Cour d'appel de Versailles, 16 juin 2016, n° 15/00277

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 16 juin 2016, n° 15/00277
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 15/00277
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 10 décembre 2014, N° 13/01475

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 JUIN 2016

R.G. N° 15/00277

AFFAIRE :

Société ABCISSE SERVICES

C/

A Y

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 décembre 2014 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° RG : 13/01475

Copies exécutoires délivrées à :

la SCP CABINET A SEGUREL

Me Jean-marie GUILLOUX

Copies certifiées conformes délivrées à :

Société ABCISSE SERVICES

A Y

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE JUIN DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société ABCISSE SERVICES

XXX

XXX

Comparante en la personne, assistée de Monsieur Alexandre des COURTILS (Représentant légal), Gérant, assisté de Me Marie-Aude DE MONAGHAN de la SCP CABINET A SEGUREL, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : P98) substituée par Me Grégory KAGAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0098,

APPELANTE

****************

Monsieur A Y

XXX

XXX

Comparant, assiste de Me Jean-Marie GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : G0818), substitué par Me Philippe GUESNIER, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : G0818)

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 avril 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire GIRARD, Présidente,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN,

EXPOSE DU LITIGE :

La société Abcisse services a développé sous le nom commercial « Autonomie services » une activité de services à la personne et notamment d’aide à domicile pour personnes âgées ou dépendantes. Elle n’applique aucune convention collective et emploie moins de onze salariés.

Par contrat à durée indéterminée du 1er avril 2009, M. A Y a été engagé par la société Abcisse services en qualité de Directeur général, statut cadre, moyennant une rémunération mensuelle brute qui était en dernier lieu de 5 166,51 € pour un temps complet.

Par une décision prise en assemblée générale le 21 juillet 2009, M. Y a été désigné gérant non salarié de la société Abcisse services. Il a démissionné de son mandat le 24 février 2012.

Le 28 décembre 2012, la société Abcisse services a proposé à M. Y une modification de ses fonctions et de sa rémunération à effet au 1er février 2013 en invoquant des raisons économiques. Par courrier du 28 janvier 2013, M. Y a refusé cette proposition.

Par courrier remis en mains propres le 22 février 2013, la société Abcisse services a convoqué M. Y à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er mars 2013 et lui a notifié les motifs économiques du licenciement par courrier remis sous la même forme le 6 mars 2013.

M. Y a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé et son contrat a été rompu le 22 mars 2013.

Contestant le bien fondé de licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt le 17 juillet 2013 aux fins d’obtenir essentiellement le paiement d’une indemnité pour licenciement abusif, de l’indemnité prévue au contrat de travail en cas de cession des parts en bloc, des indemnités de rupture et des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l’absence d’application par l’employeur de la convention collective de la branche de l’aide de l’accompagnement des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.

Par jugement du 11 décembre 2014, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, section encadrement a :

— dit le licenciement de M. Y dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— dit que M. Y était bien gérant salarié de la société Abcisse services,

— dit que la société Abcisse services était soumise à la convention collective nationale de la branche de l’aide de l’accompagnement des soins et des services à domicile du 21 mai 2010,

— fixé le montant du salaire mensuel moyen brut de M. Y à 5 166,51 euros,

— condamné la société Abcisse services à verser à M. Y les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil :

* 20 666,04 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 6 913,89 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

— condamné la société Abcisse services à verser à M. Y la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement,

— condamné la société Abcisse services à verser à M. Y la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté M. Y du surplus de ses demandes,

— ordonné à la société Abcisse services de remettre l’attestation Pôle Emploi rectifiée,

— dit qu’il qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire autre que celle prévue de droit,

— débouté la société Abcisse services de ses demandes reconventionnelles,

— condamné la société Abcisse services aux dépens.

