Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 3 octobre 2019, n° 16/05180

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 3 oct. 2019, n° 16/05180
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 16/05180
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 18 octobre 2016, N° 15/02506
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N° 326

CONTRADICTOIRE

DU 03 OCTOBRE 2019

N° RG 16/05180

N° Portalis : DBV3-V-B7A-RDDD

AFFAIRE :

SASU ALLERGAN FRANCE

C/

B X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Octobre 2016 par le Conseil de Prud’hommes de NANTERRE

N° Section : Encadrement

N° RG : 15/02506

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 04 Octobre 2019 à :

- Me Martine DUPUIS

- Me Véronique BUQUET- ROUSSEL

Expédition numérique délivrée à Pôle emploi, le 04 Octobre 2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 24 janvier 2019, puis prorogé au 28 février 2019, au E avril 2019, au 04 juillet 2019, au 05 septembre 2019 et au 03 octobre 2019, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

La SASU ALLERGAN FRANCE

N° SIRET : 312 856 917

[…]

[…]

Représentée par Me Timothée HENRY, plaidant, avocat au barreau de GRASSE ; et par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS- VERSAILLES, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

APPELANTE

****************

Madame B X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentée par Me Vincent RENAUD, plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et par Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSELDE CARFORT, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Novembre 2018, Monsieur Jean-François de CHANVILLE, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée du 6 janvier 2011, Mme B X était engagée par la société Allergan France, en qualité de visiteur médical, groupe 6, niveau B, statut cadre.

La convention collective applicable à la relation de travail était celle de l’industrie pharmaceutique. Le groupe Allergan dont la société mère est la société américaine Allergan inc., développe, fabrique

et commercialise des produits dans quatre domaines principaux qui sont l’ophtalmologie, la neurologie, l’urologie et l’esthétique médicale. La société Allergan France commercialise ces produits.

Un plan de sauvegarde de l’emploi a été homologué par la Direccte le 10 décembre 2014.

Dans le cadre de la mise en place de l’organisation prévue par ce plan qui remplaçait les 23 secteurs existant dépendant chacun d’un binôme de visiteurs médicaux, par 32 secteurs dépendant chacun d’un seul visiteur médical, la société proposait à la salariée par lettre du 6 février 2019 une nouvelle affectation. Il lui était ainsi soumis un avenant qui redéfinissait son secteur de travail. L’intéressée refusait par lettre recommandée avec accusé de réception.

La société lui proposait alors seize postes de reclassement par courriers des 16 et 17 mars 2015, auxquels Mme B X opposait un refus par lettre du 1er avril 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mars 2015, la société notifiait à la salariée son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :

« Nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique.

Cette mesure intervient dans le cadre d’un licenciement collectif dont les causes économiques sont les suivantes :

Le groupe Allergan auquel appartient notre société Allergan France voit sa compétitivité et sa pérennité de plus en plus menacée. Afin de faire face à cette situation, il a été décidé de mettre en place une réorganisation globale visant à maintenir la compétitivité de l’ensemble des activités à l’échelle mondiale, européenne et nationale.

En France, les représentants du personnel de notre société ont été informés et consultés courant octobre et novembre 2014 sur le projet de réorganisation et ses conséquences sociales au niveau de notre société ainsi que sur le projet de licenciement collectif pour motif économique y afférent.

Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, la menace sérieuse pesant sur la compétitivité et la pérennité du groupe et de notre société rend nécessaire la mise en place d’une réorganisation globale qui se traduit en France, au sein de la société par la suppression de 31 postes dont votre poste de visiteur médical ophtalmologique.

' La menace pesant sur la compétitivité et la pérennisé du groupe Allergan et de la société Allergan France SAS.

Au niveau mondial, la perte des brevets des médicaments dits « blockbusters », conjuguée à des politiques de santé de plus en plus contraignantes et des marchés exsangues aux Etats Unis et en Europe ont engendré un net recul de la croissance des laboratoires pharmaceutiques.

Face à un phénomène accru de concentration des laboratoires pharmaceutiques, la pérennité d’Allergan en tant que laboratoire « indépendant » requiert d’assurer une compétitivité et une rentabilité suffisante afin d’échapper aux tentatives de rachats par des grands groupes mondiaux (OPA hostile de Valeant, OPA amicale d’Actavis).

En France, outre la crise économique globale, le système de santé national a subi de profondes rationalisations qui pèsent considérablement sur les dépenses de santé publique. Par ailleurs, la rentabilité du marché pharmaceutique français est fortement affectée par les prix moyens des médicaments et une fiscalité lourde pour les laboratoires pharmaceutiques. En outre on constate la baisse croissante des effectifs dans l’industrie pharmaceutique, touchant plus particulièrement les métiers de la commercialisation et les fonctions support.

