Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 28 janvier 2021, n° 20/00628

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 11e ch., 28 janv. 2021, n° 20/00628
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/00628
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise, 22 mai 2018, N° F17/00311
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 JANVIER 2021

N° RG 20/00628 – N° Portalis DBV3-V-B7E-TZEC

AFFAIRE :

A X

C/

S.A.S. ETF SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mai 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F 17/00311

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Frédéric SORRIAUX

Me Frédéric CALINAUD de la AARPI Calinaud David Avocats

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur A X

né le […]

[…]

[…]

Représentant : Me Frédéric SORRIAUX, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1895

APPELANT

****************

S.A.S. ETF SERVICES

N° SIRET : 479 049 595

[…]

[…]

[…]

[…]

Représentant : Me Frédéric CALINAUD de l’AARPI Calinaud David Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0888

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Décembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Hélène PRUDHOMME, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 18 novembre 2013, M. A X était embauché par la SAS ETF Services en qualité d’opérateur sécurité – ouvrier professionnel par contrat à durée indéterminée. Il était promu chef d’équipe le 1er juillet 2016. Le contrat de travail était régi par la convention des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 suivant le contrat de travail et celle des employés, techniciens, agents de maîtrise des travaux publics du 12 juillet 2016 suivant les bulletins de paie du salarié.

Le 22 septembre 2015, la SAS ETF Services lui notifiait un avertissement pour des remboursements de frais professionnels indus.

Le 4 août 2016, l’employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. L’entretien avait lieu le 27 septembre 2016. Le 17 octobre 2016, il lui notifiait son licenciement pour faute grave en raison d’un abandon de poste.

Le 30 juin 2017, M. A X saisissait le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise.

Vu le jugement du 22 mai 2018 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise qui a :

— dit que le licenciement de M. A X est justifié par une cause réelle et sérieuse et non une faute grave

— condamné la SAS ETF Services à verser à M. A X les sommes de:

—  1 972 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

—  1 479 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

—  1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— débouté M. A X de ses autres demandes

— débouté la SAS ETF Services de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

— mis les éventuels dépens de l’instance à la charge de la SAS ETF Services.

Vu la notification de ce jugement le 23 mai 2018.

Vu l’appel interjeté par M. A X le 19 juin 2018.

Vu l’ordonnance de radiation du 28 février 2020 et la remise au rôle de la procédure postérieurement.

Vu les conclusions de l’appelant, M. A X, notifiées le 15 septembre 2018, soutenues à l’audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :

— dire et juger la rupture intervenue le 17 octobre 2016 sans cause réelle et sérieuse.

— exclure des débats tout élément relatif au système de géolocalisation notamment la « carte GR » relatif à la démonstration de la preuve du licenciement pour faute grave de M. X

— condamner la société ETF Services à payer à M. X les sommes suivantes :

—  20 000 euros de dommages et intérêt pour rupture abusive,

—  5 000 euros de dommages et intérêts pour le caractère vexatoire de la rupture,

—  2 198,48 euros bruts correspondant au rappel de salaires de novembre 2015 à juin 2016

—  11 830 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé

—  2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de l’intimée, SAS ETF Services, notifiées le 4 décembre 2018, soutenues à l’audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :

A titre liminaire :

— débouter M. X de sa demande de rappel de salaire et d’indemnisation au titre du travail dissimulé,

A titre principal :

— juger le licenciement de M. X fondé sur une faute grave,

— débouter M. X de l’ensemb1e de ses demandes,

A titre subsidiaire :

— juger que le licenciement de M. X relève a minima d’une cause réelle et sérieuse,

— réduire a due proportion l’indemnisation attribuée à M. X,

A titre infiniment subsidiaire :

— réduire à due proportion l’indemnisation attribuée à M. X.

— condamner M. X à payer a la société ETF Services la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de 1'artic1e 700 du code de procédure civile,

— condamner M. X aux entiers dépens.

Vu l’ordonnance de clôture du 20 janvier 2020.

