Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 10 décembre 2019, n° 18/03753

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Chronologie de l’affaire

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Patrick Michaud · Études fiscales internationales · 17 septembre 2021

Pour recevoir la lettre EFI inscrivez-vous en haut à droite Les lettres fiscales d'EFI Pour lire les tribunes antérieures cliquer La cour d appel de Versailles vient de rendre une décision sur la responsabilité d'un conseil fiscal dont le client avait fait l objet d'un lourd redressement pour abus de droit Considérant que le défaut de prudence dans la formulation de son avis tant sur le plan juridique que fiscal excluant tout risque encouru par le montage sur lequel elle était consultée caractérise un manquement au devoir de conseil de la société d'avocats'; La Cour statuant par arrêt …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 10 déc. 2019, n° 18/03753
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/03753
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 27 septembre 2017, N° 15/04445
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1re chambre 1re section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 61B

DU 10 DÉCEMBRE 2019

N° RG 18/03753

N° Portalis DBV3-V-B7C-SNEJ

AFFAIRE :

H X

I J épouse X

C/

SELAS ERNST & YOUNG SOCIÉTÉ D’AVOCATS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Septembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 15/04445

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— la SELARL L K,

— la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant après prorogation le 3 décembre 2019, les parties en ayant été avisées dans l’affaire entre :

Monsieur H X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Madame I J épouse X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentés par Me K L de la SELARL L K, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20180213

Me Thibault DE MONTBRIAL de la SELAS MI2 AVOCATS, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : B0864

APPELANTS

****************

SELAS ERNST & YOUNG SOCIÉTÉ D’AVOCATS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[…]

PARIS LA DÉFENSE 1

[…]

représenté par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Me Bruno SCHRIMPF de l’ASSOCIATION POIRIER SCHRIMPF, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : R228

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Octobre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 28 septembre 2017 qui a statué ainsi :

Condamne la société Ernst & Young à payer à M. et Mme X la somme de 2.975.905 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne la société Ernst & Young à payer à M. et Mme X la somme de 10.000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes plus amples et contraires,

Condamne la société Ernst & Young aux dépens.

Vu la déclaration d’appel de M. et Mme X en date du 30 mai 2018.

Vu les dernières conclusions en date du 13 mars 2019 de M. et Mme X qui demandent à la cour de :

Les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

Confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré que la société d’avocats Ernst et Young a manqué à son obligation de conseil et d’information à leur égard ;

En conséquence,

Dire et juger que la responsabilité civile professionnelle de la société d’avocats Ernst et Young est engagée ;

Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Ernst et Young à leur payer la somme de 2.975.905 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamner la société Ernst et Young à leur verser la somme de 9.919.685 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi du fait des pénalités et majorations fiscales ;

Condamner à titre principal la société Ernst et Young à leur verser la somme de 9.667.764 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la perte d’une chance totale d’optimiser

leur fiscalité ; et à titre subsidiaire la somme de 7.935.748 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la perte d’une chance estimée à 80% d’optimiser leur fiscalité ;

Condamner la société Ernst et Young à leur verser la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

En toute hypothèse,

Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Ernst et Young à leur payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Ernst & Young à leur verser la somme de 50.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl K L agissant par Maître K L Avocat et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions en date du 12 novembre 2018 de la société d’avocats Ernst &Young qui demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. et Mme X de leurs demandes de dommages intérêts au titre d’une « perte de chance d’optimiser leur fiscalité » et à titre de préjudice moral,

Infirmer le jugement pour le surplus et

Statuant à nouveau :

Dire et juger que la société Ernst &Young société d’Avocats n’a pas manqué à son devoir de conseil à l’égard de M. et Mme X,

Plus généralement dire et juger que la société Ernst & Young n’a commis aucune faute à l’égard de M. et Mme X qui présente un lien de causalité avec les préjudices qu’ils invoquent,

Débouter en tout état de cause M. et Mme X en toutes leurs demandes, fins et conclusions telles que formulées à son encontre,

A titre subsidiaire et pour le cas où par impossible la cour retiendrait à son encontre l’existence d’une faute,

Dire et juger que le préjudice indemnisable ne saurait être supérieur à 1% du montant des majorations et intérêts revendiqués, soit 99.196,85 euros, et débouter M. et Mme X pour le surplus,

Condamner en tout état de cause solidairement M. et Mme X à lui payer une indemnité de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel.

.

Vu l’ordonnance de clôture du 6 juin 2019.

****************************

Faits et moyens

M. et Mme X, propriétaires de 875.000 titres de la société Pinault-Printemps-La Redoute (PPR), ont, par l’intermédiaire de leur conseil, la société M Z Conseil qui avait assisté à une conférence à laquelle intervenait la société d’avocats Ernst & Young dont le thème était les opérations de trust, pris attache avec cette société d’avocats.

La société Ernst & Young a rédigé une consultation le 1er décembre 1999 concernant une opération trustale.

Les époux X ont ensuite constitué une société Julius & Perle Limited (JPL) sise à Jersey, à laquelle ils ont cédé l’usufruit temporaire de leurs titres PPR pour une durée de 5 ans et 4 mois par convention en date du 13 décembre 1999, et mis les parts de cette nouvelle société JPL dans un trust Julius & Perle Trust le 16 décembre 1999, avec pour trustee la société Ernst & Young Trustees Limited sise également à Jersey, puis la B Bank of Canada, et pour bénéficiaires leurs héritiers et d’autres membres de leurs familles.

A l’issue de cette opération, le 13 mars 2005, les époux X sont redevenus pleinement propriétaires de leurs parts dans la société PPR.

Estimant que cette opération avait été exclusivement réalisée dans un but fiscal, l’administration a adressé aux époux X un premier redressement fiscal le 19 décembre 2003 selon la procédure de répression des abus de droit de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2000 et 2001, de l’impôt sur le revenu pour les années 2001 à 2003 et des contributions sociales pour les années 2001 à 2003.

Le 23 juin 2005, une proposition de rectification a été substituée à celle du 19 décembre 2003 se fondant sur le caractère fictif de la cession temporaire d’usufruit de ces titres.

Le même 23 juin 2005 une autre proposition de rectification a été adressée aux époux X au titre de I 'ISF 2002, 2003 et 2004.

Enfin, un dernier redressement a été notifié le 10 novembre 2008 au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune pour l’année 2005.

Sur demande des époux X, l’administration a saisi le 11 octobre 2006 le comité consultatif pour la répression des abus de droit (CCRAD) qui a confirmé le 5 décembre 2006 1'analyse de l’administration en considérant que la cession d’usufruit temporaire des titres intervenue le 13 décembre 1999 doit être regardée comme fictive et ne peut être opposée à cette dernière.

Les époux X ont contesté en justice ces redressements mais leurs contestations ont été rejetées :

— s’agissant de l’impôt sur le revenu et les contributions sociales, par jugement du tribunal administratif d’Amiens en date du 30 décembre 2010, l’appel des époux X devant la cour administrative d’appel de Douai ayant été rejeté par arrêt du 7 août 2013 et leur pourvoi ayant fait l’objet d’une décision de non-admission du Conseil d’Etat le 19 juin 2014,

— s’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune 2000-2004, par un arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 17 novembre 2011 infirmant un jugement du tribunal de grande instance de Senlis en date du 22 décembre 2009, le pourvoi formé par les époux X contre cet arrêt ayant été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 9 juillet 2013,

— s’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune par un jugement du 26 août 2014 du tribunal de grande instance de Senlis devenu définitif.

A l’issue de l’ensemble de ces procédures fiscales, les époux X sont devenus redevables de la somme totale de 19.587.449 euros à l’administration fiscale.

Par acte du 30 avril 2012, M. et Mme X ont fait assigner la société Ernst & Young devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui a prononcé le jugement dont appel après qu’il a été sursis dans l’attente de l’issue des procédures précitées.

Aux termes de leurs écritures précitées, M. et Mme X indiquent qu’ils sont profanes et que la société intimée a eu un rôle majeur dans l’élaboration du schéma trustal et sa mise en oeuvre.

Ils exposent que la société Ernst &Young vantait alors, dans des conférences et articles de presse, les intérêts d’une constitution de trust notamment à Jersey et cherchait à contacter de potentiels clients susceptibles d’être intéressés.

Ils indiquent que M. Z a, ainsi, proposé dès 1996 à plusieurs clients d’entrer en relation avec la société.

Ils relèvent que le prétendu rôle déterminant de la société M Z Conseil n’a pas été invoqué immédiatement, déclarent que c’est M. Z qui les a mis en contact avec la société, soulignent les conférences organisées par l’intimée et rappellent qu’ils n’ont pris attache avec elle qu’en1999 après d’autres clients présentés dès 1996, date à laquelle la société M Z Conseil a découvert le concept – ne pouvant donc mettre le schéma au point dès cette date. Ils soulignent enfin que la société M Z Conseil n’est ni juriste ni fiscaliste.

Ils invoquent l’élaboration par la société Ernst & Young du schéma trustal.

Ils citent plusieurs réunions entre eux et la société durant l’automne 1999, dont l’une en date du 13 octobre a donné lieu à un compte rendu manuscrit de M. A, membre du cabinet M Z Conseil, d’où il résulte que M. B, fondé de pouvoir d’Ernst & Young, a exposé à M. X les éléments relatifs au trust et l’avantage de cette opération et a répondu à ses questions.

Ils indiquent que, devant l’enthousiasme de celui-ci, ils ont confirmé leur intérêt pour une telle piste de réflexion.

Ils relèvent que M. Z a souligné le rôle prééminent de M. B dans la conceptualisation de l’opération et indiquent que, pour les différents clients présentés à Ernst & Young par M Z Conseil, à la fin des années 1990, les avocats d’Ernst & Young Paris proposaient un montage, faisaient rédiger le projet de contrat de trust par les avocats d’Ernst & Young Jersey et donnaient leur opinion sur ledit montage.

Ils réitèrent que M Z Conseil se faisait le relais entre les avocats et les clients souhaitant bénéficier d’une telle opération patrimoniale.

Ils reprochent à l’intimée de tenter de jeter le discrédit sur le témoignage, de M. Z, soulignent que l’attestation mentionne le risque de sanctions et déclarent qu’elle est corroborée par celle de M. C qui était en 1999 associé au bureau de Jersey d’Ernst & Young et qui confirme le rôle actif de M. B.

