Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 11 avril 2022, n° 20/01163

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 4e ch., 11 avr. 2022, n° 20/01163
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/01163
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Chartres, 7 janvier 2020, N° 18/01535
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 59C

4e chambre

ARRET N°


CONTRADICTOIRE


DU 11 AVRIL 2022


N° RG 20/01163 – N° Portalis DBV3-V-B7E-TYOL


AFFAIRE :

SAS BOIS & MATERIAUX


C/

A X

SASU UNIBETON CENTRE OUEST


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Janvier 2020 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES


N° RG : 18/01535


Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies

délivrées le :

à :


Me Mathieu KARM


Me Jean-François CABIN


Me Nathalie GAILLARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE ONZE AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS BOIS & MATERIAUX immatriculée au RCS de RENNES, prise en la personne de ses réprésentants légaux


N° SIRET : 410 17 3 2 98

[…]

[…]


Représentant : Me Mathieu KARM de la SCP PICHARD DEVEMY KARM, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040 et Me Anne-Maud TORET, Plaidant, avocat au barreau de NANTES, vestiaire : 66

APPELANTE

****************

Monsieur A X


Né le […] à […]

de nationalité française

'La Borde'

[…]


Représentant : Me Jean-François CABIN de la SCP CABIN LABROSSE, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000026 -

SASU UNIBETON CENTRE OUEST


N° SIRET : 410 28 8 2 52

[…]

[…]


Représentant : Me Nathalie GAILLARD de la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) – AIDAT-ROUAULT ISABELLE – GAILLARD N ATHALIE, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000001 et Me Marie-Noëlle MARTINS SCHREIBER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1967 substituée à l’audience par Me BLACHIER Lucie, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :


En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Février 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,et Madame Valentine BUCK, Conseiller, ayant été entendue en son rapport.


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Valentine BUCK, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY,

FAITS ET PROCÉDURE


Pour réaliser une chape en béton au-rez-de-chaussée de la ferme qu’il était en train de rénover, M.


X a acheté du mortier auprès de la société Bois & matériaux. Celle-ci s’est fournie auprès de la société Unibéton, devenue Unibéton centre ouest (ci-après Unibéton). Le mortier a été livré le 15 septembre 2016 et M. X l’a posé lui-même le jour même.


Se plaignant que le mortier avait des grumeaux et une mauvaise tenue, M. X s’est rapproché de la société Bois & matériaux, en vain, puis a demandé une expertise technique auprès de la société


Ginger-CEBTP, puis a sollicité une expertise judiciaire. Par ordonnance de référé du 27 juin 2017,

M. Y a été désigné en qualité d’expert. Il a déposé son rapport le 15 mars 2018.

M. X a alors assigné la société Bois & matériaux et la société Unibéton devant le tribunal judiciaire de Chartres aux fins d’indemnisation.


Par jugement rendu le 8 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Chartes a rejeté la demande de nullité

d’expertise de la société Unibéton et a condamné solidairement la société Bois & matériaux ainsi que la société Unibéton à indemniser M. X de ses préjudices, à hauteur de 7 155,72 euros au titre du coût des travaux de réfection, de 2 700 euros au titre du coût des factures CEBTP, de 512,56 euros au titre du remboursement du prix du mortier, de 6 615 euros au titre du préjudice de jouissance, de

4 500 euros au titre du préjudice moral lié à l’incertitude sur l’issue des travaux, et de 4 500 euros au titre du préjudice moral lié aux tracas et soucis de la procédure. Il les a aussi condamnées in solidum

à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

*


Le 21 février 2020, la société Bois & matériaux a interjeté appel de ce jugement.


La clôture de l’instruction a été ordonnée le 5 octobre 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience de la cour du 28 février 2022, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

*
Par ses dernières conclusions du 29 janvier 2021, la société Bois & matériaux demande à la cour de réformer partiellement le jugement entrepris et, statuant à nouveau, à titre principal, de débouter M.


X de ses demandes indemnitaires, à titre subsidiaire, de limiter le montant des indemnités et de condamner la société Unibéton à la garantir totalement ou dans le pourcentage retenu par l’expert, et de la condamner à lui rembourser la somme de 14 741,64 euros, versée au titre de l’exécution provisoire du jugement, avec intérêts. En tout état de cause, elle demande de condamner tout succombant à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.


