Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 17 février 2022, n° 20/00236

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 21e ch., 17 févr. 2022, n° 20/00236
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/00236
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Dreux, 6 janvier 2020, N° F18/00085
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE


DU 17 FEVRIER 2022


N° RG 20/00236 – N° Portalis DBV3-V-B7E-TWYU


AFFAIRE :

SAS CLAUDEM


C/

I J épouse X


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Janvier 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de DREUX


N° Chambre :


N° Section : I


N° RG : F 18/00085


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Mélina PEDROLETTI

la SELARL LM AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE DIX SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX, après prorogation du DIX FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX et prorogation du VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX, les parties en ayant été avisées.


La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS CLAUDEM


N° SIRET : 712 950 450 […]


Boutigny sur Opton

[…]


Représentant : Me Christine BORDET-LESUEUR, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000005


Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626

APPELANTE

****************

Madame I J épouse X

née le […] à

[…]

[…]


Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629


Représentant : Me Angela CSEPAI, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000009

INTIMEE

****************

Composition de la cour :


En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Novembre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie AMAND, Président chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Valérie AMAND, Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,


Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,

FAITS ET PROCEDURE,

Mme X a été engagée à compter du 15 octobre 2001 en qualité de contrôleuse à domicile, par la société Claudem, selon contrat de travail à durée déterminée pour une durée de deux mois, renouvelé à plusieurs reprises et qui s’est poursuivi pour une durée indéterminée à compter du 1er avril 2004.


L’entreprise, qui a pour activité le commerce de gros (commerce interentreprises) de fournitures et équipements industriels divers et particulièrement d’écrous, emploie habituellement moins de onze salariés, à savoir huit salariés à l’époque du licenciement, Mme X étant la seule employée à domicile.

Mme X était chargée de trier les écrous, d’écarter les écrous défectueux et de mettre ces derniers en fonction de leur défectuosité dans des sachets différents.


Du 1er février 2017 au 31 janvier 2018, Mme X a effectué le tri des pièces qui lui étaient confiées au sein de la société Claudem par une extension de contrat, puis à compter du 1er février

2018, le contrat de travail initial à domicile a repris.


Convoquée le 9 avril 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 avril suivant, Mme X a été licenciée par lettre datée du 24 avril 2018 énonçant une faute grave.


Contestant son licenciement, elle a saisi le 9 juillet 2018, le conseil de prud’hommes de Dreux aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la société soit condamnée à lui verser les sommes suivantes :


- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :15 416 euros


- indemnités compensatrices de préavis : 2 202 euros


- indemnité légale de licenciement : 5 138 euros


- paiement 6 ème semaine sur 3 ans : 825,87 euros


- salaire du 25 avril 2015 au 25 avril 2018 : 4 198,95 euros


- congés payés sur 25 avril 2015 au 25 avril 2018 : 419,89 euros


- perte de salaire convocation Sistel et entretien : 43,96 euros


- perte de salaire jusqu’à la retraite : 16 632 euros


- article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros


La société s’est opposée aux demandes et a sollicité une somme de 1 500 euros au titre de l’article

700 du code de procédure civile.
Par décision du 17 juin 2019, le conseil de prud’hommes saisi s’est déclaré en partage de voix.


Par jugement de départage rendu le 7 janvier 2020, le conseil a statué comme suit :

Déclare le licenciement pour faute grave de Mme X dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Claudem à lui payer :

- des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :15 416 euros

- l’indemnités compensatrice de préavis : 2 202 euros

- l’indemnité légale de licenciement : 5 138,00 euros

- le paiement de la 6ème semaine sur 3 ans : 825,87 euros

- le salaire du 25 avril 2015 au 25 avril 2018 : 3 185,71 euros

- les congés payés afférents :318,57 euros

- la perte de salaire convocation Sistel et entretien : 43,96 euros

- la perte de salaire jusqu’à la retraite : 8 000 euros

- article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros

Ordonne l’exécution provisoire en application de l’article R1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaires (moyenne de salaire retenue 1101 euros),

Déboute la société Claudemn de l’ensemble de ses demandes.


Le 23 janvier 2020, la société Claudem a relevé appel de cette décision par voie électronique.


Par ordonnance rendue le 17 novembre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 novembre 2021.


Par dernières conclusions du 19 octobre 2021, la société Claudem demande à la cour de :


Avant dire droit, ordonner l’audition des auteurs des attestations, et ce en application des dispositions de l’article 199 du code de procédure civile soit :


- Mme Z demeurant […],
- Mme A demeurant […],


- M. B demeurant […],


- M. C demeurant […],


- Mme C demeurant […],


Dire que la date de ces auditions sera fixée ultérieurement.


En tout état de cause :


Voir infirmer le jugement qui :


- Déclare le licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en conséquence, la condamne à payer à Mme X :


- des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15 416 euros


- l’indemnité compensatrice de préavis : 2 202 euros


- l’indemnité légale de licenciement : 5 138 euros


- le paiement de la 6 ème semaine sur 3 ans : 825,87 euros


- le salaire du 25 avril 2015 au 25 avril 2018 : 3 185,71 euros


- les congés payés afférents : 318,57 euros


- la perte de salaire, convocation Sistel et entretien : 43,96 euros


- la perte de salaire jusqu’à la retraite : 8 000 euros


- un article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros


- Ordonne l’exécution provisoire en application de l’article R 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaires (moyenne de salaire retenue 1 101 euros),


- La déboute de l’ensemble de ses demandes.


Voir débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes,


Prendre acte que la société est d’accord pour régler la somme de 27,31 euros à titre de rappel de salaire, ainsi que la somme de 21,98 euros au titre du temps passé à la visite médicale et à l’entretien préalable,


Voir condamner Mme X au paiement de la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.