Ils en infèrent que la société Ernst &Young a promu le « produit » trust auprès d’eux comme elle l’avait fait trois ans plus tôt pour un autre client du cabinet.

Ils ajoutent que même en l’absence de participation active, sa responsabilité serait engagée par sa validation du schéma.

Ils invoquent le mandat confié par eux à la société.

Ils affirment lui avoir donné mission de réfléchir et de leur proposer le meilleur schéma possible puis, le cas échéant de le mettre en 'uvre et que la société a accepté ce mandat sans réserve.

Ils font état d’une analyse juridico-fiscale.

Ils citent la rédaction d’une consultation juridique circonstanciée qui leur a été adressée le 1er décembre 1999 validant la création d’un trust familial à vocation patrimoniale et précisant le contenu de sa mission.

Ils relèvent que cette consultation était signée par MM. D et E, associés, et M. B, fondé de pouvoir.

Ils observent qu’elle a été rédigée un mois et demi après la réunion précitée.

Ils font valoir, citant son contenu, que la validité au regard du droit français de la forme trustale envisagée a été affirmée sans réserve par eux qui se sont fait forts de la légalité de ce montage juridico-fiscal soumis à leur analyse.

Ils indiquent qu’elle a écarté tout abus de droit et estimé non fictif et non provisoire le dessaisissement.

Ils font également valoir, citant son contenu, que la société leur a promis sans aucune réserve que le trust produirait ses effets juridiques et patrimoniaux tout en échappant à toute imposition du chef de sa constitution et des revenus réalisés par celle-ci.

Ils indiquent qu’ils se sont, afin que la pérennité du projet leur soit confirmée, rapprochés de la société qui, par courrier du 6 décembre 1999, sous les signatures précitées, a confirmé leur analyse précisant qu’elle engageait leur responsabilité professionnelle.

Ils soulignent que leur demande est fondée tant sur la consultation du 1er décembre 1999 que sur les termes de ce courrier qui suffit à lui seul à établir sa responsabilité.

Ils invoquent la mise en oeuvre du montage.

Ils déclarent avoir laissé le soin de la réalisation du projet de trust à ses avocats conformément à son courrier du 1 er décembre.

Ils précisent que l’opération s’est déroulée en trois temps soit la création et capitalisation d’une société à Jersey, la cession d’usufruit temporaire de leurs titres PPR à cette société et la mise en trust des titres de cette dernière société par le trustee Ernst & Young Trustees Limited.

Ils estiment que le choix de Ernst & Young Trustees Limited n’est pas anodin.

Ils admettent que cette société est distincte de l’intimée sur le plan juridique mais rappellent qu’elle appartenait au même groupe de sociétés que l’intimée.

Ils ne contestent pas que le trust a été géré à compter du 1er janvier 2000 par la B Bank of Canada Trustee Limited mais estime cette nouvelle gestion sans incidence sur l’implication initiale d’Ernst & Young Trustees Limited en tant que trustee et indiquent que l’intervention de la B Bank of Canada Trustee Limited est indépendante de la volonté des parties puisqu’elle a racheté la société Ernst & Young Trustees Limited le 1er janvier 2000 compte tenu d’un changement de règlementation, celui-ci ayant interdit aux firmes d’audit de posséder des actions des sociétés

auditées- ce qui témoigne en outre des liens entre l’intimée et Ernst & Young Trustees Limited.

Ils ajoutent que ce sont les mêmes trustees personnes physiques qui ont continué à gérer le trust, et notamment M. C.

Ils en concluent que le choix de la société Ernst & Young Trustees Limited comme trustee est dû à l’implication réelle de la société Ernst & Young dans la mise en 'uvre du montage, dans la continuité des autres trusts créés depuis plus de trois ans par elle.

Ils réfutent son rôle passif de commentateur.

Ils invoquent les suites du montage.

Ils exposent que leur objectif patrimonial devait être atteint puisque le trust « Julius & Perle Trust » devait être alimenté durant cinq ans et quatre mois par les dividendes correspondant aux titres PPR dont ils avaient jusque-là la pleine propriété, le trust devant donc pouvoir gérer des fonds correspondant à cinq années de dividendes et ainsi assurer l’avenir de leurs descendants.

Ils déclarent que, comme convenu, le 13 mars 2005, ils ont récupéré l’entière propriété des 875.000 actions PPR, ce qui a été matérialisé dans les livres de la société Oddo par le transfert des titres du compte en démembrement, vers leur compte-titres en pleine propriété.

Ils précisent qu’avant même cette rétrocession, ils ont été inquiétés du chef même de l’opération patrimoniale en cours.

Ils déclarent qu’ils ont été informés par avis du 9 janvier 2003 qu’ils allaient faire l’objet d’un examen contradictoire de situation personnelle portant sur l’année 2001.

Ils relatent la procédure fiscale, les redressements opérés et les contentieux et précisent qu’ils ont dû s’acquitter des sommes de 9.667.764 euros d’imposition principale et de 9.919.685 euros au titre de pénalités et majorations fiscales.

Ils exposent que leurs relations avec la société Ernst & Young se sont dégradées, la société reconnaissant d’abord sa responsabilité puis nuançant cette reconnaissance au fur et à mesure des rejets de leurs contestations par l’administration fiscale et niant toute responsabilité lorsqu’ils l’ont assignée en intervention forcée devant le tribunal de grande instance de Senlis.

S’agissant de sa reconnaissance initiale, ils rappellent la lettre du 6 décembre 1999 et soulignent que, dans un courrier du 16 avril 2004-postérieur aux premier redressements- elle a réaffirmé sa responsabilité et considéré les arguments de l’administration fallacieux et erronés.

Ils narrent son évolution.

Ils affirment que si les associés d’Ernst & Young ont progressivement rejeté toute idée de responsabilité, ils ont parallèlement toujours participé activement à la défense de leurs intérêts dans le cadre des différents contentieux fiscaux, la société désirant être informée de l’évolution des procédures en cours et valider les actes de procédures élaborés par Maître G.

Ils se prévalent des échanges officiels entre avocats et notamment de deux courriers respectivement datés du 9 janvier et du 30 avril 2009 envoyés par Maître Thieffry, avocat d’Ernst & Young, à Maître de Montbrial, leur avocat, et d’une lettre du 16 décembre 2011 de M. F, associé d’Ernst & Young, qui a écrit à Maître G que la société était d’accord pour le choix de l’avocat aux conseils.

Ils font également état de la collaboration de Maître Barre, avocat de l’intimée, qui les a même accompagnés à un rendez-vous avec le conciliateur fiscal départemental dans le cadre de l’une des contestations fiscales.

Ils font donc valoir que la société d’avocats Ernst & Young a pu assurer le suivi de ses préconisations et maintenir un contrôle total sur la poursuite des opérations.

Ils lui font grief de rechercher d’autres responsables soit eux-mêmes, simples particuliers n’ayant aucune connaissance juridique ou fiscale, la société d’ingénierie patrimoniale M Z Conseil qui n’a prodigué aucune opinion fiscale ni juridique s’étant contenté de mettre les parties en relation ou les trustees de Jersey qui ont été désignés par l’intimée.

Ils relatent la procédure.

Ils précisent avoir payé la somme totale de 19.587.449 euros.

Ils soutiennent que la consultation du 1er décembre 1999 et la mise en 'uvre du montage juridico-fiscal engagent la responsabilité civile professionnelle de la société d’avocats Ernst & Young sur le fondement de l’article 1147 du code civil.

Ils soulignent le manque de réserves dans les conseils prodigués et leur inexactitude.

Ils invoquent un manquement fautif de la société à son obligation de conseil et d’information étant rappelé qu’il appartient à l’avocat de prouver l’exécution de son obligation de conseil et d’information.

Ils font valoir qu’au titre du mandat confié par eux, au regard de l’opération patrimoniale envisagée, la société avait la charge de les informer et de les conseiller dans le cadre de l’opération trustale réalisée par elle.

Ils font état du mandat donné par eux à la société.

Ils exposent qu’ils l’ont consultée afin qu’elle propose et étudie en détail l’efficacité d’un schéma d’optimisation fiscale de leur patrimoine, et le cas échéant, qu’elle le mette en 'uvre.

Ils déclarent, citant un arrêt du 13 octobre 2009, qu’elle avait donc au titre de ce mandat le devoir de s’informer de l’ensemble des conditions de l’opération pour laquelle son concours était demandé.

Ils rappellent les lettres adressées par elle le 6 décembre 1999 et le 16 avril 2004 et reprochent au tribunal d’avoir considéré que le mandat s’était limité à un unique avis postérieur à la conception des opérations litigieuses.

Ils lui font grief d’avoir procédé à une lecture restrictive du mandat en considérant que la société Ernst & Young n’était pas réellement l’initiatrice ou la conceptrice du schéma trustal.

Ils admettent que le cabinet M Z Conseil en tant qu’intermédiaire entre eux et la société Ernst & Young a travaillé en partenariat avec elle mais affirment que les deux sociétés ont tenu des rôles radicalement différents.

Ils estiment que seuls des avocats fiscalistes spécialisés pouvaient concevoir un tel schéma.

Ils réitèrent qu’à la fin des années 1990, la société a organisé plusieurs conférences traitant des avantages et vertus du trust, schéma financier encore peu connu en France- étant en quelque sorte pionnière en ce domaine, techniquement et juridiquement complexe- et déclarent que les spécialistes

français des trust actuels sont tous des avocat fiscalistes.

Ils ajoutent que les avocats d’Ernst & Young en général et les co-signataires de l’opinion litigieuse en particulier, étaient des spécialistes reconnus en la matière.

Ils excipent du témoignage de Maître N O-P d’où il ressort qu’en 1996, le trust était un sujet nouveau, « complexe », source d'« incertitudes » et manifestement non encore maîtrisé, sauf par les spécialistes- un cabinet de gestionnaires de patrimoine non juristes ne pouvant donc bâtir de toutes pièces un schéma trustal- et que la société a commis une faute- compte tenu des incertitudes- dans la présentation affirmative de son opinion.

Ils excipent également du modèle de contrat de trust, daté du 16 décembre 1996, signé par la société Ernst & Young Trustees Limited pour d’autres particuliers qui contient les mêmes clauses que celles figurant dans leur contrat, ce qui montre que la rédaction de ce type de contrats était habituelle pour l’intimée.

