Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 24 octobre 2013, n° 12/03246

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 24 oct. 2013, n° 12/03246
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 12/03246
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 79F

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 OCTOBRE 2013

R.G. N° 12/03246

AFFAIRE :

H X

C/

XXX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Février 2005 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre : 3 ème

N° Section : 3 ème

N° RG : 02/9416

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat au barreau de VERSAILLES -

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’Association AARPI AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE TREIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (Première chambre) du 22 mars 2012 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS, Pole 5 – Chambre 2 le 17 décembre 2010,( cet arrêt faisant suite à l’arrêt rendu le 28 septembre 2007) sur appel du jugement rendu le 16 février 2005 par le tribunal de grande instance de Paris, 3 ème Chambre – 3 ème section -

Monsieur H X dit H AD

né le XXX à MOSCOU

XXX

XXX

assisté de Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, , avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619,

Plaidant par Me Antoine C, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0364

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

XXX

XXX

XXX prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Représentant par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’Association AARPI AVOCALYS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES – N° du dossier 000467

Plaidant par Me François POUGET de la SELARL FACTORI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0300,

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Septembre 2013, Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Madame Véronique JACOB-DESJARDINS, vice président placé auprès du Premier Président,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT.

Vu le jugement rendu le 16 février 2005 par le tribunal de grande instance de PARIS qui a :

— rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Y, – déclaré irrecevables comme prescrites les actions en nullité des contrats d’auteur portant sur les enregistrements 'Le Lac des Cygnes’ 'La Bayadère', 'Roméo et B,' 'Giselle', -comme ayant fait l’objet de confirmation les demandes portant sur les enregistrements «Grandes Journées de Clérambault», «Les noces de Figaro», « Casse-Noisette» et «Les Troyens»,

— débouté H A de ses demandes à l’encontre de la SACD, – rejeté les demandes formées à l’encontre de la société BEL AIR relatives aux redditions de comptes, au défaut d’information, à l’exploitation de l’oeuvre Giselle aux USA, à la remise d’une bande relative à l’enregistrement «Boris Goudounov» et à l’exploitation de l’enregistrement «L’enlèvement au sérail» sous la forme de G,

— dit que la société BEL AIR a manqué à son obligation d’exploiter l’oeuvre dans le respect des droits moraux de l’auteur en n’ayant effectué aucune diligence pour faire cesser l’atteinte au droit de paternité de M. A sur les vidéogrammes exploités en Italie et en Autriche,

— ordonné à la société BEL AIR de justifier à M. A l’arrêt de ces exploitations, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de 6 mois après la signification de la décision,

— condamné la société BEL AIR à payer à M. A une indemnité de 2.500 € au titre des exploitations précitées

— dit que la société BEL AIR en cédant à la société Y les droits vidéographiques sur l’oeuvre «Le lac des Cygnes» (1998) et la société Y en éditant un G reproduisant cette 'uvre ont porté atteinte aux droits patrimoniaux de M. A, – interdit la poursuite d’une telle exploitation sous astreinte de 150 € par infraction constatée passé le délai de deux mois après la signification de la présente décision, – ordonné à la société BEL AIR et à la société Y de transmettre à M. A, sous astreinte, les éléments comptables permettant de définir le nombre de G contrefaisants,

— condamné in solidum la société BEL AIR et la société Y à payer à M. A la somme de 10.000 € en réparation de ces préjudices, – dit que la société Y sera garantie par la société BEL AIR des condamnations mises à sa charge du fait de l’édition du G «Le lac des cygnes», – dit que la société Y, en éditant deux G M reproduisant des extraits d’oeuvres de M. A, sans son nom d’auteur, avec un remontage non autorisé et non destinés à des fins publicitaires a porté atteinte aux droits tant moraux que patrimoniaux de M. A, – interdit la poursuite de ces actes illicites sous astreinte de 150 € par infraction constatée passé le délai d’un mois après la signification du jugement

— ordonné à la société Y de transmettre à M. A, sous astreinte, les éléments comptables certifiés permettant de définir le nombre de G contrefaisants,

