Cour d'appel de Versailles, 26 septembre 2017, n° 16-02678

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Chronologie de l’affaire

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www.pechenard.com · 10 novembre 2017

Le régime de protection des salariés ne doit pas aboutir à réduire à néant le pouvoir disciplinaire de l'employeur. C'est de cet équilibre fragile entre une protection nécessaire et l'immunité des représentants des salariés qu'a eu à connaitre la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 6e chambre, 26 sept. 2017 n°16/02678). Le salarié, élu délégué du personnel suppléant et membre du CHSCT, s'était vu notifier une mise à pied disciplinaire de trois jours par son employeur pour différentes fautes commises dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail. Le salarié avait …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 26 sept. 2017, n° 16/02678
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 16-02678
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye, 12 mai 2016

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac: 80C

6e chambre

ARRET N° 538/17

CONTRADICTOIRE

DU 26 SEPTEMBRE 2017

R.G. N° 16/02678

AFFAIRE:

Y X

C/

Société TAIS

Décision déférée à la cour :

Ordonnance rendue le 13

Mai 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Saint Germain en Laye Section Référé

N° RG :

Copies exécutoires délivrées à :

Me Elodie PUISSANT

la SCP PECHENARD

Associés

Copies certifiées conformes délivrées à :

Y X

Société TAIS

le: 26 SEP. 2017

CS6 08/02/2018 Cabinet CAPSTAN AVOCATS

+ cs le 2/3/[…]

- CCC le 28/08/19 aluet CAPSTAN. Arorate + LCB Assois +

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE de la Cour d’Appel de Versailles LE VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur Y X

[…]

[…] représenté par Me Elodie PUISSANT, avocat au b arreau de PARIS, vestiaire : B0372

APPELANT

**

*****

Société […]

[…] représentée par Me Emmanuelle SAPENE de la SCP PECHENARD Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R047 substituée par Me Laetitia GARCIA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

*******

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Patrice DUSAUSOY, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, Madame Sylvie BORREL, Conseiller, Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marion GONORD,

[…]. Rr Me Stickers BEURTHERFT



FAITS ET PROCÉDURE,
Monsieur X a été embauché le 13 septembre 2010 avec reprise d’ancienneté au 1er juillet 2010, selon contrat à durée indéterminée, en qualité de chauffeur poids-lourds par la SAS TAIS qui a pour activité la collecte et le traitement des déchets dans la région parisienne et emploie plus de 10 salariés.

Le 28 novembre 2013, le salarié a été élu délégué du personnel suppléant sur la liste du syndicat CGT TAIS puis le 21 décembre 2015 membre du CHSCT.

Le 26 mars 2014, le salarié s’est vu notifier un avertissement le 27 août

2015 pour absence injustifiée malgré une mise en demeure de la société.

Le 16 juillet 2015, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire tenu le 13 août 2015, au cours duquel le salarié était assisté, conduisant à une notification le 27 août d’une mise à pied disciplinaire de trois jours rédigée dans les termes suivants :

« Les faits que nous vous reprochons sont les suivants :

- le 11 juin 2015, alors que par principe de précaution avant le terme de votre arrêt maladie initial, nous souhaitions que votre retour au travail soit

validé par le médecin du travail, vous avez exprimé votre mécontentement en criant et en refusant notre décision au travers d’un esclandre. Vos propos injurieux et vulgaires ont été entendus au travers même des téléphones du planning, vous vous êtes exprimés en ces termes : « allez tous vous faire enculer… vous êtes des enculés».

Nous vous rappelons que l’article 9 du règlement intérieur de la société Tais vous enjoint à vous comporter avec courtoisie et correction en toutes circonstances.

Nous déplorons cette attitude et nous vous demandons à l’avenir de mesurer vos propos et d’exprimer vos désaccords au travers de rencontres ou rendez-vous avec votre hiérarchie afin de trouver des réponses dans une logique de progrès continu et de respect mutuel.

Le 25 juin 2015, vous avez refusé une prestation (hôpital Cochin) L

qu’un de vos collègues ne pouvait réaliser. Vous êtes parti en tournée sans prendre le bon de prestation et le badge d’accès relatif à cette prestation.

Lors de l’entretien, vous avez reconnu ce fait et vous avez avancé le fait que d’autres chauffeurs auraient également pu prendre ce tour. La planification est du ressort de nos équipes logistiques. Leurs choix se font sur des critères objectifs et logiques. De plus une note informative se trouve dans la tournée et ce tour était intégré à la tournée sans marquer de détours.

- Le 2 juillet 2015vous avez déchiré la fiche informative du paperboard relative à la canicule en disant que cela ne servait à rien.

Lors de l’entretien vous avait indiqué qu’un dessin obscène avait été dessiné au préalable et que vous préféreriez le soustraire à la vue de chacun.

Nous prenons acte de votre argument. Cependant nous vous rappelons que les affichages et retraits de ceux-ci sont à la charge des équipes d’encadrements de l’exploitation. Si un affichage vous dérange, nous vous invitons à faire la demande de son retrait au responsable présent.