Par dernières conclusions du 9 novembre 2021, Mme X demande à la cour de :


Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a indiqué que le licenciement de Mme


X était dépourvu de cause réelle et sérieuse.


Le réformer sur les montants


En conséquence,


A titre principal


Condamner la société aux sommes suivantes, à savoir :


- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :15 416 euros


- indemnités compensatrices de préavis : 2 202 euros


- indemnité légale de licenciement : 5 138 euros


- paiement 6 ème semaine sur 3 ans : 825,87 euros


- salaire du 25 avril 2015 au 25 avril 2018 : 4 198,95 euros


- congés payés sur 25 avril 2015 au 25 avril 2018 : 419,89 euros


- perte de salaire convocation Sistel et entretien : 43,96 euros


- préjudice économique : 16 632,00 euros


- article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros


A titre subsidiaire,


Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,


Condamner la société au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

I Sur la demande de rappel de salaires


A l’appui de sa demande en paiement de la somme de 4 198,50 euros à titre de rappel de salaire due entre le 25 avril 2015 et le 25 avril 2018, la salariée fait valoir que son contrat de travail prévoyait qu’elle travaillait à mi-temps, ce qui représente 86,60 heures par mois, mais qu’elle n’a pas perçu ce minimum contractuel sur les années 2015 à 2018 et réclame le différentiel.


La société qui concède finalement que la salariée ne travaillait pas à la pièce mais à mi-temps prétend avoir rempli de ses droits la salariée en produisant un tableau récapitulatif des sommes dues calculées sur 84, 50 heures par mois en 2015 et 2016 et janvier 2017, puis sur la base de 86,60 heures par mois à compter de février 2017 jusqu’à avril 2018, auquel elle applique le taux horaire en vigueur et dont elle déduit les sommes reçues, qui laisse apparaître une créance salariale au profit de la salariée de 27,31 euros.


Il ressort du contrat de travail produit que la salariée percevait initialement une rémunération calculée sur une base mensuelle de 1 127 euros pour 169 heures représentant un taux horaire de 6,67 euros, le contrat précisant que la durée de son travail à mi-temps à domicile sera de 100 heures maximum par mois, le taux horaire ayant ensuite évolué à différents montants sur lesquels les parties

s’accordent entre avril 2015 et avril 2018 et la base mensuelle ayant ensuite

été fixée pour une durée mensuelle de 151,67 heures.


Contrairement à ce qu’affirme la société, la salariée, bien que travailleuse à domicile sauf du 1er février 2017 au 31 janvier 2018 était soumise à la mensualisation du fait de la référence contractuelle

à la base mensuelle.


Au vu de ces éléments et alors que le tableau produit par la société en pièce 25 qui reconnaît une créance d’au moins 27,31 euros bruts est erroné en ce qu’il ne prend en compte un mi -temps qu’à hauteur de 84,50 heures sur une partie de la période considérée au lieu de le prendre à hauteur de

86,60 heures sur toute la période d’avril 2015 à avril 2018, il sera considéré que la société est débitrice d’un rappel de salaire de 4 198, 95 euros bruts sur la dite période et de 419, 89 euros bruts de congés payés afférents à l’égard de la salariée qui justifie précisément de son calcul.


Le jugement sera réformé sur le quantum alloué à ces titres ( rappel de salaire et congés payés afférents).

II- Sur la demande de la sixième semaine de congés
La salariée réclame le paiement de la somme de 825,75 euros à titre de rappel de salaire pour la

6ème semaine de congé qu’elle n’a pu prendre pendant trois ans du fait de la fermeture de l’entreprise et qu’elle n’a pas récupérée.


La société s’oppose à cette demande en objectant qu’il n’y a aucun fondement à sa demande.


Il ressort pourtant du compte-rendu de l’entretien préalable de licenciement tenu le 18 avril 2018 que

l’employeur a reconnu qu’une sixième semaine était imposée aux salariés pendant la fermeture de

l’entreprise, que cela arrangeait tout le monde et que les salariés la récupéraient mais qu’il ne dit mot sur la manière dont la salariée à domicile la récupérait, le président de la société déclarant alors que ' tout sera rectifié et payé en conformité avec la loi'.


Il convient donc de confirmer le jugement qui a condamné à la société à payer à la salariée la somme de 825,75 euros bruts à titre de rappel de salaires dont elle a été privée au titre de la fermeture de

l’entreprise.


Le jugement sera confirmé sur ce point.

III- Sur la demande en paiement au titre de la visite médicale et de l’entretien préalable


La société étant d’accord pour régler à la salariée l’équivalent de 2h30 de travail pour le temps passé

à l’occasion de l’entretien préalable, et l’équivalent de 2h17 pour le temps passé lors de la visite médicale, soit la somme globale de 43,96 euros, il convient de confirmer le jugement sur ce point.

IV – Sur le licenciement


La lettre de licenciement du 24 avril 2018 qui fixe les termes du litige est libellée ainsi :

'(…) Vous vous êtes présentée, le jour, à l’heure et au lieu demandés, accompagné de Monsieur


U V W T, votre Conseiller.

Monsieur U V W est habilité par la liste de l’Arrêté n° 73/2017 du 29.05.2017.


Au cours de cet entretien, nous avons pu exposer que les Ecrous Réf Claudem : Polystop 90 MHR 6, objet du tri, que nous sommes allés rechercher à votre domicile, étaient destinés à la société K


L.


La société K L est un fournisseur de premier rang des Constructeurs Automobiles.


Les colonnes de direction fabriquées par cette société, sont montées chez les constructeurs automobiles du monde entier.


Pour pouvoir travailler avec cette filière automobile, notre société possède la certification qualité
ISO/TS 16949, « International Organization For Standardisation / Technical Specification « 16949 ».