Ils ajoutent que M. B était un éminent spécialiste de la question ainsi qu’il ressort d’un document pédagogique rédigé par lui et de sa défense «'sans mesure'» de l’opération dans son projet de réponse à l’administration fiscale du premier semestre 2005, un échange de courriels démontrant qu’il en est l’auteur.

Ils affirment qu’en tout état de cause, le cabinet M Z Conseil ne pouvait concevoir un tel schéma.

Ils exposent qu’il est un cabinet d’ingénierie patrimoniale regroupant moins d’une dizaine de collaborateurs – dont aucun n’est juriste – et que M. Z -néophyte en cette matière- s’est rendu à une conférence organisée par l’intimée en 1996 et a pensé que les schémas trustaux présentés pourraient intéresser certains de ces clients.

Ils affirment que cette genèse de la mise en relation des parties a une importance fondamentale en ce qu’il s’en déduit manifestement que le cabinet fondé par M. Z n’a pu qu’être au maximum un intermédiaire exécutant, et non l’initiateur ou le concepteur du schéma trustal mis en place.

Ils en concluent que la société Ernst & Young a conçu et promu le schéma trustal auprès d’eux et que ledit cabinet s’est fait l’intermédiaire entre avocat et client.

Ils ajoutent que cette répartition des rôles est décrite par M. C dans son témoignage du 14 juin 2018.

Ils citent une seconde attestation de sa part, le tribunal ayant «'déprécié'» son témoignage.

Ils font état d’une faute de la société au regard de son devoir de conseil.

Ils soutiennent que la société avait à ce titre, à leur égard, outre un devoir d’exactitude dans les conseils prodigués, un devoir de réserve et, le cas échéant, un devoir de leur déconseiller une opération contraire à leurs intérêts.

Ils citent des conseils erronés.

Ils relèvent que ses conseils se sont révélés inexacts et soulignent que le caractère rétrospectif de cette révélation n’enlève rien au caractère fautif du manquement.

En réponse à l’intimée, ils rappellent que la loi n’a pas d’effet rétroactif et en concluent que les juridictions qui ont rejeté leurs réclamations se sont fondées sur les dispositions en vigueur au jour

de la réalisation de l’opération de trust pour rendre leurs décisions.

Ils relèvent que, par définition, la société avait connaissance de ces dispositions lorsqu’elle a prodigué les conseils litigieux.

Ils concluent qu’il est inopérant d’arguer du délai écoulé entre ces conseils et ces décisions.

Ils ajoutent, à titre superfétatoire, que la société ne démontre pas quelle évolution décisive de la législation, de la jurisprudence ou de la doctrine administrative serait intervenue entre la date de rédaction de son opinion juridique et les décisions rendues par les tribunaux saisis.

S’agissant de la faculté de prêt et la validité du trust, ils relèvent que la cour d’appel d’Amiens a considéré que la possibilité pour M. X d’emprunter 80 % des avoirs du trust avec l’accord du trustee et l’absence d’obligation de remboursement de son vivant démontraient que les époux ne s’étaient pas irrévocablement dépossédés des fonds remis au trust ce qui est en contradiction avec l’intention libérale censée justifier la constitution de la société Julius Perle Ltd et que la Cour de cassation a rejeté le pourvoi.

Ils en infèrent que la faculté de prêt dénaturait le trust et que, donc, le conseil était incorrect.

Ils estiment qu’il appartenait dès lors à la société de leur déconseiller d’insérer cette faculté de prêt dans le contrat de trust.

Ils affirment que tel n’a pas été le cas, la société prétendant le contraire dans son analyse du 1 er décembre 1999.

Ils infèrent en outre de l’arrêt de la Cour de cassation que la dépossession irrévocable par eux des fonds remis au trust aurait été établie si avait été stipulée dans le trust une clause d’obligation de remboursement du prêt de leur vivant.

En réponse à l’intimée, ils affirment qu’elle n’insiste pas sur la nécessité de prévoir une clause d’obligation de remboursement du prêt dans le contrat de trust et soulignent que c’est une telle clause qui aurait permis d’établir la dépossession irrévocable par eux des fonds remis au trust.

Ils ajoutent qu’elle précise que le remboursement pourra être opéré par leurs héritiers ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire de procéder au remboursement de leur vivant.

Ils estiment sans incidence sur cette erreur l’ordre des auteurs des remboursements, le simple fait que l’avis litigieux mentionne la possibilité pour les époux de ne pas procéder au remboursement de leur vivant impliquant qu’il ne s’agit pas d’une obligation pour eux, et donc excluant un dessaisissement irrévocable.

Ils soutiennent que c’est du fait de ces conseils erronés que la faculté de prêt, telle qu’elle a été rédigée, a été considérée comme dénaturant le trust.

Ils ajoutent que, non seulement le conseil mentionné dans l’avis du 1er décembre 1999 était erroné mais que la rédaction de la clause prévoyant la faculté de prêt a été directement préparée par M. B.

Ils se prévalent à cet égard des attestations de MM. Z et C étant précisé que celui-ci a fait état de l’émission d’une note d’honoraires et non d’une révision de celle-ci.

Ils estiment que la société a, ainsi, prodigué un conseil erroné et a largement participé à l’application de ce conseil.

S’agissant de la fictivité de la dépossession, ils relèvent que le service des impôts a retenu une fictivité de la dépossession justifiant le rappel d’imposition, dont le bien-fondé a été confirmé par le Comité Consultatif pour la Répression des Abus de Droit (CCRAD) et par la cour d’appel d’Amiens ce qui démontre que les conseils étaient erronés et constituent le fondement même du redressement fiscal.

S’agissant du paiement de l’ISF, ils observent que l’analyse de la société aux termes de laquelle ils ne seraient pas redevables de l’ISF sur les biens trustaux s’est avérée incorrecte, dans la mesure où ils ont fait l’objet d’un redressement fiscal au titre de celui-ci.

S’agissant du paiement de l’impôt sur le revenu, ils constatent qu’ils ont été imposés sur les résultats du trust.

Ils font donc valoir que les conseils de la société sur des éléments déterminants pour eux se sont avérés erronés, ce qui constitue un manquement à son devoir de conseil.

En réponse à l’intimée, ils lui reprochent d’opérer une séparation artificielle entre l’élaboration et la validation juridique du schéma, et « les résultats » de celui-ci.

Ils considèrent que les opérations réalisées ne peuvent être envisagées in abstracto, sans tenir compte des conséquences fiscales que ces actes juridiques emportaient.

Ils exposent que l’objet même de l’analyse fournie par la société était de leur confirmer que leurs dividendes sortiraient du champ de l’impôt sur le revenu et que leurs actions sortiraient du champ de l’impôt sur la fortune jusqu’à extinction de l’usufruit temporaire.

Ils soulignent que ce sont ces impositions qui ont été réclamées par l’administration fiscale.

Ils réitèrent qu’ils n’affirment pas que la faute se déduit a posteriori de la position adoptée par les juridictions mais qu’elle réside dans l’affirmation sans nuances du fait qu’ils ne seraient pas imposés, alors même que la société ne disposait pas d’éléments juridiques solides pour ce faire.

Ils citent l’absence de réserves.

Ils rappellent, excipant d’un arrêt du 21 mai 1996, que l’avocat doit, d’une part, assortir ses conseils de réserves et, d’autre part, effectuer les recherches nécessaires pour éviter de donner une solution erronée.

Ils soulignent le manque de réserves de la société qui a, dans «'l’opinion fiscale'» affirmé sans nuance la validité du montage, la non-fictivité du trust et le fait qu’ils ne seraient pas imposés.

Ils soulignent son ton péremptoire- critiquant même certains praticiens frileux.

Ils considèrent donc qu’en affirmant imprudemment et sans nuance l’efficacité des opérations de mise en trust avec faculté de prêt, sans aucune mise en garde sur d’éventuels risques de redressements fiscaux et en critiquant sans nuances les mises en garde des tiers, la société a manqué à son devoir de réserve.

Ils déclarent que c’est précisément sur la base des conseils prodigués avec conviction par des avocats spécialisés et largement réputés dans leur domaine d’activité qu’ils ont accepté la mise en 'uvre de la structure proposée.

En réponse à l’intimée sur le vide juridique qui existait en 1999 au sujet des trusts, ils estiment qu’elle aurait précisément dû faire part de ces réserves en temps utile et comparent ses écritures à ses

affirmations d’alors.

Ils citent la violation de l’obligation de déconseiller.

Ils estiment que, plus qu’émettre des réserves, les avocats du cabinet auraient dû déconseiller le montage litigieux.

Ils considèrent que ce montage comportait manifestement des risques, que les avocats spécialisés ne pouvaient ignorer.

Ils affirment que la probabilité d’un redressement fiscal, avec majorations d’imposition et intérêts de retard le cas échéant, était loin d’être négligeable eu égard à l’importance des fonds mis en jeu et à la complexité et l’originalité des opérations.

Ils déclarent que c’est d’ailleurs précisément cette complexité et cette crainte de voir le schéma sanctionné par l’administration fiscale qui les ont conduits à solliciter la société intimée dont la notoriété en matière de conseil fiscal était pour eux un gage d’efficacité.

Ils font valoir qu’elle a soutenu la validité des opérations sans nuances, ni réserves dans ses courriers du 1er et du 6 décembre 1999, adressés aux époux avant leur mise en 'uvre, mais aussi par la suite, notamment dans un courrier du 16 avril 2004 où elle soutient que les arguments de l’administration fiscale sont « fallacieux ».

Ils font état «'d’une témérité manifestement inappropriée'» et lui font grief de s’obstiner à affirmer la validité de ses opinions.

Ils concluent qu’au titre de ces trois composantes de l’obligation de conseil, la société a manqué à son devoir contractuel.

Ils réitèrent que le redressement fiscal litigieux a été réalisé non pas sur le fondement d’une évolution normative postérieure que le cabinet n’aurait pu prévoir, mais sur celui d’une réglementation déjà en vigueur à l’époque des faits et qu’il ne pouvait donc ignorer.

Ils en infèrent que le risque d’un redressement fiscal au regard des lois et règlements alors en vigueur était tout à fait prévisible étant ajouté que ces normes n’ont pas connu d’évolution majeure jusqu’à la loi du 29 juillet 2011.