Force est de constater les difficultés accrues d’Alergan France SAS compte tenu de son environnement concurrentiel propre et de l’absence de commercialisation de médicaments génériques. En effet, la société commercialise des produits pharmaceutiques et médicaments princeps dans des domaines particuliers (ophtalmologie, neurosciences, urologie et esthétique médicale). Allergan France SAS dit faire face à l’arrivée de nouveaux concurrents de plus en plus importants et nombreux (Théa, Mertz) et à la menace des médicaments génériques remboursables, en particulier s’agissant de l’activité glaucome, activité principale de la filiale française.

L’activité glaucome (représentant 40 % des ventes) est passée d’une croissance à deux chiffres en 2012 et 2013 à une croissance inférieure à 3 % au cours de l’année 2014. Le produit phare d’Allergan dans cette pathologie, Lumigan (87 % des ventes sur le glaucome), a perdu des parts de marché importantes suite à l’arrivée d’un nouveau concurrent (Monoprost du laboratoire Théa). Ainsi, la croissance des parts de marché du Lumigan est passée de + 1,5 pt en 2011 et 2013 à + 0,3 en 2014. Par ailleurs, le gouvernement français a annoncé sa volonté de baisser les prix des médicaments antiglaucomateux.

De nombreux autres produits pharmaceutiques commercialisés par Allergan France SAS perdent des parts de marchés de façon significative (Botox à l’hôpital, Celluvisc, Refresh, Vistabel).

De façon générale, Allergan France SAS est confrontée à l’agressivité croissante de ses concurrents et reste un acteur mineur comparé à d’autres laboratoires (Novartis, Bayer).

Compte tenu de ce qui précède, le groupe Allergan n’est pas en mesure de conserver la même structure organisationnelle et doit dès lors mener une adaptation de son organisation. En France, une restructuration des fonctions commerciales et des fonctions supports est nécessaire afin de sauvegarder sa compétitivité et la pérennité de son activité.

' La nécessaire restructuration du groupe Allergan, sa déclinaison française et l’incidence sur votre poste.

Au niveau mondial, le groupe Allergan va se concentrer sur ses activités clés (Migraine chronique, urologie, rétine, produits de comblement), recentrer ses ressources sur les opportunités et projets à forte valeur ajoutée, réduire ses dépenses opérationnelles (ventes, services généraux et administratifs) et augmenter l’efficacité organisationnelle par la réduction des strates hiérarchiques et par l’augmentation de l’envergure managériale. En termes d’emploi, le groupe Allergan réduit ses effectifs de 1 500 personnes et ne pourvoit pas 250 postes vacants.

Au niveau européen, cette restructuration se traduit par une focalisation des ressources et des moyens sur les domaines d’activité prioritaires tout en réduisant les dépenses opérationnelles et la complexité au sein de l’organisation. En termes d’emploi, il s’agit d’une réduction d’effectifs de 400 personnes.

En France, Allergan France SAS va se recentrer sur ses activités prioritaires (rétine, migraine chronique et urologie, esthétique médicale) et ajuster ses ressources sur ses activités historiques (glaucome et sécheresse oculaire, spasticité et urologie, implants mammaires). L’ajustement des ressources et des effectifs au niveau des fonctions commerciales a nécessairement un impact en matière de ressources et d’effectifs, au niveau des fonctions support (affaires médicales, assurance qualité, finance, R&D clinique).

En conséquence, Allergan France SAS se voit contrainte pour sauvegarder sa compétitivité, d’envisager la suppression de 31 postes de travail.

Par ailleurs, la société va créer 8 postes (4 postes de responsables régionaux, rétine, DME, 1 poste de Directeur de zone rétine, 2 postes de responsables comptes-clés Breast et 1 poste de responsable des activités promotionnelles/responsable du service client). Ces postes sont proposés dans le cadre d’un reclassement aux salariés dont la suppression du poste est envisagée.

S’agissant plus précisément de votre situation personnelle, la suppression de votre poste de visiteur médical au sein de la division ophtalmologie est liée à la réorganisation du réseau glaucome et sécheresse. La France est actuellement découpée en 23 secteurs travaillés en binôme, soit 46 visiteurs médicaux au total, répartis en 5 régions gérées par des directeurs régionaux. Ce découpage n’est plus compétitif et pérenne pour assurer une efficacité commerciale à notre société.

Ainsi, le redécoupage en 32 secteurs en monomie a entraîné la suppression de 12 postes de visiteurs médicaux et de 2 postes de directeurs régionaux dont votre poste de visiteur médical, suite au refus de votre part d’accepter l’avenant de modification de secteur qui vous a été proposé.

