Cour d'appel de Versailles, 3ème chambre, 10 février 2011, n° 09/07555

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 3e ch., 10 févr. 2011, n° 09/07555
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 09/07555
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 3 septembre 2009, N° 08/3807
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 61B

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 FEVRIER 2011

R.G. N° 09/07555

AFFAIRE :

S.N.C. D E MSD

C/

J C

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Septembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 2

N° RG : 08/3807

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP DEBRAY-CHEMIN

Me Jean-Pierre BINOCHE

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX FEVRIER DEUX MILLE ONZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.N.C. D E MSD anciennement dénommée E VACCINS

XXX

XXX

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués – N° du dossier 09000808

assistée de Me Florence MONTERET- AMAR, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

1/ Monsieur J C

né le XXX à XXX

2/ Madame L C

née le XXX à XXX

ès qualité de tuteur de M. J C par décision rendue par le tribunal d’instance de BOULOGNE BILLANCOURT le 18 juin 2009

3/ Mademoiselle Y C

née le XXX à XXX

Demeurant tous trois :

XXX

XXX

4/ Mademoiselle F C

née le XXX à XXX

XXX

XXX

5/ SOCIETE CARPIMKO – Caisse de retraite et de prévoyance

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentés par Me BINOCHE, avoué – N° du dossier 661/09

assistés de Me Philippe CERTIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMES – APPELANTS INCIDENTS

6/ CPAM DES HAUTS DE SEINE

dont le siège social est XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués N° du dossier 20100241

assistée de Me Vincent PERRAUT, avocat, substituant Me Cécile MERILLON-GOURGUES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Janvier 2011, Madame Annick DE MARTEL, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-José VALANTIN, Président,

Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,

Madame Marie-Bénédicte MAIZY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Lise BESSON

La S.N.C. D E MSD est appelante d’un jugement du tribunal de grande instance de Nanterre, rendu le 4 septembre 2009 dans une affaire l’opposant aux consorts, J, L, Y et F C (Consorts C) ainsi qu’à la CARPIMKO.

*

M. J C, né le XXX, a été vacciné contre l’hépatite B les 26 décembre 1998, 29 janvier 1999, 8 juillet 1999. En août 1999, alors qu’il était en vacances, il a constaté des tremblements intermittents du pied gauche, et alors qu’il avait repris son travail, des périodes d’asthénie importante. Son état s’est aggravé et les troubles sont devenus plus complexes et nombreux ; il a consulté en juillet 2000 et a été orienté vers un neurologue lequel en novembre 2000 a posé le diagnostic de la sclérose en plaques.

M. J C a été hospitalisé en janvier 2001 ; son état n’a cessé de s’aggraver ; il a cessé de travailler ; son taux d’incapacité reconnue était de 80 %. Il serait actuellement de 90 % selon ses dernières écritures, ce qui a justifié sa demande d’expertise complémentaire.

M. J C, son épouse et ses enfants, ont saisi le tribunal de grande instance de Nanterre qui a désigné deux experts, MM. Z et A, dont le rapport a été déposé le 1er mars 2005. Au vu de ce rapport, les consorts C ont demandé au tribunal de dire qu’il existe de fortes présomptions quant à l’existence d’un lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques dont M. J C est atteint.

La CARPIMKO est intervenue volontairement à l’instance.

*

Par jugement rendu le 4 septembre 2009, le tribunal de grande instance a considéré que la sclérose en plaques dont était atteint M. J C était en lien avec le défaut des vaccins produits par la S.N.C. D E MSD.

Il a condamné la S.N.C. D E MSD à payer :

— aux consorts C, conjointement, la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— à la CPAM DES HAUTS DE SEINE, 125.417,01 euros avec intérêts au taux légal depuis le 8 novembre 2008 et 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a ordonné une expertise complémentaire confiée au Docteur X pour faire le point sur l’aggravation de l’état de M. J C ; et sursis à statuer jusqu’au dépôt du rapport.

La S.N.C. D E MSD a été déboutée du surplus de ses demandes.

Le tribunal a estimé que l’imputabilité du dommage au produit administré résultait de plusieurs indices : état de santé sans problème de la victime avant les vaccinations, lien temporel entre les injections et le début des symptômes ; le fait que la littérature scientifique ne permet pas d’éliminer la présence d’un lien et la plus grande fréquence de développement de sclérose en plaques, proportionnellement, parmi les personnes vaccinées ; il a également considéré que le produit présentait bien un caractère défectueux puisque la notice en 1998 mentionnait la survenance possible d’effets indésirables tels que des atteintes démyélisantes et que par la suite, les vaccinations ont été ralenties.