La société Abcisse services a régulièrement relevé appel du jugement le 12 janvier 2015.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 13 avril 2016, la société Abcisse services demande à la cour de :

— infirmer le jugement en ce qu’il a :

* jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* jugé que M. Y était gérant salarié de la société,

* jugé que la convention collective de l’aide à domicile de l’accompagnement des soins et des services à domicile était applicable,

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

* jugé que l’article 12 du contrat n’était pas applicable,

* rejeté la demande de dommages-intérêts pour non application de la convention collective,

— dire que le licenciement pour motif économique est fondé,

— dire que M. Y était gérant non salarié de la société et non lié par un contrat de travail,

— débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes,

— le condamner à lui payer les sommes de :

* 2 624 € HT en remboursement d’indemnités kilométriques indûment perçues pour les années 2012 et 2013,

* 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— le condamner aux dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 13 avril 2016, M. Y prie la cour de :

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes sauf en ce qu’il a débouté M. Y de ses demandes au titre :

* de l’indemnité contractuelle de licenciement,

* de réparation du préjudice dû au non-respect de l’application de la convention collective,

* du paiement intégral de ses indemnités de congés payés,

— condamner la société Abcisse services à lui payer les sommes de :

* 92 997,18 € au titre de l’indemnité contractuelle visée à son contrat de travail,

* 5 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice spécifique dû au non-respect de l’application de la convention collective par son employeur,

* 11 443,68 € à titre d’indemnité de congés payés avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

* 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Abcisse services à remettre l’attestation Pôle Emploi rectifiée,

— condamner la société Abcisse services aux dépens.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 13 avril 2016,

Vu la lettre de licenciement,

SUR CE :

Sur l’existence du contrat de travail :

M. Y verse aux débats le contrat de travail conclu avec la société Abcisse services le 1er avril 2009, antérieurement à l’assemblée générale du 21 juillet 2009 le désignant en qualité de gérant non salarié de la société, par lequel il a été engagé en qualité de directeur général et l’ensemble des bulletins de paie qui lui a été remis sur la période courant d’avril 2009 à mars 2013 faisant mention de son emploi de directeur général.

Ce contrat n’a jamais été rompu par la société Abcisse services antérieurement au licenciement et la société ne verse aux débats aucune pièce en ce sens.

L’ensemble des développements de la société Abcisse services sur la qualité de gérant salarié ou non de M. Y est inopérant dès lors qu’il est directeur général de la société, qu’il a démissionné de son mandat de gérant en 2012 et que la rupture des relations contractuelles intervenue plus d’un an après cette démission concerne son contrat de travail de directeur général.

La cour jugera donc que M. Y a bénéficié d’un contrat de travail et a exercé parallèlement de juillet 2009 à février 2012 les fonctions distinctes de gérant non salarié de la société. Le jugement qui a dit que M. Y avait exercé les fonctions de gérant salarié sera donc infirmé sur ce point.

Sur le bien fondé du licenciement :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

« Monsieur,

Nous vous avons informé lors de notre entretien préalable du vendredi 1er mars à 15h30 en nos murs, auquel vous vous êtes présenté seul, que vous étiez concerné par un projet de licenciement pour motif économique. Je vous confirme que celui-ci est justifié par les éléments suivants:

1) Motifs :

Je rappelle que les graves difficultés économiques, financières et comptables de l’entreprise m’ont amené dans un 1er temps à vous proposer le 28 décembre dernier une modification de votre contrat de travail (que vous avez refusée par LRAR en date du 28 janvier 2013).

A ce jour, la dégradation se poursuit puisque les principaux indicateurs sont les suivants :

chute du Volume d’Affaire en tendance lourde. Il s’établit autour de 1 134 000 € en 2012 contre 1 459 000 € en 2011. Il perd près de 325 000 € en 2012, soit -22% vs 2011. NB : 2011 était déjà en baisse de -10% vs. 2010 (1 620 O00 €). Cette tendance s’est malheureusement particulièrement aggravée à partir de mai 2012.Jusqu’en avril, nous facturons 111 000 €/mois en moyenne, puis 88 000 € en mai 2012(les élections) et une moyenne autour de 86 000 € sur le reste de l’année (78 000 € sur le 4e T, soit -33 000 € de moins par mois par rapport à la moyenne à fin avril …).

La marge (chiffre d’affaires comptable) suit cette tendance et logiquement atterrit à 289 000 € vs. 348 000 en 2011. (chiffres 2012 non arrêtés). Cela fait 59 000 € de moins … sur l’année. La marge moyenne est à 29 000 €/mois jusqu’en avril. Elle tombe à 21 000 €/mois en moyenne sur le reste de l’année, et même à 19 000 € sur le 4e T (=-10 000 €/mois soit -34% en rythme moyen par rapport au début de l’année). Dans ces conditions, on ne peut plus et de loin couvrir les coûts fixes de l’entreprise (autour de 27 000 €).

