Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 4 mai 2021, n° 20/04618

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 4 mai 2021, n° 20/04618
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/04618
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Nanterre, 13 mai 2020, N° 18/07060
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1re chambre 1re section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 MAI 2021

N° RG 20/04618

N° Portalis DBV3-V-B7E-UB6Z

AFFAIRE :

X DE Z A

C/

S.A.S. C D E

S.A.S. ABCOM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2020 par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/07060

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me Céline BORREL,

— Me Alexandrine DUCLOUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur X DE Z A

né le […] à […]

de nationalité Brésilienne

[…]

[…]

représenté par Me Céline BORREL, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 122

Me William MILKOFF, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : D.1005

APPELANT

****************

S.A.S. C D E

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

43 rue Pierre-Valette

[…]

S.A.S. ABCOM

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

43 rue Pierre-Valette

[…]

représentées par Me Alexandrine DUCLOUX, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 556

Me Elodie SMILA substituant Me Xavier ARGENTON, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : E1437

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Mars 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente et Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal judiciaire de Nanterre qui a :

— débouté M. X de Z A de ses demandes,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. X de Z A aux dépens';

Vu l’appel de ce jugement interjeté le 25 septembre 2020 par M. X de Z A ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 24 décembre 2020 par lesquelles M. X de Z A demande à la cour de :

Vu les articles 509 et 700 du code de procédure civile,

Vu les articles 18 à 20 de la Convention d’entraide judiciaire en matière civile entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil du 28 mai 1996,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

1.débouté M. X de Z A de ses demandes,

2.dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

3.condamné M. X de Z A aux dépens,

Et statuant à nouveau :

— prononcer l’exequatur du jugement rendu le 30 juin 2017 par le conseil des prud’hommes – 73e chambre du travail – de Sao Paulo (Brésil),

— condamner les sociétés Abcom et C D E à régler la somme de 1 800 euros à M. de Z A au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens';

Vu les dernières conclusions notifiées le 4 décembre 2020 par lesquelles les sociétés par actions simplifiées (SAS) C D E et Abcom demandent à la cour de :

Vu les articles 18 à 20 de la Convention d’entraide judiciaire en matière civile entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil du 28 mai

1996,

Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile,

Vu l’ancien article 1153-1 et le nouvel article 1231-7 du code civil,

A titre liminaire,

— infirmer le jugement en ce qu’il a jugé recevable l’action intentée par M. de Z A à l’encontre des Sociétés C D E et Abcom,

Et statuant à nouveau :

— déclarer irrecevable l’action intentée par M. X de Z A à l’encontre des sociétés C D E et Abcom devant la présente juridiction,

Sur le fond,

A titre subsidiaire,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. X de Z A de sa demande d’exéquatur du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Sao Paulo le 30 juin 2017 à l’encontre des sociétés C D E et Abcom,

A titre infiniment subsidiaire, dans le cas où la cour d’appel infirmerait le jugement entrepris,

— rejeter la demande d’exéquatur de M. X de Z A en ce que le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Sao Paulo le 30 juin 2017 a jugé que :

1.«'les sommes de la condamnation devront être vérifiées lors de la liquidation du jugement par simples calculs et augmentés de la sanction monétaire à partir du 5e jour ouvrable suivant celui de la prestation de services, ainsi que les intérêts conformément à la loi »,

2.« Je condamne la première partie défenderesse à procéder à l’annotation du contrat de travail, en reportant sur la carte de travail et de protection sociale du demandeur la date d’entrée c’est-à-dire le 3 février 2014 et la date de rupture du contrat soit le 21 novembre 2014, sous la fonction de directeur de développement d’affaires, pour un salaire de 30 000 réais. La carte de travail et de protection sociale devra être annotée dans un délai de huit jours à partir de l’exécution du jugement, une fois ce dernier document joint aux actes et dès lors que la première partie défenderesse ait été dûment notifiée pour cela, dans le cas contraire le greffe le fera »,

En tout état de cause,

— condamner M. X de Z A à verser aux sociétés C D E et Abcom la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

— débouter M. X de Z A de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions';

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 21 janvier 2021 ;

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement du 30 juin 2017, la 73e chambre du travail du conseil de prud’homme de Sao Paulo

(Brésil) a condamné solidairement les sociétés C Do Brasil Telecomunicacoes Ltda, C Latam Participacoes Ltda, Abcom et C D E à régler diverses sommes à M. de Z A portant sur des salaires, des indemnités et des accessoires de rémunération dus à raison de son emploi au Brésil par ces sociétés.

