Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 16 avril 2015, n° 13/03733

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 5e ch., 16 avr. 2015, n° 13/03733
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 13/03733
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre, 30 juin 2013, N° 12/01093
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

5e Chambre

EW

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 AVRIL 2015

R.G. N° 13/03733

AFFAIRE :

A Y

C/

CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 12/01093

Copies exécutoires délivrées à :

Me Annick BANIDE

la SELEURL LEGAL AVOCATS

Copies certifiées conformes délivrées à :

A Y

CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SEIZE AVRIL DEUX MILLE QUINZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame A Y

Chez M. E F

XXX

XXX

représentée par Me Annick BANIDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0720

APPELANTE

****************

CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE

XXX

XXX

représentée par Me Caroline LEGAL de la SELEURL LEGAL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1750

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Mars 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,

Faits et procédure

Mme A Y a deux enfants, Z né en 1988 et X, née en 1991.

Elle percevait les allocations familiales pour ses deux enfants, lorsque Z a obtenu, à compter du 1er octobre 2006, le bénéfice de l’allocation au logement pour l’appartement qu’il a occupé le 1er septembre 2006 à Marseille ayant intégré le CESEM de Reims et bénéficiant d’une bourse d’études.

La Caisse d’allocations familiales des Hauts de Seine (la CAF) a réclamé à Mme A Y la somme de 3 498,71 euros au titre des prestations familiales indûment versées du 1er novembre 2006 au 31 juillet 2008, en raison du changement de situation de Z.

Après avoir réglé la somme de 50 euros au titre de ce remboursement, Mme A Y a demandé la remise de cette dette à la commission de recours amiable de la CAF qui a refusé de lui accorder une telle remise par sa décision du 14 mai 2009.

Après une mise en demeure notifiée le 2 juillet 2010 à Mme A Y, la CAF a délivré une contrainte le 10 mai 2012 à hauteur de la somme de 3 448, 71 euros, qui lui a été signifiée le 22 mai 2012.

Mme A Y a formé opposition à cette contrainte le 29 mai 2012.

Par jugement du 1er juillet 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine a validé ladite contrainte à concurrence de la somme de 3 299,37 euros pour la période de décembre 2006 à juillet 2008 et rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme A Y et s’est déclaré incompétent pour la demande de délais de paiement.

Mme A Y a interjeté appel de cette décision.

Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a retenu la prescription au titre du mois de novembre 2006, de dire et juger prescrite la créance alléguée par la CAF sur la période de novembre 2006 à juin 2008 inclus, en conséquence de dire et juger nulle et de nul effet la contrainte en date du 10 mai 2012, subsidiairement, de dire et juger que la CAF a commis une négligence fautive en continuant le versement des prestations sans information à son affiliée, de nature à engager sa responsabilité civile et en conséquence de condamner la CAF à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et d’ordonner la compensation de cette indemnité avec la créance éventuelle de la CAF.

Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, la CAF des Hauts de Seine prie la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit prescrit l’indu du mois de novembre 2006, de valider la contrainte délivrée le 10 mai 2012 d’un montant de 3 448,71 euros, de débouter Mme A Y de l’ensemble de ses demandes, de la condamner au paiement de la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts pour recours abusif et de la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience.

Motifs de la décision

Sur la prescription invoquée

Mme A Y soutient que le délai de prescription de deux ans n’a pu commencer à courir au jour de la lettre du 27 novembre 2008 présentée le 15 décembre 2008, cette lettre ne constituant pas une notification de payer au sens de l’article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale puisqu’il n’y ait fait mention d’aucun motif ou de la moindre explication, le détail du montant réclamé n’étant pas explicité pas plus que le délai imparti pour régler et les recours potentiels. Cette lettre ne vaut pas mise en demeure contrairement à ce qu’exige la jurisprudence. Elle fait valoir que sa demande de remise de dette ne vaut pas reconnaissance de dette de sa part. La créance est donc, selon elle, prescrite sur la période de novembre 2006 à juin 2008.

La CAF estime que de jurisprudence constante, la réclamation d’indu notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception par une CAF interrompt la prescription, qu’ayant notifié à Mme A Y un indu pour la période de décembre 2006 à juillet 2008, le point de départ de la prescription biennale a commencé à courir en décembre 2008, que la notification de payer qu’elle a adressé à l’appelante le 27 novembre 2008 et qui a été réceptionnée le 16 décembre 2008 a interrompu cette prescription, de sorte que la l’indu sur cette période n’est pas prescrit ainsi que l’a jugé le tribunal.

En revanche, précise la caisse, la prescription retenue par le tribunal pour le mois de novembre 2008 est erronée aux motifs que les allocations familiales sont versées mensuellement et à terme échu, l’échéance de novembre 2006 ayant donc été versée en décembre 2006, et que le point de départ de la prescription court au jour de l’envoi de la notification et non de sa réception.

Selon les dispositions de l’article L. 553-1 du code de la sécurité sociale, l’action de l’allocataire pour le paiement des prestations se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration.

L’article 2244 du code civil dans sa version applicable à la présente espèce précise que le délai de prescription ou le délai de forclusion est interrompu par un acte d’exécution forcée.

Il résulte de ces textes que le cours de la prescription est interrompu par l’envoi à l’allocataire d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception valant mise en demeure, quels qu’en aient été les modes de délivrance. Une lettre de réclamation adressée par la CAF à un allocataire à l’effet de lui demander le remboursement d’un trop perçu vaut également commandement interruptif de prescription au sens de l’article 2244 du code civil, dès lors qu’il est constant qu’elle est parvenue au destinataire.