— condamné la société Y à payer à M. A la somme provisionnelle de 50.000 € à valoir sur la réparation définitive de son préjudice, – débouté la société Y de son appel en garantie à l’encontre de la société BEL AIR au titre de l’exploitation des deux G M, – s’est réservé la liquidation des astreintes, – condamné in solidum la société BEL AIR et la société Y à payer à M. A la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Vu l’arrêt rendu le 28 septembre 2007 par la cour d’appel de Paris qui, saisie par la société Y a :

— dit irrecevables les demandes en nullité des clauses de rémunération relatives aux exploitations télévisuelles portant sur les 'uvres suivantes «Le lac des cygnes» (1993), «La bayadère » «Roméo et B», «Giselle», «Les grandes journées de Clérambault»,

— les demandes en résiliation des contrats des contrats relatifs aux 'uvres «La soirée du 25e anniversaire des ballets de T U», «L’enlèvement au sérail», «le grand pas classique », « Le lac des Cygnes» (1998), «Boris Godounov», «Don Quichotte», «D»,

— la demande en violation du droit moral pour l’exploitation de l’oeuvre « La Bayadère »,

— la demande en responsabilité de la SACD pour défaut de surveillance dans l’exécution des contrats,

— infirmé le jugement en ce qu’il a :

* condamné la société BEL AIR pour atteinte au droit moral de M. A par la diffusion de vidéocassettes et G «Giselle » sans mention du nom de celui-ci au générique,

*rejeté la demande en contrefaçon pour l’exploitation du G «L’enlèvement au sérail »,

* rejeté la demande de condamnation de la société BEL AIR pour l’atteinte portée aux droits patrimoniaux de M. A par l’exploitation du G M I,

* sur le montant des provisions allouées au titre de l’exploitation des G M I et II,

* fait droit aux demandes de redditions de comptes,

* rejeté la demande en garantie formée par la société Y pour le G M I,

— confirmé le jugement pour le surplus,

y ajoutant,

— dit que la société BEL AIR MEDIA n’a pas porté atteinte au droit moral de M. A lors de la diffusion de vidéocassettes et G «Giselle »,

— rejeté les demandes formées par M. A sur ce fondement,

— dit que la société BEL AIR MEDIA s’est rendue coupable de contrefaçon par la diffusion du G «L’enlèvement au sérail»,

— condamné la société BEL AIR à verser à M. A la somme de 10.000 € à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts à déterminer à dire d’expert,

— ordonné une mesure d’expertise,

— interdit à la société BEL AIR de continuer la diffusion des G «L’enlèvement au sérail» sous astreinte,

— condamné in solidum la société BEL AIR MEDIA et la société Y à payer à M. A la somme de 10.000 € à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts dus au titre de son préjudice patrimonial relatif à l’exploitation par extrait du «Lac des Cygnes » (1998) dans le G M 1,

— condamné la société Y à payer à M. A la somme de 10.000 € à titre de provision pour le préjudice moral subi du fait de l’absence de son nom sur les jaquettes et les G des M 1 et II,

— dit que la société BEL AIR MEDIA devra garantir la société Y de cette condamnation,

— rejeté la demande de résiliation des contrats pour lesquels cette demande a été déclarée recevable,

— rejeté le surplus des demandes,

— dit que chaque partie à l’exception de la SACD supportera la charge de ses propres dépens ;

Vu l’arrêt rendu le 17 décembre 2010 par la cour d’appel de PARIS qui a annulé le rapport d’expertise déposé le 20 janvier 2010 par M. E AF, fixé à 2.000¿ la réparation du préjudice subi par Monsieur A du fait de la contrefaçon de l’enregistrement «l’enlèvement au Sérail», condamné ce dernier à restituer à la société BEL AIR MEDIA la somme de 8.000 €, perçue en trop en exécution de la provision accordée par l’arrêt du 28 septembre 2007, déclaré les demandes de la société Y FILM AB sans objet, dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société BEL AIR MEDIA aux dépens ;

Vu l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 22 mars 2012 qui a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS le 17 décembre 2010, remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles ;

Vu la déclaration de saisine du 4 mai 2012 par H X de la cour de renvoi ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 mai 2013 par lesquelles H X, appelant, demande à la cour, aux termes d’une série de «constater » qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, de :