Les sociétés Abcom et C D E ayant leur siège social en France,

M. de Z A a, par voie d’assignation du 10 juillet 2018, saisi le tribunal de grande instance de Nanterre d’une demande visant à obtenir l’exéquatur de cette décision.'

Cette assignation a été dénoncée au procureur de la République le 22 janvier 2019. En tant que partie intervenante, le procureur de la République a requis qu’il plaise au tribunal de bien vouloir faire droit à la demande d’exéquatur présentée par M. de Z A.

C’est dans ces circonstances qu’a été rendu le jugement entrepris ayant débouté

M. X de Z A de ses demandes.

SUR CE, LA COUR

La recevabilité de la demande d’exequatur

— la fin de non-recevoir tirée du défaut de publicité,

Au soutien de leur appel incident, Les sociétés Abcom et C D E font valoir qu’aucune publicité du jugement brésilien n’est démontrée par l’appelant. Elles exposent en effet que l’appelant ne produit aucun autre document à cet effet qu’une copie d’écran non certifiée du site sur lequel le jugement aurait été publié. Elles ajoutent que les premiers juges ont constaté l’absence de publicité du jugement, sans tirer les conséquences de cette constatation.

M. de Z A réplique que la convention d’entraide judiciaire en matière civile entre la France et le Brésil prévoit, en son article 20, que la personne qui invoque la reconnaissance ou l’exécution d’une décision doit notamment produire tout document de nature à prouver que la décision a été publiée ou notifiée. Il indique avoir produit le jugement brésilien dont il demande l’exécution, lequel énonce dans son dispositif avoir fait l’objet d’une mesure de publicité. Il en déduit que la publicité du document est avérée et ce, même en l’absence de tout document extrinsèque de nature à attester cette publicité.

Appréciation de la cour

Le jugement déféré rappelle exactement que la recevabilité d’une demande d’exequatur implique notamment la production d’un jugement étranger exécutoire doté, en France, de l’autorité de la chose jugée (Req., 16 mars 1932 Civ., 16 mars 1999, B/t//. 1999, 1, n° 91).

A cet égard, l’article 20 de la convention d’entraide judiciaire en matière civile entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil, signée à Paris le 28 mai 1996, précise que la personne qui invoque la reconnaissance ou qui demande l’exécution d’une décision rendue par l’un des tribunaux de l’un de ces deux Etats doit produire :

a)Une expédition complète de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité ;

b)Tout document de nature à établir que la décision a été signifiée, notifiée ou

publiée ;

c)Le cas échéant, une copie certifiée de la citation de la partie qui a fait défaut à l’instance ;

d)Toutes pièces de nature à établir que la décision est exécutoire sur le territoire de l’Etat où elle a été rendue et ne peut plus, à l’exception d’une décision relative à une obligation alimentaire, à la garde d’un mineur ou au droit de visite, faire l’objet de voie de recours.

Ces documents doivent être accompagnés d’une traduction certifiée conforme soit par un agent diplomatique ou consulaire, soit, par toute personne autorisée à cet effet sur le territoire de l’un des deux Etats.

En l’espèce, M. de Z A produit le jugement de la 73e chambre du travail du conseil des prud’hommes de S’o Paulo du 30 juin 2017, accompagné d’une traduction réalisée par Mme Y, traductrice interprète inscrite sur la liste des experts près la cour d’appel de Versailles (pièce n° 1 en demande).

Le tribunal a exactement retenu qu’il résulte du dispositif même de cette décision qu’elle a fait l’objet d’une publicité conformément aux règles propres à la législation brésilienne et que le fait qu’aucun document extrinsèque ne soit versé aux débats par le demandeur pour attester cette publicité ne saurait être regardé comme de nature à remettre en cause cette énonciation, la convention précitée, qui vise la production de « tout document », n’exigeant pas un écrit distinct.

Faute de tout élément de nature à infirmer le jugement déféré sur ce point, celui-ci sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette fin de non-recevoir.