Conformément à notre obligation légale, nous avons effectué une recherche de reclassement active vous concernant.

Vous avez refusé les propositions de reclassement suivantes, par lettre retour de questionnaire relatif aux offres de reclassement, signée de votre main et envoyées par emails des 16 et 18 mars 2015 :

- visiteur médical ophtalomologie (9 postes),

- responsable régional rétine,

- responsable régional facial,

- responsable régional neurosciences,

- responsable régional urologie,

- responsable régional neurosciences et médical,

- responsable régional clés breast sud,

-responsable régional clés breast nord.

Vous avez également refusé que vous soit proposé un reclassement à l’étranger. En l’absence d’autres possibilités de reclassement vous concernant, votre licenciement ne peut être évité.

Conformément aux dispositions de l’article L. 1233-71 du code du travail nous vous proposons le bénéfice d’un congé de reclassement dont les conditions de mise en oeuvre ont été communiquées par écrit le E mars 2015 (…)".

La salariée a adhéré au congé de reclassement le 24 mars 2015. Par courrier du 8 octobre 2015, elle a demandé sa rupture anticipée au 1er novembre 2015, au motif qu’elle avait retrouvé un emploi.

Contestant le licenciement, Mme B X saisissait le conseil de prud’hommes de Nanterre le 3 août 2015 aux fins d’obtenir la condamnation de la société Allergan France au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine :

' 74 695,12 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 18 673,77 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage,

' 28 482,71 euros de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre la somme de 2 848,27 euros de congés payés afférents,

' 37 347,54 euros d’indemnité pour travail dissimulé,

— les intérêts au taux légal de ces sommes,

' 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La salariée demandait également au conseil d’ordonner à la société la remise des documents de fin de contrat, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

La défenderesse s’opposait à ces prétentions et demandait l’allocation de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 19 octobre 2016, le conseil de prud’hommes de Nanterre jugeait le licenciement pour motif économique de Mme X dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le conseil condamnait la société Allergan France à payer à l’intéressé les sommes suivantes :

' 50 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 12 500 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage,

' 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

De plus le conseil ordonnait à la société de procéder au remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois.

Les autres prétentions de l’une et l’autre des parties étaient rejetées.

La société interjetait appel de ce jugement le 18 novembre 2016.

La société Allergan France prie la cour de débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes et reprend sa demande en paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme B X reprend ses demandes de première instance, sauf à ajouter une demande en paiement de la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation d’information sur les postes disponibles dans l’entreprise, à préciser que les intérêts au taux légal devaient courir à compter du 5 juillet 2015 invoquée comme date de saisine du conseil et d’élever le montant sollicité au titre des frais irrépétibles à la somme de 3 000 euros.

A l’audience du 27 novembre 2018, les parties ont développé oralement leurs écritures précédemment déposées par elles puis signées par le greffier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Considérant que la société Allergan France demande que soit écartée des débats les pièces de la partie adverses D E, 14,19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 28, 29 et 36, comme rédigées en langue anglaise, comme rédigées en langue anglaise et traduite de façon parcellaire, en méconnaissance de l’édit de Villers-Cotterets d’août 1539 ;

Considérant que la salariée oppose que ces documents ont fait l’objet de traduction libre dans le corps du texte par commodité et qu’il appartient seulement à la partie adverse d’en contester la traduction pour donner la sienne propre, en cas de contestation ;

*****

Considérant que l’article 111 de l’ordonnance de Villers-Cotterets de 1539, qui impose que les pièces de procédure soient libellées en langue française, n’exclut pas la production des pièces de fond rédigées dans une langue étrangère, dès lors que le juge et l’ensemble des parties peuvent en comprendre la teneur sans la moindre ambiguïté ; qu’au cas présent, les documents produits peuvent être compris de la cour, tandis qu’aucune partie n’allègue avoir pu avoir des difficultés pour en comprendre le sens ; qu’il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu d’écarter les pièces en question ;

Sur la validité de la convention de forfait jour

Considérant que Mme B X soulève la nullité de la convention de forfait contenue dans son contrat de travail aux motifs qu’elle ne bénéficiait pas d’un entretien annuel sur sa charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération et que l’employeur ne justifie pas avoir respecté l’obligation de suivi et de contrôle lui permettant de s’assurer du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ;