— condamner la société BEL AIR MEDIA à lui payer la somme de 117.000 $, soit 143.910 €, sauf à parfaire, – dire que la somme produira intérêts au taux légal multipliée par trois à compter du 28 septembre 2007 ou à titre de supplément de dommages et intérêts, l’équivalent de ces intérêts, soit la somme de 35.000 €, – faire interdiction à la société BEL AIR MEDIA d’exploiter ou de laisser exploiter un tiers sous astreinte de 20.000 € par infraction constatée, – condamner la société BEL AIR MEDIA aux dépens de l’ensemble des procédures et des frais d’expertise, ainsi qu’à lui payer la somme de 20.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 11 juin 2013 par lesquelles la société BEL AIR MEDIA, intimée, prie la cour de : – prononcer la nullité du rapport d’expertise de Monsieur E AF déposé le 20 janvier 2010,

— constater que le préjudice subi par M. A se situe entre 508 € et 1.831 €, -

— ordonner le remboursement de la différence entre le montant du préjudice en définitive arrêté d’une part et la somme de 10.000 € correspondant au montant de la provision allouée par la cour d’appel au termes de l’arrêt du 28 septembre 2007

— débouter Monsieur A de ses autres demandes et le condamner aux dépens ;

Vu l’ordonnance de clôture du 27 juin 2013 ;

SUR QUOI, LA COUR

Considérant qu’H X dit H AD, a, en exécution de 16 contrats conclus de 1992 à 2001, en tant que réalisateur, avec la société BEL AIR MEDIA, réalisé l’enregistrement de ballets et d’opéras ; qu’à l’exception des contrats concernant les enregistrements relatifs à la première version du LAC DES CYGNES, LES GRANDES JOURNEES DE CLERAMBAULD, LES NOCES DU FIGARO, LES TROYENS et D, les conventions étaient des contrats-types passés avec l’assistance de la société des auteurs et compositeurs dramatiques SACD ;

Qu’estimant que les clauses de rémunération contenues dans certains contrats étaient nulles, que l’exploitation de plusieurs de ses 'uvres sous forme de G édités par la société de droit allemand Y constituaient des contrefaçons et pour deux d’entre eux, bien qu’édités avec l’autorisation de la société BEL AIR MEDIA, contenant des extraits de ses enregistrements, portaient atteinte à son droit moral, que notamment l’un des G distribué par la société N Z et Images AB constituait une contrefaçon de l’opéra L’ENLEVEMENT AU SERAIL, H X a assigné la société BEL AIR PRODUCTION, la société Y et la SACD en réparation de son préjudice devant le tribunal de grande instance de Paris qui a partiellement fait droit à ses demandes ;

Que sur l’appel formé par la société Y, la cour d’appel de Paris, par arrêt rendu le 28 septembre 2007, devenu définitif, a, notamment, dit que la société BEL AIR MEDIA s’est rendue coupable de contrefaçon par la diffusion du G «L’enlèvement au sérail», condamné la société BEL AIR à verser à H X la somme de 10.000 € à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts à déterminer à dire d’expert et ordonné une mesure d’expertise sur ce point ;

Que la cour d’appel de Paris, au vu du rapport d’expertise déposé le 20 janvier 2010 par M. E AF, a rendu le 17 décembre 2010 un arrêt qui a été cassé par arrêt du 22 mars 2012 ;

Que la Cour de cassation, après avoir relevé que pour écarter la responsabilité de la société BEL AIR MEDIA et partant, limiter la réparation du préjudice allégué par M. X, en ce qui concerne les ventes du G litigieux intervenues postérieurement au 31 décembre 2005, date d’échéance du contrat conclu entre la société N Z, autorisée la première à exploiter l’enregistrement de l’opéra «L’enlèvement au sérail» et le distributeur américain AA Entertainement, l’arrêt retient qu’il n’est pas établi que le G reproduisant l’enregistrement de «L’enlèvement au sérail» a été maintenu au catalogue de la société AA Entertainement après l’expiration de la cession qui lui avait été consenti par la société N Z, a considéré qu’en se prononçant ainsi, sans rechercher si ces ventes ne procédaient pas de la cession initiale irrégulièrement consentie par la société BEL AIR MEDIA qui n’était titulaire d’aucun droit d’exploitation vidéographique de l’enregistrement, à la société N Z, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Considérant que l’arrêt du 28 septembre 2007 a irrévocablement tranché la responsabilité de la société BEL AIR, en retenant que du fait de la mention de son nom sur les G litigieux, elle est présumée avoir autorisé leur exploitation par la société N Z;