— la fin de non-recevoir tirée de l’absence de document produit relatif à la citation

Au soutien de leur appel incident sur ce point, les intimées font valoir que les commissions rogatoires produites par l’appelant, attestant de démarches effectuées pour les informer du procès les concernant, ont trait à une audience unique prévue le 24 novembre 2016. Or, elles relèvent que le jugement dont l’exécution est demandée mentionne une audience du 30 juin 2017, à laquelle elles étaient absentes. Elles précisent que M. de Z A ne produit aucun document justifiant les avoir convoquées à cette audience ultérieure. Elles en déduisent que la discordance entre la date de convocation et la date d’audience, constatée par les premiers juges, constitue un manquement à l’article 20 de la convention d’entraide judiciaire entraînant l’irrecevabilité de la demande de l’appelant.

M. de Z A relève d’abord que l’article 20 de la convention d’entraide judiciaire susmentionnée impose également à la partie qui demande la reconnaissance ou l’exécution d’une décision de produire une copie de la citation de la partie qui a fait défaut à l’instance. Il souligne avoir versé aux débats les commissions rogatoires internationales relatives à la notification de l’assignation des sociétés défenderesses devant la juridiction à l’origine de cette décision. Il précise que si les sociétés intimées ont refusé de recevoir lesdites notifications, elles ont bien été informées de la procédure diligentée ayant donné lieu au jugement dont il demande l’exécution.

En outre, M. de Z A réfute l’argument des intimées qui invoquent une violation de la convention susmentionnée en expliquant qu’elles ont été convoquées le 24 novembre 2016 et que le jugement a été rendu le 30 juin 2017, soit à une date ultérieure. Il considère en effet que l’article 20 de la convention n’exige que la copie certifiée de l’acte introductif d’instance, de sorte que le fait que le jugement ait été rendu à une date ultérieure à celle indiquée dans l’acte introductif d’instance est sans incidence sur la validité du document produit et sur la recevabilité de sa demande.

Appréciation de la cour

Le tribunal a exactement retenu que l’exigence tenant à la production de la citation est respectée dès

lors que les commissions rogatoires internationales relatives à la notification de l’assignation des sociétés défenderesses devant la juridiction à l’origine de cette décision, les actes d’exécution de ces commissions faisant apparaître que les représentants de ces sociétés ont refusé de les recevoir sont produits aux débats.

Le tribunal retient ensuite justement que la mention d’une date d’audience différente de celle à laquelle la juridiction a statué n’est pas de nature à remettre en cause la validité de ces productions dès lors qu’il est acquis, ainsi qu’il résulte des références et numéros de rôle inscrits, d’une part, sur la décision, de l’autre part, sur les actes de notification produits, que ceux-ci portent bien sur la même procédure, la mention dans l’acte de signification d’une audience unique n’excluant pas la possibilité de renvois et d’une mise en délibéré.

C’est d’ailleurs le lieu d’ajouter qu’il résulte de la traduction du jugement brésilien que plusieurs renvois ont eu lieu ainsi qu’il en résulte des mentions : « décision au folio 69, qui a déterminé l’ajournement de la demande initiale, ainsi que l’exclusion des défendeurs n° 2, n° 3, n° 4, n° 5 et n° 6. Ajournement du procès aux folios 72/73. »

Ainsi, en l’absence de tout élément de nature à infirmer la décision entreprise sur ce point, celle-ci sera confirmée en ce qu’elle a rejeté cette fin de non-recevoir.

La demande d’exéquatur du jugement brésilien

Au soutien de son appel, M. de Z A expose que sa demande d’exéquatur est conforme à l’ordre public procédural français. Il indique qu’en vertu de la jurisprudence en vigueur, l’ordre public procédural français n’exige pas, au cas où le défendeur a eu connaissance de l’instance étrangère, que la signification soit faite à partie et comporte l’indication des voies de recours.

Il rappelle que les sociétés intimées ont eu connaissance de l’instance puisqu’elles ont été dûment citées et ont été informées de la procédure diligentée à leur encontre, dès son origine, par les commissions rogatoires internationales et leur traduction en langue française. Il affirme que les notifications sont conformes aux règles de procédure de l’État d’origine. Il observe que la compétence du juge brésilien et de la loi brésilienne ne sont pas contestées, dans la mesure où il était employé au Brésil par les intimées. Il rappelle que le jugement a fait l’objet d’une mesure de publicité puisqu’il a été publié et est librement consultable sur le site internet du tribunal ayant rendu la décision.

