Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 16 juillet 2020, n° 19/00439

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 16 juill. 2020, n° 19/00439
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/00439
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Versailles, 3 décembre 2018, N° 17/00475
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 29A

DU 16 JUILLET 2020

N° RG 19/00439

N° Portalis DBV3-V-B7D-S5B6

AFFAIRE :

E K A

C/

F M N A

C X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES 1ÈRE CHAMBRE

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 17/00475

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me G BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE,

— Me Philippe CHATEAUNEUF

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE JUILLET DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant qui a été prorogé le 07 juillet 2020, les parties en ayant été avisées dans l’affaire entre :

Monsieur E K A

né le […] à CLERMONT-FERRAND (63000)

de nationalité Française

[…]

64500 SAINT-JEAN-DE-LUZ

représenté par Me G BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 392 – N° du dossier A

Me G ESPLAS, avocat – barreau de TOULOUSE, vestiaire : 128

APPELANT

****************

Madame F M N A

née le […] à CLERMONT-FERRAND (63000)

de nationalité Française

[…]

92500 RUEIL-MALMAISON

représentée par Me G BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 392 – N° du dossier A

Me G ESPLAS, avocat – barreau de TOULOUSE, vestiaire : 128

Madame C X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

78210 SAINT-CYR-L’ECOLE

représentée par Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat – - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643
- N° du dossier 2019014

INTIMÉES

****************

En application de l’article 8 de l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 portant, notamment, adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, il a été décidé par le président que la procédure susvisée se déroulerait sans audience.

Mme Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport, a rendu compte du dossier dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Mme F LELIEVRE, Conseiller,

Mme Nathalie LAUER, Conseiller.

Les parties en ont été avisées par le greffe le 21 avril 2020 et ces dernières ne s’y sont pas opposées dans le délai de quinze jours.

*********************************

Vu le jugement rendu le 4 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a statué ainsi :

Déboute M. E A et Mme F A de leurs demandes;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision;

Condamne M. E A et Mme F A aux dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître Philippe Chateauneuf, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;

Condamne M. E A et Mme F A à payer à Mme C X la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Vu l’appel de ce jugement interjeté par les M. E A le 20 janvier 2019,

Vu les dernières conclusions notifiées le 8 octobre 2019 par lesquelles M. E A et Mme F A demandent de :

— Réformer le jugement dont appel

— Statuant à nouveau, dire et juger que Mme C X a bénéficié de 112.332 euros de dons directs et indirects de feu M. G A prélevés sur la réserve revenant à M. E K A et Mme F M N A,

— La condamner à restituer à M. E K A et Mme F M N A la somme de 73.824,86 euros à titre de réduction représentant le dépassement de la quotité disponible,

— Condamner Mme C X aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au paiement de la somme globale de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par les concluants tant en première instance qu’en cause d’appel.

Vu les dernières conclusions notifiées le 5 novembre 2019 par Mme X qui demande de :

Vu les articles 912, 913, 918, 920, 922 et suivants du code civil,

Vu le nouvel article 1100 du code civil et la jurisprudence antérieure de la Cour de Cassation sur le devoir de conscience et l’obligation naturelle, que l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 est venue entériner,

Vu la jurisprudence relative aux libéralités rémunératoires,

Déclarer M. E A et Mme F A mal fondés en leur appel;

Les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Très subsidiairement,

Vu la jurisprudence relative à la volonté commune des concubins de partager les dépenses de la vie courante,

Dire et juger qu’il y a lieu de retrancher la somme de 28.731,92 euros du montant des sommes effectivement perçues par la concluante à titre de donations rémunératoires, lesquelles s’établissent en réalité à la somme totale de 83.600,08 euros ;

Dire et juger que les appelants ne justifient pas de la réalité de la part réservataire qu’ils revendiquent, notamment au regard des sommes dont ils ont probablement bénéficié hors succession, soit la somme de 121.986,20zuros placée par le défunt sur un contrat d’assurance-vie (Pièces n°18, 124, 125) ;

En conséquence,

Déclarer M. E A et Mme F A mal fondés en leur appel, et les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause et y ajoutant,

Vu les articles 1240 et suivants du code civil,

Condamner in solidum M. E A et Mme F A à verser à Mme X la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Condamner in solidum M. E A et Mme F A à régler à Mme X la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les mêmes aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Philippe Chateauneuf, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile .

FAITS ET PROCÉDURE

G A est décédé le […] à […] laissant pour lui succéder :

Mme H Z, son épouse dont il était séparé de biens,

Mme F A et M. E A, ses enfants issus de son mariage avec Mme Y, sa première épouse,

Mme Z a renoncé à la succession suivant déclaration au greffe du tribunal de grande instance de Versailles le 17 février 2016.

Un inventaire de succession a été dressé le 26 mars 2016 par Me Carré, notaire à Paris, faisant apparaître un actif brut de 19.623,73 euros et un passif de 16.443,59 euros, soit un actif net de 3190,14 euros.

M. E A et Mme F A ont accepté la succession dans les limites de l’actif net suivant déclaration au greffe en date du 26 avril 2016.

Le montant de l’actif a étonné les deux héritiers dans la mesure où le défunt était, de son vivant, propriétaire d’un appartement qu’il avait vendu au prix de 320 000 euros un peu plus de deux ans avant son décès.

Ils ont alors entrepris une analyse des comptes bancaires de leur père et ont, par exploit d’huissier délivré à personne le 11 janvier 2017, fait assigner Mme C X, dont la nature des liens avec G A était contestée, devant le tribunal de grande instance de Versailles, afin d’obtenir sa condamnation à leur restituer la somme de 73 824,86 euros à titre de réduction représentant le dépassement de la quotité disponible.

SUR CE , LA COUR,

Le quantum des sommes versées par G A

Au soutien de leur appel, les consorts A font valoir qu’ils ont procédé à une analyse des comptes bancaires de leur père et ont eu la surprise de constater que pour la période comprise entre le mois de janvier 2013 et le mois de janvier 2016, une valeur de plus de 92'000 € avait fait l’objet de plusieurs chèques, une valeur de plus de 20'000 € avait été retirée en espèces du compte bancaire et que d’importants rachats partiels d’assurance-vie avaient été opérés. Ils estiment qu’au bout du compte, Mme X a reçu directement ou indirectement la somme de 112'332 €, le défunt ayant payé des dépenses importantes et financé en particulier des travaux sur la maison de Mme X. Ils approuvent ainsi le tribunal d’avoir retenu que Mme X n’avait jamais contesté cet état de fait. Ils rappellent que leur réserve héréditaire représente plus de deux tiers de cette somme, soit 77'015 € de sorte que la quotité disponible dont pouvait bénéficier Mme X s’élève à 38'507,54 €.

Ils contestent par ailleurs la reconstitution de la masse de calcul de la réserve à laquelle se livre Mme X. En ce qui concerne les petites dépenses supposées se rapporter à la contribution de G A aux charges du ménage, ils font valoir que la preuve d’un concubinage notoire n’est pas rapportée pour une raison péremptoire retenue par le premier juge, à savoir que chacun avait son domicile. En ce qui concerne le placement réalisé par G A sur un contrat d’assurance-vie Cardiff à hauteur de 100'000 €, ils opposent à Mme X, en droit, le caractère par nature hors succession des assurances-vie et, en fait, le montant total de 21'986,20 € qu’ils en ont retiré.

Mme X réplique que, contrairement à ce qu’a retenu le jugement déféré, elle a bien contesté une partie des sommes prétendument perçues de G A, bon nombre des sommes visées dans le décompte des consorts A correspondant à la contribution normale de G A aux charges du ménage qu’il formait avec elle. Elle souligne que les dépenses du couple étaient réglées indifféremment par l’un ou l’autre, bien entendu proportionnellement à leurs revenus, de sorte que la carte bancaire de l’un ou de l’autre était utilisée indifféremment. C’est ainsi que selon elle, son véhicule C3 était utilisé indifféremment par l’un ou l’autre, raison pour laquelle en particulier les frais

de clé « contact » visés dans le décompte adverse résultent de la perte des clés du véhicule par G A. Elle ajoute qu’il en va de même de la machine à laver le linge qu’il lui a acheté sans même lui demander son avis. Elle observe au demeurant que les consorts A omettent volontairement de recenser sur la même période ce qu’elle a réglé elle-même dans l’intérêt de G A. Quant au rachat d’assurance-vie par le de cujus, elle estime que les consorts A ne démontrent absolument pas qu’ils lui auraient bénéficié.

