Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 29 octobre 2020, n° 19/04641

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 3e ch., 29 oct. 2020, n° 19/04641
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/04641
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 22 mai 2019, N° 17/07819
Dispositif : Décision tranchant pour partie le principal

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 60A

3e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 29 OCTOBRE 2020

N° RG 19/04641

N° Portalis DBV3-V-B7D-TJIK

AFFAIRE :

D E épouse X

C/

J K Z

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 17/07819

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia POULIQUEN-

GOURMELON

Me Alain CLAVIER de l’ASSOCIATION ALAIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

1/ Madame D E épouse X

née le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

2/ Madame B O P X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

3/ Madame A I X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me Patricia POULIQUEN-GOURMELON, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 23

APPELANTES

****************

1/ Monsieur J K Z

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

3/ SA MMA IARD

N° SIRET : 440 048 882

[…]

[…]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

4/ MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

N° SIRET : 775 652 126

[…]

[…]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

venant aux droits de la SA COVEA FLEET

Représentant : Me Alain CLAVIER de l’ASSOCIATION ALAIN CLAVIER – ISABELLE WALIGORA – AVOCATS ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 240 – N° du dossier 193882

Représentant : Me Marc PANTALONI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0025

INTIMEES

5/ CPAM DE L’ESSONNE

[…]

[…]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMEE – Assignée à personne habilitée le 07.08.2019

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Septembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport, et Madame Caroline DERNIAUX, conseiller,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,


FAITS ET PROCÉDURE

Le 14 mars 2014 à Suresnes, F X, né le […], circulant au guidon de sa moto Kawasaki Hayabusa 1300, a été victime d’un accident mortel de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule Volkswagen conduit par M. Z, appartenant à la société Reckitt Benckiser et assuré auprès de la compagnie Covea Fleet aux droits de laquelle se trouvent aujourd’hui les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, lesquelles contestent le droit à indemnisation.

Les deux véhicules circulaient en sens inverse sur le […], lorsque M. X a chuté, glissant sur le sol, vers le véhicule de M. Z qui arrivait en sens inverse. M. X a été écrasé par le véhicule et est décédé immédiatement.

M. X laisse pour lui succéder son épouse, Mme D X, et ses deux filles, A, née le […], et B née le […].

Par actes du 18 juillet 2017, les consorts X ont assigné M. Z, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, la société Reckitt Benckiser ainsi que la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Essonne devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement du 23 mai 2019, le tribunal a :

— dit que la faute commise par M. X excluait son droit à indemnisation,

— débouté les consorts X de toutes leurs demandes,

— déclaré le jugement commun à la CPAM de l’Essonne,

— condamné les consorts X aux dépens,

— rejeté pour le surplus.

Par acte du 25 juin 2019, les consorts X ont interjeté appel et demandent à la cour, par dernières conclusions du 11 septembre 2019, de :

— juger recevables et bien fondées leurs demandes

— infirmer purement et simplement, le jugement entrepris

— constater que M. X n’avait, au moment de l’accident, plus la qualité de conducteur et qu’en l’absence de faute inexcusable, cause exclusive de l’accident, les demanderesses ont droit à la réparation intégrale de leur préjudice,

— constater au demeurant, les causes indéterminées dudit accident, permettant la réparation intégrale des préjudices subis par Mmes X.

En conséquence :

— condamner 'conjointement et solidairement’ M. Z, la société Reckitt Benckiser, et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles à payer à Mme D X la somme de 45 000 euros en réparation de son préjudice d’affection, à Mme A X celle de 45 000 euros en réparation de son préjudice d’affection et à Mme B X celle de 45 000 euros en réparation de son préjudice d’affection,

— les condamner en outre, au paiement de la somme de 3646,65 euros au titre des frais funéraires et d’obsèques

— les condamner solidairement au paiement de la somme de 80 461,05 euros en réparation de la perte de revenus par économie de Mme D X,

— les condamner solidairement à réparer le préjudice économique de Mme D X par l’allocation d’une somme de 661 300,45 euros,

— condamner les mêmes 'conjointement et solidairement’ à réparer le préjudice économique de A X par l’allocation d’une somme de 15 604,56 euros, le préjudice économique de B X par l’allocation d’une somme de 55 911,13 euros,

— les condamner solidairement à réparer le préjudice d’industrie de Mme D X à la somme globale de 93 773,05 euros,

— les condamner en outre, solidairement, au paiement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens,

— débouter M. Z, la société Reckitt Benckiser, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles de toutes demandes,

— 'ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir'.