Le nombre de clients continue aussi de baisser par insuffisance de renouvellement de notre portefeuille. Il passe de 61 à fin décembre 2011 à 51 à fin décembre 2012, soit une érosion de -16%, malgré nos efforts commerciaux.

Autonomie Services est en perte d’exploitation de I’ordre de -70 000 € (estimée) à fin 2012. Elles se sont formées surtout à partir du mois d’avril-mai malgré les mesures d’économie prises dont notamment une réduction des effectifs. En janvier 2013, on est déjà en déficit d’exploitation de l’ordre de 6500 € (27 000 € de charges pour 20 500 € de marge).

Enfin et surtout une trésorerie exsangue. Nous sommes « passés '' tout juste lors du paiement trimestriel de l’Urssaf pour compte de tiers… puisqu’après avoir payé les cotisations URSSAF des AVS début février, les comptes en banque sont tombés à 338 € au ler février puis à découvert pendant 2 jours (-1588 € le 6 février dernier) alors même que je ne me suis pas rémunéré depuis le ler janvier 2013 Nous ne sommes pas loin du dépôt de bilan….

2) Reclassement:

Afin d’éviter votre licenciement, nous avons recherché toutes les postes de reclassement pouvant vous convenir. Aujourd’hui, compte tenu de l’aggravation encore plus aigüe ces dernières semaines de la situation de l’entreprise et de sa trésorerie, et au regard de la taille très réduite de l’entreprise (3 salariés actuellement), je ne dispose pas de poste de reclassement de niveau équivalent au poste que vous occupez actuellement.

En conséquence je ne peux que vous proposer un poste de catégorie nettement inférieure, qui est le seul poste que je sois en mesure d’envisager actuellement au vu des besoins et capacités

économiques de l’entreprise. ll s’agit d’un poste d’Aide Administratif et comptable, disponible sans délai, basé au siège de l’entreprise 25 avenue de l’Europe, XXX.

Les caractéristiques de ce poste sont les suivantes :

— définition du poste : chargé de la gestion administrative des clients/AVS, vous traitez la facturation clients, les salaires des Accompagnantes et les documents administratifs afférents à la vie des contrats. Vous contrôlez la cohérence des données et assurez l’interface avec les autres services, notamment l’expert-comptable. Vous répondez aux clients, aux accompagnantes ou aux organismes sociaux sur les questions les concernant sur le plan administratif.

— classification : employé

— durée du travail :20 heures par semaine (86,66h mensuelles)

— rémunération mensuelle : 1 200 € bruts (base plein temps 2100 €).

Je vous confirme ma proposition pour laquelle vous voudrez bien nous faire connaître votre position sous 7jours à compter de la réception de la présente. En cas d’accord, un avenant à votre contrat de travail sera établi selon les dispositions légales et aux conditions indiquées ci- dessus.

Je vous informe que je fais par ailleurs mes meilleurs efforts pour rechercher une solution d’emploi externe en votre faveur auprès de confrères de la profession. A ce jour, je peux vous dire que la société ADVITAM est ouverte à une candidature de votre part dans le cadre de projets d’extension géographique. Si vous êtes intéressé, vous voudrez bien me le faire savoir dans les meilleurs délais.

3) Contrat de Sécurisation Professionnelle :

Lors de notre entretien, je vous ai informé que vous pouviez bénéficier du contrat de Sécurisation Professionnelle. Toutefois à la suite d’une interruption de séance que vous avez demandée pour vous renseigner sur ce sujet et que je vous ai accordée, j’ai préféré dans un tel contexte différer la remise du document même si à votre retour vous acceptiez la remise.

Je vous remets donc aujourd’hui en main propre le document d’information concernant le dispositif de Contrat de Sécurisation Professionnel, contre récépissé. Je vous rappelle que vous disposez d’un délai de 21 jours à compter de demain pour prendre votre décision et faire part de votre acceptation ou non de ce contrat.

Si vous l’acceptez dans le délai imparti la rupture de votre contrat de travail aura lieu à la date

d’expiration de ce délai du fait de notre commun accord et nous vous demandons dans cette hypothèse de bien vouloir considérer la présente lettre comme sans objet.

En tant que de besoin, je vous précise que si vous adhérez à un CSP la somme correspondante aux droits acquis au titre du DIF sera alors versée à Pole emploi. Je vous en préciserai le détail en temps utile.

