Cour d'appel de Versailles, 11ème chambre, 14 novembre 2013, n° 12/01250

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 11e ch., 14 nov. 2013, n° 12/01250
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 12/01250
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 1er février 2012, N° 10/02115
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 NOVEMBRE 2013

R.G. N° 12/01250

XXX

AFFAIRE :

XXX

C/

B X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Février 2012 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 10/02115

Copies exécutoires délivrées à :

Me Françoise CHAROUX

Me Hubert DESPAX

Copies certifiées conformes délivrées à :

XXX

B X

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

XXX

XXX

92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

Représentée par Me Françoise CHAROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0174

APPELANTE

****************

Madame B X

XXX

XXX

Représentée par Me Hubert DESPAX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1314

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Noëlle ROBERT, Président,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat à durée indéterminée Mme B X a été embauchée le 23 avril 2007 en qualité de consultante catégorie cadre par la société Kreno Consulting, spécialisée dans le recrutement et la formation, moyennant un salaire composé d’une partie fixe mensuelle de 3 000 euros (portée à 3 600 euros en 2009), et de commissions. Sa rémunération moyenne était de l’ordre de 5 300 euros au cours des douze derniers mois de son contrat de travail.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseil dite SYNTEC.

Du 29 mars au 5 mai 2010 la salariée s’est trouvée en arrêt de travail. A son retour, elle a informé son employeur de sa volonté de quitter l’entreprise.

Les parties ont établi le 6 mai 2010 une rupture conventionnelle qui a été homologuée le 22 juin 2010 et a pris effet le 30 juin suivant.

La société employait dix huit salariés au moment de la rupture.

Exposant avoir découvert après la rupture du contrat que sa salariée s’était livrée à des agissements déloyaux de détournement de clients par l’entremise de son nouvel employeur avec lequel elle a signé un contrat de travail avant la rupture du précédent, et considérant que son consentement à la convention de rupture a été vicié par les manoeuvres dolosives de sa salariée, la société Kreno Consulting a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 2 février 2012 à l’effet de voir annuler la rupture conventionnelle, ordonner la requalification de cette rupture en licenciement pour faute lourde, condamner Mme X à lui rembourser la somme de 5 443,35 euros versée au titre de l’indemnité légale spécifique de rupture conventionnelle et celle de 507,07 euros au titre des congés payé afférents, avec intérêts légaux à compter du 30 juin 2010, et à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de procédure de 2 500 euros.

Mme X a conclu au débouté, contestant les manoeuvres déloyales qui lui sont imputées.

Par jugement du 2 février 2012 le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt a jugé sans fondement la demande d’annulation de la rupture conventionnelle et a débouté la société Kreno Consulting de sa demande de requalification de la rupture en licenciement pour faute lourde, a dit que la salariée a fait preuve de déloyauté envers la société en signant un nouveau contrat de travail sans l’accord préalable de son employeur en violation de l’article 7 du contrat de travail, et l’a condamnée à payer à la société la somme de 4 200 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts légaux à compter du jugement. Il a en outre ordonné l’exécution provisoire de sa décision.

La société Kreno Consulting a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

— de dire nulle et de nul effet la rupture conventionnelle du 6 mai 2010,

— en conséquence, de condamner Mme X à lui rembourser la somme de 5 443,35 euros versée en application de l’article L 1237-13 du code du travail, outre celle de 507,07 euros correspondant à 2,5 jours de congés payés,

— de requalifier la rupture en licenciement pour faute lourde et en tout état de cause, de dire qu’elle emporte les effets d’un licenciement pour faute lourde,

— de condamner Mme X à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts, critiquant l’indemnité allouée par le conseil de prud’hommes en ce qu’il n’a sanctionné que la violation de l’article 7 du contrat de travail et pas les agissements déloyaux dont la réalité est pourtant établie par un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 4 février 2013 qui a statué sur l’action en concurrence déloyale engagée par la société Kreno Consulting contre la société Alma Bella,

— de condamner la salariée à une indemnité de procédure de 3500 euros.

Mme X conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu’il l’a condamnée à des dommages et intérêts, contestant être l’auteur de manoeuvres dolosives de même que la faculté pour l’employeur de voir requalifier une rupture conventionnelle en licenciement, considérant en outre que la société a été indemnisée de son entier préjudice par le jugement du tribunal de commerce qui n’a pas été frappé d’appel.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’annulation de la convention de rupture

La rupture conventionnelle est un contrat dont la nullité peut être recherchée par les parties sur le fondement du vice du consentement par application des dispositions du code civil.

En l’espèce, l’employeur sollicite l’annulation de la convention de rupture qu’il a signée avec sa salariée sur le fondement du dol, arguant que si Mme X ne lui avait pas tu les vraies raisons de son départ de la société (le détournement de deux clients de la société Kreno Consulting au profit d’une société tierce via une société de portage salarial, la société HPR, avec laquelle elle a signé un contrat de travail le 3 juin 2010 avant la fin de son contrat de travail avec la société Kreno Consulting), il n’aurait jamais accepté de signer cette convention.

Il se fonde sur les dispositions de l’article 1116 du code civil aux termes desquelles 'Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté'.

En l’occurrence, il est établi par la production du contrat de travail que la salariée a signé le 3 juin 2010 avec la société HPR et d’un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 4 février 2013 rendu entre la société Kreno Consulting et la société Alma Bella, que d’une part Mme X a demandé et obtenu la rupture conventionnelle de son contrat de travail avec la société Kreno Consulting alors qu’elle avait négocié un nouveau contrat de travail avec la société HPR qu’elle a signé le 3 juin 2010, avant que son contrat précédent n’ait pris fin, d’autre part qu’elle s’était livrée avec Mme Y, gérante d’une société Alma Bella, et via la société de portage salarial HPR, à des faits de détournement de deux clients de la société Kreno Consulting, les sociétés Astellas et Codepharma, au profit de la société Alma Bella.