Notre société sera auditée, en semaine 23/2018, pour obtenir la nouvelle certification qualité IATF

[…] », demandée par les constructeurs automobiles américains, notamment General Motors à Atlanta, et Ford à Detroit, Etats-Unis.


Vous avez trié les écrous 90 MHR 6, Lot 0210S0, du 26 au 30.03.2018, suivant votre fiche de travail du 31.03.2018.


Dans votre lettre du 03.04.2018, vous nous avez dit textuellement, que « vous vous étiez amusée à compter la quantité de pièces dans les cartons » et que votre comptage ne correspondait pas à celui de la société Claudem.


Depuis les seize années, et quelques mois, de votre collaboration avec la société Claudem, nous

n’avons jamais eu aucun problème de non-conformité concernant votre tri.


L’idée de contrôler votre travail ne nous serait même pas venue, si vous n’aviez pas écrit que vous aviez recompté trois cartons, et que vous ne trouviez pas la même quantité que celle annoncée par la société Claudem.


Nous devions acquérir une certitude.


Les pièces ont été mises sur les peseuses-compteuses de la société Claudem, et nous n’avons pas trouvé les mêmes données que vous.


De ce fait, pour assurer un manque de quantitatif éventuel, les cartons ont été vidés sur la table de tri, pour les recompter, et là, nous avons visualisé une pièce sans bague nylon.


Nous avons donc décidé de contrôler votre tri.


Sept personnes ont trouvé les non-conformités suivantes :


- Pièces sans bague nylon d’autofreinage.


- Pièces avec gros copeaux.


Ces écrous, comme nous vous l’avons confirmé, sont montés par la société K L, sur leurs colonnes de direction, en « AQP », c’est-à-dire en « Assurance Qualité Produit ».


Dans le cadre de l’Assurance Qualité Produit » pour les pièces de haute sécurité comme les écrous


Polystop 90 MHR 6, montés sur les colonnes de direction, le « 0 défaut », pour 1.000.000 de pièces, est demandé.
Le 31.01.2018, vous aviez eu un entretien avec Monsieur H G, Président du Conseil

d’Administration. Il vous avait confirmé la fin de l’extension de votre contrat de tri, effectué dans

l’enceinte de la société Claudem, ainsi que la reprise de votre travail de tri à votre domicile.


Dès le lendemain, 1er février 2018 à 8h00, vous vous êtes présentée à la société Claudem, et avez demandé à travailler dans nos locaux.


A partir de ce jour, nous avons ressenti une agressivité de votre part, et un climat tendu s’est installé.


En laissant des pièces non-conformes mélangées avec les pièces que vous aviez triées, vous ne pouviez ignorer l’impact du danger encouru sur les colonnes de direction, et l’irrémédiable préjudice de la découverte de ces pièces chez K L.


Nous en déduisons que ces non-conformités ont été faites dans l’intention de nuire à votre employeur, et à la société Claudem.


Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible. Nous vous confirmons que votre licenciement pour faute grave, prend effet immédiatement, sans indemnité de préavis, ni de licenciement…'.


A l’appui de l’infirmation du jugement, la société soutient que la salariée a saboté volontairement son travail en laissant des écrous avec des défauts qui auraient pu conduire à des atteintes graves à la sécurité ( accidents automobiles) parce qu’elle refusait de reprendre son travail de tri à domicile, après avoir accepté d’effectuer temporairement son travail au sein de l’entreprise.


Cette volonté de nuire s’est traduite à partir du 1er février 2018 d’abord par une dénonciation injustifiée de la société pour refus d’accès à l’entreprise, puis par l’organisation de son indisponibilité pour recevoir à son domicile les écrous à trier, en troisième lieu par de très nombreux appels téléphoniques pour faire croire qu’elle réclame ' à cor et à cri’ des pièces à trier, en quatrième lieu par une polémique créée sur le nombre de pièces livrées à son domicile et sur la cadence de tri à respecter, en cinquième lieu, par une polémique sur le nombre de pièces à trier dans les cartons qui lui ont été livrés le 26 mars 2018 ; la société indique que c’est parce que la salariée a remis en cause le nombre de pièces reçues à domicile pour être triées sur la base duquel son salaire est arrêté qu’il a été décidé de vérifier les cartons rendus par la salariée après tri ; après passage sur une peseuse compteuse qui fournissait un décompte de pièces différent de celui annoncé par la salariée, les pièces triées par la salariée et spécifiquement tracées selon un protocole interne sûr ont été vérifiées sur un carton seulement d’abord par deux salariés habilités à le faire qui ont découvert une première malfaçon, puis sur l’intégalité des cartons d’écrous triés par Mme X sur la livraison du 26 mars 2018 ; cette vérification approfondie réalisée par tous les salariés a abouti à la découverte

d’autres pièces non conformes ; l’employeur considère qu’au vu de la grande expérience de la salariée qui n’avait plus subi de contrôles depuis des années au vu de la qualité de son travail, le nombre

d’erreurs non relevées par Mme X dans un contexte où cette dernière adoptait une attitude vindicatrice du fait de la non reconduction de son travail au sein de l’entreprise, mais à domicile, constitue un acte volontaire d’une particulière gravité sur le plan de la réputation de la société, sur le plan commercial, et sur le plan de la sécurité compte tenu de la destination des écrous (colonnes de direction sur des véhicules).


La société souligne que les résultats des vérifications ne peuvent être mis en doute, dès lors que tous les salariés de l’atelier ont fait le constat d’écrous non conformes aux termes d’attestations circonstanciées non sérieusement remises en cause et dont l’audition est proposée à la cour avant-dire droit.