Elle considère que M. X a constaté dès l’achat que le mortier avait des nodules mais a décidé tout de même de l’appliquer en le diluant avec de l’eau, que les nodules étaient donc bien apparents. Elle soutient que M. X a mal mis en 'uvre ce mortier. Elle fait valoir que M. X ne justifie pas de ses préjudices.


Par ses dernières conclusions du 29 septembre 2021, la société Unibéton demande à la cour

d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d’annuler le rapport d’expertise, de retenir que

l’ajout d’eau par M. X est la seule cause des désordres, de débouter M. X de ses demandes et de le condamner à lui rembourser la somme de 14 741 64 euros versée le 17 mars 2020 au titre de

l’exécution provisoire, avec intérêts légaux. À titre subsidiaire, elle demande de dire qu’elle ne pourra être condamnée que dans la limite des sommes visées et des pourcentages de responsabilité retenus dans le rapport d’expertise, soit la somme de 11 596,26 euros, et de rejeter l’appel en garantie de la société Bois & matériaux. En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.


Elle reproche à l’expert de s’être contenté de reprendre les conclusions de l’expertise amiable diligentée par M. X, de ne pas s’être basé sur ses propres constatations et de ne pas avoir répondu

à toutes ses questions ni à ses dires. Elle considère qu’aucune constatation n’a pu être faite au moment de la livraison du mortier et que celles-ci n’ont pu être faites que sur sa mise en 'uvre. Elle explique que seul un professionnel pouvait poser le mortier acheté, qu’il n’y a pas d’erreur entre le mortier commandé et le mortier livré, qu’elle n’est pas responsable d’une pose non conforme. En tout état de cause, elle estime que M. X n’apporte aucune pièce au soutien de ses demandes indemnitaires. Elle indique que la société Bois & matériaux ne précise pas le fondement juridique de son appel en garantie et qu’elle était seule tenue d’une obligation de conseil.


Par ses dernières conclusions du 29 octobre 2020, M. X demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a limité ses demandes indemnitaires. Il sollicite alors la condamnation conjointe et solidaire de la société Bois & matériaux et de la société Unibéton à lui payer les sommes de 7 950,80 euros toutes taxes comprises au titre du coût des travaux de réfection, de 3 000 euros toutes taxes comprises au titre du coût des factures CEBTP, de 569,52 euros toutes taxes comprises au titre du remboursement du mortier, de 700 euros (sauf à parfaire) à compter du 1er octobre 2016 jusqu’à l’arrêt à intervenir au titre du préjudice de jouissance, et de 214 288,10 euros au titre du préjudice moral et financier.
Il considère que l’expert a respecté toutes les règles procédurales dans ses opérations, que le mortier livré ne correspondait pas au mortier commandé, que son ajout d’eau n’est pas à l’origine des défauts.


Il explique avoir perdu quatre ans alors qu’il avait cherché une solution amiable, qu’il ne peut pas utiliser le rez-de-chaussée de sa maison.

MOTIFS

Sur la demande de nullité du rapport d’expertise


La société Unibéton reproche à l’expert judiciaire d’une part, de ne pas s’être basé sur ses propres constatations ou des faits justifiés, d’autre part, de ne pas avoir répondu à toutes ses questions soulevées dans ses dires. Elle reproche en particulier à l’expert de ne pas avoir constaté de nodules dans le mortier livré.


En l’espèce, l’expert a constaté lui-même les désordres, en se rendant sur les lieux en présence de toutes les parties.


Par ailleurs, l’expert judiciaire a tenu compte des explications circonstanciées de M. X sachant que celles-ci figuraient en particulier dans un courrier adressé à la société Bois & matériaux le 29 septembre 2016, soit quatorze jours après la livraison du mortier litigieux. En outre, il était impossible pour l’expert de constater par lui-même l’état du mortier livré, celui-ci ayant été posé et

M. X ayant indiqué dans le courrier du 29 septembre 2016 que le mortier non utilisé avait été mis en décharge le jour même. Au demeurant, alors que la société Unibéton était présente lors de la réunion d’expertise, elle n’a pas sollicité de l’expert ni lors de la réunion ni dans un dire, qu’il extrait un échantillon de la chape ou qu’il analyse le produit tel qu’il a été livré.