SUR CE,

Sur l’exécution du contrat de travail :

M. X réclame la rémunération correspondant à sa fonction de chef d’équipe en affirmant qu’il l’a remplissait depuis novembre 2015 sans obtenir la rémunération correspondante (2198,48 euros) ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé (11 830 euros) au motif que son employeur ne déclarait pas une partie de son salaire en le dissimulant derrière des indemnités kilométriques ; il relève que le conseil de prud’hommes l’a débouté de ses demandes en faisant application de l’article 70 du code de procédure civile, au motif qu’elles n’avaient pas été présentées lors de la saisine de la juridiction le 30 juin 2017 et qu’il n’y avait aucun lien entre les demandes initiales au titre du licenciement et celles au titre du salaire et du travail dissimulé.

La SAS ETF Services conclut à la confirmation du jugement entrepris de ce chef et, à titre subsidiaire, demande à la cour de dire que les demandes ne sont pas fondées.

Alors que la procédure devant le conseil de prud’hommes est encore et toujours une procédure orale, il apparaît que lors de la déclaration de saisine de la juridiction, M. X n’avait formé aucune demande à ces titres, et le conseil de prud’hommes avait justement constaté que ses réclamations supplémentaires étaient sans lien avec les demandes initiales pour déclarer le salarié irrecevable en ses demandes ; la cour confirme cette analyse et constate d’ailleurs que M. X a déjà saisi le conseil de prud’hommes de Pontoise d’une nouvelle demande concernant un rappel de salaire de 2198,48 euros et une indemnité pour travail dissimulé de 11 830 euros. Ainsi, il convient de confirmer l’irrecevabilité des demandes additionnelles de M. X sans lien suffisant avec ses demandes initiales.

Sur la rupture du contrat de travail :

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 octobre 2016, la SAS ETF Services a licencié M. X pour faute grave, lui reprochant un « abandon de poste entre le 1er et le 5 août 2016 cette information nous laissant croire que votre abandon de poste recouvre très vraisemblablement une période bien plus importante que la seule semaine du 1er au 5 août 2016. À titre d’exemple, vous n’avez pas utilisé votre carte GR entre le 21 juillet et le 1er août 2016 alors que vous vous êtes pointé toute la semaine du 25 juillet au 29 juillet 2016 comme étant présent à Mantes-la-Jolie (') ce comportement est porteur d’un risque grave pour la sécurité du chantier et plus grave encore pur la sécurité des opérateurs placés sous votre responsabilité. Pour rappel, vous n’avez pas par exemple assuré les contrôles kn1 que vous deviez effectuer la semaine où vous avez abandonné votre poste ».

S’agissant d’une faute grave reprochée privative du droit aux indemnités de rupture qu’il appartient à l’employeur de démontrer, elle correspond à un fait ou un ensemble de faits qui, imputables au salarié, constituent une violation des obligations du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La SAS ETF Services expose que la semaine du 1er au 5 août 2016, M. X, domicilié à Rennes, était affecté sur un chantier à Mantes-la-Jolie. Elle verse les relevés de la carte de pointage GR de M. X pour la journée du 1er août 2016, justifiant qu’il a pris du carburant le 1er août 2016 à Mondevert à 10h23, est entré sur l’autoroute A81 à la barrière de péage de La Gravelle pour sortir de l’autoroute A10 à La Folie Bessin à 12h22 et qu’il est repassé en sens inverse en sortant du péage autoroutier à La Gravelle à 17h52 de sorte que l’employeur indique qu’il n’a pas pu rester plus de 2h sur le chantier de Mantes la Jolie le 1er août 2016, tandis qu’il n’apparaît pas qu’il ait refait le même trajet les jours suivants (la carte de pointage GR n’ayant pas été utilisée) alors qu’il s’est déclaré présent sur le chantier. Elle verse un mail daté du 7/10/2016 de la société cliente qui mentionne «  après renseignements pris auprès de Y, je te confirme que M. X n’est pas passé sur le chantier du plan Fibre Lamorue Rolleboise depuis début juin 2016 ».