Elle conteste la motivation du tribunal qui a retenu que la notion de concubinage ne pouvait être retenue dès lors que chacun avait un domicile. Elle dit en effet démontrer que G A est venu s’installer dans la maison qui jouxtait la sienne, la clôture entre les deux maisons ayant d’ailleurs été supprimée de manière à ce que les deux fonds n’en forment plus qu’un. Elle invoque des témoignages démontrant la vie de couple qu’elle entretenait avec le défunt, laquelle présentait ainsi toutes les caractéristiques du concubinage tel que défini par l’article 515-8 du code civil. Elle estime donc que le jugement mérite infirmation sur ce point.

Elle oppose également aux consorts A de ne pas justifier précisément de leur part de réserve. Elle observe à cet égard que G A a versé sur une assurance vie la somme de 100'000 €, donc hors succession, et dont le bénéficiaire est inconnu d’elle-même. Elle en déduit que cette assurance-vie doit être intégrée à la masse de calcul de la réserve héréditaire dès lors que selon elle, on ne voit pas qui d’autre pourrait avoir été désigné bénéficiaire que les enfants de G A et ce, quand bien même ces sommes sont hors succession. Elle soutient que l’article L132-13 du code des assurances vise l’hypothèse où le capital ou la rente payable au décès du contractant est versé à un bénéficiaire déterminé, ce qui peut donner lieu à une demande de réduction alors qu’en l’espèce il ne s’agit pas de cette hypothèse, l’intégration à la masse n’étant que la conséquence de l’application de l’article 922 alinéa 1 du code civil qui dispose que la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existants au décès du donateur ou testateur. Elle avance également que l’action en réduction d’héritiers réservataires ayant par ailleurs bénéficié de contrats d’assurance-vie hors succession leur garantissant le respect de leurs réserves, doit être considérée comme un abus de droit car elle remet en cause le droit du défunt à disposer librement de sa quotité disponible telle qu’elle résulte de l’article 912 du code civil. Ainsi, d’après elle la seule manière d’éviter un tel abus est d’intégrer les assurances-vie dont ont bénéficié les héritiers réservataires au calcul de la masse de tous les biens existants au décès du donateur ou du testateur.

Considérant ceci exposé que Mme X ne conteste pas la récapitulation des sommes débitées du compte de G A pour un montant total de 112'332 € ; qu’elle soutient toutefois que certaines dépenses correspondaient aux charges de la vie courante que chacun assumait proportionnellement à ses moyens en dépit de l’absence de cohabitation ; qu’elle estime le montant des dépenses représentatives des charges de la vie courante à la somme de 6 831,92 € ; qu’elle range dans cette catégorie divers travaux d’équipement, les dépenses relatives au véhicule et certaines dépenses par carte bleue ;

Considérant qu’il est amplement démontré par les pièces produites aux débats que G A et Mme X ont entretenu une vie de couple à compter de l’année 2002 ; qu’en particulier les photographies produites démontrent que G A d’un côté et Mme X et ses enfants de l’autre formaient une famille recomposée, ces photographies illustrant en particulier l’attachement du défunt aux enfants de Mme X ;

Considérant que de plus, il n’est pas contesté que G A s’est établi dans une maison jouxtant celle de Mme X ;

Considérant qu’il est ainsi établi que G A et Mme X ont entretenu une véritable communauté de vie maritale, peu important l’absence de cohabitation formelle ; que c’est donc à tort que le tribunal a considéré que la notion de concubinage ne pouvait être retenue au seul motif que chacun avait son domicile ;

Considérant que dans ces circonstances, il est acquis que certaines dépenses ne peuvent être considérées comme des libéralités au profit de Mme X ; que les dépenses d’équipement ménager, tels les travaux relatifs à la chaudière, au véhicule C3 utilisé par l’un et par l’autre, à l’achat d’un lave-linge représentent assurément des participations de G A aux charges de la vie courante ; qu’il en sera tenu compte pour déterminer, ci-après si les dépenses de G A effectuées au profit de Mme X revêtent ou non un caractère disproportionné ;