Ensuite, l’expert judiciaire a demandé à la société Unibéton des explications sur la présence de nodules et le temps de malaxage utilisé. Dans ses dires du 13 décembre 2017 et 13 février 2018, la société Unibéton a donné des explications et a communiqué des documents en faisant valoir essentiellement que le mortier livré correspondait au mortier commandé, selon le dosage attendu et sans nodules et que la présence de nodules et des désordres avaient pour origine la mise en 'uvre non conforme par M. X, qui a rajouté de l’eau. L’expert a répondu à ces deux dires point par point, certes de manière peu développée techniquement, mais montrant ainsi avoir pris connaissance de la formulation du mortier, des bons de pesée et des bandes wattmétriques communiqués par la société


Unibéton, et a ensuite donné son avis technique sur la cause des désordres.


Ainsi, l’expert n’a pas donné son avis uniquement sur la base des propos de M. X ou du rapport de la société Ginger CEBTP.


L’expert ayant procédé à des constatations propres, répondu aux dires des parties, et donné un avis technique sur l’origine des désordres, c’est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise.
Sur les demandes de M. X à l’encontre des sociétés Bois & matériaux et Unibéton


Se fondant sur la responsabilité contractuelle et l’obligation de délivrance du vendeur et se basant sur le rapport d’expertise, M. X reproche à la société Bois & matériaux un manquement à son devoir de conseil pour lui avoir livré un mortier sec et non un mortier liquide, et à la société Unibéton de lui avoir livré un mortier comprenant des nodules et dont le dosage n’était pas conforme à la commande.


La société Bois & matériaux rétorque que M. X a accepté sciemment le mortier avec des nodules visibles lors de la livraison et qu’il l’a modifié unilatéralement en le diluant avec de l’eau et l’a mis en

'uvre sur une grande surface.


La société Unibéton affirme avoir livré à M. X un mortier conforme à ce qui avait été commandé. Elle explique que la mise en 'uvre d’un mortier liquide par mixopompe nécessite

l’intervention d’une société chargée de l’application lorsqu’il s’agit de réaliser des chapes fluides sous avis technique, que M. X a abandonné la mise en 'uvre d’un mortier fluide au profit d’un mortier sec, produit moins onéreux. Elle soutient qu’à sa livraison, le mortier présentait les qualités attendues et la juste quantité d’éléments le constituant (sable, ciment, filler calcaire') qu’il avait subi un temps de malaxage conforme et que c’est à raison de l’eau ajoutée de M. X que des nodules se sont formés.

***


En application des articles 1604 et 1610 du code civil, invoqués par les parties, l’acceptation sans réserve de la marchandise vendue par l’acheteur lui interdit de se prévaloir du défaut de conformité.


Selon l’article 1240 du code civil, invoqué au soutien de l’action contre la société Unibéton, chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.


En l’espèce, le 12 septembre 2016, M. X a commandé à la société Bois & matériaux du mortier

« RMC DOS. 350 LIVRE » ainsi qu’une mixo-pompe.


Toutefois, comme cela relève des mentions manuscrites de la société Bois & matériaux figurant sur ce bon de commande signé, de la facture délivrée à M. X le 15 septembre 2016, jour de la livraison, et des propos de M. X dans son courrier notamment du 29 septembre 2016, la société


Bois & matériaux a conseillé à M. X soit de faire appel à un professionnel pour appliquer le mortier, soit d’utiliser un retardateur de prise, et M. X a fait finalement le choix d’abandonner la mixopompe au profit d’un retardateur, les références du mortier commandé n’ayant pas changé.


Aucun élément versé aux débats ne permet de confirmer les propos de M. X suivant lesquels il avait néanmoins demandé la livraison d’un mortier liquide, ou fluide, d’autant que, selon l’expert judiciaire, sa commande correspondait à du mortier sec. En tout état de cause, M. X a signé le bon de livraison sans émettre de réserves alors qu’il ressort de ses propos que, d’emblée, il a constaté que la livraison correspondait à du mortier sec, mais qu’il n’a pas refusé la livraison, pensant pouvoir le mouiller. Ainsi, en acceptant sans réserve le mortier sec, il ne peut plus se prévaloir ensuite d’un défaut de conformité à ce titre.


