Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 10 mars 2022, n° 21/01915

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 10 mars 2022, n° 21/01915
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 21/01915
Sur renvoi de : Cour de cassation, 19 janvier 2021
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 58Z

12e chambre

ARRET N°


CONTRADICTOIRE


DU 10 MARS 2022


N° RG 21/01915 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UMTB


AFFAIRE :

S.A. ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE


C/

S.A.S. BOLLORE LOGISTICS



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Septembre 2014 par le Tribunal de Commerce de PARIS


N° Chambre :


N° Section :


N° RG : J201100422


Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies

délivrées le :

à :


Me Claire RICARD,


Me Stéphanie TERIITEHAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX MARS DEUX MILLE VINGT DEUX,


La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2021 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS le 14 mars 2019

S.A. ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE venant aux droits de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY FRANCE

[…]

[…]


Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2211326


Représentant : Me Rozenn LOPIN du PARTNERSHIPS CLYDE & CO LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0429,

****************

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.S. BOLLORE LOGISTICS


N° SIRET : 552 08 8 5 36

[…]

[…]


Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732 – N° du dossier 20210178,


Représentant : Me Sylvie NEIGE de la SELARL LAROQUE, NEIGE, ADJAM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1771

SAS HERMES SELLIER

[…]

[…]


Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2211326


Représentant : Me Rozenn LOPIN du PARTNERSHIPS CLYDE & CO LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0429,

****************

Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Novembre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, magistrat honoraire,


Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE


Le 10 juin 2009, la société […] (la société Hermès) a conclu avec la société Saga Air Transport (la société Saga), un contrat de commission de transport international, comprenant une clause limitative de responsabilité à 100 000 euros.


La marchandise a été assurée par la société Hermès auprès de la société Allianz Global Corporate Specialty


France (la société Allianz), le contrat prévoyant notamment une garantie séjour intermédiaire de transport et une garantie stock transit, avec des plafonds de garantie respectivement fixés à 3.000.000 et 250.000 euros. Le

11 février 2010, la société Sogafro, gérante de la SCI propriétaire de la zone de fret partiellement occupée par la société Saga, a conclu un contrat de surveillance du site de l’aérogare avec la société Securitas France (la société Securitas).


Dans la nuit du 11 au 12 février 2010, des cartons de marchandises confiés par la société Hermès ont été dérobés par trois individus dans les entrepôts sous douane utilisés par la société Saga, sinistre pour lequel la société Allianz a versé une indemnité d’un montant de 1.042.070,31 euros à la société Hermès, laquelle a conservé à sa charge une franchise de 1.000 euros et a signé trois actes de subrogation les 9 juillet et 14 octobre 2010 et 18 janvier 2011.


Le 26 janvier 2011, les sociétés Hermès et Allianz ont assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société Saga, laquelle a appelé en garantie le 25 février 2011 la société Securitas et l’assureur de celle-ci, la société XL Insurance Company Limited (la société XL Insurance). La société Bolloré Logistics est venue aux droits de la société Saga.

Par jugement du 11 septembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a :


- Joint les causes enrôlées sous les N°2011011145 et N°2011030992,


- Débouté la société […] de sa demande d’indemnisation de 1.000€,


- Dit non acquises les subrogations légales et conventionnelles alléguées par la société Allianz Global


Corporate & Specialty France,
- Dit non fondée la demande d’indemnisation fondée par la société Allianz Global Corporate & Specialty


France sur l’enrichissement sans cause de la société Saga France anciennement dénommée Sagatrans, venant aux droits de la société Saga Air Transport,


- Dit valable le contrat d’assurance souscrit par la SAS […] auprès de la société Allianz Global


Corporate & Specialty France par l’intermédiaire du courtier Diot,


- Ecarté le moyen des requises tendant à limiter à 250.000 € le montant maximum de l’indemnisation due par la société […] au titre de sa police N°120163225,


- Retenu la responsabilité de la société Saga France anciennement dénommée Sagatrans, venant aux droits de la société Saga Air Transport et fixé à 100.000 € le montant de l’indemnité due par cette dernière à la société

[…],


- Retenu la coresponsabilité de la société Securitas France et de la société XL Insurance dans le sinistre dont a été victime la […] et les a condamnées in solidum avec la société Saga France anciennement dénommée Sagatrans, venant aux droits de la société Saga Air Transport à indemniser la société Allianz


Global Corporate & Specialty France à hauteur de ce montant,


- Condamné la société Saga France anciennement dénommée Sagatrans, venant aux droits de la société Saga


Air Transport, la société Securitas France et la société XL Insurance à payer la somme de 5.000 € in solidum à la société […] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,


- Débouté la société Securitas France et la société XL Insurance de leur demande de dommages et intérêts,


- Ordonné l’exécution provisoire de la décision,


- Condamné la société Saga France anciennement dénommée Sagatrans, venant aux droits de la société Saga


Air Transport aux dépens.