Le caractère rémunératoire de ces versements

Les consorts A indiquent ne pas nier que Mme X a bien partagé sa vie avec celle de leur père. Ils font néanmoins valoir qu’elle n’était pas dénuée d’arrière-pensées puisqu’elle a très largement profité de la situation financière de G A. Ainsi, contestent-t-ils la qualification de donation rémunératoire retenue par les premiers juges compte tenu du caractère clairement disproportionné entre les sommes reçues et des prétendus bons soins et attentions dispensés. Ils affirment en effet que contrairement à ce qu’a retenu le jugement déféré, les 112'332 € reçus par Mme X ne l’ont pas été sur une période de 10 ans, soit 120 mois, mais dans le meilleur des cas, sur une période de trois ans, soit 36 mois. Ce qui représente donc 3,5 fois plus que ce qu’a retenu le tribunal comme une valeur conforme aux services rendus et à l’assistance portée. Ils estiment en conséquence que le tribunal a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où G A consacrait ainsi plus d’argent aux largesses qu’il accordait à Mme X que le montant de la retraite qu’il percevait et alors qu’il est un fait que si la maladie le faisait souffrir, elle n’a jamais diminué ses aptitudes physiques et intellectuelles sauf naturellement les derniers mois précédant son décès. Ils prétendent que les motivations qui ont inspiré ces élans de générosité importent peu dès lors qu’elles ont abouti à un appauvrissement du patrimoine du défunt sans contrepartie raisonnablement équivalente en valeur de la part de Mme X.

Ils répliquent en outre que la jurisprudence produite par l’intimée ne présente rigoureusement aucun intérêt dès lors que dans l’espèce visée, c’est pendant plus de 15 ans que le bénéficiaire a prodigué des soins au donateur. En ce qui concerne G A, ils répondent que si un suivi et des soins lui ont été prodigués, c’est en particulier durant les derniers mois de sa maladie qui a conduit à son décès. Ils estiment donc que la thèse défendue par Mme X se trouve en complet décalage avec la réalité médicale et arithmétique du dossier.

Mme X fait valoir que G A a entendu remplir un devoir de conscience envers elle et ses enfants avant que la maladie ne l’emporte. Elle ajoute qu’il a également entendu la rémunérer de toute l’assistance et de toute l’affection au quotidien que cette nouvelle famille lui a apportées durant les 14 dernières années de sa vie. Elle soutient en réplique aux observations adverses qu’elle n’a jamais rien demandé au défunt et que c’est spontanément que ce dernier lui a apporté son aide. Elle observe que devant la cour les consorts A ne contestent plus cette aide. Elle réplique toutefois que la contestation du caractère rémunératoire de ces versements au motif qu’ils n’auraient eu lieu que sur une période de trois années et devraient donc être rapportés au mois sur une période de 36 mois ne se fonde sur aucun texte légal ni aucune jurisprudence. Elle soutient au contraire que rien ne permet d’affirmer, comme le font les consorts A, que la donation rémunératoire doit forcément intervenir durant la même période que le service rendu alors qu’au contraire une telle rémunération intervient très souvent postérieurement aux services rendus, comme un remerciement de ceux-ci. Elle en déduit que pour obtenir une évaluation mensuelle de la rémunération, ces sommes doivent au contraire être rapportées au mois sur la période durant laquelle les soins ont été prodigués. Dès lors, elle invoque les pièces du dossier lesquelles montrent clairement d’après elle que la relation a débuté en 2002-2003 alors que G A était déjà atteint par la maladie, que les liens se sont intensifiés au fil des années et que c’est en 2006 que le de cujus est venu s’installer dans la même commune qu’elle, ce qui lui a permis alors de déléguer un certain nombre de tâches quotidiennes et même une partie de ses soins médicaux dès lors qu’elle est devenue sa référente au niveau de l’hôpital. Elle conclut donc que ramener au moins sur 10 années, la rémunération dont elle a été gratifiée n’apparaît nullement excessif au regard du montant de la retraite de G A qui était

de 3 100 € par mois et de la somme perçue de 240'000 € sur la vente de son appartement.