Que la saisine de la cour est donc limitée à la détermination du préjudice subi par H X ensuite de cette exploitation illicite ;

Sur la nullité de l’expertise

Considérant que la société BEL AIR MEDIA poursuit la nullité du rapport d’expertise déposé le 20 janvier 2010 par E AF au motif que l’expert a excédé les limites de sa compétence telle que déterminée par la mission ; qu’à cet effet, elle fait valoir qu’alors que les termes de la mission qui lui était confiée étaient clairs et précis, en ce qu’il devait rechercher des informations concernant le G de «L’enlèvement au sérail», l’expert confronté à l’impossibilité de recueillir des informations sur cette exploitation, a adopté un raisonnement par analogie ; qu’elle reproche également à l’expert d’avoir violé le principe de la contradiction en relevant que, dans sa démarche par analogie, il dit avoir contacté des acteurs clés du secteur sans préciser ni leur identité, ni les informations qu’il a collectées en sorte qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’en débattre et qu’il s’est fondé sur ces seuls éléments pour l’estimation des ventes ;

Que H X répond qu’il appartenait à la société BEL AIR MEDIA, convaincue de contrefaçon, de communiquer les chiffres d’exploitation en exigeant leur production par son associé RMA Z ou le cocontractant de ce dernier, si elle contestait les propositions émises par l’expert et que l’obstruction de la société BEL AIR MEDIA au bon déroulement de l’expertise justifiait le recours par l’expert à la méthode par analogie ; qu’il ajoute que les constatations matérielles de l’expert constituent des preuves matérielles ;

Considérant que l’arrêt du 28 septembre 2007 a donné mission à l’expert d’entendre les parties et tous sachants, de compulser tous documents utiles et notamment de rechercher le nombre d’exemplaires du G de «L’enlèvement au sérail» qui ont été fabriqués et vendus, le stock ainsi que le prix public de vente afin de recueillir tous éléments permettant de déterminer le préjudice ;

Considérant que pour réaliser des recherches par analogie, l’expert écrit, à la page 17 de son rapport, que les investigations effectuées tant auprès de AA Intertainment (éditeur des G litigieux) qu’à travers l’étude des G ne nous a pas apporté d’éléments très probants, dès lors nous sommes amenés à une investigation plus générale, à savoir, répondre à la question suivante : à combien d’exemplaires se vend actuellement un G analogue au film «L’enlèvement au sérail» réalisé par Monsieur A ;

Que l’étendue de la mission confiée à l’expert prévoyant l’audition de tous sachants et la consultation de tous documents utiles à la détermination du préjudice, l’autorisait, sans en outrepasser les limites, à procéder à une recherche par analogie ; qu’en tout état de cause, l’appréciation des éléments recueillis relève du pouvoir souverain des juges du fond ;

Que ce moyen de nullité sera donc rejeté ;

Considérant qu’aux termes de l’article 242 du code de procédure civile, le technicien peut recueillir des informations écrites ou orales de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leurs noms, prénoms, demeure et profession ainsi que, s’il y a lieu leur lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles ;

Que ces prescriptions sont édictées dans l’intérêt du respect du principe de la contradiction qui s’impose à l’expert ; que celui-ci a donc l’obligation d’identifier la source de ses informations et de les soumettre aux parties afin de leur permettre d’en débattre, en procédant à toute vérification utile ;

Considérant que l’expert désigné par la cour d’appel de Paris relate ainsi, à la page 17 de son rapport, les recherches par analogie auxquelles il a procédé :

«Les éditeurs de musique, de même que les producteurs, ne semblent pas disposer de renseignements très précis .