La salariée conteste la force probante des attestations et la réalité des non conformités prétendument découvertes mais non objectivées compte tenu de l’incertitude quant à l’origine des cartons vérifiés, en faisant valoir que compte tenu de son expérience et du temps qu’elle avait pour faire le tri litigieux elle l’a fait très correctement comme d’habitude et met en lien son licenciement avec le fait que la société voulait se séparer d’elle depuis le 1er février 2018 comme le montrent notamment les retards de livraison et leur moindre volume, les demandes insistantes sur sa date de départ à la retraite, le conflit avec Mme Z, son non remplacement après la rupture du contrat de travail.


Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.


La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l’employeur qui

l’invoque d’en apporter la preuve.


Il ressort des pièces communiquées aux débats que :


- Mme X à été engagée à compter du 15 octobre 2001 en qualité de contrôleuse à domicile et que son embauche s’est faite grâce à Mme Z, sa voisine devenue adjointe à la direction de la société Claudem ;


- le premier contrat à durée déterminée a été suivi de 10 prorogations et s’est transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2004, la salariée formée par son employeur lui donnant toute satisfaction ;


- jusqu’au 1er février 2017, c’est Mme Z qui a apporté les cartons d’écrous à trier à sa voisine, et les a rapportés à l’entreprise une fois le tri effectué ;


- le travail de Mme X consistait à trier les écrous, à écarter les écrous défectueux et les mettre de côté dans les sachets différents en fonction de leur défectuosité, ce qui donnait lieu à

l’établissement d’une fiche de tri mentionnant le nombre d’écrous triés, les diverses défectuosités, laquelle servait de base au salaire de la salariée ;


- par courrier en date du 15 décembre 2016, la société a informé la salariée : 'à partir de la date du mercredi 1er février 2017, le poids unitaire des nouvelles pièces que nous avons à vous confier pour contrôle, ne permet pas de continuer cette responsabilité à domicile. Le nombre de mouvements nécessaires ainsi que le poids des cartons présente une charge excessive. De ce fait, nous vous proposons pour une période que nous estimons à environ 12 mois, d’effectuer votre responsabilité de contrôle, au sein de notre société. Nous vous proposons de venir travailler à Boutigny sur Opton 20 demi-journées de quatre heures par mois. Votre rémunération resterait identique à celle que vous obtenez actuellement. Nous vous proposons également de régler, en dehors de votre rémunération normale le remboursement de vos frais de voiture kilométriques ' à hauteur de 681,60 euros pour 20 demi-journées ;


- un avenant était signé entre les parties le 2 janvier 2017 pour constater cet accord à la modification du contrat : responsabilité de contrôle au sein de la société 20 demi-journées par mois de 4 H ( 8h00

à 12h00) avec un remboursement mensuel de kilométrage aller-retour d’un montant de 681,60 euros ;


- par courrier du 7 février 2018, l’employeur a informé la salariée que " Pour une raison qui lui est personnelle, Mme Z, adjointe de direction, habitant à proximité, refuse de vous apporter de reprendre les pièces, que la société Claudem vous confie à nouveau, dans le cadre de votre contrat de tri unitaire à domicile.

Ce tri à domicile est la reprise de votre contrat originel. Nous avons donc délégué un membre de notre personnel, pour vous apporter les pièces à trier, et reprendre les pièces finies. Nous vous avons téléphoné le 5 février 2018, pour vous apporter les premières pièces. Vous nous avez répondu que vous aviez un rendez-vous le matin. Nous vous avons téléphoné de nouveau le 6 février 2018 pour vous poser la question du moment où nous pouvions vous apporter des pièces. Vous avez répondu que la journée d’aujourd’hui ne vous arrangeait pas et qu’à partir de jeudi matin, vous ne seriez plus là. Comme, lors de votre passage de travail dans nos locaux, vous nous aviez parlé avoir commencé à faire reconnaître vos droits à la retraite, nous nous permettons de vous demander

d’éclaircir votre situation. Pourriez-vous avoir l’obligeance de me faire savoir si vous désirez continuer votre activité de tri à domicile, et jusqu’à quelle date, ou si votre préférence est de faire valoir vos droits à la retraite. Cette demande de renseignements a pour but, quelque soit votre décision, de continuer à respecter la même légalité que celle appliquée depuis votre entrée dans notre société le 25 octobre 2001'';


- par courrier du 12 février 2018, la salariée a répondu à son employeur de la manière suivante : " pour répondre à votre courrier je suis venue à la société le jeudi 1er février 2018 pour travailler comme je n’avais pas d’écrou à la maison et Mme Z m’a renvoyée chez moi en me disant « comme mon contrat était terminée je n’avais pas à être ici ».

Vous me téléphonez le 5 février 2018 en milieu de matinée pour m’informer qu’il y aurait des écrous

à trier et qu’un membre du personnel en apportera en début d’après-midi. Cependant, j’ai un rendez-vous à 14h donc j’appelle et le précise à Mme Z qui vous en informe, il est donc convenu après 15h30 que votre salarié vienne avec les écrous à la maison. Malheureusement, la météo empêche cette livraison puisque Mme Z me contacte de nouveau pour me prévenir que personne ne viendra. Espérant que le temps s’arrange, on convient du lendemain, le 6 février 2018 pour cette livraison mais Mme Z me téléphone à 9h le 6 février pour annuler la livraison. Elle me demande de nouveau mes disponibilités, je réponds le mercredi toute la journée ou le jeudi matin. Compte tenu de la météo aucune livraison n’a été effectuée depuis ce jour.

