Cour d'appel de Versailles, 20e chambre, 23 avril 2020, n° 20/00137

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 20e ch., 23 avr. 2020, n° 20/00137
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/00137
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Code nac : 00A

minute N°

N° RG 20/00137 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T2SN

NATURE : A.E.P.

Du 23 AVRIL 2020

Copies exécutoires

délivrées le :

à :

SARL SHANA

SELARL AJASSOCIES

SELARL JSA

Me Sophie CORMARY,

M. X

Me Yoann SIBILLE,

ORDONNANCE DE REFERE

LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT

a été rendue, par mise à disposition au greffe, l’ordonnance dont la teneur suit après débats et audition des parties à l’audience publique du 02 Avril 2020 où nous étions assisté de Marie-Line PETILLAT, greffier, où le prononcé de la décision a été renvoyé à ce jour :

ENTRE :

SARL SHANA

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[…]

78600 MAISONS-LAFFITTE

SELARL AJASSOCIES prise en la personne Maître F E Administrateur judiciaire de la SARL SHANA

[…]

[…]

SELARL JSA prise en la personne de Me C D en sa qualité de mandataire judiciaire de la société SHANA

[…]

[…]

Représentées par Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, substituée par Me DELAUNAY avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98

DEMANDEURS

ET :

Monsieur B X

[…]

[…]

Représenté par Me Yoann SIBILLE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 664

DEFENDEUR

Nous, Isabelle CHESNOT, Président de chambre, à la cour d’appel de VERSAILLES, statuant en matière de référé à ce déléguée par ordonnance de monsieur le premier président de ladite cour, assisté(e) de Marie-Line PETILLAT, greffier.

Par jugement rendu le 12 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye a condamné la SARL Shana à payer à M. B X la somme totale de 62 890,50 euros avec intérêts à la suite de la rupture de son contrat de travail en qualité de chef de cuisine, outre la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, y compris les frais d’exécution du jugement.

Le conseil des prud’hommes a ordonné l’exécution provisoire totale de la décision sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile.

M. X a fait appel de cette décision le 15 janvier 2020.

Elle a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 30 janvier 2020.

Par acte en date du 17 mars 2020, la SARL Shana, la SELARL JSA prise en la personne de Maître C D en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Shana et la SELARL AJAssociés prise en la personne de Maître E F en qualité d’administrateur judiciaire de la société Shana ont fait assigner M. X sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile devant le premier président de la cour d’appel de Paris afin d’obtenir la suspension de l’exécution provisoire du jugement précité, sollicitant en outre que les dépens soient réservés pour suivre ceux de l’instance au fond.

A l’audience du 2 avril 2020, les requérants font demander le bénéfice de leur assignation et soutenir ce qui suit :

— la société Shana exploite le restaurant 'Les jardins de la vieille fontaine’ à Maisons-Lafitte ; M. Z, son gérant, a confié la responsabilité du fonctionnement quotidien du restaurant à Mme A ; cette gestion s’est avérée désastreuse et le fonds de commerce qui dégageait un bénéfice de 130 500 euros en 2010, a accusé des pertes de plus en plus importantes à partir de 2013 ; après que M. Z ait demandé des comptes à Mme A, cette dernière ainsi que trois autres salariés, dont M. X, ont pris acte de la rupture de leurs contrats de travail par courriers des 29 et 30 novembre 2017 ;

— ces salariés ont saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye et par jugements des 1er octobre et 12 décembre 2019, ils ont obtenu la condamnation de la société Shana à leur verser une somme totale s’élevant à plus de 310 000 euros ;

— si, à compter de l’exercice 2018, la société est revenue in bonis, le montant des condamnations est supérieur à l’actif disponible ; les salariés ayant engagé des mesures d’exécution des jugements, la société s’est retrouvée en état de cessation des paiements ;

— le conseil des prud’hommes a violé les dispositions de l’article 12 du code de procédure civile en accordant à M. X une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors que des dommages et intérêts n’étaient demandés qu’au titre de la requalification pour licenciement nul ;

— le versement des sommes mises à sa charge par le conseil des prud’hommes serait de nature à engendrer pour elle des difficultés financières insurmontables et irréparables en entraînant la conversion immédiate du redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

M. X fait reprendre oralement ses écritures déposées à l’audience et demande, à titre principal, que la société Shana soit déboutée de ses demandes et que la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile soit fixée au passif de la société Shana.