Considérant que la société Allergan France répond qu’un entretien annuel permettait un échange personnalisé sur la charge de travail du salarié, tandis qu’un contrôle de l’activité du salarié découlait de la déclaration que devait faire chacun sur son activité en remplissant l’outil informatique prévu à cet effet, dit "Oasis" dans les conditions prévues par l’article 2.3 de l’accord d’entreprise sur le temps de travail ;

*****

Considérant qu’aux termes de l’article L. 3121-39 du code du travail, un entretien individuel doit être organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année, cet entretien portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation de son travail, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié ;

Que les entretiens annuels d’évaluation de 2011, 2012, 2013 et 2014 versés aux débats par l’employeur à l’appui de sa position ne comportent aucune référence à ces questions ; que la preuve de ce que cette obligation ait été remplie n’est donc pas démontrée ; qu’il s’ensuit que la convention de forfait est en tout état de cause sans effet ;

Considérant surtout qu’un accord collectif sur les conventions de forfait doit, à peine de nullité des conventions signées pour son application, garantir une amplitude et une charge de travail raisonnable, assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié et donc assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ;

Considérant qu’en l’espèce il est stipulé par l’accord d’entreprise relatif à la réduction et à l’aménagement du temps de travail, que les cadres soumis au forfait en jours doivent organiser leur temps de travail à l’intérieur du forfait annuel en respectant une amplitude maximum quotidienne de travail de 13 heures et au minimum un jour de repos hebdomadaire, qu’à l’issue de chaque mois, ils doivent remettre à la direction un relevé du nombre de journées ou de demi-journées travaillées au cours du mois précédent ;

Qu’ainsi ces clauses sommaires ne prévoient aucune mesure de suivi et de contrôle des horaires

avancés par le salarié dans sa déclaration annuelle, aucune garantie du respect des durées maximales hebdomadaires et quotidiennes de travail, ni ne permettent de s’assurer que l’amplitude et la charge de travail des salariés restent raisonnables ; qu’il s’ensuit que la convention de forfait est elle-même nulle ;

Sur les heures supplémentaires

Considérant que Mme B X sollicite le paiement de la somme de 28 482,71 euros d’heures supplémentaires sur la période non prescrite échue entre janvier 2012 et avril 2015, outre 2 848,71 euros d’indemnité de congés payés y afférents ; qu’elle déduit cette somme du nombre de visites qui ressort de son emploi du temps qui a servi à rendre compte à l’employeur des visites effectuées, combiné à la charte du visiteur médical et à la convention collective qui prévoient que 169 heures par mois permettent d’effectuer 123 visites par mois ;

Considérant que la société Allergan France s’y oppose et répond que la salariée se constitue une preuve à elle-même en se prévalant d’un agenda illisible rempli de sa main, qu’elle a intégré dans ses heures de travail les temps de pause, notamment pour le déjeuner, qu’il convient de tenir compte des appointements déjà particulièrement élevés servis à la salariée en raison de ses sujétions particulières et des jours de RTT, et qu’enfin elle prend pour base de calcul des taux horaires n’ayant aucune signification ;

*****

Considérant qu’aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;

Considérant que si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Considérant que la salariée produit à l’appui de sa demande un agenda incompréhensible censé indiquer le nombre de visites effectuées semaine après semaine ; que le nombre d’heures supplémentaires donné semaine par semaine par la salariée étaye sa demande ; qu’elle produit un calcul des heures supplémentaires fondé sur la différence entre le nombre d’heures de travail tel qu’il résulte de la charte du visiteur médical qui prévoit 133 visites pour 169 heures de travail par mois, ce qui donne rapporté à 151,67 heures par mois, 5 visites quotidiennes au-delà de quoi il y a heures supplémentaires ;

Considérant que le raisonnement qui précède qui se fonde sur le temps passé par visite et le nombre de visite, exclut que soit intégré dans le temps de travail, le temps de pause ; que le salarié n’explique pas le montant de ses taux horaires qui devrait résulter de la division du salaire mensuel de base par le nombre d’heures de travail mensuel ; qu’au vu des éléments ainsi exposés, il convient d’admettre le nombre d’heures supplémentaires à hauteur de 20 000 euros ; que cette somme sera allouée outre 2 000 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;

Que la société Allergan France ne justifie pas que ces heures n’ont pas été effectuées ;

Qu’elle sera donc condamnée à payer ces sommes ;

Sur l’indemnité de travail dissimulé

Considérant que Mme B X sollicite la condamnation de la société Allergan France à lui verser une indemnité de travail dissimulé de 37 347,54 euros égale à six mois de salaire ; qu’elle estime l’intention de l’employeur de se soustraire à son obligation de mentionner les heures supplémentaires sur les bulletins de paie établie par l’absence d’organisation d’un entretien annuel et de mesure de suivi de l’amplitude de la charge de travail de ses collaborateurs soumis à une convention de forfait jour, alors que la société savait que l’accord collectif était irrégulier, puisqu’il l’avait admis dans différents documents adressés aux représentants du personnel en juin 2014 qualifiant le dispositif de forfait de l’entreprise "obsolète" ;