Comme votre courrier le demande, je vous précise mon intention de poursuivre mon activité de tri à domicile et comme la loi le précise, vous serez informé trois mois à l’avance par courrier de ma demande de retraite' "


- par nouveau courrier en date du 14 février 2018, l’employeur acte avec plaisir la confirmation de la poursuite de l’activité de tri à domicile à mi-temps souhaitée par la salariée. Mais faisant valoir que " la nouvelle certification International Automotive Task Force IATF demandée par l’industrie automobile américaine impose que dans son plan stratégique annuel, notre société planifie, dans le temps, les collaborateurs responsables des postes concernés par la qualité des produits « , elle lui précise que » la prise en compte des trois mois réglementaires est évidente mais hélas ne suffit pas.

La contrainte dans le temps exige une date précise. Nous vous prions de bien vouloir nous excuser de vous demander de confirmer votre intention à ce sujet' » ;


- par lettre du 19 février 2018, la salariée réplique ainsi :

'C’est avec plaisir que j’apprends par votre courrier la nouvelle certification obtenu par la société

m’assurant ainsi une continuité de mon activité dans les conditions de mon contrat originel

(prévoyant notamment 100 heures maximum par mois). En revanche je suis toujours en attente

d’écrous depuis le 1er février 2018 malgré mes nombreux appels. Pourriez-vous me fixer dans les plus brefs délais une date de livraison des écrous afin de me permettre d’exécuter mon contrat de travail '

Je peux effectivement comprendre vos craintes compte tenu des exigences imposées par cette nouvelle certification. Mais, comme je vous l’ai signalé oralement dans vos locaux en fin d’année

2017 je souhaite poursuivre pour une durée de un an mon tri à domicile c’est-à-dire jusqu’au 28 février 2019. Vous serez bien évidemment informé trois mois à l’avance comme la loi le préconise par courrier de ma demande de retraite '' ;


- la salariée communique au débat un relevé de ses appels téléphoniques qui montre des contacts téléphoniques entre l’employeur et la salariée à plusieurs reprises, sans que leur contenu ne soit donné ;


- la première livraison d’écrous au domicile de Mme X a lieu le 26 février 2018 par

l’intermédiaire de Mr C, salarié de la société, qui lui dépose 89 000 écrous 60 MH4 à trier 100%

(c’est à dire ne devant avoir aucun défaut),
- une fiche de travail établie le 28 février 2018 par la société mentionne un prix de 98,77 euros pour

58000 pièces triées sur les 89 000 pièces livrées, sur une cadence de 5 800 pièces à l’heure est envoyée à la salariée qui ne la retourne pas à son employeur ;


- par courrier en date du 8 mars 2018, la société indique à la salariée : ' (…) Depuis votre reprise à domicile, nous ressentons une animosité incompréhensible. Elle s’est traduite par des échanges épistolaires qui nous ont obligé de pallier en interne une grande partie de nos besoins de contrôle du mois de février 2018. Nous pensions que tout était rentré dans l’ordre. Nous avons enfin pu vous porter à domicile 89 000 pièces, le 26 février 2018. Nous n’avons pas reçu en retour de votre part, la fiche de travail de février 2018 … malgré une enveloppe timbrée joint pour expédition. Nous vous avons téléphoné le 7 mars 2018. Vous nous apprenez que nous avons réglé votre rémunération sur une base de 5 800 pièces/heure, alors que nous aurions réglé en 2015 ces pièces sur la base de 4 000 pièces/heure. Vous nous apprenez également que ce serait la raison du non retour de votre fiche de travail. Nous devons vous dire que ce ne sont pas les mêmes pièces, vous avez chez Claudem trié les

60 MH 4ZN nour du lot …. dont fiche de travail jointe à raison de 5 800 pièces/heure, à la date du

31 janvier 2018. C’est cette même pièce et ce même lot dobnt vous avez 89 000 pièces à trier. Si les pièces dont vous parlez étaient les mêmes que celles de 2015, vous nous auriez fait régler 4 000 pièces au prix de 2,40 euros le cent alors que vous en faisiez 5 800 au prix de 1,703 euros le cent.

Comme c’est vous qui établissiez vos cadences, vous auriez eu un comportement douteux. Nous attendons un comportement normal de votre part', ce qui donnera lieu à une réponse de Mme


X en date du 16 mars 2018 qui conteste l’animosité qui lui est prêtée, qui maintient qu’en

2015 c’était bien 4000 écrous/ heure qui avaient été retenus, et qui demande à la société la vérification ses bulletins de salaire, et une nouvelle livraison d’écrou en s’inquiétant ne plus avoir

d’écrous à trier, de ce que son outil de travail lui a été retiré le 13 mars et en espérant que ' ce n’est pas le 1er stade de ma mise à l’écart de l’entreprise';


- le 13 mars 2018, M. C est passé reprendre les écrous triés par Mme X ainsi que la lampe loupe pour, selon son attestation (cf infra) ' vérification des fils électriques et changement de néon' ;


- la seconde livraison a eu lieu le 26 mars 2018 par M. C qui a apporté à la salariée huit cartons

d’écrous d’une autre sorte, 90 MHR6 ZN Triv, après qu’elle ait exprimé son accord le 21 mars 2018 pour un tri à 4 500 pièces/ heure ; la lampe-loupe lui a été restituée ce même jour;


- le 3 avril 2018, M. C est venu rechercher les pièces de la seconde livraison, soit les huit cartons livrés le 26 mars et a par ailleurs, fourni le même jour une troisième livraison de 7 cartons d’écrous

[…] pièces).


Il est constant que le licenciement a été prononcé après la découverte d’écrous non conformes lors du tri des cartons de la deuxième livraison, seule en cause en l’espèce.