Par dernières écritures du 4 décembre 2019, M. Z, la société Reckitt Benckiser, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles demandent à la cour de :

— les déclarer recevables et bien fondés en leurs présentes écritures.

Y faisant droit, à titre liminaire

— juger que M. X avait la qualité de conducteur au moment de l’accident survenu le 14 mars 2014.

A titre principal :

— juger que M. X a commis une faute qui est la cause exclusive de son accident,

— par conséquent, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les consorts X de l’ensemble de leurs demandes.

A titre subsidiaire :

— réduire de 50% le droit à indemnisation des ayants droit de M. X.

A titre infiniment subsidiaire, et en tout état de cause :

— cantonner les sommes qui pourraient être allouées au titre du préjudice d’affection de la manière suivante :

• 20 000 euros à Mme D X,

• 20 000 euros à Mme B X,

• 15 000 euros à Mme A X,

— juger qu’en l’absence de justificatifs de non prise en charge de la part des organismes sociaux d’une partie des frais d’obsèques, les requérantes seront déboutées de leur demande s’agissant du paiement de ce poste de préjudice,

— débouter Mme D X de sa demande d’indemnisation à hauteur de 93 773,05 euros en réparation d’un préjudice de perte de revenus par économie,

— fixer le montant du préjudice économique de Mme D X à la somme de 394 818,94 euros, sous réserve et déduction des prestations servies par les organismes sociaux,

— fixer le montant du préjudice économique de Mme A X à la somme de 18 682,80 euros, sous réserve et déduction des prestations servies par les organismes sociaux,

— fixer le montant du préjudice économique de Mme B X à la somme de 27 874,74 euros, sous réserve et déduction des prestations servies par les organismes sociaux.

En tout état de cause :

— condamner in solidum les consorts X à leur payer la somme de 5 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum les consorts X aux entiers dépens avec recouvrement direct

La CPAM de l’Essonne a régulièrement été assignée par acte du 13 septembre 2019 remis à une personne qui s’est dite habilitée à le recevoir et n’a pas constitué avocat.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2020.

SUR QUOI, LA COUR

- Sur la qualité de piéton de F X

Les consorts X soutiennent que F X n’avait plus la qualité de conducteur mais celle de piéton et en déduisent que seule sa faute inexcusable serait susceptible d’exclure le droit à indemnisation et que la preuve de cette faute fait défaut. Les consorts X font valoir qu’entre la chute de F X et le choc avec le véhicule de M. Z, une distance de 10 à 15 mètres a été parcourue par le corps de la victime.

Les intimés répliquent que le délai entre l’éjection de F X de sa moto et sa collision avec le véhicule de M. Z a été extrêmement bref et qu’il s’est agi d’un accident unique, de sorte que la victime a conservé sa qualité de conducteur.

* * *

Il est constant que F X a été éjecté de sa moto, a chuté et glissé sur la chaussée. Son corps a heurté le véhicule conduit par M. Z qui circulait sur la voie opposée.

Le heurt avec le véhicule a suivi immédiatement la chute, laquelle fait partie du processus de l’accident. Cette chute puis cette collision se sont déroulées dans un temps extrêmement bref et dans un enchaînement ininterrompu.

Il y a lieu de juger en conséquence qu’il s’agit d’un accident unique et que M. X n’avait pas perdu la qualité de conducteur, de sorte que les appelants ne sont pas fondés à invoquer le bénéfice des dispositions de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985.

- Sur le droit à indemnisation

Le tribunal a retenu que F X avait freiné brusquement, avait perdu le contrôle de sa moto, en avait été éjecté, puis avait été projeté contre le véhicule de M. Z qui arrivait en face. Le tribunal a observé qu’il ressortait des constatations des services de police que la chaussée était sèche, plate et rectiligne, qu’il faisait jour, que la circulation était fluide dans le sens emprunté par M. Z et très chargée dans le sens de F X, que la vitesse était limitée à 50 km/h. Le tribunal a également retenu que, selon le plan des services de police, la moto, couchée sur le côté, avait poursuivi sa course pendant 47 mètres et que cette longue distance dénotait une certaine vitesse. Observant que les témoins affirmaient que, pour une raison inconnue, F X avait perdu le contrôle de sa moto et qu’il avait été projeté sur la voie de gauche alors que la moto continuait sa route tout droit, le tribunal a jugé que F X avait commis une faute qui était la cause exclusive de l’accident.

