Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 14 novembre 2019, n° 19/00720

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 14 nov. 2019, n° 19/00720
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/00720
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 25 décembre 2018, N° 2010F04668
Dispositif : Prononce la nullité de l'assignation

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 00A

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 NOVEMBRE 2019

N° RG 19/00720 – N° Portalis DBV3-V-B7D-S5YT

AFFAIRE :

SAS Z MEDITERRANEE prise en la personne de son représentant légal domicilié aud

it siège en cette qualité

C/

SA ENGIE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Décembre 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2010F04668

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY,

Me B C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS Z MEDITERRANEE

N° SIRET : 421 17 4 0 38

[…]

[…]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 19049

Représentant : Me Eric TEYNIER de la SELAS TEYNIER PIC, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J053 -

SAS Z A

N° SIRET : 444 57 4 0 08

[…]

[…]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 19049

Représentant : Me Eric TEYNIER de la SELAS TEYNIER PIC, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J053 -

SNC Z D

N° SIRET : 378 72 0 3 73

[…]

[…]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 19049

Représentant : Me Eric TEYNIER de la SELAS TEYNIER PIC, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J053 -

APPELANTES

****************

SA ENGIE

N° SIRET : 542 10 7 6 51

[…]

[…]

Représentant : Me B C de l’AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20190118 – Représentant : Me Laurent JAEGER du PARTNERSHIPS KING & SPALDING INTERNATIONAL LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0134 par Me ATLAN

SAS ENGIE THERMIQUE FRANCE

[…]

[…]

Représentant : Me B C de l’AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20190118 – Représentant : Me Laurent JAEGER du PARTNERSHIPS KING & SPALDING INTERNATIONAL LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0134 par Me ATLAN

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Septembre 2019, Madame Thérèse ANDRIEU, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur X Y, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

FAITS ET PROCEDURE

Un litige a opposé les sociétés Engie anciennement dénommée GDF Suez et la société Engie Thermique

France anciennement dénommée GDF Suez Thermique France 2 aux sociétés Z devant le tribunal

de commerce de Nanterre.

Le délibéré était prévu le 5 juin 2018.

Par jugement du 13 juillet 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a ordonné la réouverture des débats

après avoir constaté que les rapports d’experts dans les dossiers de plaidoirie ne contenaient pas l’intégralité

des annexes permettant au tribunal de se déterminer sur les montants énoncés dans chaque rapport aux fins

d’envisager la nomination d’un expert afin d’être éclairé sur la détermination des préjudices invoqués par

chaque partie.

Le tribunal de commerce a renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoirie du 28 septembre 2018.

L’affaire a été mise en délibéré au 26 décembre 2018.

Par jugement du 26 décembre 2018, le tribunal de commerce a ordonné la réouverture des débats entre les

mêmes parties devant la 2e chambre du tribunal de commerce et renvoyé l’affaire à une audience de

procédure du 6 février 2019.

Les sociétés Z ont découvert sur un site internet intitulé 'Doctrine’ que dans ce même contentieux

pour lequel un jugement de réouverture des débats avait été rendu, un jugement daté du 5 juin 2018 avait été

diffusé.

Elles ont déposé une requête en suspicion légitime le 11 décembre 2018 devant le premier président de la cour

d’appel de Versailles lequel par ordonnance du 11 décembre 2018 la déclarait irrecevable au motif qu’elle était

intervenue après la clôture des débats.

Les sociétés Z ont constaté suite à une mesure d’instruction autorisée par ordonnance du président

du tribunal de commerce de Bobigny du 21 novembre 2018 diligentée au siège de la société éditrice de la base

de données 'doctrine', que la 'copie’ du jugement daté du 5 juin 2018 diffusée sur le site internet de la société

correspondait à un jugement du même jour daté, paraphé et signé du président et du greffier du tribunal de

commerce de Nanterre.

Par déclaration d’appel du 31 janvier 2019, les sociétés Z ont formé un appel nullité pour excès de

pouvoir du jugement du 13 juillet 2018.

L’appel a été enrôlé sous le n° 19/0718.

Par déclaration d’appel du 31 janvier 2019, elles ont interjeté appel nullité pour excès de pouvoir du jugement

du 26 décembre 2018.

L’appel a été enrôlé sous le n° 19/00720.