Dès lors, seuls un distributeur de ce genre de G musicaux et/ou une chambre syndicale peuvent véritablement nous éclairer sur ces questions .

Pour cela nous avons contacté un certain nombre d’acteurs clés du secteur et, entre autres, le SNEP (Syndicat National de l’Edition Phonographique), la CSDEM (Chambre Syndicale de l’Edition Musicale), le bureau export de la musique française, ainsi que les entreprises SONY ATV MUSIC PUBLISHING et XXX .

Nous avons pris en compte le fait que ces ventes varient énormément en fonction des éléments suivants :

la notoriété de l’opéra,

la popularité du compositeur,

une 'uvre type «MOZART»,

le lieu d’enregistrement,

la présence de chanteurs-stars,

une qualité audio haute définition .

Compte tenu de ces critères et ayant constaté que «L’enlèvement au sérail» filmé au festival de Salzburg par Monsieur A est une 'uvre de qualité aussi bien en ce qui concerne le son que l’AA, les estimations que nous pouvons faire pour ce G sont aujourd’hui les suivantes :

en France : de 1.500/2.000 exemplaires,

à l’international de l’ordre de 10.000 exemplaires

Nous pensons donc raisonnable de considérer que la diffusion d’un G analogue à celui de Monsieur A serait aujourd’hui de l’ordre de 11.500 à 12.000 exemplaires .

Mais selon nos sources, ces chiffres étaient, jusqu’en 2006, trois fois plus élevés que ceux de 2009/2010 . Le marché du G d’opéra s’est en effet effondré ces trois dernières années .

Dès lors le total des ventes totales estimées, pour une 'uvre produite en 1997 et singulièrement pour «L’enlèvement au sérail» filmé par Monsieur A, serait de l’ordre de 34.500 à 36.000 exemplaires .

Ces chiffres sont du même ordre de grandeur que les 29.851 G vendus du «Lac des cygnes» cité par Maître C dans son dire évoquant un état qui ne couvrait pas, il le précise, toutes les ventes dudit G .

Il convient ici de préciser qu’il s’agit d’une évaluation relativement grossière et que ce chiffre peut varier de plus ou moins 30% » ;

Considérant que l’imprécision des termes utilisés par l’expert, l’emploi de l’adverbe «notamment» ne permettent pas de connaître quels sont les acteurs clés du secteur auprès desquels il a recueilli ses informations, selon quelles modalités, ils ont été entendus et sur quels critères il fonde les chiffres de vente qu’il a retenus ; que les parties n’ont donc pas été en mesure de vérifier l’identité et la qualité des personnes consultées et de discuter la pertinence de leurs réponses ;

Que les annexes du rapport, constituées des fiches de présence et des notes de l’expert en réponse aux dires des parties, qui ne sont pas joints, ne comportent davantage aucune information sur les données collectées ;

Que l’obstruction de la société BEL AIR MEDIA au bon déroulement de l’expertise, reprochée par H X, ne peut justifier les lacunes relevées ci-dessus ;

Qu’en ne livrant pas l’identité des différents sachants par lui consultés et en ne communiquant pas les éléments recueillis au cours de ses investigations, l’expert n’a pas mis les parties en mesure d’en débattre contradictoirement ;

Qu’il convient, en conséquence, d’annuler le rapport d’expertise ;

Sur le préjudice subi par H X

Considérant qu’H X se fondant sur les éléments matériels constatés par l’expert, expose que quatre tirages différents, à des périodes lointaines les unes des autres, du G litigieux ont été effectués, que le contrat conclu en 1999 entre N Z et AA AB se renouvelait par tacite reconduction pour se terminer le 31 décembre 2008, que les constats d’huissier dressés et les relevés de propositions de vente sur Internet attestent de son exploitation dans de nombreux pays, que l’enregistrement porte sur une 'uvre majeure de Mozart, réalisée en haute définition, dans le cadre du festival de Salzburg, avec les plus grands artistes ; qu’il conclut que le chiffre arrêté par l’expert, de l’ordre de 34.500 à 36.000 exemplaires, est inférieur à la réalité compte tenu de la poursuite de l’exploitation, que sur la base d’une diffusion de 36.000 exemplaires, en retenant une redevance minimum de 3,25 $ par G, il lui est dû la somme de 117.000 $, soit 143.910 € outre les intérêts majorés ;

