Cour d'appel de Versailles, 6ème chambre, 3 septembre 2013, n° 12/01540

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 3 sept. 2013, n° 12/01540
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 12/01540
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 22 janvier 2012, N° 10/01700
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 SEPTEMBRE 2013

R.G. N° 12/01540

AFFAIRE :

C A-B

C/

XXX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Janvier 2012 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

Section : Activités diverses

N° RG : 10/01700

Copies exécutoires délivrées à :

Me Alexandra A B

SCP POSOKHOW-VIAL

Copies certifiées conformes délivrées à :

C A-B

XXX

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE TREIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame C A-B

XXX

XXX

Comparante

Assistée de Me Julie VERDON substituant Me Alexandra A B, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Ségolène VIAL membre de la SCP POSOKHOW-VIAL, avocats au barreau de VERSAILLES

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Mai 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, président,

Madame Mariella LUXARDO, conseiller,

Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme A B a été engagée par la société X comme directrice générale adjointe. Elle a démissionné pour conclure un contrat à durée indéterminée à partir du 23 novembre 2009 avec la société LES PETITS CHAPERONS ROUGES (LPCR) en qualité de directrice générale adjointe rattachée à la crèche de Nanterre. L’entreprise regroupe 95 crèches sur la France sous l’enseigne LES PETITS CHAPERONS ROUGES.

A partir du 10 janvier 2010 Mme A B a assuré les fonctions de directeur par intérim dans l’attente du retour de congé de maternité de Mme Y.

Elle a fait l’objet le 15 mars 2010 d’une convocation, assortie d’une mise à pied conservatoire, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, tenu le 22 mars et a été licenciée le 26 mars 2010 pour faute grave.

L’entreprise emploie au moins onze salariés.

Le salaire mensuel brut moyen était de 2 550 euros.

Le 10 mai 2010, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour contester le licenciement et voir condamner la société LPCR à lui payer l’indemnité de préavis et les congés payés, le rappel de salaire durant la mise à pied une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages-intérêts pour rupture abusive outre une indemnité en application de l’ article 700 du code de procédure civile et la publication d’un encart dans des journaux spécialisés. La société s’opposait aux demandes et sollicitait une indemnité en application de l’ article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 23 janvier 2012, le conseil de prud’hommes de Nanterre a débouté Mme A B, a jugé que le licenciement est régulier en la forme et dépourvu de caractère vexatoire et qu’il était fondé sur une faute grave.

La cour est régulièrement saisie d’un appel formé par Mme A B contre cette décision.

Mme A B par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :

— infirmer le jugement,

— condamner la société LPCR à lui verser les sommes suivantes :

* indemnité de préavis : 5 100 euros et indemnité de congés payés liée au préavis : 472,08 euros,

* rappel de salaire au titre de la mise à pied : 1250 euros,

* indemnité pour non respect de la procédure de licenciement : 2 250 euros,

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2 250 euros,

— dommages-intérêts pour rupture abusive : 5 100 euros,

— lui allouer 2 5 00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société LPCR GROUPE intervient volontairement au lieu et place de LPCR et, par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :

— confirmer le jugement

— à titre subsidiaire juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et la débouter de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

— à titre infiniment subsidiaire débouter Mme A B de ses demandes indemnitaires

— lui allouer 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de constater que la société LPCR GROUPE intervient volontairement au lieu et place de la société LPCR en qualité d’intimée.

Sur la procédure de licenciement

Mme A B considère que la procédure de licenciement est irrégulière car la décision de la licencier aurait été annoncée dès le 15 mars 2010 publiquement en raison de l’affichage à destination des parents et dès lors était prise avant l’entretien préalable, ce que conteste la société qui répond que le message aux parents était seulement destiné à les informer sans préjuger des suites après l’entretien préalable mais que la salariée ayant été mise à pied à titre conservatoire il fallait informer les parents qu’elle n’occupait plus ses fonctions.