Par ailleurs, aucun élément ne confirme non plus les allégations de M. X suivant lesquelles le ciment livré aurait contenu un retardateur de deux heures, contraire à sa commande portant sur un retardateur de quatre heures. En effet, la facture présentée ne précise pas la durée de ce retardateur et aucun élément ne vient corroborer les propos de M. X. Il ne peut donc pas là non plus se prévaloir d’un tel défaut de conformité.


En revanche, selon le bon de commande émanant de la société Unibéton, celle-ci a fourni un mortier sec de type « CXB Sable Liant Retard 350 kg/M3 Fib Non Struc. Retard 4 heures », qui, selon la société Unibéton, est un mortier composé de 280 kg de ciment et de 70 kg de filler calcaire, formant ainsi 350 kg de sable liant. Or, il n’est pas démontré que le mortier « RMC DOS. 350 LIVRE » figurant dans la commande de M. X chez la société Bois & matériaux correspond au mortier

« CXB Sable Liant Retard 350KG/M3 » fourni par la société Unibéton.


En outre, selon le rapport de la société Ginger CEBTP, communiqué à l’expert judiciaire, l’analyse

d’échantillons de la chape une fois posée a révélé « un phénomène de concentration du ciment en nodules ['], entraînant une baisse du dosage en ciment dans le reste de la chape. Le dosage mesuré en laboratoire est de 175 à 220 kg/m3 de sable sec pour un dosage prévu à 350 kg/m3 ». Il n’est

d’ailleurs pas contesté que la chape comporte des grumeaux ou des nodules, ce que l’expert a pu constater également.


La société Unibéton réfute que le mortier livré ait pu comporter ces nodules au motif qu’il a subi un temps de malaxage conforme à la norme NF BPE 033 en son article 2.2.9.8.1, que les bandes wattmétriques justifient l’homogénéité du mortier et que le malaxeur ne peut donc pas être à l’origine de la formation de nodules. Or, le document produit (pièce n°8) est daté du 19 septembre 2016, soit une date postérieure à la livraison, et il est par ailleurs illisible de sorte qu’il ne permet pas d’établir la présence de la mention « bon délivrance 1641 » qui correspondrait au numéro du bon de livraison de

M. X (n°301800001641). Par conséquent, la société Unibéton n’est pas en mesure de justifier du temps de malaxage du produit fourni.


La société Unibéton soutient également que ce sont les ajouts d’eau par M. X qui sont à l’origine de la création des nodules et qu’en diluant le mortier de manière trop importante, il a altéré le produit de manière significative.


Il n’est pas contesté que M. X a ajouté de l’eau au mortier livré, ni que la chape a été mise en

'uvre dans deux bâtiments pour une surface de 67 m². Toutefois, l’expert judiciaire affirme que le mortier a été livré avec des nodules, que la société Unibéton n’a pas expliqué la cause de formation de ces nodules, ni en quoi l’ajout d’eau dans le mortier créerait des nodules, que « les nodules ne peuvent apparaître qu’avant la mise en 'uvre de la chape », que « les nodules existaient donc au moment de la livraison », que l’ajout d’eau ne peut pas avoir créé de nodules et qu’un « mortier trop malaxé présente systématiquement des nodules de ciment ».


Ainsi, face aux affirmations de l’expert judiciaire, la société Unibéton n’explique pas l’apparition de ces nodules d’autant que, selon son dire du 13 décembre 2017, l’apport d’eau affaiblit sa résistance, détériore son esthétique et ralentit la prise, mais elle ne soutenait pas qu’il entraîne l’apparition de nodules.


Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le mortier a été livré avec nodules.


D’après les propos de M. Z, ce n’est qu’après la livraison, au moment de la mise en 'uvre, après une demi-heure, qu’il a eu des difficultés à tirer le mortier, à le mouiller notamment en raison des très nombreux « grumeaux », « difficile à écraser à la pelle ». Aucun élément ne permet de considérer qu’il aurait vu ces grumeaux dès sa livraison, avant la signature du bon de livraison et donc avant sa mise en 'uvre, et qu’il aurait ainsi accepté un tel mortier.


En conclusion, sans qu’il soit nécessaire d’examiner un manquement au devoir de conseil reproché à la société Bois & matériaux, il est démontré que le mortier livré par la société Unibéton à M. X

matériaux est donc responsable à son égard de ce défaut de délivrance, au sens de l’article 1604 du code civil. La société Unibéton, qui n’a pas de rapport contractuel avec M. X, a commis une faute en fournissant un mortier avec des nodules et engage ainsi sa responsabilité délictuelle à l’égard de M. X.