Il fait valoir ce qui suit

— les conditions de travail au sein du restaurant 'Les jardins de la vieille fontaine’ étaient très dégradées et ont entraîné la décision de quatre salariés, dont lui, de prendre acte de la rupture de leurs contrats de travail aux torts exclusifs de l’employeur à compter du 29 novembre 2017 ;

— il a saisi le conseil des prud’hommes aux fins de voir requalifier sa prise d’acte en licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;

— il n’y a pas eu violation de l’article 12 du code de procédure civile puisque lors de l’audience de jugement, il a bien formulé une demande subsidiaire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; par ailleurs, une telle violation ne serait établie qu’en cas d’erreur flagrante de droit, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

— la charge de la preuve d’un péril la menaçant revient à la société Shana ; or, celle-ci ne verse pas aux débats ses comptes complets ; elle a réalisé un chiffre d’affaires de 950 000 euros en 2019, soit une très nette hausse de 43% en un an ; elle dispose d’un actif de 859 434 euros lui permettant de faire face à son passif exigible de 349 134 euros et au paiement des indemnité dues en exécution provisoire de droit du jugement ;

— l’exécution provisoire de droit est couverte par l’AGS, qui sera saisie selon échanges de courriels en date du 3 mars 2020.

Sur demande formulée par le magistrat délégataire du premier président portant sur la possibilité de cantonner l’exécution provisoire à un certain montant, les requérants n’ont pas répondu et M. X a déclaré ne pas y être opposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article 524, dernier alinéa, du code de procédure civile, le premier président peut arrêter l’exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe de la contradiction ou de l’article 12 du code de procédure civile et lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ces conditions sont cumulatives.

Lorsque l’exécution provisoire n’est pas de droit, seule la condition des conséquences manifestement excessives doit être établie par le requérant à la suspension (article 524 premier alinéa, 2°).

Les conséquences manifestement excessives s’apprécient notamment par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire.

Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.

Le simple fait que le débiteur soit en redressement judiciaire ne suffit pas à démontrer son insolvabilité.

Or, en l’espèce, la société Shana et les organes du redressement judiciaire ne produisent pas aux débats les éléments, notamment comptables, permettant d’apprécier la situation financière actuelle, soit au jour de l’audience, de la société.

En effet, il ressort du jugement de redressement judiciaire en date du 30 janvier 2020 que la société Shana a dégagé un chiffre d’affaires de 950 000 euros hors taxes pour le dernier exercice, que le passif exigible est de 349 134 euros pour un actif disponible de 859 434 euros et que l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire est due au paiement exigé en exécution des jugements rendus par le conseil des prud’hommes. Toutefois, il n’est prouvé aucune autre difficulté particulière de trésorerie alors qu’au surplus, il n’est pas contesté que la société peut solliciter l’intervention de l’assurance de garantie des salaires (AGS) susceptible d’avancer aux salariés les sommes établies par une décision de justice exécutoire de droit.

Dans ces conditions, les requérants, qui ne produisent aucun document comptable récent, n’établissent pas que la société encourt un risque réel de liquidation judiciaire et par conséquent que l’exécution provisoire du jugement rendu par le conseil des prud’hommes au bénéfice de M. X entraîne pour elle des conséquences manifestement excessives.

Les demanderesses doivent donc être déboutées de leur demande de suspension de l’exécution provisoire sans qu’il soit besoin, s’agissant de l’exécution provisoire de droit applicable en l’espèce sur une partie des condamnations en vertu des articles R.1454-28 et R.1454-14 du code du travail, d’examiner la seconde condition requise par l’article 524 dernier alinéa, précité.

Il n’est toutefois pas inutile de rappeler que l’exécution d’une décision de justice exécutoire à titre provisoire n’a lieu qu’aux risques de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d’en réparer les conséquences dommageables.

L’équité commande de décharger la partie défenderesse des frais non répétibles qu’elle s’est trouvée contrainte d’exposer. Il lui sera alloué la somme de 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Afin de rester dans les limites de la demande, cette somme sera fixée au passif de la société Shana en redressement judiciaire.

Les requérantes, parties perdantes, doivent supporter la charge des dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire,

Rejetons la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 12 décembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye ;

Fixons au passif de la SARL Shana et au bénéfice de M. B X la somme de 300 euros accordée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons in solidum la SARL Shana, la SELARL JSA prise en la personne de Maître C D en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Shana et la SELARL AJAssociés prise en la personne de Maître E F en qualité d’administrateur judiciaire de la société Shana aux dépens.

Prononcée par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

ET ONT SIGNÉ LA PRÉSENTE ORDONNANCE

Isabelle CHESNOT, Président

Marie-Line PETILLAT, Greffier

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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