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Si nous constations à nouveau des dégradations volontaires justifiées au non de votre part, nous serons tenus de prendre toutes mesures disciplinaires qui s’imposent.

- Le 3 juillet 2015, vous avez refusé d’exécuter dès votre prise de poste 3 clients (Musée Duroc, Boétie, Saintonge), au motif que vous deviez être

rentré pour midi pour pouvoir partir en week-end.

Lors de l’entretien, vous avez reconnu ce fait et n’avait pas apporté d’éléments complémentaires.

Votre comportement est une entrave à l’article 2 du règlement intérieur de la société Thais qui stipule que « le personnel se conforme aux ordres et instructions du directeur d’agence ou de ses représentants dans l’exécution des tâches confiées ».

En refusant les consignes de travail, vous avez fait preuve d’une insubordination que nous pouvons tolérer. Votre comportement est irresponsable et ne saurait être toléré au sein de notre société.

Après analyse et réflexion, les explications que vous nous avez fournies nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits reprochés.

Nous vous rappelons que vous êtes tenus d’exécuter vos fonctions conformément à vos obligations contractuelles et aux dispositions légales et conventionnelles applicables au sein de notre entreprise.

Pour rappel vous avez été sanctionné d’un avertissement en mars 2014 pour des faits liés votre comportement.

En conséquence pour les faits énoncés ci-dessus, nous vous notifions par la présente trois jours de mise à pied qui seront effectués du 15/09/2015 aux 17/09/2015.

Cette mise à pied entraînera une retenue de salaire sur votre paie correspondant à la durée de votre absence.

Nous vous informons que si de tels faits venaient à se reproduire, nous serions amenés à prendre à votre encontre une sanction plus lourde pouvant aller jusqu’au licenciement…. »

Par lettre du 4 septembre 2015, remise en main propre, le salarié a contesté cette mesure en faisant valoir, notamment, qu’en tant que représentant du personnel la société ne pouvait suspendre ou changer son contrat de travail.

Par lettre du 10 septembre 2015, remise en main propre, le salarié a pris note de la mise à pied disciplinaire, reportée du 22 septembre au 24 septembre 2015, maintenant sa contestation et informant son employeur qu’il se présenterait le 22 septembre à son poste de travail.

Par lettre du 18 septembre 2015, la société a répondu au salarié en maintenant la sanction disciplinaire, confirmant qu’elle n’avait pas pour effet de suspendre l’exécution de son mandat de délégué du personnel et précisant que la mise à pied devait être exécutée à compter du 22 septembre jusqu’au 24 septembre 2015 et que son retour au poste de travail devait intervenir le 25 septembre 2015.

Le salarié s’est présenté le 22 septembre à son poste de travail ainsi que les 23 et 24 septembre mais n’a pas été rémunéré.

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Le 17 décembre 2015 le salarié a été convoqué à un nouvel entretien préalable fixé aux 29 décembre 2015 auquel le salarié ne s’est pas rendu mais s’est fait représenter, pour de nouveaux faits d’insubordination.

Le 22 janvier 2016, la société a notifié au salarié une nouvelle mise à pied disciplinaire du 2 au 4 février 2016.

Par lettre du 1er février 2016 le salarié a contesté cette décision. Le salarié s’est présenté à ces dates à son poste sans être rémunéré.

Le dernier salaire mensuel brut du salarié s’élève à 2 270

€.

Le salarié a saisi le 16 février 2016 le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye faisant valoir que chaque mise à pied disciplinaire a entraîné une modification temporaire de son contrat travail qu’il était en droit de refuser, que la société aurait donc dû y renoncer, qu’en les maintenant end dépit du refus du salarié, la société a causé à ce dernier un trouble manifestement illicite, a sollicité l’annulation des mises à pied disciplinaire du 27 août 2015 et 22 janvier 2016 ainsi que la condamnation de la société aux sommes suivantes :

- 234,60 € à titre de rappel de salaire pour la période du 22 au 24 septembre 2015 avec les congés payés afférents de 23,46 €,

- 234,60 € à titre de rappel de salaire pour la période du 2 au 4 février 2016 avec les congés payés afférents de 23,46 €

- 1 000 € à titre de provision sur dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, avec remise des bulletins de salaire d’octobre 2016 et mars 2017 conformes à la décision

- 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Le syndicat CGT, intervenant volontaire, faisant valoir la défense de l’intérêt collectif de la profession en cas d’atteinte directe à son organisation syndicale, a sollicité 2 000 € au titre de l’article L.2132-3 du code du travail et une indemnité de procédure de 1 000 €.