Il convient néanmoins de retenir une part de responsabilité de M. X dans la réalisation des désordres, celui-ci ne le contestant pas et ayant reconnu d’emblée avoir ajouté de l’eau au mortier ce qui, selon l’expert judiciaire, a réduit sa résistance. Sa part de responsabilité sera fixée à 10 % comme le propose l’expert judiciaire.


Ayant toutes deux contribué à la réalisation des désordres, les sociétés Bois & matériaux et Unibéton seront tenues in solidum, et non conjointement et solidairement, de la réparation des préjudices subis par M. X, à hauteur de 90 %, la part de responsabilité de ce-dernier dans la réalisation des dommages étant fixé à 10 % comme le propose l’expert judiciaire.


Le jugement sera alors confirmé, par substitution de motifs sur la responsabilité retenue mais infirmé en ce qu’il avait condamné les sociétés solidairement et non in solidum.

Sur la réparation des préjudices


Les sociétés Bois & matériaux et Unibéton ne contestant pas sérieusement l’évaluation des préjudices faites par l’expert, la moitié de la maison pouvant être occupée jusqu’au dépôt du rapport d’expertise, les travaux de reprise pouvant être commencés dès la fin de l’expertise puisque le mortier tel que livré n’était plus disponible pour analyse, et M. X ne produisant aucune pièce, autre que les tableaux qu’il a lui-même établis, au soutien de sa demande de préjudice moral et financier à hauteur de 214 288 euros, les sommes allouées par le tribunal seront confirmées, sauf en ce qu’il a alloué deux indemnités pour le préjudice moral.


En effet, l’incertitude sur l’issue des travaux relève en réalité soit des tracas indemnisés au titre du préjudice moral soit du préjudice de jouissance, c’est-à-dire de l’impossibilité de terminer les travaux tant que les désordres ne sont pas réparés.


Par conséquent, le préjudice moral lié aux tracas et soucis de toutes les démarches entamées en vain et de la procédure sera indemnisé à hauteur de 4 500 euros.

Sur les appels en garantie


La société Bois & matériaux demande que la société Unibéton soit condamnée à la relever indemne des condamnations mises à sa charge.


Le tribunal a omis de statuer sur cette demande.


L’expert judiciaire avait retenu une part de responsabilité de la société Bois & matériaux de 10 % au motif qu’elle avait manqué à son devoir de conseil en lui proposant un mortier sec alors que M.


X n’était pas un professionnel.


Cependant, aucun manquement au devoir de conseil de la société Bois & matériaux n’est établi, M.


X ne justifiant pas avoir voulu commander un mortier liquide et avoir été mal conseillé pour modifier sa commande, et la livraison d’un mortier avec des nodules ne relevant pas de la responsabilité de la société Bois & matériaux.


Celle-ci est donc bien fondée à demander d’être garantie par la société Unibéton.

Sur les dépens et les autres frais de procédure


La société Bois & matériaux et la société Unibéton seront condamnées in solidum à payer à M.


X la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.


La société Unibéton sera condamnée à garantir la société Bois & matériaux.

PAR CES MOTIFS


La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné solidairement la société Bois & matériaux et la société Unibéton à réparer les préjudices subis par M. X, et à payer la somme de

4 500 euros au titre du préjudice moral lié à l’incertitude des travaux ;
L’INFIRME de ces chefs ;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la société Bois & matériaux et la société Unibéton à payer à M. X les sommes suivantes :

1) 7 155,72 euros au titre du coût des travaux de réfection,

2) 2 700 euros au titre du coût des factures de la société Ginger CEBTP,

3) 512,56 euros au titre du remboursement du mortier,

4) 6 615 euros au titre du préjudice de jouissance,

5) 4 500 euros au titre du préjudice moral lié aux tracas et soucis qu’il a subis ;

DÉBOUTE M. X de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice moral lié à l’incertitude des travaux ;

CONDAMNE in solidum la société Bois & matériaux et la société Unibéton à payer à M. X la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Unibéton à garantir la société Bois & matériaux de toutes ces condamnations.


Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Monsieur Boubacar BARRY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le Greffier, Le Président,
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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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