Cour d'appel de Versailles, 13 avril 2016, n° 14/02202

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 13 avr. 2016, n° 14/02202
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/02202
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise, 16 avril 2014, N° 13/00075

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 13 AVRIL 2016

R.G. N° 14/02202

AFFAIRE :

B A

C/

SA Z

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Avril 2014 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° RG : 13/00075

Copies exécutoires délivrées à :

la SCP BENOIST/REDON

la SELARL MRB

Copies certifiées conformes délivrées à :

B A

SA Z, SAS LE CLOS DE L’OSERAIE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE AVRIL DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame B A

XXX

XXX

représentée par Me Patrick REDON de la SCP BENOIST/REDON, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 48 substituée par Me Gaëlle PEYLET, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 48

APPELANTE

****************

SA Z

XXX

XXX

INTIMEE(S)

SAS LE CLOS DE L’OSERAIE

XXX

XXX

INTERVENTION VOLONTAIRE

représentées toutes les deux par Me Gilles BONLARRON de la SELARL MRB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0303

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Michèle COLIN, Président chargé(e) d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Michèle COLIN, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,

Vu le jugement rendu le 17 avril 2014 par le Conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise ayant:

— requalifié la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de madame A en démission,

— condamné la SAS Z à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de prime pour l’année 2012,

— débouté madame A du surplus de ses demandes,

— laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Vu la déclaration d’appel de B A reçue au greffe de la Cour le 30 avril 2014.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l’audience du 7 mars 2016 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens de madame A qui demande à la Cour de :

— infirmer le jugement entrepris,

— dire que sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal :

—  3 464 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  24 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  2 400 euros pour les congés payés afférents,

—  4 000 euros pour non respect de la procédure de licenciement,

—  24 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  5 000 euros à titre de provision sur prime annuelle,

—  4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l’audience du 7 mars 2016 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens de la société Z et du Clos de l’Oseraie qui demandent à la Cour de :

— déclarer la SAS CLOS de l’OSERAIE recevable en son intervention volontaire en cause d’appel et dire que l’arrêt à intervenir lui sera opposable,

— confirmer le jugement et débouter madame A de ses demandes,

— la condamner à leur payer la somme de 12 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA COUR :

Madame B A a été embauchée en contrat à durée indéterminée le 1er juillet 2008 par la SAS le Clos d’Arnouville en qualité de directeur junior d’établissement, cadre B, coefficient 454.

Le 1er juillet 2010, elle était engagée suite à une mutation interne par la SAS le Clos de l’Oseraie en qualité de directeur d’établissement, cadre dirigeant, pour un salaire de 4 000 euros par mois auquel s’ajoutait une prime annuelle calculée selon des objectifs fixés chaque année.

Le 1er janvier 2012, le groupe Z rachetait le Clos de l’Oseraie et madame A devenait directeur d’exploitation FPAST, soit personnel administratif et technique cadre B.

Le Clos de l’Oseraie, qui est un EHPAD, emploie habituellement plus de 10 salariés et relève de la convention collective du 18 avril 2002 applicable aux établissements accueillant des personnes âgées.

Le 9 novembre 2012, madame A adressait à son employeur un courrier de prise d’acte de la rupture de son contrat de travail.

C’est dans ces circonstances qu’elle a saisi le Conseil de prud’hommes qui a rendu la décision dont appel.

Sur l’intervention volontaire du Clos de l’Oseraie :

Le Clos de l’Oseraie fait valoir qu’il est l’employeur de madame A et qu’il y a lieu de lui donner acte de son intervention volontaire en tant que tel.

Madame A souscrit à cette démarche.

Il y a lieu, en conséquence, de le recevoir en son intervention volontaire et de dire que l’arrêt à intervenir lui sera opposable.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d’une démission.

Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, madame A soutient qu’à compter de la reprise du Clos de l’Oseraie par le groupe Z, elle s’est vu retirer un certain nombre de prérogatives et imposer des modifications illicites de son contrat de travail ; qu’elle est passée du statut de cadre dirigeant à celui de cadre C dans les faits et cadre B selon ses fiches de paye ; qu’elle n’a d’ailleurs jamais retourné à l’employeur l’avenant qui a été soumis à sa signature sur lequel elle avait seulement apposé son paraphe avant de savoir qu’elle pouvait le refuser ; qu’elle ne pouvait plus comme auparavant conclure d’embauche de sa seule initiative ni accorder de primes à ses subordonnées ; qu’elle s’est vu retirer le chéquier de l’entreprise et la faculté de valider les devis ; qu’on lui a imposé un forfait 'seuillé’ pour son téléphone portable sans lui faire connaître le seuil au delà duquel les communications seraient à sa charge ; qu’il lui a été imposé de travailler un week-end par mois sans rémunération supplémentaire ; qu’elle n’a reçu aune définition d’objectif à atteindre pour bénéficier de la prime 2012 qui ne lui a pas été versée.

L’employeur soutient que madame A a signé sans réserve l’avenant précisant les dispositions contractuelles la liant au groupe Z et n’a jamais remis en cause ses nouvelles conditions contractuelles de travail ; qu’elle n’était pas jusqu’alors un véritable cadre dirigeant car elle ne participait pas à la direction de l’entreprise mais dirigeait seulement l’un des établissements du groupe sous l’autorité du 'Directeur des exploitations du groupe Mieux Vivre'; qu’elle n’avait aucune délégation de pouvoirs ; qu’aux termes de son contrat initial, elle devait d’ailleurs 'rendre compte de son activité et de la bonne marche de l’établissement et informer l’employeur de toute modification notable’ ; que sa prime annuelle d’objectif pour 2012 ne devenait exigible qu’en mai 2013 ; qu’elle a toujours été contrainte de rendre des comptes sur le plan budgétaire ; qu’elle ne prouve pas qu’elle avait un chéquier et une délégation de signature ; que se voir imposer un forfait téléphonique limité ne constitue pas une modification essentielle du contrat de travail ; que les astreintes téléphoniques ont été rendues nécessaires par un impératif de sécurité et n’avaient pas à être rémunérées, le salaire de madame A étant bien supérieur au minima conventionnel ; qu’en tout état de cause, elle a quitté l’entreprise car elle avait trouvé un nouvel emploi.

La Cour observe dans un premier temps que l’employeur ne justifie pas, ainsi qu’il le soutient, que madame A aurait signé sans restriction l’avenant au contrat de travail qui lui a été proposé, sachant qu’il ne produit aucun document en ce sens, et que l’exemplaire produit par madame A elle-même ne comporte que son paraphe mais nullement sa signature ni celle de l’employeur.

Par ailleurs, il résulte des documents produits, et notamment du contrat de travail de madame A du 1er juillet 2010, qu’elle a été engagée au poste de Directeur du Clos de l’Oseraie en qualité de cadre dirigeant mais sous l’autorité du Directeur des Exploitations et avec la

contrepartie de rendre compte de son activité et de la bonne marche de l’établissement.

Il en résulte que ces fonctions ne correspondaient pas à celles d’un véritable cadre dirigeant et que sa classification, à compter de la reprise de l’entreprise par Z, en qualité de cadre B FPAST ne saurait constituer à elle seule une modification substantielle de son contrat de travail dans la mesure où le salaire de l’intéressée est resté le même.

En revanche, madame A disposait, aux termes de son contrat initial, d’une entière liberté et indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, de la responsabilité de la conduite de l’établissement et du pouvoir d’embaucher ou débaucher dans la limite des postes budgétés.

Or, le mail de l’employeur du 12 septembre 2012 dont elle est destinataire met en évidence que désormais, toute demande d’embauche de CDD doit au préalable faire l’objet d’une demande au DR, sauf urgence, et a fortiori toute embauche de CDI, ainsi qu’en atteste son échange de mails du 11 septembre 2012 avec madame Y, Directrice chez Z.

L’échange de mails du 20 avril 2012 entre madame A et la même madame X met en évidence que la première est désormais contrainte de faire valider par sa hiérarchie sa demande de prime pour l’un de ses collaborateurs.