En effet, le 26 mars 2018, lors de la seconde livraison, Mme X a indiqué à M. C qu’elle

s’était amusée à recompter le nombre d’écrous dans les cartons et avoir trouvé trois quantités différentes dans trois cartons où elle a effectué le recomptage sur les huit livrés ; de fait la salariée indique dans son courrier du 3 avril 2018 ' … sur les 8 cartons de 90MHR6 je me suis amusée puisque j’ai le temps à compter le nombre d’écrous dans 3 de ces des cartons et il y en avait 4 632, 4

637 et 4 694 alors que sur ma fiche de paie vous avez compté 4 500 écrous en moyenne par carton, est-ce bien cela ( 8 X 4500= 36 000)' ; dans ce courrier, elle réitère sa demande de vérification de ses bulletins de paie qui la rétribuent à la tâche mais sans minimum légal et alors que ses congés payés ne figurent pas sur ses bulletins de salaire en février et mars 2018 et elle indique ' votre ouvrier est venu me livrer ce jour, 7 cartons avec la camionnette, je lui fais remarquer qu’il est plus tôt par rapport à d’habitude, il répond avoir beaucoup de travail et donc pas le temps de me livrer à un autre moment, quelle chance, pour moi ce n’est pas le cas, mais j’ai une solution, mettre davantage de cartons dans la camionnette comme au préalable, cela éviterait des aller-retour à moitié vides et des navettes inutiles à votre employé'.


- par courrier du 10 avril 2018, l’employeur a reconnu que son cabinet d’expertise comptable avait omis de faire figurer les congés payés sur les bulletins de paie de février et mars 2018 et qu’une régularisation serait effectuée sur le prochain bulletin de paie ; l’employeur précisait par ailleurs ' le comptage des 90MHR6, dans les 8 cartons, ne présente aucun intérêt. Lorsque nous reprenons vos pièces, c’est la globalité qui passe sur la peseuse-compteuse. Vous pouvez vérifier le calcul sur votre fiche de travail du 31 mars 2018".


La société plaide que pour mettre un terme à la polémique engagée par Mme X sur le nombre

d’écrous confiés lors de la seconde livraison, le service qualité a demandé à M. C de recompter un carton.


Elle produit sur ce point l’attestation recueillie le 5 octobre 2018 dans les termes de l’article 202 du code de procédure civile de M. C, collègue de l’intimée qui, dans un premier temps, rappelle ses livraisons : (…) le lundi 26, j’ai déposé chez Mme X 89000 écrous 60MH4 à trier 100 % et la lampe loupe-le mardi 13 mars 2018 je suis parti reprendre les 89 000 écrous triés et la lampe loupe pour vérification des fils électriques et changement du néon -le lundi 26 mars 2018, j’ai déposé chez

Mme X 8 cartons soit 36 000 écrous 90 MHR6 à trier 100% et la lampe loupe vérifiée – le mardi 3 avril 2018, je suis parti reprendre les 8 cartons de 90 MHR 6 à trier 100%.

À mon retour à la société, j’ai stocké la palette des 8 cartons 90MHR6 à l’emplacement de stockage

H 118, après comptage', puis décrit ainsi le processus de livraison de cartons à domicile, de reprise des cartons avec écrous triés, puis de leur stockage, et de leur contrôle éventuel : (…) Suivant le processus de tri 100% chez Mme X. Je livre les écrous chez Mme X lorsque les écrous arrivent ils sont dans des cartons cerclés avec deux feuillards polypropylène bleu. Chaque carton est identifié par une étiquette, indiquant la référence de l’écrou et son numéro de lot.

Mme X ouvre les cartons, trie tous les écrous, un par un, à l’aide de la lampe loupe. Après son tri, Mme X met les écrous triés « conformes » dans les cartons d’origine et les ferme avec un scotch « Claudem ». Elle met les écrous triés « non conformes » dans un récipient plastique.

Ce processus nous assure que les écrous ont bien été pris en compte et triés par Mme X. Je reprends les écrous triés chez Mme X les conformes et les non conformes. Je les mets sur la palette dans la camionnette Claudem. Cette palette est marquée d’une étiquette d’identification jaune avec la référence et le numéro de lot de l’écrou. Au retour chez Claudem, je décharge la palette. Je pèse sur ma peseuse compteuse, un à un les cartons d’écrous « conformes » pour les compter. Je compte également les écrous « non conformes ». J’établis une fiche de tri avec le nombre total

d’écrous triés et la remets au service qualité. J’avertis le service contrôle qui appose l’étiquette verte de « tri 100 % fait ». Mme X travaillant au tri depuis 17 ans chez Claudem , il n’y a pas de contrôle par échantillonnage de son tri. Je stocke la palette ainsi identifiée dans les rack de stockage

à l’aide d’un chariot élévateur.'

M. C affirme ensuite précisément dans quelles circonstances et sous quelles modalités s’est effectué le contrôle des écrous triés par Mme X lors de la seconde livraison :

'Suite à la demande du service qualité le jeudi 5/4/18 de recompter la quantité d’écrous 90MHR6 par carton car Mme X conteste la quantité.

D ( B) et moi-même nous avons compté manuellement1 carton. En comptant nous avons commencé à voir qu’il y avait des mal zingués et puis D a trouvé 1 écrou non serti, et donc sans bague nylon et là très grave pour des pièces triées 100% qui doivent avoir '0 défaut'. Nous avons appelé le service qualité pour lui montrer le problème et mettre en route la procédure de non conformité ou dysfonctionnement internes, détectés par Claudem P/413/23. On nous a demandé

d’isoler la palette dans l’endroit prévu, que nous appelons « la prison ».

Vendredi 6 avril 2018, le service qualité m’a demandé d’organiser le tri 100% suivant la procédure ' contrôle du stock suite à non conformité’P/413/22.

