Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 26 novembre 2020, n° 18/03713

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 11e ch., 26 nov. 2020, n° 18/03713
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/03713
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 17 février 2016, N° 13/00945
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 NOVEMBRE 2020

N° RG 18/03713 – N° Portalis DBV3-V-B7C-STI5

AFFAIRE :

B X

C/

SA DEVOTEAM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Février 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 13/00945

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN

la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur B X

[…]

[…]

représenté par Me Jérôme BORZAKIAN de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0242

APPELANT

****************

SA DEVOTEAM

N° SIRET 402 968 655

[…]

[…]

représentée par Me Hugues WEDRYCHOWSKI de la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0511 substitué par Me Sylvain MERCADIEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0511

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Octobre 2020, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Hélène PRUDHOMME, Président chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 14 février 2005, M. B X était embauché par la SA Devoteam en qualité de consultant (statut cadre) par contrat à durée indéterminée. Sa rémunération brute était de 36 000 euros par an. Un avenant du 29 juillet 2008 faisait passer celle-ci à 48 000 euros, soit 4 000 euros mensuels. Un nouvel avenant du 12 janvier 2012 portait sa rémunération à 4 125 euros. Le contrat de travail était régi par la convention Syntec comme indiqué dans les bulletins de salaire de M. X.

Le 14 janvier 2013, M. X prenait acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits de harcèlement moral. Le 15 janvier 2013, la SA Devoteam prenait acte de cette décision mais en contestait les griefs.

Le 2 avril 2013, M. X saisissait le conseil de prud’hommes de Nanterre afin de voir sa prise d’acte de rupture produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Vu le jugement du 19 février 2016 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Nanterre qui a :

— dit et jugé que la prise d’acte de rupture du contrat de travail de M. B X n’a pas valeur de licenciement sans cause réelle et sérieuse mais vaut démission.

— débouté M. B X de l’ensemble de ses demandes;

— mis les dépens à la charge de M. B X.

Vu la notification de ce jugement le 24 février 2016.

Vu l’appel interjeté par M. B X le 10 mars 2016.

Vu l’ordonnance de radiation du 1er décembre 2016 du fait de la carence des parties et la remise au rôle de l’instance par le salarié le 13 juillet 2018.

Vu les conclusions de l’appelant, M. B X, notifiées le 9 mars 2020, soutenues à l’audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de:

— infirmer totalement le jugement

— juger que la prise d’acte de rupture est imputable à la société Devoteam

— condamner la SA Devoteam à verser à M. B X :

— indemnité compensatrice de préavis soit12 375 euros

— indemnité compensatrice de préavis soit 1 237 euros

— indemnité de licenciement soit 8 250 euros

— indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse soit 50 000 euros et le cas échéant à titre subsidiaire, la somme de 24 754 euros comme correspondant à 6 mois de rémunération moyenne

— article 700 du code de procédure civile soit 2 500 euros

— condamner l’entreprise à supporter les éventuels dépens.

Vu les conclusions de l’appelante, la SA Devoteam, notifiées le 19 avril 2019, soutenues à l’audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de:

À titre principal,

— constater que M. B X n’établit pas l’existence de griefs empêchant la poursuite du contrat de travail.

— dire et juger que la rupture du contrat de travail ne peut être imputée à la société Devoteam.

En conséquence,

— confirmer le jugement entrepris,

— dire et juger que la prise d’acte de rupture de M. B X en date du 14 janvier 2013 doit produire les effets d’une démission et non pas ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

— débouter M. B X de l’ensemble de ses demandes indemnitaires, fins et conclusions contraires.

À titre subsidiaire, si, par extraordinaire, la Cour estimait que la démission de M. B X doit produire les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

— constater que M. B X ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité et de l’étendue de son préjudice.

En conséquence,

— limiter en conséquence strictement le montant des dommages et intérêts éventuellement dus à M. B X pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 24 750 euros soit l’équivalent de 6 mois de salaires.

— débouter M. B X de toutes ses autres demandes, fins et conclusions contraires

En tout état de cause,

— condamner M. B X aux entiers dépens

Vu la lettre de licenciement.

SUR CE,

Sur la rupture du contrat de travail :

Par lettre du 14 janvier 2013, M. X a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison des agissements de sa hiérarchie depuis 2 mois entraînant une forte détérioration de ses conditions de travail. Il indique avoir alerté la hiérarchie à plusieurs reprises, ce qui a amplifié cette détérioration, jusqu’à la remise en cause de son comportement professionnel de manière injustifiée, ce qui l’a placé dans l’impossibilité de poursuivre l’exécution de son contrat de travail.

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission. Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur. L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment

grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

M. X invoque donc les « agissements » de ses supérieurs de la SA Devoteam ; il mentionne à ce titre dans ses écritures qu’il a été victime de harcèlement moral de leur part.