Considérant ceci exposé que l’article 913 du code civil dispose que les libéralités soit par acte entre vifs, soit par testament ne pourront excéder la moitié des biens du disposant s’il ne laisse à son décès qu’un enfant ; le tiers s’il laisse deux enfants ; le quart s’il en laisse trois ou un plus grands nombre ;

Considérant qu’en application de l’article 922 du code civil, la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existants au décès du donateur testateur ; que les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d’après leur état à l’époque de la donation et leur valeur à l’ouverture de la succession après qu’en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant ; que si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l’époque de l’aliénation ;

Considérant qu’invoquant l’existence de donations consenties par G A au profit de Mme X, il appartient au consort A d’en rapporter la preuve, ce qui suppose d’en réunir d’une part l’élément matériel, soit la tradition de la chose et d’autre part l’élément intentionnel, c’est-à-dire l’intention libérale de G A en direction de Mme X ; que l’élément intentionnel ne saurait être déduit du seul élément matériel ;

Considérant en outre que, comme l’a dit le premier juge, les donations rémunératoires sont exclues de réduction lorsqu’elles sont effectuées en remerciement de services appréciables en argent et qu’elles équivalent à leur valeur ;

Considérant en l’espèce que c’est aux termes de justes motifs qui sont adoptés par la cour que le tribunal a retenu qu’il était suffisamment établi par les attestations produites émanant tant de l’entourage amical du de cujus lors de son vivant, que de professionnels de santé que Mme X a porté assistance à G A durant les 10 années de sa maladie en lui prodiguant des soins et en l’assistant au quotidien ;

Considérant que si les consorts A font en substance valoir que ce n’est que dans les trois dernières années de sa vie que G A a réellement eu besoin d’une telle assistance, il résulte toutefois de l’attestation de Mme B, que les 11 années de vie commune ont été très perturbées par la grave maladie de G A ; qu’il ne saurait donc être contesté que c’est tout au long de la vie commune que Mme X a porté assistance au défunt ;

Considérant qu’il est ensuite démontré que Mme X a assisté G A sur le plan médical ; que le professeur I J, chef du service d’oncologie médicale de l’hôpital européen Georges Pompidou certifie qu’elle était sa personne de confiance et assistait à toutes ses consultations ainsi qu’à ses séances de chimiothérapie ;

Considérant ainsi que les sommes versées par G A et qui ne correspondent pas aux charges de la vie courante s’analysent comme des versements pour services rendus ;

Considérant qu’elles ne sont donc susceptibles de réduction que si elles se révèlent disproportionnées aux dits services ; qu’ainsi, cette disproportion ne peut être mesurée qu’à l’aune de toute la période durant laquelle l’assistance a été portée ; qu’or, ainsi que le rappelle Mme B, c’est tout au long des 10 ans de vie commune que la relation a été très perturbée par la grave maladie de G A ; qu’il ne fait donc pas débat que celui-ci a donc eu besoin d’être assisté et entouré durant toute la vie commune, peu important que le flux des dépenses se soit intensifié dans les trois dernières années de sa vie ; qu’au contraire cette circonstance, alors qu’au cours de ces trois dernières années la maladie poursuivait son 'uvre, est de nature à corroborer l’intention rémunératoire du défunt en direction de sa concubine ;

Considérant que sur les 10 années de vie commune, c’est donc un montant total de 105'500 € qui a

été versé par G A au profit de Mme X en rémunération des services rendus et de l’assistance qu’elle lui a apportée depuis le début de sa maladie en 2002, ce qui représente une moyenne mensuelle de 879 euros, laquelle est à la mesure du service rendu et ne revêt aucun caractère excessif au regard de la retraite de 3 100 € par mois perçue par G A et de la somme de 240'000 € perçue à la vente de son appartement ;

Considérant que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes des consorts A ; qu’il n’y a donc pas lieu de se prononcer sur la masse de calcul de la réserve ;

La demande de dommages et intérêts de Mme X

Considérant qu’il n’est pas établi que, dans le cadre de ce litige successoral, les consorts A aient adopté un comportement déplacé et porté des accusations en direction de Mme X qui excèdent ce qu’autorise la vivacité du débat judiciaire ; qu’aucune faute au sens de l’article 1240 du code civil n’est donc établie à leur encontre ; que Mme X sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Les demandes accessoires

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile ; qu’en tant que partie perdante et comme telle tenue aux dépens, les consorts A seront déboutés de leur demande en cause d’appel sur ce même fondement ; qu’en revanche, l’équité ne commande pas d’en faire application au profit de Mme X qui sera donc également déboutée de sa demande en ce sens ;

Considérant que les dépens d’appel pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Versailles,

Et, y ajoutant,

DÉBOUTE Mme X de sa demande de dommages et intérêts,

DÉBOUTE les consorts A et Mme X de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE les consorts A aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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