La jonction puis la disjonction des deux procédures ont été successivement ordonnées.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions n° 2 notifiées le 3 juillet 2019 les sociétés Z ont demandé à la cour de :

— déclarer recevable et bien fondé l’appel-nullité formé par les sociétés Z Méditerranée,

Z A et Z D contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de

Nanterre le 26 décembre 2018 alors que cette juridiction avait déjà épuisé sa saisine ;

Par conséquent,

— déclarer nul le jugement du 26 décembre 2018 rendu par le tribunal de commerce de Nanterre pour excès de

pouvoir, au regard de son dessaisissement résultant du jugement revêtu de l’autorité de la chose jugée

prononcé le 5 juin 2018 par la même juridiction, pour la même cause et entre les mêmes parties ;

— déclarer irrecevables et en tout état de cause mal fondées les sociétés Engie et Engie Thermique France en

l’ensemble de leurs demandes et les en débouter ;

— condamner les sociétés Engie et Engie Thermique France à verser aux sociétés Z méditerranée,

Z A et Z D la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code

de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction sera ordonnée au profit de Maître Debray

conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

Par conclusions notifiées le 1er août 2019, les sociétés Engie et Engie Thermique France ont prié la cour de

:

A titre principal,

— Dire et juger que les jugements du tribunal de commerce de Nanterre des 13 juillet et 26 décembre 2018, se

bornant à rouvrir les débats, sont des mesures d’administration judiciaire, n’affectant nullement les droits des

sociétés Arcelor,

— En conséquence,

— déclarer irrecevables les appels-nullité formés par les sociétés Arcelor à l’encontre des jugements du tribunal

de commerce de Nanterre des 13 juillet et 26 décembre 2018,

A titre subsidiaire,

— Constater que les sociétés Engie s’en rapportent à la sagesse de la cour pour apprécier la nature du document

émis par la 5 ème chambre du tribunal de commerce de Nanterre le 5 juin 2018,

En tout état de cause,

— Condamner les sociétés Arcelor à verser aux sociétés Engie une somme de 4.000 euros chacune, soit 12.000

euros au total, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner les sociétés Arcelor aux entiers dépens dont le recouvrement sera effectué, pour ceux la

concernant, par l’aarpi jrf avocats, prise en la personne de Maître B C conformément aux

dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le ministère public a émis un avis le 13 septembre 2019 lequel a été régulièrement communiqué aux conseils

des parties.

L’ordonnance de clôture du 5 septembre 2019 a été révoquée puis prononcée le 17 septembre 2019.

SUR CE, LA COUR

Les sociétés Z concluent à la nullité du jugement du 26 décembre 2018 pour excès de pouvoir.

Elles font valoir que le jugement du 5 juin 2018 comporte l’ensemble des mentions qui figurent aux articles

453 à 457 du code de procédure civile , que le jugement est paraphé, daté et signé du président et du greffier,

que la mention de mise à disposition au greffe fait preuve jusqu’à inscription de faux, que la publicité faite par

l’accès au public du jugement suffit à caractériser son prononcé.

Elles précisent que l’absence de formule exécutoire apposée sur le jugement n’est pas une cause de nullité du

jugement puisque cette formule constitue seulement l’une des conditions d’exécution de la décision, que le

jugement dépourvu de formule exécutoire n’en demeure pas moins valable.

Elles en concluent que tous les effets dévolus au jugement sur le fond doivent être attribués à la décision du 5

juin 2018 avec deux effets principaux, l’autorité de la chose jugée et le dessaisissement du juge qui l’a rendue.

Elles en tirent pour conséquence que la décision du 26 décembre 2018 est constitutive d’un excès de pouvoir

en violation notamment des dispositions de l’article 481 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elles relèvent que la décision du 26 décembre 2018 n’est pas une mesure d’administration

judiciaire insusceptible d’appel comme le soutiennent les sociétés Engie, car cette décision affecte les droits

des parties et leur fait grief, ayant été rendue après le dessaisissement du tribunal et remettant en cause

l’autorité de la chose jugée.

En réplique, les sociétés Engie entendent rappeler que la décision de réouverture des débats est une mesure

d’administration judiciaire qui n’affecte pas les droits des parties et que dès lors elle est insusceptible d’appel,

qu’elle n’a pas à être motivée, l’appel nullité interjeté par les sociétés Z étant donc irrecevable.

Elles estiment qu’il ne suffit pas que les droits d’une partie soient simplement affectés pour retirer à la décision

sa qualification de mesure d’administration judiciaire, encore faut-il que le grief soit 'suffisamment important

pour justifier l’existence d’un recours'.

Elles considèrent que les sociétés Arcelor ne peuvent raisonnablement prétendre que les mesures de

réouverture auraient une incidence sur le fond en ce qu’elles permettraient au tribunal de se prononcer à

nouveau sur un litige qui a déjà fait l’objet d’un jugement valable dans la mesure où elles demandent à la

deuxième chambre du tribunal de commerce de Nanterre de se dessaisir au motif qu’un jugement a été rendu

le 5 juin 2018, la société Engie ayant déclaré s’en rapporter à l’appréciation du tribunal.

A titre très subsidiaire, elles font valoir que si la cour devait déclarer l’appel nullité recevable , il est étonnant

que les sociétés Z n’ aient pas interjeté appel du jugement du 5 juin 2018.

Sur ce

Les sociétés Engie soulèvent l’irrecevabilité de l’appel nullité au motif que le jugement du 26 décembre 2018

qui est une mesure d’administration judiciaire, est visé par l’appel alors qu’il ne peut l’être en application des

dispositions de l’article 537 du code de procédure civile, les mesures d’administration judiciaire n’étant

susceptibles d’aucun recours.