Ils reprochent donc à l’intimé d’avoir préconisé et validé l’insertion de la clause de prêt dans le contrat de trust et de ne pas avoir mis directement l’usufruit temporaire – actif français – en trust à Jersey, sans passer par l’interposition d’une société de Jersey- ce dont M. B et des avocats reconnus admettent la possibilité- ce qui aurait évité que l’administration fiscale et la justice ne considèrent l’opération fictive.

Ils lui reprochent enfin, en tout état de cause, d’avoir validé l’opération, sans aucune prudence ni réserves, et d’avoir maintenu sa position durant toute la procédure administrative et judiciaire.

Les appelants exposent leur préjudice.

Ils déclarent que la faute commise par la société lors de l’exécution de son obligation de conseil est à la source de leur redressement fiscal.

Ils font état d’un dommage matériel, d’un préjudice moral et de la perte de la chance d’optimiser leur fiscalité.

Ils réitèrent que le mandat confié à la société était particulièrement large, puisqu’elle s’était présentée comme spécialiste des questions fiscales liées au schéma trustal et qu’elle avait proposé et mis en 'uvre le schéma comme l’atteste M. C.

Ils estiment que cette reconnaissance de l’étendue de ce mandat, non pris en compte par le tribunal, ne pourra que mécaniquement augmenter l’importance de la faute et donc le quantum de leur préjudice.

Ils invoquent le préjudice matériel lié aux pénalités du redressement soit les majorations et intérêts.

Ils rappellent que, conformément à l’article 1149 du code civil, le préjudice indemnisable doit être né, actuel et certain.

Ils rappellent également les décisions intervenues et la mise en recouvrement des cotisations supplémentaires de l’impôt sur le revenu, des contributions sociales et de l’ISF.

Ils ajoutent que les redressements ont donné lieu à des pénalités, elles-mêmes constitutives de préjudice, les majorations s’élevant à 80%, et d’intérêts de retard.

Au titre de l’ISF réclamé pour les années 2000 à 2005, ils chiffrent à la somme de 1.297.805 euros les intérêts de retard et à 4.813.373 euros les majorations soit un montant de pénalités de 6.111.178 euros.

Au titre de l’IRPP réclamé pour les années 2001 à 2003, ils chiffrent les intérêts de retard à 331.519 euros et les majorations à 1.956.564 euros soit un montant total des pénalités de 2.288.083 euros.

Au titre des contributions sociales (CSG-CRDS) réclamées pour les années 2001 à 200, ils chiffrent à 93.223 euros les intérêts de retard et à 553.320 euros les majorations soit un montant total de pénalités de 646.543 euros.

Ils ajoutent, au titre de l’IRPP et des contributions sociales, des intérêts moratoires d’un montant de 873.881 euros.

Ils calculent donc le montant total des pénalités du redressement fiscal, intérêts moratoires compris, à la somme de 9.919.685 euros.

Ils font valoir qu’il existe un lien de causalité entre leur préjudice et l’analyse fournie par la société qui a eu un effet déterminant dans leur décision de recourir au schéma d’optimisation fiscale, dont la mise en 'uvre est l’unique cause de leur dommage.

Ils déclarent qu’ils ont procédé à cette opération sur la foi de l'«'opinion fiscale'»'de la société du 1er décembre 1999 qui mentionne, notamment': « Votre choix est dicté par la confiance que vous avez dans la rigueur déontologique et la compétence des trustees de Jersey en matière de gestions de trusts familiaux et, plus particulièrement, d’Ernst & Young Trustees Limited » – ainsi qu’ils l’ont écrit le 9 mars 2006- et de la lettre du 6 décembre 1999.

Ils soutiennent que, selon la Cour de cassation, les majorations et intérêts subis du fait d’un conseil erroné donné par un avocat constituent un préjudice certain et non un préjudice réparable au titre de la perte d’une chance et se prévalent d’un arrêt de la cour d’appel de Douai.

Ils affirment que les conseils de la société constituent l’unique source de leur fausse croyance selon laquelle ils ne seraient pas redevables de l’imposition en question.

Ils rappellent qu’ils n’ont donc pas déclaré les revenus objet des redressements et qu’ils ont dû

supporter des pénalités à hauteur de 9.919.685 euros qu’ils n’auraient pas dû payer s’ils avaient été correctement informés et mis en garde.

Ils en infèrent que le dommage matériel subi par eux constitue un chef de préjudice intégralement dommageable et réclament le paiement de l’ensemble de ces pénalités et intérêts soit la somme de 9.919.685 euros au titre de leur préjudice matériel lié aux majorations et pénalités.

Subsidiairement, ils sollicitent un pourcentage de 80% – le tribunal ayant retenu 30% – car ils sont particulièrement soucieux de gérer leur patrimoine dans le plus parfait respect de la législation fiscale ce qui explique leur recours à des avocats fiscalistes.

Critiquant le jugement, ils rappellent que le fait que la société ne les ait pas informés que la jurisprudence n’était pas fixée constitue l’un de leurs principaux reproches.

Ils affirment que si la société les avait informés que son analyse n’était pas entièrement fiable car la jurisprudence n’était pas stabilisée, ils auraient, « dans le doute », soumis leurs titres à l’imposition.

Ils estiment «'surréaliste'» de prendre sciemment un tel risque fiscal s’agissant de sommes aussi importantes.

Ils réclament donc subsidiairement le paiement d’une somme de 7.935.748 euros.

Ils invoquent un préjudice lié à la perte de chance d’optimiser leur fiscalité.

Ils rappellent que la perte d’une chance peut constituer un préjudice indemnisable et qu’elle doit correspondre à trois critères soit être réelle et sérieuse, réellement perdue et évaluable.

Ils font état du caractère réel et sérieux de la chance d’optimiser leur fiscalité.

Ils estiment qu’ils n’ont pu recourir à une option plus avantageuse et plus efficace pour leur patrimoine, ayant retenu celle dont la validité a été garantie et mise en oeuvre par la société.

Ils déclarent qu’ils avaient pour seule intention de protéger leur patrimoine afin de le transmettre dans les meilleures conditions possibles à leurs futurs héritiers.

Ils en infèrent que la perte de chance d’opter pour un schéma d’optimisation fiscale plus avantageux constitue un préjudice réel et sérieux.

Ils déclarent que la perte de chance de recourir à un schéma d’optimisation valide plus efficace fiscalement est source d’un préjudice certain.

Ils rappellent que le montant des contributions supplémentaires de l’imposition en principal réclamées s’élève à la somme de 9.667.764 euros qu’ils ont payée.

Ils soutiennent que la société a été, par ses conseils, à la source de leur perte de chance de recourir à un montage fiscal plus efficace.

Ils font valoir que la préservation de leur patrimoine dans l’intention libérale susvisée aurait pu être atteinte par au moins deux autres manières soit si la faculté de prêt n’avait pas été prévue dans le contrat de trust et si l’apport en trust avait porté directement sur l’usufruit temporaire au lieu d’intercaler l’opération intermédiaire de cession de l’usufruit temporaire à une société, elle-même mise en trust.

Ils déclarent que si la faculté de prêt n’avait pas été prévue dans le contrat de trust, l’administration

fiscale et les différentes juridictions n’auraient pu s’appuyer sur cette clause pour les condamner à régler les sommes issues du redressement.

Critiquant le jugement, ils rappellent que la faute est constituée par le fait que la société n’a pas envisagé et ne les a donc pas mis en garde sur la possible fictivité de la cession d’usufruit temporaire.

Ils estiment que, dans le cadre de son obligation de conseil, elle aurait dû attirer leur attention sur la possibilité que la cession d’usufruit temporaire soit considérée comme une cession à soi-même.

Ils ajoutent que le fait que la cession d’usufruit temporaire ait été considérée comme fictive par les différentes juridictions qui ont eu à connaître de leurs contestations n’est pas le moyen unique ni principal qui a conduit au rejet de celles-ci.

Ils rappellent que l’opération litigieuse a consisté en trois étapes successives soit la création et capitalisation d’une société à Jersey, la cession d’usufruit temporaire de leurs titres PPR à cette société et la mise en trust des titres de cette dernière société par le trustee Ernst & Young Trustees Limited et indiquent que c’est l’ensemble de ces étapes qui a été analysé par les juridictions.

Ils estiment que le fait que la cession temporaire d’usufruit ait été considérée fictive n’est qu’un des nombreux éléments ayant motivé les décisions.

Ils font état de la faculté de prêt prévue dans le trust qui, selon la Cour de cassation, dénaturait celui-ci.

Ils en infèrent que la fictivité n’est pas le seul élément qu’elle aurait dû envisager de manière à exprimer des réserves dans son analyse.

Ils déclarent également que l’apport en trust aurait pu porter directement sur l’usufruit temporaire au lieu d’intercaler l’opération intermédiaire de cession de l’usufruit temporaire à une société, elle-même mise en trust.

Ils soulignent que l’interposition de la société de Jersey avait été intégrée dans le déroulement de l’opération à la demande de M. B qui jugeait indispensable l’existence d’un élément d’extranéité pour que le trust présente une véritable solidité fiscale.

Ils estiment que cet élément d’extranéité n’était pas nécessaire à la validité de l’opération et relèvent que M. B a, dans un ouvrage, reconnu que l’on pouvait mettre en trust un bien français sans risque fiscal.

Ils ajoutent, se prévalant d’une consultation postérieure au jugement, que des associés d’une société d’avocats fiscalistes, ayant des bureaux à Jersey, ont affirmé qu’en 1999, il était tout à fait possible de mettre en trust à Jersey un usufruit à terme fixe sur un actif français.

Ils font donc état de différentes possibilités qui leur auraient permis d’atteindre leurs objectifs patrimoniaux sans encourir de redressement fiscal qui n’ont pas été retenues par la société.

Ils en concluent que le lien de causalité entre la faute de la société et le préjudice subi est bien réel.

Ils excipent d’une perte de chance totale, compte tenu de l’existence d’autres moyens fondés et effectifs de préserver leur patrimoine.

Ils réclament en conséquence le paiement de la somme de 9.667.764 euros correspondant à leur perte.

Les appelants invoquent enfin un préjudice moral.

Ils soulignent l’importance de l’intuitu personae et exposent qu’ils ont accordé toute leur confiance à leurs avocats et qu’ils attendaient, en retour, loyauté et, surtout, efficacité.