Avec toutes les personnes qualifiées D B, M C, N F, E

A-O, Mme Z, P G et moi-même, D va chercher la palette avec les écrous 90 MHR6 isolée la veille pour faire le tri.

D vide le 1er carton que nous avons compté la veille sur la table de contrôle. J’ai trié et constaté que tout le monde comme moi avait trouvé des non conformes.

Un gros souci pour des pièces censées être tri 100%….Les 8 cartons ont été triés séparément dans une pochette les non conformes correspondant avec le n° du carton. J’ai trouvé des mauvais (mal serti, copeaux) dans chaque carton dont 1 écrou avec bague nylon où il manquait un morceau dans le carton n°2.

Après avoir fait le récapitulatif de tous les mauvais c’est une catastrophe, 253 écrous non conformes, dont 1 écrou non serti sans bague et 1 écrou serti sans bague, alors qu’il y aurait dû y avoir zero défaut. Heureusement que Mme X a contesté les quantités sinon les pièces seraient parties chez le client….'.
Cette attestation très précise et circonstanciée est corroborée par celle tout aussi précise de M.


B également recueillie dans les conditions de l’article 202 du code de procédure civile, lequel confirme que ' le jeudi 5 avril 2018, suite à la demande du service qualité d’effectuer un recomptage manuel des écrous 90MHR 6 (car Mme X ne trouve pas les mêmes quantités que nous) je suis allé chercher le chariot élévateur, la palette se trouvant à l’emplacement H 118. Après avoir été chercher la palette, j’ai pris un carton d’écrous fermé avec un scotch « Claudem » . Ce scotch était celui d’origine (mis par Mme X) puisqu’il ne laissait pas apparaître de traces d’arrachage sur le kraft du carton. J’ai enlevé ce scotch et j’ai vidé ce carton sur la table pour les compter. Moi et

Q ( C) avons recompté manuellement le carton. Pendant ce recomptage, nous nous sommes aperçus qu’il y avait des écrous mal zingués, puis je suis tombé sur un écrou non serti, sans bague nylon. Nous avons de suite prévenu le service qualité d’une non-conformité, qui nous a donné

l’ordre d’isoler la palette. Le lendemain vendredi 6 avril 2018 le service qualité me donne l’ordre de reprendre la palette isolée en « prison » afin d’ effectuer un tri 100 % des 8 cartons avec tout le monde (Q C, M C, R F, E A, S Z, P G) et moi. Pendant le tri 100% tout le monde a trouvé des écrous non conformes (mal serti, copeaux, écrasé, sans bague nylon etc.) Sachant que ces écrous étaient destinés à l’automobile (K L) et qu’ils sont montés sur les colonnes de direction je me suis dit que cela était très grave. Tout le monde était stupéfait, il disait " mais c’est pas possible ne pas avoir vu cela "'


Ces témoignages sont encore confortés par ceux recueillis dans les formes de l’article 202 du code de procédure civile de Mme A, Mme C et Mme Z qui confirment avoir participé le 6 avril 2018 au tri des écrous contenus dans chacun des 8 cartons confiés à Mme X numérotés de 1 à 8 et dans lesquels ont été trouvés des écrous non conformes non décelés par Mme X, la liste précise, carton par carton, des écrous non conformes, avec le type de défectuosité, non décelés par Mme X étant notamment donnée dans le témoignage de Mme Z.


Compte tenu de la convergence des témoignages qui émanent de différents collègues de la salariée, et qui ne sont pas argués de faux par cette dernière, il n’est pas utile d’entendre les auteurs des attestations et la société sera déboutée de sa demande avant dire droit.

Mme X qui affirme être certaine d’avoir trié correctement les écrous livrés le 26 mars 2018, et avoir comme d’habitude isolé dans des sachets plastiques les écrous non conformes, ne remet pas sérieusement en cause la valeur probante de ces attestations nombreuses, circonstanciées et convergentes dont le processus de contrôle permet un traçage des cartons rendus par la salariée, à savoir palette identifiée avec une étiquette jaune avec la référence et le numéro de lot de l’écrou dans la camionnette, puis stockée dans un endroit précisément identifié, tous éléments non contestés par la salariée, et dont la vérification d’abord par deux salariés, M. C et M. B sur un carton ( carton n°1) puis, au vu d’une première non conformité décelée, par sept salariés dont les deux premiers, sur l’ensemble des huit cartons, a abouti à la découverte de 253 non conformités supplémentaires par rapport à celles décelées par Mme X, étant observé que la salariée n’a pas argué de faux les différents témoignages communiqués.


Contrairement à ce qu’affirme l’intimée, tous les salariés qui ont procédé à la vérification sont habilités à faire ce contrôle, comme cela résulte de la fiche de qualification du personnel produite par la société quelles que soient par ailleurs les autres fonctions confiées aux salariés vérificateurs qui ont reçu une formation spécifique pour faire le tri 100% (pièce 34).


S’il est exact qu’aucune erreur n’a été détectée dans la première livraison non contrôlée car précisément l’employeur faisait toujours confiance à sa salariée, il reste que le contrôle a eu lieu à

l’occasion de la seconde livraison car Mme X a expressément contesté le nombre d’écrous livrés, ce qui obligeait à un recomptage pour pouvoir répondre à la salariée, sans qu’il découle de ces circonstances une volonté de la société de la mettre à l’écart, ni de la pousser à démissionner, puisqu’au contraire, une troisième livraison lui a été confiée le 3 avril 2018.