Il soutient que le jugement brésilien ne viole ni les droits de la défense ni la conception française de l’ordre public international de procédure. Il reproche en effet aux premiers juges d’avoir rejeté sa demande d’exéquatur en retenant qu’il ne démontrait pas que la publicité du jugement et les modalités de sa consultation avaient été portées à la connaissance des sociétés intimées en temps utile.

D’une part, il estime que les juges ont ajouté une condition à la loi brésilienne. Il rappelle en effet que la notification du jugement et des voies de recours n’est pas exigée lorsque les parties se sont vu notifier l’acte introductif d’instance. Il en déduit que la notification de la publicité du jugement n’est pas exigée dès lors qu’elle est effectuée conformément à la loi de l’Etat concerné et que les parties ont été notifiées de l’introduction de l’instance.

D’autre part, il considère qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir communiqué le numéro de la procédure aux intimées afin de leur permettre de consulter le jugement en ligne. Il relève que le numéro de procédure était mentionné sur les commissions rogatoires que le dirigeant des sociétés Abcom et C D E a refusé de récupérer au commissariat.

M. de Z A affirme donc que l’absence d’information délivrée par lui aux intimées quant à la

publication du jugement et à ses modalités d’accès ne les a pas privées de la possibilité de prendre connaissance dudit jugement dans des conditions leur permettant d’exercer un recours.

M. de Z A réplique que le juge français ne dispose que d’une compétence internationale indirecte dans le cadre de la procédure d’exéquatur, de sorte qu’il doit simplement vérifier que le jugement apparaît suffisamment motivé. Il estime que la motivation du jugement litigieux en droit et en fait est suffisante, notamment en ce qu’elle repose sur de nombreux documents concordants, qu’il produit.

Quant à la responsabilité solidaire des intimées, il soutient qu’elle a été retenue par le juge brésilien en application du droit brésilien et que la cour n’a pas à se prononcer sur le fond de la décision dont l’exéquatur est demandée.

M. de Z A estime que les intimées tentent d’obtenir une révision du jugement par le juge français ou, à tout le moins, un examen de la décision au fond. Il souligne qu’un tel examen est prohibé par la convention d’entraide susmentionnée et par la jurisprudence en vigueur en matière d’exéquatur.

En outre, il relève que le juge brésilien a arrêté les sommes dues à lui par les intimées dans un procès-verbal afférent au jugement, de sorte que rien ne s’oppose à l’exécution forcée du jugement litigieux.

L’appelant en déduit que le jugement brésilien est conforme à l’ordre public international de procédure.

En réplique, les intimées énoncent que l’appelant ne produit aucun élément permettant de considérer que la publication sur site en accès libre vaut signification.

Les sociétés Abcom et C D E objectent que l’exéquatur doit être rejetée car les droits de la défense et l’ordre public international de procédure ont été violés. Elles soutiennent que l’appelant ne produit aucun document de nature à justifier de la notification de la publicité du jugement. Elles précisent que si ce dernier affirme que le jugement litigieux est librement consultable en ligne, il est impossible d’y accéder sans détenir un numéro de procédure, dont elles n’ont pas connaissance. Elles jugent que M. de Z A ne pouvait ignorer que le numéro de procédure n’était pas en leur possession et qu’il les a privées de la possibilité de prendre connaissance de la décision dans des conditions leur permettant d’exercer des voies de recours.

Elles en concluent que la publication n’a pas été effectuée dans le respect des droits de la défense et de l’ordre public international de procédure.

Par ailleurs, elles estiment que le jugement dont l’exequatur est sollicité n’est pas suffisamment motivé, ce qui constitue une contrariété supplémentaire à la conception française de l’ordre public international de procédure.

Elles affirment au reste qu’aucune motivation n’a trait à leur condamnation solidaire avec les autres défendeurs, alors pourtant qu’elles ne sont pas les employeurs de l’appelant. En effet, elles soulignent que le jugement ne caractérise aucunement l’existence d’un groupe économique. Elles en concluent que le jugement litigieux tient pour vraies les allégations de l’appelant en raison de leur absence à l’audience.

En outre, elle affirment que le jugement apparaît à plusieurs endroits incompréhensible et qu’il est inapplicable en France, notamment s’agissant des sommes dues au demandeur. Elles précisent en effet que le jugement litigieux accorde une somme totale de 350 000 réais au demandeur, mais sans procéder au décompte détaillé des sommes dues et, en outre, qu’un procès-verbal ultérieur, qui n’a

pas vocation à être revêtu de l’exéquatur, lui accorde une somme de 355 205,57 réais. Les intimées soulignent qu’il apparaît difficile de déterminer précisément le montant des sommes dues à l’appelant, notamment en cas d’exécution forcée.