Ils indiquent que leur confiance était fondée non seulement sur la particulière notoriété de la firme mais également sur l’assurance avec laquelle leurs interlocuteurs qui semblaient s’appuyer sur des arguments juridiques solides, leur ont garanti que l’opération produirait parfaitement les effets recherchés.

Ils ajoutent qu’afin de parer à toute déconvenue, ils ont même demandé à la société de leur confirmer qu’elle engageait sa responsabilité professionnelle en cas de faute, ce à quoi il leur a été répondu positivement.

Ils affirment que, malgré cela, ils se sont sentis progressivement abandonnés puis trahis par l’attitude de plus en plus réservée des avocats et, in fine, par le déni pur et simple de leur responsabilité.

Ils rappellent leur âge et font état du stress causé par un contentieux de quinze ans qui se poursuit encore.

Ils reprochent à la société de les avoir encouragés à poursuivre la procédure administrative durant de nombreuses années, en soutenant une position juridiquement erronée, et de refuser aujourd’hui d’admettre sa faute, évoquant même des intentions frauduleuses de leur part.

Ils font également état d’importants recouvrements qui ont bouleversé leur quotidien en les opposant à l’administration fiscale et des nouveaux contrôles diligentés par elle car ils sont dorénavant « dans le viseur » de l’administration fiscale alors que leur seul tort est d’avoir fait confiance à leurs conseils en toute bonne foi.

Ils ajoutent qu’ils sont devenus frileux au point de renoncer à l’acquisition d’un vignoble, préférant attendre l’issue de ces déboires fiscaux pour entreprendre de nouvelles opérations patrimoniales.

Enfin, ils rappellent qu’ils ont dû, préalablement à tout recours juridictionnel, nantir au profit du Trésor un total de 174.478 titres PPR.

Ils font valoir que ce préjudice moral est indissociable du redressement fiscal dont ils ont fait l’objet et qu’il a été causé directement par les fautes précitées.

Au vu des éléments ci-dessus, ils l’évaluent à 250.000 euros.

Aux termes de ses écritures précitées, la société Ernst & Young, société d’avocats, expose que M. et Mme X souhaitaient constituer à Jersey une société de gestion de titres et de valeurs mobilières et lui vendre l’usufruit, sur une période de 5 ans et 4 mois, des titres de la société PPR leur appartenant.

Elle indique qu’après avoir cédé cet usufruit à titre temporaire à la société créée à Jersey, ils se proposaient de mettre les parts de cette société dans un trust, également à Jersey, qui serait chargé de gérer les parts de leur société de Jersey pour le bénéfice de leurs descendants.

Elle affirme qu’en lui exposant leur intention libérale, ils lui ont demandé de commenter les aspects juridiques et fiscaux de cette opération dans un avis qu’elle a donné le 1er décembre 1996 décrivant les arguments pouvant être opposés en cas de contestation de cette structure patrimoniale.

Elle expose la procédure fiscale, précise que le CCRAD a confirmé la deuxième analyse de

l’administration en considérant que la cession était fictive au motif que M. X, au moyen d’un emprunt, avait financé la société de Jersey pour lui permettre d’acquérir l’usufruit temporaire, le prix de la cession ayant permis de rembourser l’emprunt par lui contracté et relate les décisions intervenues.

Elle relate également la présente procédure.

Elle soutient qu’elle n’a pas conçu et promu le schéma trustal auprès des époux.

Elle excipe des termes du jugement selon lequel l’élaboration du schéma du Trust était déjà bien avancée lors de la consultation de la société Ernst & Young qui l 'a amenée à rédiger l’avis du 1er décembre 1999.

S’agissant du contenu de la mission qui lui a été confiée, elle estime la thèse développée par les époux inexacte en fait.

Elle relève que les époux ont d’abord soutenu qu’elle avait reçu la mission d’envisager différents schémas d’optimisation fiscale et affirment désormais qu’elle a conçu et promu le schéma litigieux.

Elle relève qu’ils ne démontrent ni l’existence d’une lettre de mission- quelle qu’en soit la forme- ni celle d’une rémunération convenue et versée.

Elle ajoute qu’il ne lui aurait pas été demandé de donner une opinion sur un schéma qu’elle aurait elle-même conçu et donc recommandé.

Elle infère de la lecture de la consultation demandée que le schéma a été conçu en dehors d’elle qui n’en connaissait pas tous les paramètres.

Elle cite des phrases antinomiques avec la conception par elle du schéma, le préambule de celle-ci et la communication d’un projet qui aurait été en sa possession si elle l’avait rédigé.

Elle affirme que, par leurs nouvelles pièces, ils se livrent à un amalgame entre les professionnels intervenus, dans le cadre de leurs professions respectives, en exécution du schéma retenu et mis en 'uvre par eux.

Elle cite la société Ernst& Young Trustees Limited, entité à l’époque membre du réseau Ernst & Young, dont le métier consistait à recueillir, détenir et gérer les biens mis en trust, n’ayant aucun lien capitalistique avec elle, structure dont a fait partie M. C qui n’était pas avocat.

Elle cite le cabinet Bedell et Christin, cabinet d’avocats ayant son siège à Jersey, avec lequel travaillait la société Ernst & Young Trustees Limited rédacteur apparemment habituel d’actes de mise en trust étant observé que la faculté de prêt mise en cause par l’administration fiscale était déjà incluse dans les actes émanant de ce cabinet datant de 1996

Elle cite M. Z, oeuvrant dans le domaine de 1 ''«'ingénierie financière », et la société éponyme qu’il a créée « spécialisée dans l’ingénierie patrimoniale » dont les époux cherchent de façon systématique à minimiser le rôle et l’intervention dans la conception et la mise en 'uvre du schéma objet de la consultation donnée.

Elle estime que la sommation délivrée à Maître N O P à propos d’un séminaire s’étant déroulé plus de 20 ans auparavant illustre l’amalgame que tentent d’établir les époux entre elle et d’autres entités membres du réseau Ernst & Young, ne posant pas de questions sur elle-même, seule concernée par le présent litige.

Elle estime que leur pièce 35 démontre, d’une part, que la technique du trust comportant une faculté de prêt au profit des constituants était déjà pratiquée à Jersey en 1996, et, d’autre part, que les demandeurs peuvent se procurer des documents censés être confidentiels, sans doute remis par M. Z.

Elle relève que la note de M. B est postérieure d’un an à la consultation donnée, que seul le nom de celui-ci y figure et qu’elle est confidentielle.

Elle observe que la pièce 37 est un projet non daté et non signé de son auteur et déclare que M. B, désigné comme tel, n’était plus alors dans la société.

Elle considère que la pièce 38 démontre, avec d’autres, l’importance et le contenu de la mission assumée par M. Z et sa société dans le schéma adopté en général, et dans la mission centrale de conseil qu’il a constamment assumée à l’égard des demandeurs.

Elle souligne qu’il valide l’analyse et la juge pertinente.

Elle qualifie de non sincère la nouvelle attestation de M. C rédigée dans l’unique but de répondre au tribunal et la compare avec l’ancienne, ses souvenirs étant alors «'devenus très clairs'». Elle ajoute qu’elle est muette en ce qui concerne sa mission de concepteur prétendu concernant leur dossier alors qu’elle prouve que le sujet était parfaitement maitrisé depuis 1996 par les 3 autres intervenants précités ce qui explique qu’il ne lui ait été demandé qu’une consultation sur le sujet.

Elle déclare que la pièce 40 traite du droit de Jersey et non du droit fiscal français, rappelle que la validité du trust en lui-même ' objet de sa consultation- n’a jamais été contestée et affirme que la question posée occulte celle de l’opposabilité à l’administration fiscale française d’une « cession temporaire d’usufruit à un trust ».

Elle estime que c’est l’une des raisons qui expliquent qu’il apparaissait prudent que l’usufruit des actions du groupe PPR ait d’abord- par la voie d’un acte soumis à l’enregistrement – été cédé de façon temporaire à une société, personne morale dont l’administration fiscale française ne pouvait contester l’existence.

Elle ajoute que les époux ont réitéré cette opération le 23 décembre 2005, la propriété des parts de la société ayant acquis l’usufruit temporaire étant placée – et non l’usufruit même – dans le trust.

Elle conclut que ces pièces versées en cause d’appel ne caractérisent pas qu’elle a conçu et promu le schéma structurel auprès des époux et établissent le contraire.

Elle cite la pièce 24 soit le schéma élaboré par M. Z qui lui a été communiqué dans les premiers jours du mois de novembre 1999 à la suite de la réunion du 13 octobre 1999- la seule entre elle et les époux-, qui avait pour but de répondre à ses questions sur l’institution du trust comme le montre le compte-rendu versé au débat.

Elle cite la pièce 25, télécopie du 23 novembre 1999 adressée par M. Z à M. B dans laquelle il décrit « la séquence des opérations » telle que M. Z l’a conçue avec les époux ainsi qu’il résulte des tournures de phrases.

Elle conclut donc que ces pièces démontrent qu’elle n’a été consultée qu’en fin d’opération, ce qui explique qu’il ne lui ait été demandé qu’une consultation sur un schéma déjà finalisé en dehors d’elle.

S’agissant de la mise en 'uvre de l’opération, elle soutient qu’elle n’a pas été réalisée par elle.

Elle expose qu’elle n’a ni créé ni participé à la constitution de la société Julius et Perle Limited (JPL),

qui a été créée le 8 décembre 1999 à Jersey.

Elle expose qu’elle n’a pas, non plus, participé à la capitalisation de cette société qui a été effectuée par M. X le 10 décembre 1999.

Elle ajoute que le contrat de placement des titres de JPL en trust signé le 16 décembre 1999 a été établi par le cabinet d’avocats Bedell et Christin.

Elle rappelle enfin que la mission de la société Ernst & Young Trustee Limited, distincte d’elle, a été particulièrement brève, le trust ayant été géré par la B Bank of Canada Trustee Limited 15 jours plus tard.

Elle considère donc que l’extrême brièveté de la mission du trustee initial et surtout le fait que celui-ci soit une entité juridique distincte d’elle rendent sans pertinence les considérations sur sa prétendue « implication réelle » à cet égard.

Elle estime la thèse développée par les époux erronée en droit.

Elle réitère ses développements sur l’amalgame opéré afin de lui faire supporter une responsabilité en tant que concepteur d’un schéma structurel adopté par les époux, élaboré par des tiers et mis en 'uvre à l’étranger par des professionnels eux-mêmes étrangers.