Que la société BEL AIR MEDIA répond que la seule exploitation effective du G est celle réalisée par la société AA AB en vertu d’un contrat qu’elle avait conclu avec la société N Z qui n’a pu excéder le 31 décembre 2005, que l’exemplaire mis sur le marché par la société OPERA HOUSE est un film pirate, que la présence de G en vente sur des sites marchands Internet, tels Amazon, postérieurement au 31 décembre 2005, est le résultat de l’écoulement des derniers exemplaires détenus par les détaillants, que le G n’est plus au catalogue de la société AA AB, que les commercialisations invoquées par H X ne relèvent pas de la responsabilité de la société AA AB et moins encore de la sienne ; qu’elle soutient qu’en tout état de cause, compte tenu des ventes réalisées sur des G relatifs à des captations d’opéras de Mozart par d’autres réalisateurs, le chiffre à retenir ne saurait excéder 10.000 exemplaires ;

Que pour évaluer le préjudice d’H X, la société BEL AIR MEDIA, faisant application d’un pourcentage de 3%, meilleur taux obtenu par le réalisateur, aux recettes nettes part producteur (RNPP) après amortissement, retient un préjudice éventuel compris entre 613 € et 1.831 € ;

Considérant que la société BEL AIR MEDIA est devenue cessionnaire des droits d’exploitation par télédiffusion et des droits d’exploitation par vidéogrammes de la captation par H X de l’opéra de Mozart ayant pour titre «L’enlèvement au sérail» en vertu du contrat conclu le 22 juillet 1997 qui prévoit que les conditions d’exploitation par vidéogrammes seront définies ultérieurement par avenant en présence de la SACD ; qu’aucun avenant n’a été conclu entre les parties ; que la société BEL AIR MEDIA, tout en relevant qu’elle n’a cédé à quiconque les droits d’exploitation par vidéogrammes, reconnaît que la société de droit anglais N O, coproductrice, a exploité les droits de télédiffusion à l’étranger et que l’arrêt du 28 septembre 2007 a irrévocablement tranché sa responsabilité, en retenant que du fait de la mention de son nom sur les G litigieux, elle est présumée avoir autorisé leur exploitation par la société N Z ;

Que le contrat conclu le 11 octobre 1999 entre N O et AA AB, dont la traduction n’est pas produite, prévoyait une avance de 25.000 $ au profit de la première, pour le G «L’enlèvement au sérail», la redevance par G étant fixée à 3,25 $, s’agissant d’un programme d’une durée de plus de 60 minutes ; qu’il venait à expiration le 31 décembre 2005, aucun élément ne permettant de retenir que sa durée a été prorogée ;

Considérant qu’il ressort des pièces produites aux débats que la seule exploitation du G litigieux résulte du contrat du 11 octobre 1999 ; qu’en effet, l’exemplaire mis sur le marché sous le nom de la société OPERA HOUSE, versé aux débats par H X, qui est illisible selon les constatations de l’expert, proviendrait d’une prise de vue directe d’écran et d’une duplication d’un master, les explications fournies sur le site marchand confirmant qu’il s’agit d’enregistrements de qualité non professionnelle ; qu’il s’agit donc d’une contrefaçon dont la diffusion ne peut être le fait de la société BEL AIR MEDIA, étant observé au surplus qu’elle a été limitée ;