Les sociétés Abcom et C D E relèvent encore que le jugement comporte à plusieurs reprises des énoncés contradictoires. Ainsi, selon elles, le nombre de défendeurs varie dans le jugement, qui constate par surcroît qu’elles n’ont présenté aucune défense avant d’affirmer qu’elles ont mené une stratégie de défense dilatoire.

Appréciation de la cour

Il convient de rappeler en premier lieu que la conformité des notifications s’apprécie au regard des règles de procédure de l’État d’origine.

En l’espèce, deux annexes du jugement dont est revendiqué l’exequatur rappellent les termes de l’article 346 du code de procédure civile brésilien, d’application subsidiaire à la procédure prud’homale, suivant lesquels les délais contre le défendeur qui n’aurait pas de défenseur constitué dans les actes courront à partir de la date de publication de la décision auprès de l’organe officiel.

Les délais dont il s’agit ne peuvent qu’être les délais de recours et s’ils courent à compter de la date de publication, il s’en induit nécessairement que cette publication vaut notification.

Or, il résulte des motifs susvisés que le jugement brésilien a été régulièrement publié, cette mention étant expressément inscrite dans le dispositif de cette décision comme l’a exactement relevé le jugement déféré. En outre, quelles que soient les critiques émises par les sociétés intimées sur ses autres mentions, il résulte du certificat établi le 3 juillet 2020 et portant sceau du tribunal régional du travail de la deuxième région 73e juridiction du travail de São Paulo, que le jugement peut être consulté librement sur le site du tribunal régional du travail de la deuxième région, en indiquant le nom des parties ou le numéro du dossier. Est d’ailleurs produite aux débats une copie d’écran attestant de cette publication et portant le même numéro de procédure 0002709-16.2014.5.02.0073 que celui qui est inscrit dans les commissions rogatoires en suite desquelles les sociétés intimées ont valablement attraites devant ladite juridiction alors qu’elles ont pourtant refusé de recevoir les actes en question.

Ainsi, contrairement à ce qu’elles soutiennent, les sociétés intimées disposaient de tous les éléments nécessaires pour pouvoir prendre connaissance du jugement dont l’exequatur est revendiqué même si elles ont fait le choix de ne pas recevoir les actes de citations qui leur ont été valablement délivrés.

En tout état de cause, sachant qu’une action était engagée à leur encontre, il leur appartenait de s’en enquérir des suites. Il leur appartenait donc de prendre connaissance elles-mêmes des voies de recours ouvertes par la loi étrangère de procédure ainsi que de leurs délais d’exercice.

Par ailleurs, le jugement brésilien caractérise l’existence et la rupture de la relation de travail. Il est à cet égard motivé tant en droit qu’en fait. En effet, s’il indique que faute de comparaître, les peines de jugement par défaut et d’aveu quant à la matière factuelle leur sont imposées, conformément aux dispositions de l’article 844 in fine du code du travail, il n’en demeure pas moins que le juge a analysé la documentation jointe aux actes par le demandeur, en particulier différents e-mails caractérisant en particulier la relation de travail, l’accomplissement de ses prestations par le salarié et l’absence de paiement des salaires. Le jugement est ainsi complètement motivé sans que les sociétés intimées ne soit fondées à exciper d’un éventuel caractère inexécutable pour conclure à l’inexistence de la motivation.

En définitive, le jugement dont est revendiqué l’exequatur ne viole pas les droits de la défense et ne heurte la conception française de l’ordre public international de procédure dans aucune de ses

composantes de sorte que le jugement sera infirmé. Le jugement rendu le 30 juin 2017 par le conseil des prud’hommes travail de São Paulo sera donc déclaré exécutoire sur le territoire français dans les termes du dispositif ci-après.

La conformité du jugement brésilien à la convention d’entraide judiciaire en matière civile

Dans le corps de leurs écritures les sociétés Abcom et C D E sollicitent l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a déclaré le jugement brésilien conforme à la convention d’entraide judiciaire en matière civile entre la France et le Brésil.