Priorité de réembauche: si vous en manifestiez le désir, vous aurez droit à une priorité de réembauche pendant un an à compter de la rupture de votre contrat.

Si vous acquérez une nouvelle qualification et que vous nous en informez, vous bénéficierez

également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci.

Nous vous rappelons également que, conformément à l’article L 1233-67 du Code du travail, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de votre adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.

En revanche, si vous refusez d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle ou si vous omettez de nous faire part de votre accord dans le délai mentionné ci-dessus, vous noterez bien que la présente lettre ne constitue pas une lettre de licenciement.

Veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées. »

En application de l’article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise ou, dans certaines conditions, à une cessation d’activité.

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte, comme en l’espèce, de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié.

M. Y soutient qu’en l’espèce, les difficultés économiques invoquées par la société procèdent de la légèreté blâmable du gérant et de son intention frauduleuse visant à l’évincer afin d’exercer lui-même le mandat social de gérant et le poste de directeur général et ensuite que la société n’a pas rempli de façon loyale son obligation de reclassement.

Sur les difficultés économiques :

La cour relève tout d’abord que M. Y ne conteste pas les difficultés économiques de la société et que celles-ci sont caractérisées par les éléments suivants :

— une baisse durable du chiffre d’affaire (lequel passe de 347 114 € en 2011 à 281 599 € en 2012 et 209 570 € en 2013 selon les différents bilans communiqués au dossier),

— des charges d’exploitation qui augmentent avec un sommet en 2011 (322 120 € en 2010,

353 648 € en 2011) et 2012 (350 544 € en 2012) puis diminuent en 2013 pour atteindre 211 954€

— un résultat net déficitaire depuis 2012 (- 64 433 € en 2012 et – 18 243 € en 2013),

La cour observe ensuite que les difficultés économiques de la société ont été majeures en 2011, 2012 avec une baisse du chiffre d’affaire et une augmentation des charges mais que M Y qui était le gérant de la société en 2011 et qui a présenté une requête aux fins de placement de celle-ci sous sauvegarde de justice à cette époque, (procédure qui a été clôturée en février 2012) ne peut valablement les imputer à la légèreté blâmable de l’actuel gérant puisque celui-ci ne lui a succédé qu’en février 2012 année où les charges commencent à diminuer.

Par ailleurs, M. Y ne verse aucun élément de nature à démontrer la collusion frauduleuse qu’il dénonce pour l’évincer de la gérance de la société et observe que cette éviction est au surplus étrangère à l’exécution de son contrat de travail.

La légèreté blâmable alléguée n’est donc pas démontrée de sorte que la cour retiendra la réalité du motif économique invoqué.

Sur le manquement à l’obligation de reclassement :

Aux termes de l’article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

En l’espèce, il résulte des extraits du registre du personnel communiqués aux débats qu’au moment du licenciement la société comprenait un effectif de trois salariés composé par :

— M. Y,

— une chargée de paye, en poste depuis le 2 juillet 2007,

— une responsable de secteur en poste depuis le 15 juin 2010.

La société en ayant proposé à M. Y le poste d’aide administratif (qui a d’ailleurs donné lieu à l’embauche d’une salariée en septembre 2013), démontre ainsi avoir respecté son obligation de reclassement en lui offrant un emploi dont les conditions de rémunération et de responsabilité étaient certes d’un niveau inférieur à celui qu’il exerçait auparavant, mais qui constituait le seul emploi disponible dans la petite structure qu’était devenue la société.

La cour jugera donc que la société Abcisse services a satisfait à son obligation de reclassement de sorte que le licenciement de M. Y sera jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse et que le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé sur ce point.

Les demandes d’indemnité compensatrice de préavis et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront par conséquent rejetées, le jugement étant infirmé sur ces points.

Sur l’indemnité contractuelle :

M. Y réclame la condamnation de l’employeur à lui verser une somme de 92 297,18 € à titre d’indemnité contractuelle en se fondant sur l’article 12 de son contrat de travail qui prévoit qu’ « à l’issue de la période d’essai, dans l’hypothèse où les parts de la société seraient cédées en bloc à des tiers et où le repreneur ne souhaiterait pas maintenir M Y (sic) dans ses fonctions une indemnité égale à 12 mois de salaire lui sera versée. Elle sera portée à 18 mois à la date du 1er janvier 2012. »

Il soutient que les conditions d’application de cette clause sont réunies dès lors que le nouveau gérant, M des Cortils, par l’intermédiaire de son épouse, détient plus de 50% du capital social.