A cet égard, s’il ressort des échanges ci-dessus évoqués qu’à compter du 1er février 2018, les relations se sont tendues entre les parties, chacune d’entre elles ayant un motif de mécontentement, la salariée celui de ne plus bénéficier d’un travail au sein de l’entreprise lui offrant un complément de rémunération mensuel de 681, 60 euros et l’employeur d’avoir à déléguer un autre salarié pour livrer les écrous aux lieu et place de Mme Z qui faisait les déplacements jusqu’alors, il reste que la salariée ne démontre en rien que l’employeur n’avait qu’un souhait, à savoir celui de la voir prendre sa retraite mais simplement d’en connaître la date pour satisfaire à son planning annuel de désignation des responsables de contrôles.


S’il est exact que la salariée n’a pas eu de livraison avant le 26 février 2018, sans qu’il soit objectivé si c’est en raison d’une relative indisponibilité de la salariée ou du nouveau salarié délégué pour les livraisons, et sans que soit en rien objectivée une diminution drastique par rapport aux années précédentes, et que l’employeur s’est enquis des projets de retraite de la salariée qui avait évoqué le sujet, cela ne remet nullement en cause la preuve apportée par la société dont cinq de ses salariés confirment de manière non contestable les raisons, les modalités et les résultats des contrôles opérés.


C’est à tort que la salariée allègue qu’aucune preuve objective de la mauvaise exécution de son travail

n’est apportée, en l’absence de constat d’huissier à l’ouverture des cartons faite hors de sa présence, car les témoignages concordants ci-dessus évoqués sont confortés tant par les documents réglementant les procédures de contrôle que par les photographies produites qui font apparaître

l’emplacement de stockage avec les cartons identifiés par le numéro de lot et une date.


Si la salariée se demande où se trouvent les cinq sachets d’écrous défectueux qu’elle a mis de côté, et affirme être certaine de n’avoir pas omis de déceler des non conformités car elle a eu le temps de recompter les écrous de la deuxième livraison, la société justifie qu’elle a trouvé 253 non-conformités supplémentaires par rapport à celles décelées par la salariée parfaitement prises en compte par l’employeur dès lors que l’attestation très circonstanciée de Mme Z fait bien la distinction, carton par carton, entre les écrous non-conformes effectivement décelés par l’intimée et ceux découverts en plus par les sept salariés qui ont procédé aux vérifications.


De même s’il est exact que ni M. P G ni Mme F qui ont participé à la vérification n’ont témoigné, c’est en raison de leur qualité, M. G étant le fils du président de la société, M. H


G, et Mme F épouse d’un médecin souhaitant éviter tout risque de conflit d’intérêt.
Enfin, il ne saurait être tiré argument comme le fait la salariée de la phrase dite par M. H G lors de l’entretien préalable et notée dans le compte-rendu de M. T U V Ponte

du 17 mai 2018 , selon laquelle ' l’idiotie aussi, c’est que vous vous fâchiez avec Mme Z, il n’y aurait pas eu un seul problème', pour en déduire que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement ne seraient pas établis alors qu’ils sont amplement prouvés par les éléments de preuve ci-dessus évoqués que la salariée ne combat pas utilement. Si la salariée qui était la seule contrôleuse à domicile embauchée sur recommandation de Mme Z n’a pas été remplacée après son licenciement, l’employeur explique qu’après les erreurs ainsi découvertes, elle a préféré ne plus recourir à un salarié extérieur et que le travail de la salariée a été confié aux autres employés en interne.


Il est clair que le nombre de défectuosités non décelées par Mme X pourtant expérimentée pour avoir plus de seize ans d’ancienneté dans cette activité, alors qu’elle avait parfaitement conscience de l’exigence d’un tri 'zero défaut', condition d’une absence de contrôle par le client destinataire, la société K L, résulte d’une négligence délibérée de la part de la salariée dans un contexte de conflit personnel avec Mme Z et de mécontentement à l’expiration de la période provisoire de travail au sein de l’entreprise.


Le tri manifestement et volontairement bâclé par la salariée lors de la livraison d’écrous le 26 mars

2018 dont les conséquences auraient pu être largement préjudiciables à la société, si elle ne les avait pas découvertes, constitue ainsi une faute grave de la part de la salariée, nonobstant l’absence

d’antécédents disciplinaires.


Par infirmation du jugement, il sera retenu que la salariée a commis une faute grave et qu’elle doit être déboutée de toutes ses demandes financières relatives à la rupture de son contrat de travail, à savoir de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement, de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages intérêts pour préjudice économique (perte de retraite).

V- Sur les autres demandes


L’issue du litige conduit la cour à condamner la société à payer les entiers dépens et à débouter chaque partie de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,


Confirme le jugement du 7 janvier 2020 rendu par le conseil de prud’hommes de Dreux en sa disposition relative à la condamnation de principe et en son quantum au titre de la sixième semaine et au titre du temps passé à l’entretien préalable et à la visite médicale et en ce qu’il a accueilli en son principe la demande de condamnation de la société Claudem au paiement d’un rappel de salaire et de congés payés afférents entre le 25 avril 2015 au 25 avril 2018, mais réforme le jugement sur ce dernier point sur les montants alloués,


Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions,


Statuant à nouveau sur les chefs de dispositif réformés et infirmés et y ajoutant,


Rejette la demande d’audition de M. Q C, Mme M C, M. S Z, M.


D B, Mme E A


Dit que le licenciement de Mme X repose sur une faute grave,


Déboute Mme X de ses demandes en paiement d’indemnité compensatrice de préavis,

d’indemnité de licenciement, de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages intérêts pour préjudice économique,


Condamne la société Claudem à payer à Mme X la somme de 4 198,95 euros bruts à titre de rappel de salaires entre le 25 avril 2015 et le 25 avril 2018 et celle de 419,89 euros bruts au titre des congés payés afférents,


Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


Condamne la société Claudem aux dépens de première instance et d’appel.


Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur NDIAYE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le greffier, Le président,
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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 17 février 2022, n° 20/00236