Appréciation de la cour

En application de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Par ailleurs, il résulte de l’article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Or, au dispositif de leurs écritures susvisées, les sociétés Abcom et C D E demandent à titre liminaire l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’action intentée à leur encontre, subsidiairement la confirmation du jugement en ce qu’il a refusé la demande d’exequatur, à titre infiniment subsidiaire de':

— rejeter la demande d’exéquatur de M. X de Z A en ce que le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Sao Paulo le 30 juin 2017 a jugé que :

«'les sommes de la condamnation devront être vérifiées lors de la liquidation du jugement par simples calculs et augmentés de la sanction monétaire à partir du 5e jour ouvrable suivant celui de la prestation de services, ainsi que les intérêts conformément à la loi », « Je condamne la première partie défenderesse à procéder à l’annotation du contrat de travail, en reportant sur la carte de travail et de protection sociale du demandeur la date d’entrée c’est-à-dire le 3 février 2014 et la date de rupture du contrat soit le 21 novembre 2014, sous la fonction de directeur de développement d’affaires, pour un salaire de 30 000 réais. La carte de travail et de protection sociale devra être annotée dans un délai de huit jours à partir de l’exécution du jugement, une fois ce dernier document joint aux actes et dès lors que la première partie défenderesse ait été dûment notifiée pour cela, dans le cas contraire le greffe le fera »,

Et en tout état de cause,

— condamner M. X de Z A à verser aux sociétés C D E et Abcom la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la demande d’infirmation des motifs du jugement déféré par lesquels le tribunal a estimé le jugement brésilien conforme à la convention d’entraide franco brésilienne. Au surplus, il doit être observé que ces motifs ne sont pas revêtus de l’autorité de chose jugée, ceci d’autant plus qu’en l’espèce, ils ne viennent pas au soutien du dispositif qui rejette la demande d’exequatur.

La demande infiniment subsidiaire des sociétés Abcom et C D E

Les sociétés Abcom et C D E exposent que, si la cour infirmait le jugement entrepris et prononçait l’exéquatur, celle-ci se sera pas possible sur deux points.

D’une part, elles relèvent que le jugement brésilien condamne la seule société C Do Brasil Telecomunicacoes Ltda à procéder à l’annotation du contrat de travail de M. de Z A, de sorte que l’exéquatur ne peut être prononcée sur ce point.

D’autre part, elles soulignent que le procès-verbal afférent au jugement et détaillant les sommes dues à M. de Z A mentionne une somme de 120 521, 25 réais au titre des intérêts moratoires. Or, elles affirment que, de jurisprudence constante, les intérêts moratoires dus en exécution d’une condamnation prononcée par une juridiction étrangère ne courent qu’à compter de la décision d’exequatur. Elles en déduisent que l’exéquatur ne peut être prononcée sur ce point.

Appréciation de la cour

Il doit être rappelé qu’outre le respect des conventions internationales d’entraide judiciaire, le contrôle du juge de l’exequatur se limite à vérifier la régularité internationale du jugement étranger, ce qui suppose de vérifier la compétence du tribunal étranger, la conformité de la décision étrangère à l’ordre public international de fond et de procédure et l’absence de fraude. En effet, depuis 1964, le juge de l’exequatur a perdu le pouvoir de réviser la décision étrangère.

Or, les demandes formées à titre infiniment subsidiaire par les sociétés Abcom et C D E visent à obtenir une révision au fond de la décision brésilienne litigieuse de sorte qu’il ne peut y être fait droit.

Les demandes accessoires

Compte tenu du sens du présent arrêt, le jugement déféré sera infirmé sur les dépens.

En tant que partie perdante, Les sociétés Abcom et C D E seront condamnées aux entiers dépens depuis la première instance et seront déboutées de leur propre demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche, elles verseront sur ce même fondement à M. de Z A la somme de 1 800 € en indemnisation de ses entiers frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

INFIRME le jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a rejeté la demande d’exequatur,

Et, statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE exécutoires sur le territoire français le jugement rendu le 30 juin 2017 par le conseil des prud’hommes travail de São Paulo portant le n° de procedure 0002709-16.2014.5.02.0073,

DÉBOUTE les sociétés Abcom et C D E de toutes leurs demandes,

Les CONDAMNE à payer à M. de Z A la somme de 1 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE les sociétés Abcom et C D E aux entiers dépens.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller pour le président empêché, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 4 mai 2021, n° 20/04618