Que les procès-verbaux de constats datés des 24, 25 février 2005, 28 décembre 2006, 21 mars 2007 et 27 décembre 2007, versés aux débats par H X, établissent que des G de l’opéra «L’enlèvement au sérail» étaient offerts à la vente seuls ou inclus dans des coffrets regroupant d’autres G d’opéras de Mozart sur de nombreux sites, dont «amazon.fr », des sites européens, américains et japonais ; que toutefois, le G ne figurait plus au catalogue de la société AA AB, ni sur son site Internet ; qu’en outre, dès le mois d’avril 2003, la société BEL AIR MEDIA a informé la société AA AB qu’elle détenait les droits d’exploitation de l’oeuvre en G pour le monde entier et que l’offre à la vente constituait une violation de ses droits et qu’après avoir réitéré cette requête, le 21 mai 2003, puis par l’intermédiaire de son conseil, le 19 juin 2003, la société AA AB lui répondait, par courriel du 10 juillet 2003, qu’elle n’avait pas distribué le titre en question depuis la réception de la première lettre ; que la présence de G en vente sur les sites marchands ne peut donc que correspondre à l’écoulement des exemplaires encore détenus par les détaillants ;

Considérant qu’en l’absence d’éléments comptables, pour déterminer les gains manqués par H X par l’offre en vente de ces G, il convient de se référer aux données collectées par le cabinet d’expertise comptable WILSON pour des captations d’opéras éditées par la société BEL AIR CLASSIQUES et distribuées par P Q ; que s’agissant du même opéra, dont l’enregistrement a été réalisé à Zurich en 2003 et à Aix-en-Provence en 2004, le nombre d’exemplaires vendus s’élevait respectivement à 2802 unités, du 30 juin 2006 au 30 juin 2008 et à 3418 unités du 31 décembre 2007 au 30 juin 2009, étant relevé que ces G ont été distribués en Europe et aux USA ; que le G «Les Noces de Figaro», le mieux vendu, a atteint un chiffre de 8.430 exemplaires ; que si la comparaison avec les ventes du G «Le Lac des cygnes» (30.236 exemplaires entre 2000 et le 31 mars 2005) est inopérante, cet opéra s’adressant à un public différent et plus large, ces chiffres traduisent un engouement ponctuel entre 2000 et 2005 pour ce type d’enregistrements dont la réalité n’est pas contredite et qui doit être pris en compte ;

Qu’au regard de la renommée du chef d’orchestre, V W, dont la prestation a été captée, des interprètes, du lieu, le festival de Salzburg, de la réputation reconnue du réalisateur, H S, de l’ampleur et de la durée de la distribution sur des sites destinés outre aux pays européens et aux USA, aux pays asiatiques, il y a lieu de retenir un chiffre de ventes de 20.000 exemplaires ;

Que la redevance à revenir à H X doit s’apprécier en tenant compte du pourcentage qui lui était consenti contractuellement, à savoir 3% sur les recettes nettes part producteur après amortissement du coût de l’oeuvre ; que la société BEL AIR MEDIA observe à juste titre que les droits réservés à l’auteur d’une captation par la SACD sont limités à 3,85 % des droits collectés auprès des télédiffuseurs ;

Que prenant en considération, l’atteinte portée aux droits patrimoniaux d’H X du fait de la diffusion illicite de sa réalisation sans qu’il ait été mis en mesure d’en déterminer les modalités et les gains manqués en résultant, son préjudice sera évalué à la somme globale de 10.000 € ;

Que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt conformément à l’article 1153-1 du code de procédure civile ;

Que la mesure d’interdiction sollicitée est dépourvue d’intérêt dès lors qu’elle a été prononcée par l’arrêt définitif du 28 septembre 2007 ;

Considérant que la solution du litige commande de rejeter la demande de restitution formée par la société BEL AIR MEDIA ;

Qu’il n’y a lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que la société BEL AIR MEDIA sera condamnée aux dépens exposés depuis l’arrêt du 28 septembre 2007 qui comprendront les frais de l’expertise annulée ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Vu l’arrêt définitif de la cour d’appel de Paris du 28 septembre 2007,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 22 mars 2012,

Annule le rapport d’expertise déposé le 20 janvier 2010 par E AF,

Evalue à 10.000 € le préjudice patrimonial subi par H X du fait de l’exploitation illicite du G «L’enlèvement au sérail»,

Constate que la provision versée par la société BEL AIR MEDIA à H X couvre ce préjudice,

Rejette le surplus des demandes,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société BEL AIR MEDIA aux dépens exposés depuis l’arrêt du 28 septembre 2007 qui comprendront les frais d’expertise, et pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile .

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 24 octobre 2013, n° 12/03246