La société a sollicité de déclarer mal fondées les demandes du salarié et du syndicat, de dire n’y avoir lieu à référé, de débouter les demandeurs de leurs prétentions et les condamner solidairement à la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par ordonnance du 13 mai 2016, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye a considéré que la mise à pied disciplinaire d’un salarié protégé, malgré son refus de l’exécuter, ne constitue pas un trouble manifestement illicite et a dit qu’il n’y avait lieu à référé, déboutant l’ensemble des parties de leurs demandes, et a condamné le salarié aux éventuels dépens.

Le salarié a interjeté appel le 7 juin 2016 de la décision qui lui a été notifiée le 31 mai 2016.

Par écritures, visées par le greffe et soutenues oralement à l’audience du 22 mai 2017, auxquelles la cour se réfère en application de l’article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit:

Le salarié sollicite l’infirmation de l’ordonnance entreprise, et soutenant qu’il existe un trouble manifestement illicite, demande que soit prononcée la nullité des mises à pied disciplinaires et mises à exécution malgré son refus, en violation du statut protecteur applicable aux représentants du personnel, et forme les mêmes prétentions qu’en première instance, l’indemnité de procédure étant revalorisée à hauteur de 2 000 €.

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Le syndicat CGT Tais sollicite la recevabilité de son intervention volontaire en cause d’appel, l’infirmation de l’ordonnance entreprise et la condamnation de l’employeur au paiement de la somme de 2 000 € à titre de provision de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail ainsi que sa condamnation à 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société, in limine litis, soulève au visa de l’article R. 1455-11 alinéa 1 du code du travail et de l’article 554 du code de procédure civile, l’irrecevabilité de l’intervention volontaire du syndicat CGT qui n’a pas interjeté appel de l’ordonnance entreprise, au principal soutient que le juge des référés n’est pas compétent pour prononcer l’annulation de sanction disciplinaire qu’il n’existe pas de trouble manifestement illicite, aucune règle de droit n’ayant été violée, que la demande de provision à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat n’est pas justifiée, qu’il convient de rejeter les demandes du salarié; subsidiairement sollicite le débouté de la demande du syndicat en l’absence de l’atteinte illicite au mandat du salarié qu’à supposer qu’une violation d’une règle de droit par la société soit établie, cette violation serait détachée des mandats exercés par le salarié puisque ceux-ci n’ont pas été suspendus par la mise à pied disciplinaire ; la solution la société sollicite la condamnation du salarié à la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

MOTIFS

In limine litis

Selon les dispositions de l’article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt, les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Le syndicat CGT, partie en première instance en sa qualité d’intervenant volontaire, qui n’a pas interjeté appel, ne peut dès lors intervenir volontairement en cause d’appel quand bien même son intervention serait accessoire à celle du salarié.

Son intervention volontaire sera déclarée irrecevable.

Sur le trouble manifestement illicite

Dans tous les cas d’urgence la formation de référé peut, dans la limite de sa compétence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’impose pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le salarié soutient que la mise en œuvre de la mise à pied disciplinaire a modifié son contrat de travail de sorte que l’employeur devait soit renoncer à cette sanction, compte tenu du refus du salarié de l’exécuter, soit procéder à son licenciement sous réserve de recueillir préalablement l’autorisation de l’inspection du travail.

La mise à pied disciplinaire n’a pas pour effet de modifier le contrat travail mais d’en suspendre temporairement les effets.



Par ailleurs, la mise à pied d’un représentant du personnel qu’elle soit de nature conservatoire ou disciplinaire, n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de son mandat ainsi que l’employeur l’a rappelé dans sa lettre au salarié du 18 septembre 2015 envoyée en recommandé avec demande d’accusé réception.

Il s’en déduit que l’employeur qui a procédé à l’exécution d’une mise à pied disciplinaire à l’encontre d’un représentant du personnel, lequel conserve son mandat pendant ce laps de temps, n’a pas violé de dispositions légales.

L’existence d’un trouble manifestement illicite n’est pas démontrée.

Sur l’annulation des sanctions disciplinaires

Au regard de la solution retenue, le salarié qui fonde sa demande d’annulation des sanctions disciplinaires, non sur le fond mais sur le caractère prétendument illicite de la mesure, sera débouté de celle-ci.

Sur l’exécution fautive du contrat de travail

Au regard de la solution retenue, le salarié ne rapporte pas la preuve d’une exécution fautive du contrat de travail susceptible de donner lieu au versement d’une provision sur dommages et intérêts.

Le salarié sera débouté de ses demandes et l’ordonnance confirmée.

Sur les demandes accessoires

Au vu des circonstances de l’espèce, il n’est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais de procédure tant en première instance qu’en cause d’appel. Chaque partie sera déboutée de sa demande au même titre.

Le salarié qui succombe supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt en dernier ressort mis à la disposition des parties au greffe:

DÉCLARE irrecevable l’intervention volontaire du syndicat CGT TAIS

CONFIRME l’ordonnance entreprise ;

DÉBOUTE chacune des parties de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

DIT que Monsieur X supportera la charge des dépens d’appel;

Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame BOUDJERRA, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

Le PRESIDENT, Le GRENIER LE GREFFIER EN CHEF

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