La S.N.C. D E MSD a régulièrement relevé appel de ce jugement.

*

Dans ses dernières conclusions visées le 13 décembre 2010, elle demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter les consorts C, la CPAM des HAUTS DE SEINE et la CARPIMKO de toutes leurs demandes.

En tant que de besoin, de dire M. J C mal fondé en son appel incident et de condamner reconventionnellement les consorts C à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions visées le 2 décembre 2010, les consorts C et la CARPIMKO concluent à la confirmation de la décision entreprise sauf en ce qu’elle n’a pas fait droit à la demande de provision.

Formant appel incident de ce chef, ils demandent à la cour de condamner la S.N.C. D E MSD à leur régler une provision de 100.000 euros ; de débouter la S.N.C. D E MSD de l’ensemble de ses demandes ; de surseoir à statuer sur la créance de la CARPIMKO ; de condamner le laboratoire D E à leur payer la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions visées le 2 juillet 2010, la CPAM des HAUTS DE SEINE indique à la cour le montant définitif (125.417,01 euros) et le détail de sa créance.

Elle sollicite la condamnation de l’appelante à lui payer la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et celle de 966 euros par application de l’article L376-1 du code de la sécurité sociale.

Elle forme des réserves pour les prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement.

La cour renvoie à ces conclusions déposées et soutenues à l’audience, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est constant qu’aux termes de l’article 1386-1 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ; et il appartient au demandeur de prouver le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

— Sur la réalité de la vaccination effectuée les 26 décembre 1998, 29 janvier et 8 juillet 1999

La S.N.C. D E MSD conteste en appel comme elle l’avait fait en première instance, la réalité de la vaccination dont M. J C a fait l’objet, alors qu’il n’est pas contesté que son métier l’y obligeait et qu’il résulte suffisamment du certificat du Docteur B (11 mai 2001), de la copie de la feuille de soins (5 décembre 1998) et de la facture de la pharmacie ayant délivré le produit le 24 décembre 1998, que M. J C a bien procédé à la triple injection requise pour ce vaccin. Le jugement sera sur ce point confirmé.

— Sur la réalité du dommage

Celle-ci n’est hélas pas contestable. M. J C est atteint d’une forme sévère de sclérose en plaques dont les premiers symptômes sont apparus dès le mois d’août 1999, suivant la dernière injection du vaccin de juillet. Son état s’est depuis lors aggravé.

— Sur le lien entre la vaccination et le dommage

Il est constant que la preuve du lien de causalité existant entre la prise du produit ou le défaut du produit, et la maladie ne s’entend pas nécessairement de la preuve scientifique, objective de cette nocivité.

La S.N.C. D E MSD invoque largement cette absence de preuve scientifique du lien de causalité entre la vaccination et la maladie de M. J C.

Or, si "l’ensemble des études publiées converge pour établir qu’il n’existe aucun lien démontré’ entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, ainsi que le souligne largement la S.N.C. D E MSD, il n’existe pas davantage de démonstration scientifique inverse, qui exclurait tout lien entre la sclérose en plaques et cette vaccination.

Ainsi et selon les conclusions de l’expertise diligentée par les Docteurs Z et A qui ont examiné M. J C et déposé un seul rapport :

« les études épidémiologiques publiées à ce jour ne démontrent pas de manière certaine l’absence de relation de causalité chez un individu particulier ».

Si des études comme l’étude Hernan, l’éditorial de R.T. NAISMITH ou l’analyse Geier, critiqués par la S.N.C. D E MSD, ne suffisent pas à prouver de manière incontestable ce lien existant entre la maladie et la vaccination, elles sont suffisamment sérieuses pour rendre tout aussi sérieuse cette hypothèse, puisqu’elles tendent à démontrer un accroissement du risque de sclérose en plaques du fait de la vaccination contre l’hépatite B.

C’est la raison pour laquelle la preuve exigée du demandeur à l’indemnisation peut être rapportée, s’agissant d’éléments de fait, en ayant recours à de simples présomptions, à la condition qu’elles soient graves, précises et concordantes, conformément à l’article 1353 du code civil.

Or en l’espèce, les Docteurs Z et A relèvent, s’agissant de M. J C :

— qu’aucun antécédent personnel ne le prédispose à une telle maladie ; il n’a connu que des troubles visuels et des problèmes d’arthrose et a déjà subi des vaccinations. Son état de santé était excellent jusqu’à l’été 1999,

— qu’aucun antécédents familiaux ne le prédispose davantage à des maladies neurologiques.