Considérant que la société nie tout caractère intentionnel de sa part, en relevant que le salarié lui-même ne s’en était jamais plaint ;

Considérant que la critique qu’a pu porter l’employeur sur le système de forfait jour en cours dans l’entreprise ne permet pas de conclure que nécessairement elle savait que la convention de forfait passée avec Mme B X était quant à elle nécessairement nulle ; qu’il s’ensuit que l’intention délictueuse de la société n’est pas démontrée et que Mme X sera déboutée de sa demande de paiement d’une indemnité de travail dissimulé ;

Sur le licenciement économique

Considérant que Mme B X invoque l’absence de menace sur sa compétitivité compte tenu : de la situation florissante du groupe, comme l’attesteraient l’offre de rachat par la société Valeant le 18 juin 2014 et le rachat par le groupe Actavis acceptée le 17 novembre 2015 dans un but d’accroissement des profits ; des déclarations auprès des actionnaires notamment sur les perspectives d’avenir excellentes ; des résultats du groupe Actavis-Allergan, de ses parts de marchés croissant plus vite que celles de ses concurrents, alors même que le secteur de la pharmacie est l’un de ceux qui se portent le mieux ; de la moindre exposition du groupe Allergan à l’expiration des brevets que la concurrence, en ce qu’elle met sur le marché de nouveaux produits phares ; du retour au modèle commercial initial avec création de postes de visiteurs médicaux, après la réduction de leur nombre dans le cadre du projet 'Endurance' qui sert de base au PSE ;

Considérant que la société Allergan France ne conteste pas l’absence de difficultés économiques immédiates, mais fonde le licenciement sur la sauvegarde de sa compétitivité au regard : du recul de la croissance mondiale de l’industrie pharmaceutique depuis 2010 passant de 60 milliards de dollars en 2009 à 30 milliards en 2012 ; de la baisse croissante des effectifs dans les métiers de la commercialisation et les fonctions supports qui ont chuté respectivement entre 2011 et 2012 de 3,1 % et de 1,6 % ; de l’arrivée de nouveaux concurrents tels que les laboratoires Théa, Merz et Bayer ; de l’influence des nouvelles technologies sur l’organisation de la visite médicale traditionnelle et de l’expiration dans les prochaines années des brevets de la société Allergan France, tels que Tazorac Gel en 2014, Aczone en 2016, Alphagan P O 10 % en 2022 et Combigan en 2022 ;

*****

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou des mutations technologiques ;

Considérant qu’une réorganisation de l’entreprise, lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition quelle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi ;

Que la sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l’amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement ;

*****

Considérant que pour preuve d’un péril lié au manque de compétitivité de l’entreprise, la société s’appuie sur la note d’information établie par elle-même sur le fondement de l’article L. 1233-30 2° du code du travail ; que si ce document comporte des éléments relatifs aux modalités de restauration de cette compétitivité supposée menacée et sur la situation de la société Allergan France elle-même, il convient de rechercher s’il fait ressortir globalement la preuve requise de la perte de compétitivité au niveau du secteur d’activité du groupe correspondant à l’activité de l’employeur ; que les développements de Mme X relatifs à la situation économique de la seule société Allergan France sont inopérants, à les supposer convaincants, dès lors que l’étude doit porter sur le secteur d’activité du groupe dans son entier ;

Considérant que selon les explications données par la note d’information, l’activité du groupe constituée par les sociétés dépendant directement ou indirectement par leurs liens capitalistiques d’Allergan Inc consiste dans le développement, la fabrication et la commercialisation de produits pharmaceutiques dans les domaines de la neurologie, l’urologie, l’ophtalmologie et l’esthétique médicale ; que la société Allergan France assure la commercialisation de ces produits, cette commercialisation définissant son secteur d’activité ; qu’il s’agit donc pour l’employeur d’établir que les sociétés dépendant financièrement d’Allergan inc. à l’échelle internationale commercialisant des produits fabriqués par le groupe sont en proie à une insuffisante compétitivité de nature à rendre indispensable le licenciement litigieux prévu dans le cadre du PSE, que la société doit démontrer un risque de dégradation de sa position sur le marché, de nature à engendrer des difficultés économiques à venir et à compromettre les emplois dans le futur s’il n’est pas porté remède par des mesures d’anticipation ;