Les consorts X G que les causes de l’accident sont indéterminées et qu’aucune faute ne peut donc être imputée de manière certaine à F X. Pour les appelants, le procès-verbal de police n’établit pas avec précision ce qui a entraîné sa chute puisque la caméra de surveillance n’a enregistré les images qu’une fois la chute produite. Ils rappellent que F X ne roulait pas sous l’emprise de l’alcool ou des stupéfiants. Ils reprochent au tribunal d’avoir privilégié le témoignage de M. C et délaissé celui de M. M N alors que les deux se contredisent et que rien ne justifie d’en retenir un plutôt que l’autre.

Soutenant que les circonstances de l’accident sont suffisamment établies, les intimés font valoir que les témoignages confirment qu’au moment des faits, la circulation était dense sur les quais, que le témoin M. M N précise n’avoir rien vu sur la chaussée pouvant expliquer la perte de contrôle de la moto mais que la vitesse de la moto devait être un peu élevée. Ils ajoutent que le second témoin relate avoir vu une moto le dépasser puis freiner brusquement pour éviter une collision avec les véhicules qui le précédaient. Les intimés en déduisent que F X a commis une faute en ce qu’il a freiné brusquement, entraînant un chassé sur la droite de la roue arrière de sa moto puis son éjection de sa moto sur la gauche.

* * *

Lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subis, directement ou par ricochet, sauf s’il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice. Il appartient au juge d’apprécier si cette faute a pour effet de limiter l’indemnisation ou de l’exclure.

La faute de la victime ayant contribué à la réalisation de son préjudice doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l’autre conducteur du véhicule impliqué dans l’accident. Les juges du fond n’ont pas à rechercher, pour exclure ou réduire son droit à indemnisation, si la faute du conducteur victime est la cause exclusive de l’accident mais doivent seulement examiner si cette faute a contribué à la réalisation de son préjudice et apprécier sa gravité afin de réduire ou exclure son droit à indemnisation.

M. X circulait sur le […] à Suresnes, dans le sens […], la route comportant deux voies de circulation dans ce sens et une seule dans le sens opposé.

Avant que ne survienne l’accident, F X était suivi par deux scooters dont les conducteurs ont témoigné.

M. C H sur son scooter sur la voie la plus à droite des deux voies de circulation. Il est entendu par les services de police de Suresnes le jour même de l’accident et déclare : 'je me trouvais sur la voie la plus à droite. Alors que je me trouvais à une vingtaine de mètre du carrefour… j’ai remarqué que la circulation devant moi ralentissait. Une moto qui venait de me dépasser sur la voie de gauche et qui se trouvait devant moi toujours sur la file de gauche a freiné brusquement pour éviter une éventuelle collision avec les véhicules qui le précédaient. La moto se trouvait alors au niveau du passage piéton précédant le carrefour formé par le […] et la rue Marcel Monge. La roue arrière de la moto a chassé sur la droite au moment du freinage. Le motard a été éjecté de sa moto je crois qu’il a été éjecté sur le côté gauche de sa moto… je l’ai vu partir sur le côté gauche de la chaussée alors que la moto continuait sa route tout droit. J’ai fermé les yeux à ce moment car j’ai vu qu’une voiture arrivait en face circulant en sens inverse. Je n’ai pas voulu voir le choc entre le motard et la voiture. La voiture qui arrivait en face était une Volkswagen Passat. Cette voiture roulait très lentement selon moi elle venait de démarrer. Lorsque la moto m’a dépassé je circulais à 40 ou 50 km/h car nous venions de démarrer à un feu vert. La moto circulait à allure plus rapide que la mienne mais je suis incapable de vous dire quelle était sa vitesse. Un scooter le précédait sur la même file que la sienne. Il n’y a pas eu de choc entre ce scooter et la moto. La moto n’a d’ailleurs percuté aucun véhicule avant la glissade'.

Aux enquêteurs qui l’interrogent sur les causes possibles de l’accident, M. C répond : 'pour moi c’est à cause de la vitesse du motard'.

Entendu le même jour, M. M N qui H sur la voie la plus à droite déclare : 'j’ai vu un motard je ne sais pas si c’était un scooter ou une moto qui circulait environ 10 mètres devant moi sur la voie de gauche dans le même sens de circulation que moi. Pour une raison inconnue, il a perdu le contrôle de son deux roues, le deux roues s’est couché, il me semble qu’il est tombé sur le côté gauche. Son véhicule est parti tout droit en glissant et le conducteur a glissé sur la gauche, sur la voie en sens inverse. Il a alors heurté une voiture venant en sens inverse.. Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait eu de grande vitesse ni d’un côté ni de l’autre. Comme ça roulait mal la vitesse ne devait pas être très élevée. Même si à en juger par l’endroit où a glissé le scooter ou la moto la vitesse devait tout de même être un peu rapide, bien que pour moi la moto circulait dans la limite des 50 km/h'.