Par ailleurs, si aux termes de la convention collective, les astreintes n’ont pas à être rémunérées compte tenu du salaire de madame A, force est de constater qu’il s’agit pour elle d’une sujétion nouvelle qui ne figurait pas dans son contrat de travail initial, s’agissant d’une astreinte physique sur site au moins un week-end par mois.

Au surplus, force est de constater qu’il résulte du mail de Z du 27 mars 2012 qu’elle doit désormais adresser systématiquement son planning chaque semaine à la Direction avec obligation d’être présent sur le site le matin à 9H30.

Enfin, le mail de la Direction du 28 janvier 2012 rappelle que 'depuis quelques semaines les Directeurs n’ont plus de chéquier à disposition', alors qu’ils en disposaient jusqu’alors pour payer les médecins, kinés, laboratoires etc.

L’ensemble de ces éléments ont sans contestation possible modifié unilatéralement et de façon substantielle le contrat de travail de madame A en portant atteinte de façon significative aux prérogatives et à l’autonomie dont elle jouissait jusqu’alors, et justifient sa prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur, la circonstance selon laquelle l’intéressée a trouvé un nouvel emploi dès son départ de l’entreprise n’étant pas de nature à exonérer l’employeur de sa responsabilité dans la rupture du contrat de travail.

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant en l’espèce les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, madame A peut prétendre, en sus des indemnités de rupture dont les montants ne sont pas contestés par l’employeur et ont été justement évalués au vu des éléments de la cause, à l’indemnité prévue à l’article L.1235-3 du code du travail.

Il y a lieu dès lors de lui allouer la somme de 3 464 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, 24 000 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 2 400 euros pour les congés payés afférents et celle de 24 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement abusif, madame A ayant retrouvé du travail dès son départ du Clos de l’oseraie.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis sollicitée par l’employeur :

La prise d’acte par madame A de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur produisant en l’occurrence les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de débouter l’employeur de cette demande.

Sur le non respect de la procédure de licenciement :

Madame A ayant pris l’initiative de la rupture du contrat de travail, fût-ce aux torts de l’employeur, elle ne saurait se prévaloir de l’irrégularité de la procédure de licenciement et demander à ce titre des dommages-intérêts, étant observé en tout état de cause que l’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement n’est pas cumulable avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de ce chef.

Sur la prime annuelle :

Madame A expose que la prime de 6 000 euros qui lui a été versée en mai 2012 est celle correspondant à l’exercice 2011 et qu’elle n’a rien perçu pour 2012 ni n’a reçu aucune définition des objectifs à atteindre.

L’employeur rétorque qu’en tout état de cause, la prime 2012 n’était exigible qu’en mai 2013.

La Cour constate que l’employeur ne conteste pas ne pas avoir réglé sa prime 2012 à madame A, laquelle, calculée au prorata de sa présence en 2012 en fonction de la prime perçue en 2011, s’établit à la somme de 5 000 euros.

Il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à sa demande à hauteur de cette somme.

Sur les demandes annexes :

Parties succombantes, Z et le Clos de l’Oseraie seront déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamnés à payer à madame A la somme de 2 000 euros sur le même fondement ainsi qu’aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant, par arrêt contradictoire,

DECLARE le Clos de l’Oseraie recevable en son intervention volontaire et déclare l’arrêt commun et opposable à Z et au Clos de l’Oseraie ;

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

DIT que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par masdame A produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE Z et le Clos de l’OSERAIE à payer à B A les sommes de :

—  3 464 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  24 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  2 400 euros pour les congés payés afférents,

—  24 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l’employeur de sa lettre de convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y AJOUTANT,

DEBOUTE Z et le Clos de l’Oseraie de leur demande en paiement de l’indemnité de préavis ;

Les DEBOUTE de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Les CONDAMNE à payer à madame A la somme de 2 000 euros sur le même fondement;

Les CONDAMNE aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, et signé par Mme COLIN, président, et Mme BEUREL, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

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