Considérant que le secteur d’activité ainsi circonscrit est directement dépendant de la santé des activités développement et fabrication du groupe, de sorte que la compétitivité de l’activité de commercialisation est reflétée par celle du groupe ;

Considérant que les conditions de validité de ce licenciement économiques s’apprécient à la date de la rupture, soit le 2 avril 2015, étant précisé que c’est antérieurement, soit le 17 mars 2015, que les groupes Actavis et Allergan ont fusionné ; qu’il s’agit donc d’examiner la compétitivité du groupe Actavis-Allergan au 2 avril 2015 ;

Considérant qu’il ressort des pièces versées aux débats par le salarié, à savoir article de presse du 17 novembre 2014, courriels de responsables du groupe et notamment de MM. Y et Sanders ainsi que de Mmes Z et A, des présentations faites aux actionnaires des résultats du groupe, des notes économiques du groupe et des rapports annuels et de l’extrait du site IMS Health, les éléments suivants :

— les offres de rachat par Actavis et Valeant, loin de manifester des difficultés, traduisent la bonne santé financière du groupe ;

— l’objectif du groupe était en octobre 2014, une croissance annuelle du résultat de plus de 20 % entre 2014 et 2019 ;

— le rapprochement des groupes Actavis et Allergan était envisagé comme source d’un dynamisme et d’un rythme de croissance inégalés au niveau mondial dans le domaine de la santé, avec une croissance à deux chiffres des bénéfices et du chiffre d’affaire ;

— le premier trimestre 2015 permettait d’enregistrer une augmentation de 107 % de l’EBITDA, une augmentation du chiffre d’affaire de 59 % et des bénéfices de 23 % du groupe par rapport à l’année précédente, une progression des marges du groupe de 6, 2 points au quatrième trimestre 2014, la prévision d’une croissance durable étant affirmée, en se référant à une position de leader dans ses sept principaux domaines thérapeutiques, à la commercialisation de produits particulièrement performants et au lancement prévu de plus de 20 nouveaux produits en 2016 ;

— le chiffre d’affaire consolidé du groupe a augmenté de 14,9 % en 2014, son résultat d’exploitation de E,05 %, soit la plus forte augmentation des ventes en dollars absolus dans un trimestre dans l’histoire d’Allergan outre une augmentation de 8% de chiffre d’affaire au 1er trimestre 2015 par rapport au 1er trimestre 2014 ;

— il était envisagé une croissance de 22 % pour 2017 par rapport à la fin 2015 et plus généralement une croissance annuelle de 20 % sur les 5 années suivantes, dans un contexte favorable pour l’industrie pharmaceutique puisque les groupes pharmaceutiques devaient approcher une croissance annuelle de 10% et les dépenses mondiales de médicaments devaient augmenter de près de 30 % d’ici 2020 ;

— les perspectives étaient d’autant plus optimistes en 2015, qu’au cours de son premier trimestre, il avait été lancé 97 nouveaux produits ;

— les dates d’expiration des brevets les plus importants ne devaient pas se situer pour 8 d’entre eux avant 2022, 2024, 2027, 2029 et 2031 ;

— le groupe Actavis-Allergan n’est pas atteint autant qu’il l’est soutenu par le succès des génériques, puisqu’il en commercialise une large gamme, alors qu’en tout état de cause la majeure partie des produits commercialisés par Allergan ne sont pas remboursables ;

— l’influence d’Allergan était grandissante au moment de la rupture, puisqu’il a acquis le 13 août 2014 les droits mondiaux de Liris, traitement de la douleurs et de la vaissie cystite, et en octobre 2015 les droits de développement et de commercialisation internationaux du Constella pour plus de 40 pays ;

— l’emploi de visiteur médical n’est pas autant en péril au sein du groupe à raison des autres modes de communication modernes que le contact direct ou de la modification des habitudes des praticiens, puisque la société Allergan France a engagé une vingtaine de visiteurs médicaux en janvier 2017 ;

Qu’ainsi il n’apparaît pas que des difficultés de nature à porter atteinte à la pérennité de l’entreprise et des emplois aient été prévisibles à la date du licenciement ;

Considérant certes que la note rédigée en vertu de l’article L. 1233-30 1° du code du travail énonce que le secteur de l’industrie pharmaceutique est ultra compétitif, puisque depuis 2010 la croissance faiblit pour se trouver dans les pays développés autour de 3 %, les brevets arrivent à expiration comme en témoigne la chute des brevets depuis 2012, les politiques de santé publiques sont de plus en plus contraignantes, le secteur des génériques se développe au détriment du groupe Allergan qui n’en développe pas ; que toutefois cette note doit être regardée avec circonspection, s’agissant pour la direction de la société Allergan France, par ce document de justifier les licenciements économiques ;