Les deux témoignages ne sont pas contradictoires mais celui de M. C est plus circonstancié que celui de M. M N, ce qui explique que le tribunal l’ait davantage pris en compte.

Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, les circonstances de l’accident ne sont donc nullement indéterminées.

La cour observe que la moto une fois couchée sur le côté a parcouru 47 mètres et cette distance, pour un véhicule renversé, atteste d’une certaine vitesse.

Il résulte du témoignage de M. C que F X, qui venait de le dépasser et circulait sur la voie de gauche, a été contraint de freiner brusquement pour éviter d’entrer en collision avec les véhicules qui le précédaient et venaient de ralentir. Ce freinage a entraîné la perte de contrôle de la moto par son conducteur, la chute au sol de celui-ci puis le heurt avec le véhicule venant en face, dont le conducteur roulait très lentement.

Il est constant que dans le sens de circulation emprunté par F X et les deux témoins, le trafic était soutenu. Du fait d’un ralentissement, F X qui roulait à une vitesse inadaptée au regard des conditions de circulation a freiné trop brusquement et a perdu le contrôle de sa moto dont il a été éjecté brutalement, tandis que l’engin poursuivait sa route sur près de 50 mètres.

Ces fautes de conduite sont en lien de causalité direct et certain avec le dommage. Leur gravité amène à réduire le droit à indemnisation de F X de 60% et à le fixer à 40%, réduction opposable aux consorts X.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a dit que la faute commise par F X excluait son droit à indemnisation et débouté les consorts X de toutes leurs demandes.

Sur les préjudices moraux

Mme D X sollicite l’allocation de la somme de 45 000 euros, les intimés offrant celle de 20000 euros.

Mme X a épousé F X le 17 octobre 2009 mais tous deux ont vécu ensemble de nombreuses années, de leur union étant nées A en 1993 et B en 1997.

Le préjudice moral de Mme X sera fixé à la somme de 30 000 euros, soit 12 000 euros lui revenant.

Les deux filles de F X sollicitent chacune l’allocation de la somme de 45 000 euros. Les intimés offrent de verser la somme de 20 000 euros à B X, mineure au moment de

l’accident, et celle de 15 000 euros à A X, majeure.

Les deux enfants de F X vivaient au foyer familial lors de son décès et leur préjudice moral sera réparé par l’allocation de la somme de 25 000 euros, soit celle de 10 000 euros revenant à chacune.

Sur les préjudices de Mme D X

* Les frais funéraires

Mme X verse aux débats une facture établie le 28 mars 2014 par l’entreprise Roc-Eclerc pour un montant de 3646,65 euros, dont elle est fondée à demander le remboursement à hauteur de 1458,66 euros, étant observé que la CPAM de l’Essonne a été régulièrement mise en cause et n’a pas fait valoir qu’elle aurait pris en charge tout ou partie de ces frais comme le suggèrent les intimés.

* La perte de revenus par économie

Mme X forme une demande en réparation de la perte alléguée de revenus par économie, qu’elle chiffre à 80 461,05 euros. Elle soutient que son époux consacrait au moins 4 heures par semaine aux travaux domestiques qu’elle doit désormais assumer seule.

Les intimés répliquent que s’ils ne contestent pas le principe même de l’indemnisation d’un préjudice d’industrie, la réalité de celui-ci au cas présent n’est pas démontrée. Ils soulignent qu’en tout état de cause les attestations produites ne permettent pas d’établir la fréquence hedomadaire de la participation de F X aux travaux domestiques, de sorte que cette demande doit être rejetée.

* * *

Le principe de l’indemnisation de la perte d’industrie de façon distincte du préjudice économique n’est pas contestable.

La perte d’industrie alléguée par Mme X se rattache au décès de son époux, comme correspondant à des prestations personnellement assurées du vivant de celui-ci et constitue pour elle un préjudice personnel indemnisable direct et certain. Il lui appartient toutefois de rapporter la preuve de la réalisation effective par son époux des travaux à l’égard desquels elle sollicite une indemnisation .

Elle verse aux débats 11 attestations d’amis et proches de la famille qui affirment que F X se chargeait de l’entretien du jardin ( tonte de la pelouse, taille des haies) et était très bricoleur, ayant notamment procédé à la réfection des pièces de la maison familiale.

Il n’est versé aucune facture établissant que Mme X a désormais recours à des professionnels et cette dernière indique d’ailleurs dans ses conclusions que c’est elle qui assume désormais ces travaux.