Il ressort que l’annonce du départ de Mme A B faite à l’attention des parents n’a été accompagnée d’aucun acte manifestant la volonté de l’employeur de rompre définitivement la relation de travail le 15 mars 2010. L’emploi du terme 'départ’ ne permet pas d’identifier quelle partie en a eu l’initiative et dès lors ne suffit pas à caractériser la volonté exprimée de l’employeur de licencier la salariée à cette date. Cette annonce s’inscrivait seulement dans la logique de la mise à pied conservatoire décidée à l’égard de la salariée à partir de ce 15 mars 2010. Le jugement qui a dit que la procédure de licenciement est régulière sera donc confirmé.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche à Mme A B son absence le 11 mars 2010 sans autorisation de son poste de travail pour se rendre à un forum ce qui aurait eu pour conséquence de ne plus garantir l’accueil et la sécurité des enfants en raison de l’insuffisance de taux d’encadrement ce jour là. Il lui est aussi reproché d’avoir le même jour tenu des propos dénigrants envers le fonctionnement de l’entreprise devant une assemblée de professionnels de la petite enfance et de clients de sa société. Le licenciement a été prononcé pour faute grave.

La faute s’entend de tout manquement du salarié aux obligations légales, conventionnelles ou contractuelles nées du contrat de travail. Elle doit être assez sérieuse pour justifier le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve d’une faute grave incombe à l’employeur.

A propos du premier grief, Mme A B répond qu’elle avait prévenu sa supérieure et la directrice qui allait revenir quelques jours plus tard de congé de maternité. Si cette dernière n’était pas habilitée à être prévenue en cette qualité dès lors que son contrat de travail était encore suspendu, les déclarations de la salariée qui soutient avoir informé Mme Z n’ont pas été contredites lorsqu’elles ont été faites pour la première fois en sa présence au cours de l’entretien préalable. En effet ce jour là Mme A B a indiqué devant cette salariée qu’elle l’avait prévenue par téléphone selon l’usage. Cette dernière qui était sa coordinatrice n’a pas contesté ces déclarations et ce n’est que quinze mois plus tard qu’elle a établi une attestation selon laquelle la salariée ne l’avait pas prévenue de son absence et elle n’avait donné aucune autorisation d’absence.

L’employeur ne peut pas valablement invoquer les termes du contrat de travail qui font état d’une autorisation d’absence à solliciter dès lors qu’il n’est pas discuté que depuis le mois de janvier 2010 Mme A B occupait le poste de directrice et non plus seulement de directrice adjointe. En raison du décalage entre les premières déclarations de la salariée et le témoignage de la coordinatrice, celui-ci n’emporte pas la conviction de la cour.

Il existe donc un doute qui doit profiter au salarié s’agissant des conditions de cette absence.

En outre la société LPCR ne démontre pas que l’absence de la salariée était contraire à ses missions de directrice de crèche. Mme A B démontre sans être utilement contredite lorsqu’elle indique qu’elle s’est d’abord rendue à l’établissement le matin à 8 heures, avant d’aller à ce forum et qu’elle y est retournée en fin d’après midi de 17 h 30 à 19 h 45 afin d’assurer l’accueil des enfants et la relation avec les parents ce qui relevait de ses missions. Quant à la mission de gérer et de planifier la présence des professionnels, il est démontré que la salariée avait demandé la veille un remplaçant, pour renforcer une section où il manquait trois intervenants pour des congés y compris de maladie ou de formation, qu’elle avait obtenu. Elle n’a pas été contredite lorsqu’elle indique qu’une seule salariée faisait grève ce 11 mars et l’employeur ne démontre pas qu’il existait une désorganisation ce jour là en raison du mouvement social annoncé dans l’établissement. En outre la société LPCR ne rapporte pas la preuve que les missions de directrice de crèche impliquaient une présence continue de la salariée au cours de toute la plage horaire d’ouverture de l’établissement ce qui aurait abouti à exiger d’elle un travail régulier de plus de 11 heures par jour alors que la durée de son temps de travail était de 35 heures hebdomadaires. Dans ces conditions l’employeur ne prouve pas que la salariée n’a pas rempli ses fonctions et n’a pas garanti l’accueil ou la sécurité des enfants.