Considérant que, de plus, les éléments d’ordre généraux ressortant de cette note ne sont pas suffisamment précis, chiffrés et objectifs pour permettre de caractériser, dans le secteur d’activité concerné, des difficultés économiques dans l’avenir et leurs conséquences pour l’emploi ;

Considérant que dans ces conditions, le licenciement doit être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences financières de la rupture

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, c’est-à-dire en l’espèce 55 622.21 euros augmenté de l’équivalent de 20 000 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires répartis sur 39 mois de janvier 2012 à mars 2015 inclus ; qu’ainsi l’indemnité minimale due est égale à la somme de 26 585,33 euros ;

Considérant que Mme B X fixe son "salaire de référence" à la moyenne des douze derniers mois, soit la somme de 6 224,59 euros et évalue son préjudice à la somme des douze derniers mois, soit la somme de 74 695,12 euros ; qu’elle fait valoir avoir rempli sa tâche sans reproche pendant cinq ans et demi, être toujours inscrite à Pôle emploi, n’avoir été honorée au cours de son préavis qu’à hauteur de 4 481,25 euros au lieu de 6 224,59 euros par mois, qui est le "salaire de référence", n’avoir été rémunérée qu’à hauteur de 4 615,43 euros par mois pendant son congés de reclassement, n’avoir occupé après la rupture qu’un emploi en contrat à durée déterminée du 2 novembre 2015 au 10 mars 2016, puis depuis le 23 mai 2016, avoir perdu du fait de son départ de la société Allergan France la participation aux résultats de l’entreprise ; qu’elle calcule en conséquence un manque à gagner par rapport à ce qu’elle aurait perçu si elle avait conservé son emploi à la somme de 131 442,84 euros ;

Que l’employeur répond que le licenciement résulte du refus de la salariée d’un simple changement de son secteur géographique, que seize postes de reclassement lui ont été proposés en vain, qu’elle a bénéficié d’un congés de reclassement et qu’elle a touché une indemnité de licenciement de 77 137,10 euros ;

*****

Considérant que les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse indemnisent les conséquences de la rupture et non un éventuel paiement insuffisant du préavis par l’employeur, pour lequel au demeurant Mme X ne demande par de rappel ; que l’intéressée produit à l’appui de sa demande une notification de Pôle emploi du 15 mars 2016 confirmant son inscription comme demandeur d’emploi le même jour, un bulletin du 1er juin 2015 notifiant le versement à la salarié de la somme de 4 867,43 euros au titre de la participation ;

Que compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme B X, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail une somme de 28 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur la priorité de réembauche et la manquement de la société à son obligation d’information et d’affichage

Considérant que le salarié sollicite la condamnation de son adversaire à lui verser la somme de 18 673,77 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche outre celle de 5 000 euros en réparation du non-respect de l’obligation d’information sur les postes disponibles dans l’entreprise ; qu’elle relève qu’il ne peut être fait application de l’article 32 de la convention collective qui dispose qu’en cas de refus de la première offre par le salarié ou d’absence de réponse, la priorité de réembauche cesse, ce qui a été le cas de l’intéressé à la suite de la proposition de poste effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 mai 2015 ; qu’en effet, la loi ne prévoyant pas une telle restriction, il soutient que la convention collective doit être écartée par

application du principe de faveur ;

Considérant que la société répond que la salariée a soutenu en première instance que la convention collective était plus favorable que la loi ; que l’employeur oppose qu’ainsi il n’était pas tenu par la priorité de réembauche en vertu dudit article 32 de la convention collective ; que la société ajoute que la demande relative au défaut d’affichage des postes disponibles dans l’entreprise correspond au même préjudice que la précédente et qu’en tout état de cause, aucun préjudice spécifique n’est pas justifié ;

*****

Considérant qu’il résulte de l’article L. 1233-45 du code du travail que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de la rupture de son contrat, s’il en fait la demande dans ce même délai ; que dans ce cas, l’employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible compatible avec sa qualification ; qu’en outre l’employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles ;

Que le délai court à compter de la fin du préavis, que celui-ci soit exécuté ou non ;

Considérant que l’article 32 de la convention collective confère au salarié une priorité de réembauche, dans les conditions prévues par la loi, sous réserve que ce dernier n’a pas besoin d’en faire la demande pour en bénéficier et qu’en cas de refus de sa part ou d’absence de réponse à la première offre qui lui est faite, il perdra cette priorité ;