Comme le relève justement la société Abcisse services, les parts sociales n’ont pas été cédées à un tiers puisque Mme Z de X qui a acquis 123 parts sociales était déjà actionnaire de la société ainsi que l’admet M. Y dans ses écritures.

Le jugement du conseil de prud’hommes qui a débouté M. Y de sa demande à ce titre sera par conséquent confirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non application de la convention collective :

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que la convention collective de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile était applicable à la relation de travail, compte tenu de l’objet social de la société.

M. Y sollicite une somme de 5 000 € en réparation du préjudice spécifique subi du fait de la non-application de la convention collective. La cour relevant que M. Y ne justifie pas du préjudice spécifique qu’il invoque et qu’au surplus il a été gérant de la société de juillet 2009 à février 2012 ce qui lui laissait le loisir de faire appliquer ladite convention confirmera le jugement en ce qu’il l’a débouté de cette demande.

Sur la demande de paiement des indemnités de congés payés :

M. Y sollicite la condamnation de la société Abcisse services à lui payer une somme de 11 443,68 € à titre d’indemnités de congés payés.

L’employeur s’oppose à cette demande en faisant valoir que M. Y étant gérant jusqu’en février 2012 ne peut prétendre à des jours de congés payés.

La demande étant fondée non pas sur le mandat de gérance de M. Y mais sur son contrat de travail de directeur général, il sera fait droit à la demande d’autant que la société elle-même reconnaît le droit de M. Y à ses congés dans un mail de M. des Cortils en date du 27 décembre 2012 et que les bulletins de salaire mentionnent les jours de congés restant à prendre.

Cependant, comme l’a justement retenu le conseil de prud’hommes, les congés payés acquis au titre des années 2010 et 2011 et qui n’ont pas été pris avant le 31 mai 2012 sont perdus dès lors que l’indemnité compensatrice de congés payés susceptible d’être allouée ne porte que sur la période de référence en cours à la date de rupture du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a alloué à M. Y une somme de

6 913,89 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 29 jours de congés payés valorisés à 238,41 euros.

Sur la demande reconventionnelle en remboursement des indemnités kilométriques :

A titre reconventionnel, la société Abcisse services sollicite la condamnation de M. Y à lui rembourser la somme de 2 624 hors taxes en remboursement des indemnités kilométriques indues qu’il a perçues en 2011 et 2012.

M. Y s’oppose à la demande en faisant valoir que ces frais ont été vérifiés et approuvés lors pour les exercices comptables concernés et que la société ne peut de ce fait plus prétendre à leur remboursement.

La cour observe que même si le contrat de travail ne mentionne pas le remboursement des frais kilométriques, ceux-ci ont continué à être remboursés au salarié même après le changement de gérance, de sorte qu’un usage s’est ainsi établi que la société ne peut aujourd’hui valablement remettre en cause.

La demande reconventionnelle sera donc rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens:

La décision entreprise sera confirmée sur ces points et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de M. Y qui succombe à l’essentiel de ses prétentions. L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Abcisse services laquelle sera déboutée de sa demande en ce sens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu’il a :

— condamné la société Abcisse services à payer à M. Y la somme de 6 973,89 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

— dit que la convention collective de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile était applicable à la relation de travail,

— débouté la société Abcisse services de sa demande de remboursement des indemnités kilométriques versées à M. Y

— condamné la société Abcisse services à payer à M. Y la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ,

— condamné la société Abcisse services aux dépens,

L’infirme sur le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que M Y bénéficiait d’un contrat de travail comme directeur général de la société Abcisse services depuis le 1er avril 2009 et a exercé un mandat de gérant non salarié de juillet 2009 à février 2012,

Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. Y de l’ensemble de ses demandes découlant du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute M. Y et la société Abcisse services du surplus de leurs demandes

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la société Abcisse services,

Condamne M. Y aux dépens d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, avis en ayant été donné préalablement aux parties conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par madame Claire GIRARD président et monsieur Arnaud DERRIEN greffier.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 16 juin 2016, n° 15/00277