matin 20 avril par courriel, alors même que Monsieur Q avait réservé à nouveau le microscope pour ce jour et qu’aucune annulation n’avait été faite par Mme Y pourtant absente pour cause de formation.

Si elle conteste la présence et l’utilisation du matériel à cette date par Monsieur Q, il est permis de s’interroger alors sur l’intérêt du contenu du mail qu’il lui a adressé en début de matinée intitulé 'Apotome: j’y suis jusqu’à onze heures en espérant terminer à temps'.

— Mme Y reconnaît un défaut de nettoyage du Cryostat le 25 avril 2016 signalé par le laboratoire ITAV et ne peut s’exonérer en imputant celui-ci au stagiaire intervenant, ce par la responsabilité qui lui incombe en tant que maître de stage et responsable du pôle qualité et des conséquences importantes de contamination biologique que rappelle la société par l’utilisation des échantillons de tissus humains.

— s’agissant de la désorganisation du planning, il ressort des mails de Monsieur F technicien et de Madame Z que des difficultés sont apparues les 14 avril et 09 mai 2016, impactant l’octroi de créneaux de travail et l’affectation des techniciens. Si comme l’oppose Madame Y, les plannings doivent pouvoir être adaptés à des situations imprévues, les modifications relèvent des modalités de planification du travail de l’équipe technique mises en place dans l’entreprise en consultation de Madame Z responsable de l’équipe.

— enfin, le retard dans la remise du rapport d’étude R & D 16-013 d’une dizaine de jours est avéré sans que l’intéressée ne rapporte la preuve d’une cause exonératoire.

Le cumul des fautes avérées sur un laps de temps limité en contrevenance aux règles de l’entreprise,

dont certaines relèvent de celles édictées par les partenaires nécessaires à la société pour son bon fonctionnement, justifient, au regard également des responsabilités inhérentes aux fonctions de Madame Y, un licenciement pour faute grave empêchant le maintien de la salariée dans l’entreprise.

Au surplus, la société reproche à l’appelante d’avoir transmis à Madame R, responsable département in vitro à la société SYNELVIA, entreprise concurrente, des documents confidentiels par mails des 16 et 23 mai 2016, notamment durant son arrêt de travail, à savoir des données et un protocole sur une analyse développée par Genoskin appelée 'Biotin Tracer', associés à l’envoi de photographies des résultats obtenus dans le cadre du protocole développé par l’employeur pour la société Léo Pharma, l’un de ses clients, et qui a généré l’établissement d’un rapport mentionnant expressément le caractère confidentiel. La société ajoute que l’appelante était en charge de l’étude et du développement du test 'Biotin tracer’ et qu’il n’existe aucune entraide scientifique entre sociétés concurrentes.

Madame Y réplique avoir transmis, non pas l’étude mais les références d’une publication sur internet dénommée « Histamine suppresses epidermal keratinocyte differentiation and impairs skin barrier function in a human skin model», n’ayant pas de caractère confidentiel.

Il y a lieu d’adopter les motifs de la décision du premier juge sur l’analyse du grief et la matérialité de la violation de l’obligation de confidentialité par Madame Y, chercheur, au regard des éléments communiqués de part et d’autre. En effet, l’article scientifique qu’elle verse aux débats en vue d’établir que les éléments transmis n’étaient que la retranscription de données publiées n’est produit qu’en langue anglaise et ne permet pas de démontrer les correspondances exactes des informations transmises avec les éléments publiés. En outre la salariée a transmis une photographie obtenue lors de l’étude réalisée par la société Genoskin.

De surcroît, l’appelante ne démontre pas l’existence consacrée d’une entraide scientifique entre les sociétés Genoskin et Sylvania.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé sur ce chef.

Sur les demandes annexes :

Mme Y, partie principale perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

La Sas Genokin en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de la procédure. Madame Y sera condamnée à lui verser une somme de 1000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La salariée sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré du conseil des prud’hommes de Toulouse du 03 octobre 2019, sauf en ses dispositions ayant condamné la société Genoskin à un rappel de salaire,

Y ajoutant:

Déboute Madame O AB de sa demande de rappel de salaire,

Condamne Madame Y aux dépens d’appel et à verser à la Sas Genoskin une somme de 1000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute Madame Y de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUMÉ, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. DELVER S. BLUMÉ

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Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 29 octobre 2021, n° 19/04753