Elle souligne que, cabinet d’avocat de droit français et délivrant des prestations relevant du droit français, elle ne répond que des conseils qu’elle a elle-même donnés et qu’elle ne saurait être juridiquement responsable, par voie d’assimilation, de missions demandées à des entités tierces, fussent-elles membres du réseau Ernst &Young.

Elle sollicite donc la confirmation du jugement de ce chef.

Elle sollicite son infirmation pour le surplus.

Elle conteste avoir commis une faute dans le contenu de l’opinion qu’elle a donnée le I er décembre 1999.

Elle expose que sa mission, telle que rappelée dans la consultation, n’a consisté qu’à commenter le projet des demandeurs.

Elle rappelle que, s’agissant d’un avis juridique donné par un avocat, sa responsabilité obéit aux principes régissant son activité de conseil, qui diffèrent de ceux applicables à l’activité contentieuse.

Elle déclare que son obligation pour les opinions juridiques qu’il fournit est seulement de moyens, ce qui nécessite la preuve d’une faute de sa part pour engager sa responsabilité, s’agissant d’une prestation intellectuelle.

Elle ajoute qu’il existe un aléa spécifique du conseil en matière juridique lié à l’instabilité juridique.

Elle en conclut que la preuve d’une faute doit être rapportée, celle-ci étant appréciée in concreto au regard notamment de la difficulté de la situation juridique soumise, du temps de la mission ou encore de la rémunération.

Elle ajoute que ses éventuels manquements s’apprécient au regard du droit existant lors de son intervention.

Elle conteste que son obligation soit plus importante au motif qu’elle se serait faite fort de la légalité

du montage ou aurait promis sans réserve aux époux qu’ils échapperaient à toute imposition.

Elle fait valoir que l’avis litigieux ne contient aucune promesse ni garantie.

Elle fait également valoir qu’il en est de même de sa lettre du 6 décembre 1999 qui ne fait que rappeler les principes ci-dessus.

Elle ajoute qu’elle a, ultérieurement, contesté toute responsabilité notamment dans une lettre du 3 avril 2006.

Elle affirme enfin que c’est par sollicitude qu’elle a soutenu la position des époux contre l’administration fiscale et coopéré avec leur avocat.

Elle conteste donc le jugement.

Elle souligne que la consultation mentionne expressément qu’elle est rédigée en fonction de la législation actuelle dont il serait aventureux de prédire l’évolution et qu’elle ne peut engager sur tout sentiment dont elle fait part.

Elle souligne également qu’elle a expressément réservé l’hypothèse d’un changement de législation.

Elle indique que tel a été le cas, la loi du 29 juillet 2011 ayant renforcé les contrôles de l’administration sur les trusts.

Elle conteste donc avoir manqué de prudence.

Elle conteste également avoir donné un avis erroné.

Elle estime que cet avis ne peut être rétrospectivement erroné au regard de décisions judiciaires rendues plus de 10 ans plus tard.

Elle expose qu’en l’absence de réglementation du trust en droit français, et donc de dispositions légales applicables, elle a dû raisonner à partir des quelques décisions de jurisprudence existantes, concernant pour l’essentiel des successions ouvertes en France dans lesquelles se posait le problème de la validité et de l’opposabilité d’un trust, et de la doctrine en la matière.

Elle affirme que son raisonnement n’est ni critiqué ni critiquable et est conforme à la législation alors en vigueur.

Elle relate le contenu de la consultation qui précise en introduction, après avoir présenté l’objectif poursuivi par les époux, que le droit français n’offre pas d’outils pour leur réalisation.

Elle souligne que la note énonce que l’exonération des époux reposerait sur le fait qu’ils ne détiendraient plus aucun droit, que ce soit de propriété ou de possession, sur les biens mis en trust.

Elle fait valoir que ce raisonnement n’a été critiqué par aucun des spécialistes consultés par les époux dont les consultations versées aux débats ratifient sans réserve son analyse.

Elle ajoute que M. Z indique que sa conviction était partagée par l’un des notaires les plus réputés de France et confirme son implication soutenue dans la longue mise au point de ce schéma pour plusieurs de ses clients.

Elle relève enfin que l’avis n’élude pas le risque d’application de la théorie de l’abus de droit pour dissimulation de la détention dans un but purement fiscal et souligne qu’il écarte ce risque en raison

de la réalité de la dépossession par les constituants du trust.

Elle rappelle que l’administration a abandonné sa proposition de rectification fondée sur ce motif en confirmant ainsi que l’opération n’avait pas un but purement fiscal.

Elle ajoute qu’une éventuelle erreur de sa part n’engagerait pas sa responsabilité.

Elle soutient que l’erreur de raisonnement invoquée- insusceptible d’engager sa responsabilité – ne peut, de plus, se déduire a posteriori de la position adoptée dix ans plus tard par des juridictions.

Elle estime qu’en alléguant que les décisions rendues établiraient que la consultation serait fautive, les époux confirment que c’est en réalité l’absence du résultat espéré qu’ils incriminent en tentant d’en faire supporter la charge à la concluante.

Elle déclare que cette allégation est contraire au principe tenant à la nature d’obligation de moyens de la responsabilité de l’avocat, qui impose de prouver concrètement la faute qui aurait été commise et à l’appréciation du manquement au regard du droit existant à l’époque.

Elle en conclut que les époux doivent démontrer l’existence d’une faute au regard du droit en vigueur en 1999, ce qu’ils ne font pas, et souligne que la consultation a rappelé l’inexistence du droit positif dans ce domaine considéré et expliqué le raisonnement à partir de quelques décisions de jurisprudence et de principes de droit international privé.

Elle ajoute que les appelants n’indiquent pas au regard de quelle(s) disposition(s) du droit positif français en vigueur en 1999, elle aurait commis un manquement à une obligation de conseil.

Elle affirme, en outre, qu’à supposer même que les décisions rendues dix ans plus tard puissent être invoquées à son encontre, sa responsabilité n’est pas engagée au regard des décisions intervenues qui ont jugé l’acte de cession temporaire d’usufruit inopposable à l’administration car fictif.

Elle fait valoir qu’elle ne peut se voir reprocher les modalités de financement de la cession dont la cour administrative d’appel de Douai a considéré qu’elles reflétaient une cession à soi-même.

Elle déclare que les consultations produites par les époux- auxquelles ils ne font pas référence- (pièces 22 et 23) démontrent que sa consultation n’est pas critiquable car elles concluent au caractère non fictif de l’acte de cession temporaire d’usufruit.

Elle fait valoir également qu’elle n’est pas concernée par les motifs retenus par la cour d’appel d’Amiens.

Elle affirme que les éléments retenus par celle-ci- l’absence de preuves de la nécessité de constituer une société à Jersey, de perception des dividendes par les trustees, l’absence d’explication sur le montant de la mise en trust des parts de cette société de Jersey ou de l’usage d’un prête-nom- sont étrangers à la consultation.

Elle estime que ces éléments pourraient d’autant moins être mis à sa charge que les époux X ont fourni à la cour les explications dont l’absence leur est reprochée.

Elle reprend leurs écritures.

Elle estime qu’il ne peut lui être reproché le fait que la cour n’a pas pris en compte leurs explications et qu’elle n’a pas à supporter l’aléa judiciaire inhérent en la matière.

Elle fait valoir que, conformément aux développements ci-dessus, sa responsabilité ne peut être

engagée pour ne pas avoir anticipé, à l’instar d’un revirement de jurisprudence, une appréciation différente des juridictions intervenues plus de dix ans plus tard, alors que son avis était fondé sur la législation, la réglementation, la jurisprudence et la doctrine administrative en vigueur » à l’époque.

S’agissant du caractère non irrévocable de l’acte de trust, évoqué in fine dans l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens, elle affirme que ce n’est pas la faculté de prêt elle-même qui a été visée par la cour mais l’absence d’obligation de remboursement d’un tel prêt par les époux de leur vivant.

Elle critique l’interprétation par eux de l’arrêt de la Cour de cassation, celle-ci ne s’étant pas prononcée sur le caractère du trust mais s’étant limitée à apprécier la régularité de la procédure.

Elle ajoute que la clause relative aux modalités de remboursement d’un éventuel prêt a été prévue dans l’acte de trust du 16 décembre 1999 et est donc extérieure à l’acte de cession temporaire d’usufruit jugé fictif qui a été conclu le 13 décembre 1999 et réitéré le 23 décembre 2005, soit après l’introduction de la procédure par l’administration fiscale.

Elle soutient, surtout, qu’elle n’a pas rédigé la clause de prêt litigieuse, l’affirmation de M. Z n’étant pas corroborée y compris par M. C et les termes de la consultation excluant qu’elle ait pu envisager la clause de non-remboursement insérée dans l’acte de trust.

Elle souligne à cet égard que l’avis n’aurait mentionné que les héritiers comme débiteurs de cette obligation de remboursement ainsi que l’a prévu la clause litigieuse et non les époux qu’il cite en premier.

Elle déclare qu’en visant les héritiers, il a envisagé la possibilité d’un décès prématuré avant que le prêt ait été remboursé.

Elle soutient également que c’est sans fondement qu’ils allèguent qu’elle aurait dû leur déconseiller de prévoir la faculté de prêt dès lors que ce n’est pas la faculté de prêt qui a été jugée critiquable mais le fait qu’ils se sont déchargés de toute obligation de remboursement de leur part.

Elle soutient en outre qu’ils ne peuvent prétendre qu’elle aurait dû insister sur la nécessité d’insérer une clause de remboursement obligatoire, le caractère obligatoire du remboursement étant évident d’autant plus qu’il s’agissait d’avantager les bénéficiaires du trust.

Elle réitère qu’elle n’a pas, dans son avis, considéré l’obligation de remboursement du prêt comme alternative et ajoute que l’avis a insisté sur le fait qu’un éventuel prêt par les trustees devait intervenir dans des conditions normales, tant pour son octroi que pour son remboursement, cette faculté étant destinée à économiser démarches et recherches pour obtenir un financement similaire d’une autre source.

Elle ajoute qu’il aurait été contradictoire de mettre la charge de remboursement sur les seuls héritiers alors que les demandeurs avaient une intention libérale à leur profit.