Pour contester ces reproches, M. X affirme qu’il était en poste entre le 1er et le 5 août 2016 et même avant cette date, et conteste à son employeur l’utilisation de sa carte dite GR au motif qu’il n’a pas été informé de l’existence de ce système, que le comité d’entreprise aurait dû être consulté ainsi que la CNIL pour une utilisation de dispositif de géolocalisation destinée à suivre les salariés.

Néanmoins, et comme l’indique la SAS ETF Services, la carte GR est une carte de paiement appartenant à l’entreprise et confiée au salarié pour régler les dépenses qu’il effectue pour le compte de son employeur, et notamment concernant le paiement de ses frais de carburant et de péage autoroutier pour se rendre sur les chantiers qui lui étaient confiés, cette carte indique seulement les transactions effectuées par le salarié en précisant les jours et heures, les lieux de règlement et les montants dépensés, ce qui normal, et ne correspond nullement à un système de géolocalisation comme prétendu par M. X ; ainsi, le moyen de preuve utilisé par la SAS ETF Services est recevable.

Pour expliquer qu’il n’a pu être joint par son employeur sur la période considéré, M. X explique qu’il a souffert à la fois d’un problème de réseau téléphonique durant toute la semaine empêchant son employeur de pouvoir le joindre et d’une panne de véhicule de fonction de sorte qu’il a pris son véhicule personnel pour retourner à Mantes-la-Jolie après être rentré à son domicile le 1er août 2016, rappelant qu’il venait d’être père et que son épouse était souffrante, mais qu’il s’est présenté sur le chantier comme le prouvent les fiches de contrôle signées les 2 et 4 août 2016 (pièces 12 du salarié) et verse l’attestation de M. Z affirmant qu’il l’avait logé à Meudon (Hauts-de-Seine) du 1er au 4 août 2016, pour affirmer qu’il était sur le chantier sur la période reprochée.

Aucune pièce ne vient corroborer ses affirmations de panne de téléphone portable et de véhicule professionnel.

Il est constant que le salarié n’a informé l’employeur ni de la panne de son téléphone mobile professionnel ni de la panne de son véhicule professionnel pour la semaine du 1er au 5 août 2016 avant que son absence ne lui soit reprochée, et qu’aucune pièce ne vient corroborer ses affirmations de panne ; il ne justifie pas plus avoir demandé à son employeur l’autorisation d’utiliser son véhicule personnel pour se rendre sur le chantier le 2 août 2016. Enfin, l’attestation de M. Z n’apporte aucun élément sur sa présence sur le chantier Lamorue à Rolleboise près de Mantes-la-Jolie durant cette semaine et d’ailleurs, le témoin ne peut être suivi puisqu’il prétend avoir hébergé à son domicile le salarié à compter du 1er août alors que ce dernier reconnaît lui-même être rentré à son domicile de Rennes à cette date pour repartir en région parisienne le 2 août.

En ce qui concerne les fiches de contrôle signées les 2 et 4 août 2016, il apparaît qu’elles l’ont été par M. X en sa qualité de contrôleur et qu’il verse ainsi une pièce qu’il s’est constitué à lui-même, sans aucun élément extérieur venant en attester.

Aussi, l’affirmation de l’absence sur le chantier pour les journées du 2 au 5 août 2016 est démontrée, elle est fautive, sans qu’il soit besoin d’analyser les griefs supplémentaires indiqués par l’employeur dans la lettre de licenciement. Alors que le salarié avait déjà été sanctionné en septembre 2015 d’un avertissement, cette absence fautive justifiait la rupture du contrat de travail immédiatement de ce contrôleur affecté à la sécurité d’un chantier et ne permettait pas le maintien de la relation contractuelle durant le préavis. Dès lors il convient d’infirmer le jugement entrepris et de débouter M. X de l’ensemble de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de M. X ;

La demande formée par la SAS ETF Services au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement

Déclare irrecevables les demandes de M. X au titre du rappel de salaires et de l’indemnité pour travail dissimulé

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau de ce chef

Dit que repose sur une faute grave le licenciement de M. X

Déboute M. X de toutes ses demandes relatives à la rupture

Condamne M. X aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne M. X à payer à la SAS ETF Services la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

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