Il doit être observé que F X, âgé de 47 ans lors de son décès, n’aurait pas en tout état de cause effectué avec la même assiduité les travaux d’entretien du domicile conjugal au delà de 70 ans et que les époux auraient été alors contraints de faire appel à des professionnels, de sorte que Mme X ne peut prétendre à une capitalisation de la perte sous une forme viagère.

Il faut également tenir compte de ce que, parmi les travaux décrits par les témoins comme ayant été effectués par F X, certains, comme la réfection des revêtements des murs et des sols, ne se renouvellent qu’une fois tous les cinq ans voire tous les dix ans.

Il y a lieu en conséquence de fixer à 2 heures par semaine la perte d’industrie, sur la base de 16 euros de l’heure.

Il sera alloué à Mme X la somme suivante :

* du 14 mars 2014, date du décès, jusqu’au 14 octobre 2020, date proche de l’arrêt :

16 euros x 2 heures x 52 soit un préjudice annuel de 1664 euros

1664 euros x 6 ans : 9984 euros

* après le 14 octobre 2020

La capitalisation de la perte se fera sur la base d’un euro de rente temporaire pour un homme âgé de 54 ans tel que fixé par le barème publié à la Gazette du Palais en novembre 2017, soit 13,376. Le préjudice s’élève à 22 257,66 euros (1664 x 13,376).

Ainsi le préjudice d’industrie doit être fixé à la somme totale de 32 241,66 euros (22 257,66 + 9984 euros ) et il revient à Mme X celle de 12 896,66 euros.

* Le préjudice d’industrie

Mme X forme une demande au titre du préjudice d’industrie, à hauteur de 93 773,05 euros, qui ne figure qu’au dispositif des conclusions des appelantes et qui n’est aucunement développée dans ces conclusions.

En l’absence de toute précision apportée à cette demande, il y a lieu de la rejeter, étant observé que Mme X ne justifie d’aucun préjudice distinct de celui indemnisé au titre de la perte de revenus par économie.

- Sur le préjudice économique des consorts X

Les revenus du couple en 2013 – non discutés par les intimés – se sont élevés pour F X à 36 624 euros et pour Mme X à 16 458 euros soit un total de 53 082 euros.

Dans le cas d’une famille comprenant deux enfants, la part d’auto-consommation du défunt doit être fixée à 20%, soit 10 616,40 euros, ce qui laisse un revenu disponible pour le conjoint survivant et les enfants, avant le décès, de 42 465,60 euros.

Il y a ensuite lieu de déduire de ce montant les revenus du conjoint survivant, (ce que ne font pas les appelantes) étant observé qu’ils doivent inclure les revenus consécutifs au décès et notamment une éventuelle pension de réversion sur l’existence de laquelle il n’est apporté aucune information. Il est pourtant de principe qu’une pension de réversion doit être prise en compte pour déterminer la perte de revenus de la veuve et des enfants, sauf s’il s’agit d’une prestation ouvrant droit à recours.

Les intimés font à bon droit valoir que l’indemnisation du préjudice économique devrait tenir compte des prestations versées à Mme X et ses enfants mais qu’aucune information n’est donnée à ce titre par les appelantes.

Il y a lieu en conséquence d’ordonner de ce chef la réouverture des débats et d’inviter les consorts X à fournir toute précision utile à ce sujet.

- Sur les mesures accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens seront infirmées, M. Z et les sociétés MMA étant condamnés aux dépens de première instance avec recouvrement direct.

Les dépens d’appel seront réservés compte tenu de la réouverture des débats ainsi que les demandes faites en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dit que le droit à indemnisation des consorts X est réduit de 60%.

Condamne in solidum M. Z et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à :

B X, la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.

A X, la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Mme D X, la somme de 12 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Mme D X, les sommes de :

—  1458,66 euros au titre des frais funéraires

—  12 896,66 euros au titre de la perte de revenus par économie

Rejette la demande faite au titre du préjudice d’industrie.

Du chef des demandes faites au titre du préjudice économique des consorts X,

Invite Mmes X à préciser si elles perçoivent ou ont perçu des prestations consécutives au décès de F X devant être incluses dans la détermination des revenus perçus, et notamment une pension de réversion ou une rente accident du travail.

Invite les parties à conclure sur ce poste de préjudice au regard des pièces produites.

Ordonne la réouverture des débats pour l’audience du 18 janvier 2021 à 9 heures.

Dit que dans cette attente il est sursis à statuer sur le mérite des demandes relatives au préjudice économique, à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.

Condamne in solidum M. Z et les sociétés MMA aux dépens de première instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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