En réponse à la consultation du cabinet Walkers aux termes de laquelle l’usufruit temporaire aurait pu directement et sans risque fiscal être transféré à un trust, elle rappelle que son auteur ne se prononce qu’en fonction de la loi applicable à Jersey et réitère que la question centrale- occultée- est celle de l’opposabilité à l’administration fiscale française d’une cession temporaire d 'usufruit à un trust.

Elle estime «'hautement probable'» que l’administration fiscale aurait jugé si ce n’est fictif, tout du moins inopposable une telle cession conclue entre un contribuable résident français et une entité dépourvue de personnalité morale, cession ne pouvant d’ailleurs et pour cette raison être soumise à l’enregistrement.

Elle affirme que c’est l’une des raisons pour lesquelles la cession temporaire de l’usufruit des actions du groupe PPR a fait l’objet d’un acte conclu avec une personne morale et a été soumis à l’enregistrement en France.

Elle souligne que les époux, conseillés par d’autres avocats, ont de nouveau conclu une cession temporaire d’usufruit le 23 décembre 2005 avec une société ne cédant donc pas non plus directement au trust qui subsistait à Jersey l’usufruit temporaire des parts de la société PPR.

La société conteste donc toute faute.

Elle réfute, à titre subsidiaire, les préjudices invoqués.

Elle réitère qu’elle n’a ni « certifié la validité du montage », ni « préconisé la faculté de prêt » ni « dicté le choix » des époux.

Elle affirme également qu’ils ne lui ont pas dit que leur objectif était de protéger leur patrimoine pour le transmettre à leurs héritiers mais dit, ainsi que le précise l’avis, qu’il s’agissait de « constituer dans l’intérêt des bénéficiaires un patrimoine à l’abri des revers de fortune éventuels ».

Elle souligne qu’ils ont reconnu devant la cour d’appel d’Amiens qu’ils souhaitaient « faire des distributions, de leur vivant et surtout après leur décès, à leurs descendants, sans les contraintes des règles de dévolution successorale. »

Elle en conclut que l’intention qu’ils invoquent désormais est en contradiction avec la volonté libérale affirmée tout au long des différentes procédures intervenues et dans lesquelles ils ont revendiqué avoir voulu gratifier une partie de leurs descendants (et non leurs héritiers dans leur ensemble) et des institutions caritatives, en faisant administrer dans ce but par des trustees une partie -limitée – de leur patrimoine constituée par les revenus générés pendant une durée – également limitée – de leurs titres PPR.

Elle observe que, dans sa première attestation, M. C indique que leur objectif était en fait de réduire l’ISF.

Elle soutient, en outre, qu’ils ne rapportent pas la preuve d’un lien de causalité entre l’avis incriminé et les redressements intervenus.

S’agissant de la demande de remboursement du montant total de leur imposition, elle estime que les motifs, extérieurs à l’avis, retenus par les juridictions pour juger fictif l’acte de cession temporaire d’usufruit établissent cette absence de lien de causalité.

Elle ajoute qu’il incombe aux appelants de démontrer en quoi l’avis a participé à la réalisation du préjudice qu’ils invoquent.

S’agissant de leur principale critique selon laquelle elle aurait dû leur déconseiller de prévoir la possibilité d’un prêt dans l’acte de trust – «'critique sans fondement puisque ce n’est pas la faculté de prêt qui a été jugée critiquable'»'- elle affirme qu’ils ne rapportent pas la preuve que cet élément a été déterminant tant pour ce qui les concerne qu’au regard des décisions rendues.

Elle fait valoir qu’ils ne démontrent pas que si l’avis avait été différent concernant cette clause non nécessaire pour réaliser leur objectif d’avantager certains de leurs descendants et de gratifier des institutions caritatives, ils auraient renoncé à l’acte de cession temporaire d’usufruit qui a été jugé fictif ou à la clause relative au prêt sans obligation de remboursement de leur vivant.

Elle fait valoir qu’ils ne démontrent pas non plus qu’en l’absence de la clause de prêt, l’acte de cession

temporaire d’usufruit n’aurait pas été jugé fictif.

Elle excipe du jugement.

Elle ajoute, avec le tribunal, qu’ils ne démontrent pas davantage qu’ils auraient perdu une chance de réaliser leur objectif d’une autre façon alors que le droit français ne prévoit pas d’institution pouvant comme celle du trust répondre à l’objectif patrimonial tel qu’ils l’ont décrit.

Enfin, elle considère que leur objectif a été atteint car le trust a bien été constitué et n’a pas été remis en cause.

Elle relève qu’ils ont reconnu, dans diverses procédures que leur projet patrimonial a été atteint.

Elle conclut donc au rejet de leur demande de perte de chance d’optimiser leur fiscalité » à hauteur de 9.667.764 euros.

S’agissant des demandes de remboursement des majorations et intérêts, elle se prévaut des termes du jugement mais estime excessif le quantum retenu.

Elle soutient qu’au regard de leur volonté, selon M. C, de réduire, dans la mesure de ce qui pouvait être légalement fait, l’impôt annuel sur la fortune exigible sur certains actifs »,

la perte de chance qu’ils aient pu «'faire le choix de déclarer ces sommes à l’administration fiscale » est «'voisine de zéro'», comme le prouve en outre la précipitation avec laquelle ont été mises en place les opérations ' une vingtaine de jours dans le courant du mois de décembre 1999, étant rappelé que le redressement a principalement porté sur l’ISF, exigible au titre des biens détenus le I er janvier.

Elle réfute tout préjudice moral.

Elle affirme que celui-ci n’est pas étayé, les époux n 'apportant la preuve ni du lien entre le redressement dont ils ont fait l’objet -qui est la cause de la présente procédure- et le nouveau contrôle de leur situation fiscale personnelle initiée par l’administration en 2015, ni des conséquences sur eux-mêmes de la procédure de redressement qu’ils ont subie.

*****************************

Sur le mandat donné par M. et Mme X à la société Ernst &Young société d’avocats

Considérant qu’il est constant que M. et Mme X ont pris contact courant octobre 1999 avec la société intimée par l’intermédiaire de leur conseil, la société M Z Conseil';

Considérant que la société d’avocats Ernst & Young a rédigé, le 1er décembre 1999, une «'opinion fiscale'» adressée à M. X puis un courrier envoyé aux deux époux le 6 décembre 1999';

Considérant que M. et Mme X ne versent aux débats aucun document adressé à la société précisant l’objet de sa mission';

Considérant que les notes prises lors de la réunion du 13 octobre 1999 où étaient présents M. X, MM. Z et A, du cabinet M Z Conseil, et M. B, fondé de pouvoir de la société d’avocats Ernst & Young, ne permettent pas de caractériser le mandat donné précisément à la société par M. et Mme X';

Considérant que M. C- qui ne travaillait pas pour la société intimée- décrit de manière générale le rôle habituel de la société d’avocats Ernst & Young et les relations existant généralement alors

entre cette société, la société Ernst & Young Jersey pour le compte de laquelle il travaillait, la société M Z Conseil et les clients apportés par celle-ci mais ne permet pas de préciser le mandat donné par les époux X';

Considérant que M. Z expose le rôle de M. B mais ne détaille pas précisément la mission qui a été confiée par les époux X à la société ;

Considérant que, dans sa lettre du 1er décembre 1999, la société reprend l’exposé par M. X de la situation et expose l’objectif et les intentions des époux dans le paragraphe commençant par «'Vous entendez'» et les suivants';

Considérant qu’elle indique ainsi qu’ils entendent créer par apport en numéraire provenant d’un emprunt une société de gestion de titres et de valeurs financières diverses à Jersey, Julius & Perle Ltd (la holding) à laquelle ils vendront l’usufruit de leur participation sur une période de « 5 ans et quelques mois » à un prix du marché';

Considérant qu’elle poursuit «'immédiatement après'», «'vous mettrez vos parts de la holding dans un trust discrétionnaire « Julius et Perle Trust »'» dont les bénéficiaires seront leurs descendants, leurs neveux et nièces et les descendants de ceux-ci, la holding réinvestissant ses revenus et ses plus- values non distribués';

Considérant que la société ajoute qu’ils souhaitent créer un trust «'de la plus grande flexibilité'» et qu’ils envisagent d’avoir recours au «'Trust anglo-saxon et plus précisément au Trust de Jersey'»';

Considérant qu’il résulte des termes employés que l’élaboration du schéma du trust était déjà bien avancée lorsque la société a été consultée';

Considérant qu’avant de procéder à une analyse juridique et à une analyse fiscale, la société poursuit «'c 'est dans l’optique décrite ci-dessus qu’a été conçu le « C Trust » dont le projet nous a été communiqué et dont vous nous avez demandé d’examiner les aspects juridiques et fiscaux'»';

Considérant qu’il ressort de ces termes, dénués de toute ambigüité, que la société d’avocats Ernst & Young a reçu un projet et a été chargée uniquement d’examiner ses aspects juridiques et fiscaux';

Considérant que les époux X n’ont pas contesté ces énoncés';

Considérant que M. et Mme X doivent donc démontrer que l’intimée «'a conçu et promu'» ce schéma structurel’ou qu’elle a été chargée, selon leurs termes, de procéder à l’étude, générale, d’un «'schéma d’optimisation fiscale'» ;

Considérant que, comme le fait remarquer la société, il apparaît contradictoire de lui demander son opinion sur un projet qu’elle aurait elle-même conçu et, donc, recommandé';

Considérant que les époux ne versent aux débats aucune pièce d’où il résulterait que la société a été chargée d’élaborer un schéma général «'d’optimisation fiscale'» ou de concevoir à leur intention un projet structuré';

Considérant que l’attestation de M. Z selon laquelle l’opération a été «'conçue et exécutée par E &Y'» n’est corroborée par aucun document'; qu’elle ne peut remettre en cause les termes, dépourvus d’ambiguïté sur son objet, de la consultation rédigée le 1 er décembre 1999';

Considérant qu’il ne peut s’inférer de la seule technicité du produit qu’il a été conçu par la société intimée';

Considérant que, comme l’a considéré le tribunal, la société d’avocats Ernst & Young n’a donc pas été consultée afin « de réfléchir et de leur proposer le meilleur schéma possible » mais sur les seuls aspects juridiques et fiscaux de l’opération trustale dont le choix avait été fait par les époux X qui lui ont communiqué un projet dont ils lui ont demandé «'d’examiner les aspects juridiques et fiscaux'»';