Par ailleurs, les Docteurs Z et A soulignent ;

— le lien temporel entre la vaccination (janvier à juillet 1999) et l’apparition des premiers symptômes de la maladie (août 1999) quelques jours après la troisième vaccination.

La S.N.C. D E MSD, qui considère que la preuve de la vaccination n’est pas rapportée, fait valoir que l’histoire personnelle de M. J C ne vaut pas présomption en faveur d’une imputabilité de la pathologie apparue, au vaccin administré.

Cette affirmation de la société rejoint celle selon laquelle seule une preuve scientifique absolue permet de fonder la responsabilité du producteur ; affirmation qui ne peut être retenue.

Ainsi,

— compte tenu d’une part, de ce que la littérature scientifique ne permet pas aujourd’hui d’écarter le lien existant entre la vaccination contre l’hépatite B et le diagnostic sur la personne vaccinée d’une sclérose en plaque,

— compte tenu d’autre part, de l’absence d’antécédents personnels et familiaux, relatifs à cette maladie,

— compte tenu enfin du lien temporel, souligné par les experts, entre le déclenchement de la maladie et la vaccination,

il convient de considérer qu’il existe des présomptions graves précises et concordantes permettant de dire que le lien causal entre la maladie et la prise du produit est suffisamment établi.

Encore faut- il cependant que le produit soit défectueux et que ce lien puisse être établi entre cette défectuosité et la maladie.

— Sur le caractère défectueux du produit

Aux termes de l’article 1386-4 du code civil, un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Dans l’appréciation de cette exigence il doit être notamment tenu compte de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

S’il est vrai que depuis le début de l’année 2009, la vaccination a cessé d’être un objectif prioritaire du Ministère de la Santé alimentant plusieurs campagnes de faveur, le vaccin n’a jamais fait l’objet d’un retrait en raison du risque qu’il présenterait. La notice du vaccin mentionnait bien en 1998, de possibles atteintes démyélinisantes du système nerveux central. Le Vidal établit un lien en 2002, entre la stimulation immunitaire du vaccin et la possibilité d’induire une poussée de sclérose en plaques (donc pour quelqu’un qui en serait déjà atteint).

Cependant, la société souligne les bienfaits de la vaccination, son adoption par 171 pays (en 2007), le nombre des vaccinations et de vies épargnées par le vaccin et le fait que le rapport bénéfice/risque n’a jamais été remis en question. Par ailleurs, il n’est pas démontré que le laboratoire ait manqué à son obligation d’information au regard des effets indésirables possibles du vaccin.

Le défaut de sécurité objective du produit n’est donc pas établi par les consorts C, or, la seule implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à mettre en jeu la responsabilité du producteur.

Il convient donc d’infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a retenu la responsabilité de la S.N.C. D E MSD.

— Sur la demande d’expertise complémentaire et sur la provision

La mesure d’expertise confiée au Docteur X ne peut être ordonnée au contradictoire de la S.N.C. D E MSD. Il convient de dire qu’il n’y a pas lieu à expertise.

Pour ce qui concerne la demande de provision, les consorts C en seront déboutés ; la S.N.C. D E MSD fait au demeurant valoir que M. J C a obtenu des sommes de l’ONIAN qui a pour mission de réparer intégralement les préjudices imputables à une vaccination.

Enfin, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des consorts C, les frais non compris dans les dépens de l’instance.

— Sur les demandes de la CPAM des HAUTS DE SEINE

La CPAM fait valoir que sa créance, définitive, dont elle fournit les différents postes, s’élève à la somme de 125.417,01 euros ; elle en sollicite le remboursement à la S.N.C. D E MSD.

La S.N.C. D E MSD a conclu au débouté de toutes les demandes de la CPAM.

Eu égard à l’infirmation du jugement, la CPAM sera déboutée de ses demandes dirigées à l’encontre de la S.N.C. D E MSD, y compris celles formées par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi et par application de l’article L376-1 du code de la sécurité sociale.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la S.N.C. D E MSD les frais exposés par elle et non compris dans les dépens de l’instance.

Les consorts C et la CARPIMKO seront condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 4 septembre 2009 sauf en ce qu’il a débouté M. J C de sa demande de provision,

Déboute les consorts C et la CARPIMKO de leurs prétentions,

Déboute la CPAM des Hauts de Seine de ses prétentions,

Dit que les parties conserveront à leur charge les frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés en première instance et en appel,

Condamne les consorts C et la CARPIMKO aux entiers dépens de première instance et d’appel et autorise la SCP DEBRAY CHEMIN et la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER, avoués, en ce qui concerne les dépens d’appel à procéder à leur recouvrement dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-José VALANTIN, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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