Le second reproche visant l’employeur n’est pas démontré par le seul témoignage d’un représentant de cette société. La salariée a toujours contesté, y compris au cours de l’entretien préalable avoir cité le nom de son employeur. Face à ses dénégations et en l’absence de tout autre témoignage de professionnels présents à la conférence au cours ce forum qui comportait pourtant plus de deux cents de participants la preuve de propos désignant l’employeur n’est pas rapportée. La salariée a seulement reconnu avoir exprimé en public son désarroi face à une situation professionnelle qui avait selon elle atteint les limites des moyens dont elle disposait. Cette expression fait suite à des réclamations qu’elle avait adressé antérieurement à son employeur notamment dans un courrier électronique du mois de décembre 2009. Contrairement à ce que les premiers juges ont retenu il n’est pas prouvé que les demandes de Mme A B n’ont été adressées que postérieurement à ces déclarations en public. Elle a transmis effectivement un document intitulé 'rapport d’étonnement’ après sa participation à ce forum mais elle avait trois mois auparavant saisi sa hiérarchie des difficultés sans que l’employeur ne justifie avoir apporté de réponses à ses demandes notamment en termes de recrutement et de dispositifs de sécurité pour les enfants et pas seulement en termes de revalorisation de sa rémunération.

C’est pourquoi le licenciement de Mme A B doit être jugé sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L 1234-1 du code du travail énonce que s’il justifie d’une ancienneté de services continus inférieurs à six mois le salarié peut prétendre à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l’accord collectif de travail ou à défaut par les usages de la localité ou de la profession.

Les parties conviennent qu’il n’existe pas de dispositions conventionnelles réglant les relations de travail. L’appelante ne soutient pas qu’il existe un usage et le contrat de travail renvoie seulement aux dispositions légales et aux usages sans autres précision. Par conséquent, Mme A B ayant une ancienneté inférieure à six mois, elle ne peut pas prétendre à une indemnité compensatrice de préavis et sera déboutée de cette demande.

En l’absence de faute grave elle peut demander le salaire durant sa mise à pied conservatoire soit la somme de 1250 euros qu’elle sollicite.

L’ancienneté de la salariée étant inférieure à deux années c’est nécessairement et uniquement sur le fondement des dispositions de l’article L 1235-5 du code du travail qu’elle peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour licenciement abusif.

Mme A B justifie qu’elle a perçu des allocations chômage au cours du mois de mai 2010. Elle a retrouvé une activité de psycho motricienne qu’elle exerce à titre libéral. Compte tenu que les relations contractuelles ont duré quatre mois et qu’elle ne justifie pas de difficultés particulières pour retrouver une activité professionnelle la cour dispose des éléments pour lui allouer la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour rupture abusive.

Tenue aux dépens de première instance et d’appel la société LPCR GROUPE versera à Mme A B la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Elle est déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement qui a dit que le licenciement est régulier en la forme et qui a débouté la société LPCR de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

DIT que le licenciement de Mme A B est sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société LPCR GROUPE à verser à Mme A B :

— la somme de 1250 € (MILLE DEUX CENT CINQUANTE EUROS) de salaire durant sa mise à pied conservatoire ;

— la somme de 2 000 € (DEUX MILLE EUROS) de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

DÉBOUTE Mme A B du surplus de ses demandes ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société LPCR GROUPE à verser à Mme A B la somme de 2 000 € (DEUX MILLE EUROS) en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

DÉBOUTE la société LPCR GROUPE de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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  2. Code du travail
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