Sur les fautes reprochées à la société d’avocats Ernst & Young

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable, que l’obligation de conseil qui pèse sur l’avocat lui impose d’analyser les éléments de droit et de fait qui commandent les avis qui sont demandés et que l’absence de vérification d’un élément dont dépend la solution du problème qui lui est soumis caractérise un manquement à son devoir de conseil';

Considérant que l’avocat, conseiller juridique et fiscal, est tenu d’une obligation particulière d’information vis-à-vis de son client qui comporte le devoir de s’informer de l’ensemble des conditions de l’opération pour laquelle son concours est demandé';

Considérant que son devoir de conseil s’exerce dans la limite de la mission qui lui a été confiée';

Considérant qu’en l’espèce, le mandat confié par les époux X à la société Ernst & Young était d’émettre un avis sur les aspects juridiques et fiscaux du projet qui lui a été transmis par ses mandants';

Considérant qu’il ne ressort d’aucun élément que la société d’avocats Ernst & Young est le rédacteur des actes ultérieurs soit de l’acte ayant fondé la société Julius et Perle Ltd ou de la charte du trust Julius et Perle'; que les pièces produites ne démontrent pas davantage qu’elle a été impliquée dans la mise en 'uvre du montage lui-même';

Considérant que sa responsabilité doit donc être examinée au seul regard de l’opinion émise par elle sur les aspects juridiques et fiscaux du projet transmis par les époux';

Considérant que celui-ci a été mis en 'uvre'; que la société intimée n’allègue pas que le montage réalisé est différent de celui qu’elle a analysé':

Considérant que l’administration fiscale a estimé que la convention de cession temporaire d’usufruit des titres PPR, qui donne ouverture à des droits d’enregistrement moins élevés, présentait un caractère fictif et était constitutive d’un abus de droit au sens des dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales';

Considérant qu’elle a considéré que cette cession d’usufruit lui était inopposable et donc que les époux X avaient conservé la pleine propriété de ces titres';

Considérant que les juridictions saisies ont rejeté les contestations émises par M. et Mme X';

Considérant que la responsabilité de la société d’avocats Ernst & Young ne peut être engagée qu’au titre d’un manquement à son devoir de conseil- incluant l’obligation de déconseiller l’opération- qui est une obligation de moyen et non de résultat';

Considérant que la société affirme notamment, dans son analyse juridique, que la faculté de prêt ne dénature en rien la structure trustale, qu’il ne peut y avoir d’abus de droit, que le dessaisissement n’est pas fictif et qu’il n’est pas provisoire mais définitif'; que, dans son analyse fiscale, elle déclare que les époux ne seront pas redevables de l’ISF sur les biens trustaux et pas imposables en France, au titre de l’impôt sur le revenu, sur les résultats du trust et de sa holding';

Considérant, par conséquent, que si elle a procédé à une analyse juridique et fiscale du projet, elle s’est montrée particulièrement affirmative, comme l’a relevé le tribunal, sur les conséquences du montage envisagé tant sur l’incidence du prêt que les époux X étaient susceptibles de contracter auprès du trust, dont il est rappelé dans l’avis qu’il ne le dénature pas, que sur le caractère irrévocable de ce trust et sur l’absence de caractère fictif de celui-ci';

Considérant qu’elle critique même «'certains praticiens'» qui «'font montre d’une certaine frilosité'» en craignant que l’administration ne cherche à démontrer que la dépossession est fictive’et qualifie, sans la moindre réserve, cette crainte de non fondée';

Considérant qu’elle reconnaît elle-même dans ses conclusions que son raisonnement juridique était étayé au regard de dispositions très limitées existant en matière de trust';

Considérant que M. N O-P, notaire, relate qu’en 1996, le trust était un sujet nouveau, complexe et source d’incertitudes'; qu’il n’est nullement démontré que tel n’était plus le cas en 1999';

Considérant qu’elle devait donc assortir ses conseils de réserves si elle estimait ne pas être en possession des éléments d’appréciation suffisants et indiquer que son analyse était soumise à un certain aléa'; que les seules réserves émises ont trait à l’évolution éventuelle de la législation ;

Considérant que le défaut de prudence dans la formulation de son avis tant sur le plan juridique que fiscal excluant tout risque encouru par le montage sur lequel elle était consultée caractérise un manquement au devoir de conseil de la société d’avocats';

Considérant que ce défaut de prudence est d’autant plus avéré que son analyse elle-même était erronée nonobstant le ton particulièrement assuré de M. B-qui n’était plus employé par l’intimée- dans une réponse à l’administration fiscale';

Considérant que les diverses décisions prononcées ont donné raison à l’administration et, donc, considéré que l’analyse de la société n’était pas pertinente';

Considérant que ces décisions ne sont pas motivées par une évolution de la législation';

Considérant que, fondées sur les dispositions en vigueur au jour de la consultation, elles démontrent que la société a commis des erreurs dans son analyse qui ont conduit à l’imposition pratiquée';

Considérant que, formulée sans réserve, la consultation rédigée le 1 er décembre 1999 caractérise donc des manquements de la société Ernst & Young à son obligation de conseil';

Considérant, en outre, que la société, interrogée quelques jours plus tard par les époux, a «'confirmé'», dans une lettre du 6 décembre, que ses opinions et analyses contenues dans sa lettre précitée engageaient sa «'responsabilité professionnelle'» sauf en ce qui concerne son sentiment sur l’évolution de la législation';

Considérant, ainsi, que la société a réitéré que sa responsabilité était engagée au titre de ses analyses, dépourvues de toute réserve, sur la faisabilité de l’opération'; qu’un tel courrier n’a pu qu’accroître la confiance des époux et les conforter dans leur choix de la réaliser ;

Sur les conséquences

Considérant qu’en manquant à son devoir de conseil, la société n’a pas mis en mesure M. et Mme X de prendre une décision totalement éclairée au mieux de leurs intérêts';

Considérant qu’ils ont ainsi perdu une chance de ne pas recourir, dans ces conditions, à un trust et,

donc, de ne pas devoir supporter des intérêts de retard et des pénalités';

Considérant que cette perte de chance doit s’apprécier au regard de la finalité du projet des époux';

Considérant que les époux entendaient, selon les termes non contestés de la lettre du 1er décembre 1999, «'constituer dans l’intérêt des bénéficiaires un patrimoine à l’abri des revers de fortune éventuels en en confiant la propriété, la possession et la gestion aux trustees'»'; qu’il s’agissait donc d’un objectif présenté comme patrimonial'; que le schéma validé par la société ne doit pas, toutefois, les exposer à des redressements fiscaux';

Considérant que, mieux conseillés et mis en garde contre les aléas fiscaux du montage envisagé tant au titre de l’imposition sur le revenu que sur la fortune, ils auraient pu faire le choix de soumettre ces titres à l’impôt malgré l’existence du trust';

Considérant que la faute commise leur a fait perdre une chance de décider de déclarer ces sommes à l’administration fiscale et, ainsi, d’éviter d’avoir à supporter les majorations et intérêts notifiés par l’administration';

Considérant qu’au regard de leur choix de s’adresser à un spécialiste réputé et promouvant le recours aux trusts afin que celui-ci examine les aspects juridiques et fiscaux de leur projet et du but alors poursuivi selon cette consultation cette perte de chance sera évaluée à 50%';

Considérant que, compte tenu du montant des majorations et pénalités acquittées, il leur sera alloué une somme de 4.959.843 euros';

Considérant qu’il incombe aux époux, s’agissant du deuxième poste de préjudice invoqué, de rapporter la preuve que cette faute leur a également fait perdre, à tout le moins, une chance d’optimiser leur fiscalité soit de recourir à un montage plus efficace';

Considérant qu’ils doivent donc établir qu’il existait alors, comme ils le prétendent, un procédé leur permettant de recourir à un trust sans qu’ils aient à s’acquitter de l’imposition principale';

Considérant que leur rappel des fautes commises par l’intimée ne suffit pas à démontrer cette alternative';

Considérant qu’ils établissent qu’il était possible, selon des conseils situés à Jersey, au regard de la loi de Jersey, de procéder à un transfert direct de l’usufruit au trustee du trust';

Considérant qu’ils ne versent toutefois pas aux débats de document ou d’étude établissant que ce transfert et/ou l’absence de recours au prêt selon les modalités arrêtées leur auraient permis d’échapper à l’imposition principale';

Considérant qu’ils ne se prévalent pas d’autres montages- juridiquement admissibles- leur permettant d’échapper à l’impôt';

Considérant qu’ils ne rapportent donc pas la preuve que d’autres schémas, conformes à l’objectif mentionné dans la consultation, leur auraient permis d’échapper à l’impôt';

Considérant que leur demande d’indemnisation du préjudice causé par la perte d’une chance «'d’optimiser'» leur fiscalité sera donc rejetée';

Considérant que M. et Mme X ont dû faire face à des contentieux puis à des procédures- dues aux fautes de l’intimée- qui leur ont causé d’incontestables désagréments'; qu’ils ont dû nantir une partie de leur patrimoine';

Considérant qu’ils ont donc subi pendant de nombreuses années un préjudice moral justifiant le paiement d’une somme de 25.000 euros’étant précisé qu’ils ne démontrent pas que le nouveau contrôle auquel ils ont été soumis est imputable à la faute de la société ;

Considérant qu’il leur sera alloué la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, le jugement étant confirmé de ce chef'; que, compte tenu du sens de la présente décision, la demande aux mêmes fins de la société intimée sera rejetée';

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;

INFIRME le jugement en ce qu’il a condamné la société d’avocats Ernst & Young à payer à M. et Mme X la somme de 2.975.905 euros à titre de dommages-intérêts et rejeté la totalité des autres demandes de ceux-ci,

Statuant à nouveau de ces chefs':

CONDAMNE la société d’avocats Ernst & Young à payer à M. et Mme X la somme de 4.959.843 euros à titre de dommages-intérêts,

CONDAMNE la société d’avocats Ernst & Young à payer à M. et Mme X la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

Y ajoutant':

CONDAMNE la société d’avocats Ernst & Young à payer à M. et Mme X la somme de 10.000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toutes autres demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la société d’avocats Ernst & Young aux dépens,

AUTORISE la Selarl K L, agissant par Maître K L, avocat à recouvrer directement à son encontre les dépens qu’elle a exposés sans avoir eu provision ;

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 10 décembre 2019, n° 18/03753