Par une lettre datée du 27 novembre 2008, la Caisse d’allocations familiales des Hauts de Seine a informé Mme A Y de ce qu’ayant procédé à la régularisation de son dossier et à l’étude de ses droits, ceux-ci avaient changé du 1er novembre 2006 jusqu’au 31 juillet 2008.

Cette lettre indique ensuite :

«  Il apparaît après calcul que pour vos prestations familiales, vous nous devez 3 498,71 €. Nous vous remercions de bien vouloir nous adresser cette somme par virement à notre Caisse ou par chèque libellé à l’ordre de l’agent comptable […]".

Il convient de constater que les dispositions de l’article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, invoquées par Madame Y, qui exigent que la notification de payer adressée par l’organisme au débiteur de prestations indues précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la date du ou des versements donnant lieu à répétition et les voies et les délais de recours, et qui sont issues du décret du 20 août 2009, n’étaient pas applicables au moment de l’envoi de ce courrier.

Cette lettre adressée à Mme A Y le 27 novembre 2008, reçue par elle le 16 décembre 2008, ainsi qu’en témoigne l’avis de réception produit, et qui précise sans ambiguïté à l’allocataire qu’elle était redevable d’un indu au titre des prestations familiales et qu’il lui appartenait de le régler, a valablement interrompu la prescription.

La question reste posée quant au mois de novembre 2006 qui a été déclaré prescrit par le tribunal des affaires de sécurité sociale, ce que critique la CAF.

Comme le soutient la caisse, en vertu de l’article R. 553-1 du code de la sécurité, les prestations familiales sont versées mensuellement à terme échu, si bien que les allocations familiales relatives au mois de novembre 2006 ne pouvaient être réglées à l’allocataire avant le 1er décembre 2006. La réclamation de paiement de l’indu payé en décembre 2006 au titre de ce mois de novembre 2006 n’est donc pas couverte par la prescription. Le jugement entrepris doit être infirmé à cet égard.

Sur le bien fondé de la contrainte litigieuse

L’article L. 512-1 du code de la sécurité sociale prévoit que toute personne résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales sous réserve que ce ou ces derniers ne soient pas bénéficiaires, à titre personnel, d’une ou de plusieurs prestations familiales, de l’allocation de logement sociale ou de l’aide personnalisée au logement.

En l’espèce, alors que Mme A Y percevait les allocations familiales pour ses deux enfants qui étaient à sa charge, Z s’est installé à Marseille, bénéficiant d’une bourse et sollicitant l’octroi, à compter du 1er septembre 2006, d’une aide au logement auprès de la CAF des Bouches du Rhône.

Il n’est pas établi ni même soutenu que Mme A Y ait informé la CAF des Hauts des Seine dont elle dépendait de ce changement de situation. De ce fait, elle a continué à percevoir les allocations familiales pour ses deux enfants.

Dans ces conditions, la contrainte, émise par la CAF le 10 mai 2012 et signifiée à Mme A Y le 22 mai 2012, au titre des allocations familiales qui lui ont été indûment versées à compter du 1er décembre 2006, apparaît régulière et bien fondée.

Il convient de la valider dans son quantum puisqu’elle tient compte du versement de 50 euros effectué par l’allocataire le 10 septembre 2010 et d’infirmer le jugement entrepris à cet égard.

Sur la demande de dommages et intérêts

Mme A Y, qui n’a pas pris la précaution de prévenir la CAF des Hauts de Seine du changement de situation de son fils, et alors qu’elle ne pouvait ignorer que ce dernier n’était plus à sa charge ou ne l’était que partiellement puisqu’il bénéficiait d’une bourse, ne peut venir invoquer le retard pris par cette caisse, ni sa négligence, pour lui réclamer les prestations indûment versées. Au surplus, comme le tribunal l’a déjà relevé, il ne peut être contesté que la déclaration de situation remplie par Mme A Y ou son fils pour l’octroi de l’allocation logement mentionne sans ambiguïté que, si le jeune sollicite le bénéfice d’une aide au logement, "[ses] parents ne pourront plus bénéficier des allocations qu’ils touchent pour [lui]".

Mme A Y devra être déboutée de la demande de dommages et intérêts qu’elle forme subsidiairement à ce titre. Le jugement entrepris sera confirmé à cet égard.

Sur les autres demandes de la CAF

Il n’est pas démontré que l’appel formé par Mme A Y revête un caractère abusif. La demande de dommages et intérêts formée par la caisse à ce titre doit être rejetée.

En revanche, cet appel a contraint la CAF à supporter des frais irrépétibles qui justifient qu’il soit fait droit à sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 300 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition et par décision contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine en date du 1er juillet 2013 en ce qu’il a déclaré régulière l’action en paiement de la caisse d’allocations familiales des Hauts de Seine pour la période de décembre 2006 à juillet 2008 et a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme A Y ;

L’infirme sur le surplus et statuant à nouveau,

Dit que la demande de remboursement de l’indû pour la période de novembre 2006 n’est pas prescrite ;

Valide la contrainte en date du 10 mai 2012 à hauteur de 3 448,71 euros correspondant aux allocations familiales indûment versées à Mme A Y du 1er novembre 2006 au 31 juillet 2008 ;

Déboute la caisse d’allocations familiales des Hauts de Seine de sa demande de dommages et intérêts;

Condamne Mme A Y à payer à la caisse d’allocations familiales des Hauts de Seine la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier en préaffectation, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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