Considérant qu’en vertu du principe de faveur, c’est le régime le plus avantageux pour le salarié, analysé pour chaque avantage, à savoir celui de la loi ou celui la convention collective qui devra s’appliquer ;

Que la comparaison du régime légal et du régime conventionnel révèle que le premier est plus avantageux en ce qu’il dispense le salarié de faire la demande en vue de bénéficier de la priorité de réembauche, tandis que le régime conventionnel est moins avantageux en ce qu’il libère pour l’avenir l’employeur de son obligation de proposer des emplois disponibles compatibles avec sa qualification du salarié, dès lors que celui-ci refuse ou ne répond pas à une offre ; que ces avantages réciproques sont indépendants l’un de l’autre, de sorte qu’il convient d’appliquer le principe de faveur indépendamment pour chacune des deux spécificités de la convention collective par rapport à la loi ;

Que dans ces conditions, le salarié n’a pas besoin de demander le bénéfice de la priorité de réembauche pour qu’il lui soit dû et l’employeur ne peut lui opposer un refus ou une absence de réponse pour s’exonérer à l’avenir de son obligation de faire jouer la priorité de réembauche ; que c’est donc vainement que la société Allergan France soutient que Mme B X n’a pas droit à la priorité de réembauche, faute d’avoir donné suite à la lettre du 29 mai 2015 par laquelle il lui était proposé une première offre ;

Considérant que la salariée se plaint de ne pas s’être vu proposer entre octobre 2015 et avril 2016 des emplois pourvus par ailleurs de visiteurs médicaux ou de multiples postes compatibles avec ses compétences ;

Qu’en effet la salariée invoque une liste de postes pourvus pendant la période d’exercice de la priorité de réembauche, ainsi qu’une sommation de produire le livre d’entrée et de sortie du personnel pour la même période, à laquelle la société n’a pas cru devoir répondre ; que les fiches de poste des emplois ainsi pourvus par des recrutements extérieurs manifestent qu’ils étaient compatibles avec les compétences et la qualification de la salariée ;

Qu’il s’ensuit que la violation de l’obligation litigieuse doit être retenue ;

Que la méconnaissance de la priorité de réembauche lui a fait perdre une chance d’occuper un poste adapté au sein de la société Allergan France de manière pérenne, ce qui est un préjudice différent de celui réparé par les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu’en vertu de l’article L. 1235-13 du code du travail, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire ; que le préjudice subi sera exactement réparé par l’allocation de la somme de 12 500 euros ;

Considérant que la demande en paiement de la somme de 5 000 euros pour sanctionner un défaut d’information est fondée sur l’obligation pour l’employeur d’informer le salariés sur les postes disponibles et de les afficher ;

Considérant que l’article L. 1233-45 du code du travail dans sa version applicable en l’espèce et sur lequel Mme B X appuie sa demande, n’exige plus l’affichage de la liste des postes disponibles ; que cette demande complémentaire, qui au surplus ne comporte aucune explication sur le préjudice qui en serait résulté, sera donc rejetée ;

Sur les intérêts

Considérant que les créances de nature contractuelle porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, tandis que les autres créances porteront intérêts à compter de la décision de justice qui les a fixées ;

Sur la délivrance des documents de fin de contrat

Considérant que l’employeur sera condamné à remettre à Mme B X une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt, sans qu’il soit besoin de fixer une astreinte ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Considérant qu’en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l’employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage versées salariée dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu’il ne s’agit pas du licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ;

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Considérant qu’il est équitable au regard de l’article 700 du code de procédure civile de condamner l’employeur qui succombe à payer au salarié la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers dépens ; que la société Allergan France sera pour le même motif déboutée de ses prétentions de ces chefs ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

DÉBOUTE la société Allergan France de sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces communiquées par Mme B X D E, 14,19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 28, 29 et 36 ;

CONFIRME le jugement déféré, mais uniquement sur les demandes de Mme B X en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche, d’une indemnité de travail dissimulée, d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sur la

demande de la société Allergan France au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sur la condamnation au remboursement par la société Allergan France des indemnités de chômage versées par Pôle emploi ;

INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Allergan France à payer à Mme B X les sommes suivantes :

' 20 000 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2015 ;

' 2 000 euros d’indemnité de congés payés y afférents avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2015 ;

— les intérêts au taux légal de ces deux sommes à compter du 5 octobre 2015 ;

' 28 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la délivrance par la société Allergan France à Mme B X d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE Mme B X de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d’information ;

CONDAMNE la société Allergan France à verser à Mme B X la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

DÉBOUTE la société Allergan France de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel ;

CONDAMNE la société Allergan France aux entiers dépens ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 3 octobre 2019, n° 16/05180