La matérialité de ces faits ressort en effet des motifs du jugement précité du tribunal de commerce de Paris qui a eu à juger de l’action en concurrence déloyale engagée par la société Kreno Consulting à l’encontre de la société Alma Bella, le tribunal exposant :

Attendu qu’il n’est pas contesté qu’Alma Bella a réalisé des prestations de formation à la demande de la société HPR pour les clients Astellas et Codepharma ; que la société HPR est une société de portage salarial ; qu’il ressort des éléments produits au débat que la société HPR est intervenue à la demande et pour le compte de Mme X auprès des sociétés Astellas et Codepharma dans le cadre de son activité de portage salarial ; qu’il convient d’en déduire que l’action de formation réalisée par Alma Bella auprès des clients Astellas et Codepharma au cours du 2e semestre 2010 a été réalisée, non pas dans le cadre du jeu de la libre concurrence d’une démarche commerciale de la société HPR, mais dans le cadre d’une action concertée de Mme B X et de Mme Z Y.

Attendu que Kreno démontre que Mme B X, en sa qualité de salariée, et Mme Z Y, en sa qualité de gérante et animatrice d’Alma Bella, avaient réalisé en début d’année (2010) une proposition commerciale à chacune des sociétés Astellas et Codepharma pour l’ensemble de l’année 2010.

(…)

Or, il n’est pas contesté qu’au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme X n’a révélé à son employeur, la société Kreno Consulting, aucun de ces deux faits : les actes de détournement de deux clients de Kreno Consulting par l’entremise de la société HPR, la conclusion d’un contrat de travail avec cette dernière.

Il est donc certain que le consentement donné par la société Kreno Consulting à la demande de rupture conventionnelle de sa salariée n’a pas été éclairé.

Mais il ne peut pour autant être affirmé que si la société Kreno Consulting avait eu connaissance des informations que sa salariée lui a dolosivement dissimulées, il est certain qu’elle n’aurait pas accepté une rupture conventionnelle et qu’elle aurait opté pour un licenciement, cette seconde mesure étant plus contraignante, coûteuse et risquée du fait de la contestation qui peut être élevée par la salariée.

Les conditions du dol n’étant pas réunies, la société Kreno Consulting doit être déboutée de sa demande d’annulation de la convention de rupture.

Par voie de conséquence, elle doit être déboutée de sa demande, subséquente, de requalification de la rupture en licenciement pour faute lourde, dont il n’y a lieu d’examiner ni la recevabilité ni le bien fondé.

Le jugement du conseil des prud’hommes sera confirmé de ces chefs.

Sur la demande de dommages et intérêts

Le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt a alloué à la société Kreno Consulting la somme de 4 200 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au salaire que Mme X a perçu entre le 3 juin et le 30 juin 2010, alors qu’elle percevait aussi une rémunération au titre de son nouvel emploi auprès de la société HPR.

Pour se déterminer ainsi, le conseil a relevé que Mme X a manifestement fait preuve de déloyauté envers la société Kreno Consulting en signant un nouveau contrat de travail avec une société tierce sans obtenir l’accord préalable de son employeur, violant ainsi les dispositions de l’article 7 de son contrat de trabvail.

Cet article , intitulé 'exclusivité-fidélité', stipule en effet que la salariée s’engage à consacrer son activité exclusive à la société et s’interdit l’exercice, à quelque titre que ce soit, de toute autre activité professionenlle ; elle s’interdit de s’intéresser, à quelque titre que ce soit, à toute activité susceptible de concurrencer celles de la société Kreno Consulting.

Au vu de l’énoncé des faits qui précède, il est établi que Mme X à violé cette obligation contractuelle. C’est donc à raison que le conseil des prud’hommes l’a condamnée à indemniser son employeur du préjudice subi.

Mais il est aussi certain, à la lecture de la motivation du jugement, que le conseil n’a sanctionné que la violation par la salariée de l’article 7 de son contrat de travail, sans tenir compte des faits de détournemeent de deux clients qui lui étaient aussi reprochés par son employeur et qui sont avérés. Or, en commettant ces faits, Mme X a failli à son obligation de loyauté envers son employeur.

C’est donc à juste titre que la société Kreno Consulting demande que les dommages et intérêts qui lui ont été alloués par le conseil de prud’hommes à hauteur de 4 200 euros soient portés à la somme de 6 000 euros, en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de la double faute de sa salariée, étant précisé que le préjudice ici réparé, qui résulte du comportement de la salariée, est distinct de celui, de nature commerciale, qui a été réparé par le tribunal de commerce de Paris en conséquence des actes de concurrence déloyale commis par la société Alama Bella au préjudice de la société Kreno Consulting.

Le jugement du conseil des prud’hommes sera donc infirmé sur le montant des dommages et intérêts alloués à la société.

Sur les mesures accessoires

Partie succombante, Mme X sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel et à payer à la société appelante la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil des prud’hommes de Boulogne Billancourt en date du 2 février 2012 et statuant à nouveau sur le chef infirmé :

Condamne Mme B X à payer à la société Kreno Consulting la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice,

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne Mme X aux dépens de l’instance d’appel et à payer à la société Kreno Consulting la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Marie-Noëlle ROBERT, président, et M. Arnaud DERRIEN, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

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