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou compromettre son avenir professionnel. Selon l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou de les avoir relatés.

L’article L. 1154-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, les salariés concernés établissent des faits qui permettent de présumer l’existence du harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. X expose les faits suivants : à compter du 5 décembre 2012, la SA Devoteam lui a adressé le mail suivant « B, suite à notre entretien de ce jour et même si ce n’est pas notre volonté car nous pensons que nous pouvons encore faire de grandes choses ensemble, sache que si tu devais démissionner d’ici au 31/12, je m’engage à te libérer de toute obligation pour cette date (sous réserve que tu ne restes pas en prestation chez ton client actuel Silca). En espérant que nous ayons envie de continuer ensemble les uns et les autres d’ici à cette date et que notre collaboration puisse perdurer encore de longues années » ; il explique que l’entretien du 5/12 avec son supérieur a tourné à l’intimidation puis à la menace et il informait le 7/12 par mail son directeur de secteur d’une « alerte suite à l’entretien du 5/12 » et indiquait qu’il estimait avoir fait l’objet d’intimidation et de menace de sa part puisqu’il lui avait dit « personne ne s’oppose à ta démission si tu trouves mieux ailleurs ». Il indiquait par ailleurs que la « perte du forfait Silca par Devoteam se traduit par des pressions et des menaces alors que depuis 2 ans je me suis investi dans ma mission. Le ton cordial de votre mail adressé ce jour ne reflète pas le déroulement de l’entretien. Je ne suis pas dupe de ce type d’agissements et ne souhaite pas en subir plus longtemps les conséquences négatives tant sur le plan professionnel que personnel. J’informe le délégué du personnel de la difficulté de ma situation et lui demande d’agir ».

Pour étayer ses affirmations, il produit notamment :

• ses écrits qui ne peuvent être retenus par la cour sauf pour connaître les griefs reprochés, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi même

• les emails de M. F G qui invoque ses propres difficultés mais qui ne mentionne nullement ceux rencontrés éventuellement par M. X

• l’email de M. Y du 5/12/2012 dont les termes sont rapportés ci-dessus

• l’email de M. Z, secrétaire du CHSCT Devoteam, du 10/12/2012 qui informe le président du CHSCT de Devoteam d’un « droit d’alerte dans le secteur finances, plusieurs salariés ayant manifesté leur mécontentement général, une grande incompréhension, voire une grande inquiétude et une souffrance morale, ce qui témoigne d’une situation anxiogène de sérieux risques psycho-sociaux suite à des pressions, des reproches infondés, des menaces, de l’intimidation et de manque de respect de la par de la hiérarchie MM. Y et Rafecas ».

• les emails de recherche d’une autre mission pour M. X pour janvier 2013

• son email du 19/12/2012 adressé à M. Y, son supérieur, rapportant que « mes conditions de travail se sont beaucoup détériorées (appels téléphoniques à des heures tardives, message au ton désagréable laissé sur mon répondeur téléphonique…), je vous demande une nouvelle fois de respecter mes droits et de mettre un terme à ces man’uvres de déstabilisation ».

La SA Devoteam expose que contrairement à ce que prétend M. X, elle s’est montrée respectueuse au cours des discussions avec son salarié et affirme qu’à l’issue de sa mission chez Silca prévue pour fin décembre 2012, les recherches d’une autre mission se sont déroulées afin qu’il ait toutes les informations nécessaires pour s’assurer du poste prévu (email de M. D E du 18/12/2012 lui donnant tous les éléments pour le poste de chef de projet technique chez BNP Paribas, réponse de M. Y du 03/01/2013 sur les conditions du rendez-vous chez le client BNP), et retient que le salarié avait manifesté son envie de quitter l’entreprise (email de M. A du 12/12/2012 affirmant que M. X était venu le 28 décembre 2012 après-midi (novembre ') pour évoquer son souhait de rupture conventionnelle avec Devoteam et produit les réponses aux questions posées par les délégués du personnel de l’entreprise le 12/12/2012 mentionnant que « la perte du contrat Silca par Devoteam entraînait des inquiétudes de plusieurs salariés sur leur avenir et avaient contacté les délégués du personnel pour se renseigner sur les modalités de négociation de rupture conventionnelle pour anticiper la période d’inter contrat dans ce contexte de filialisation générale »

En l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laisserait supposer l’existence d’un harcèlement moral n’est pas démontrée, à défaut pour le salarié de justifier des griefs de man’uvres de déstabilisation, d’agissements, de menaces ou d’intimidation non décrites et mentionnés de façon trop générale dans ses écritures.

En conséquence, la cour confirme la décision entreprise en ce qu’elle n’a pas retenu de manquements graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. La lettre de prise d’acte de la rupture prend donc les effets d’une démission. Il convient de débouter M. X de l’ensemble de ses demandes.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de M. X.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne M. B X aux dépens d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

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