Si en effet l’appel-nullité pour excès de pouvoir prévu au cas d’interdiction de tout recours est écarté pour les

mesures d’administration judiciaire, c’est parce-que celles-ci sont sans incidence sur le lien juridique d’instance

qui se poursuit.

A titre liminaire, il convient d’analyser la portée et la valeur du jugement du 5 juin 2018, objet du débat, les

sociétés Engie s’en remettant à cet égard à l’appréciation de la cour et si celui-ci est retenu comme étant revêtu

de l’autorité de la chose jugée, d’apprécier quelle en est la conséquence sur le lien juridique d’instance.

Les articles 450 à 457 du code de procédure civile définissent les règles concernant le jugement.

Si le président décide de renvoyer le prononcé du jugement à une date ultérieure, le président en avise les

parties par tout moyen. Cet avis comporte les motifs de la prorogation ainsi que la nouvelle date à laquelle la

décision sera rendue.

En l’espèce, le greffe du tribunal de commerce de Nanterre le 4 juin 2018 dit avoir informé les parties de la

prorogation du délibéré au 13 juillet 2018.

Cependant une décision datée du 5 juin 2018, date du délibéré originairement fixé a été diffusée sur internet.

La date du jugement est celle à laquelle il est prononcé en audience ou par mise à disposition au greffe en

application de l’article 453 du code de procédure civile.

Le jugement litigieux est daté du 5 juin 2018 par mise à disposition au greffe, il contient toutes les mentions

prescrites à l’article 454 du code de procédure civile, il expose les prétentions respectives des parties et leurs

moyens. Il est motivé et énonce la décision sous forme de dispositif.

Le jugement du 5 juin 2018 qui peut être établi sur support papier ou électronique est signé par le président et

le greffier et paraphé à toutes les pages.

Dès lors, le jugement du 5 juin 2018 revêt la force probante d’un acte authentique sachant que les sociétés

Engie n’en soulèvent aucunement la nullité.

Chacune des parties en application de l’article 465 du code de procédure civile a la faculté de se faire délivrer

une expédition revêtue de la formule exécutoire et ce aux fins d’exécution de la décision mais l’absence de

celle-ci n’est pas nécessaire à la validité du jugement.

Le jugement du 5 juin 2018 daté et signé par le président et le greffier qui a tranché dans son dispositif le

principal ayant prononcé des condamnations et rejeté certaines demandes est revêtu de l’autorité de la chose

jugée relativement à la contestation qu’il a tranchée en application de l’article 480 du code de procédure civile.

Il a été prononcé par mise à disposition au greffe, de sorte qu’il a été porté à la connaissance du public, la

mention étant indiquée dans le jugement du 5 juin 2018 lequel a en outre été diffusé sur un site internet de

doctrine et ce pendant plusieurs mois.

Par le jugement du 5 juin 2018 revêtu de l’autorité de la chose jugée, le tribunal de commerce de Nanterre a

ainsi vidé sa saisine, plus aucun lien juridique d’instance ne se poursuivant entre les parties.

Dès lors, la mesure de réouverture des débats fut-elle d’administration judiciaire ne pouvait être rendue , le

tribunal de commerce étant dessaisi du contentieux opposant les parties en ayant tranché la contestation en

application de l’article 481 du code de procédure civile.

En statuant à nouveau dans le même contentieux opposant les mêmes parties alors qu’il en était dessaisi , le

tribunal de commerce a méconnu et outrepassé ses pouvoirs de sorte que l’appel-nullité pour excès de pouvoir

est recevable et bien fondé.

Au surplus, il convient de remarquer que la décision d’administration judiciaire a ainsi causé grief aux parties,

le seul fait pour les sociétés Z d’avoir saisi le tribunal de commerce d’une demande de

dessaisissement n’étant pas suffisante à le réparer, l’issue en étant incertaine en tout état de cause.

En conséquence il convient de déclarer recevable et bien fondé l’appel-nullité interjeté par les sociétés

Z de la décision de réouverture des débats du 26 décembre 2018 qui a fait suite à celle du 13

juillet 2018 et de prononcer la nullité du jugement du 26 décembre 2018 rendu par le tribunal de commerce de

Nanterre.

Sur les autres demandes

Les sociétés Engie sont condamnées aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct en application des

dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et condamnées à verser aux société Z la

somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Déclare recevable et bien fondé l’appel nullité formé par les sociétés Z Méditerranée,

Z A et Z D à l’encontre du jugement du 26 décembre 2018 rendu par

le tribunal de commerce de Nanterre,

En conséquence,

Prononce la nullité pour excès de pouvoir du jugement du 26 décembre 2018 rendu par la tribunal de

commerce de Nanterre,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne les sociétés Engie et Engie Thermique France aux dépens d’appel avec droit de recouvrement

direct,

Condamne les sociétés Engie et Engie Thermique France à verser aux sociétés Z Méditerranée,

Z A et Z D à verser la somme de 5000 en application des dispositions

de l’article 700 du code de procédure civile..

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure

civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de

la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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