Par arrêt du 10 mai 2016, la cour d’appel de Paris a :


- condamné in solidum les sociétés Bolloré logistics et Securitas à payer la somme de 1.000€ à la société

[…],


- débouté la société Allianz Global Corporate & Specialty et les sociétés Bolloré logistics, Securitas, et XL


Insurance de leurs demandes,


- dit n’y avoir lieu à faire droit aux demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamné in solidum les sociétés Bolloré logistics et Securitas aux dépens d’appel et la société Allianz aux dépens de première instance.
Par arrêt rectificatif du 25 avril 2017, la cour d’appel de Paris a :


Complété ainsi qu’il suit le dispositif de l’arrêt du 10 mai 2016 ;


- ' Condamné in solidum les sociétés Securitas et XL Insurance à garantir la société Bolloré logistics des condamnations mises à sa charge dans la proportion de 50% ;


- Condamné, par ailleurs, la société Bolloré logistics à garantir les sociétés Securitas et XL Insurance des condamnations mises à leur charge dans la proportion de 50%' ;


- Laissé les dépens de la procédure à la charge du Trésor public.

Par arrêt du 20 septembre 2017, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 10 mai 2016, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il a rejeté les demandes de la société Allianz Global Corporate & Specialty et l’a condamnée aux dépens de première instance, et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

Par arrêt du 14 mars 2019, la cour d’appel de Paris a :


- Infirmé le jugement déféré en ce qu’il a :

/ dit non acquise la subrogation conventionnelle alléguée par la SA Allianz Global Corporate et Specialty

(France) ;

/ fixé à 100.000€ le montant de l’indemnité due par la SAS Saga France anciennement dénommée Sagatrans, venant aux droits de la société Saga Air transport à la SA Allianz Global Corporate & Specialty (France) ;

/ condamné in solidum la SARL Securitas France, la SARL XL Insurance et la SAS Saga France anciennement dénommée Sagatrans, venant aux droits de la société Saga Air Transport à indemniser la SA


Allianz Global Corporate & Specialty (France) à hauteur de ce montant ;


Statuant à nouveau,


- Dit la société Allianz Global Corporate & Specialty SE conventionnellement subrogée dans les droits de la société […] relatifs au sinistre du 12 février 2010 ;


- Déclaré non écrite la clause limitative de responsabilité de la société Saga France aux droits de laquelle vient la société Bolloré logistics ;


- Ordonné le sursis à statuer sur la demande de réparation du préjudice financier de la société Allianz Global


Corporate & Specialty SE ;


- Enjoint à la société Allianz Global Corporate & Specialty SE de produire tous éléments de nature à apprécier la valeur des marchandises dérobées, en référence au prix auquel les cédait la société […] à ses

succursales ;


- Ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience de mise en état du 15 mai 2019;


- Ordonné le sursis à statuer sur les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;


- Rejeté toutes autres demandes ;


- Réservé les dépens.


Par ordonnance du 9 octobre 2019, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Paris a ordonné le sursis à statuer dans l’attente des arrêts de la Cour de cassation statuant sur les deux pourvois formés à

l’encontre des arrêts du 25 avril 2017 et du 14 mars 2019.

Par arrêt du 20 janvier 2021, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 14 mars 2019 mais seulement en ce qu’il

a déclaré non écrite la clause limitative de responsabilité de la société Saga France aux droits de laquelle est venue la société Bolloré logistics, et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Versailles.


Par un autre arrêt prononcé le 20 janvier 2021, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société


Bolloré Logistics contre l’arrêt rendu le 25 avril 2017.


Vu la déclaration de saisine du 22 mars 2021 de la société Allianz à l’encontre des sociétés Bolloré Logistics et […]s.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2021, la société Allianz Global Corporate & Specialty


SE a demandé à la cour de :


- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 septembre 2014 en ce qu’il a fixé à

100.000 € le montant de l’indemnité due par la société Saga France, venant aux droits de la société Saga Air


Transport, aujourd’hui Bolloré logistics, à […]


Global Corporate & Specialty SE ;


Et, statuant à nouveau,


- Débouter Bolloré logistics, venant aux droits de la société Saga France, elle-même venant aux droits de la société Saga Air Transport, de ses demandes tendant à limiter sa responsabilité à hauteur de 100.000 € et la condamner à réparer intégralement le préjudice de la société Allianz Global Corporate & Specialty SE, venant aux droits d'[…], qui sera retenu par la cour d’appel de Paris dans son arrêt à intervenir ;
- Condamner Bolloré logistics, venant aux droits de la société Saga France, elle-même venant aux droits de la société Saga Air Transport, aux entiers dépens de l’instance, ainsi qu’à 10.000 € sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 19 juillet 2021, la société Bolloré logistics a demandé à la cour de :


- Confirmer le jugement du 11 septembre 2014 en ce qu’il a fixé le montant de l’indemnité due par la société


Saga France, venant aux droits de la société Saga Air Transport, aujourd’hui Bolloré logistics, à Allianz


Global Corporate & Specialty à 100.000 € ;


Statuant à nouveau,


- Juger que la clause limitative insérée au contrat de commission liant la société Bolloré logistics à la société

[…] de responsabilité s’applique ;


En conséquence,


- Limiter toute condamnation de la société Bolloré logistics à la somme de 100.000 € ;


- Condamner Allianz Global Corporate & Specialty à payer la somme de 10.000 € à la société Bolloré logistics au titre de l’article 700 du code de

procédure civile ainsi qu’aux entiers ceux d’appel dont distraction au profit de la société Minault-Teriitehau agissant par Me Stéphanie Teriitehau, avocat et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.


La société […], représentée, n’a pas conclu.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 septembre 2021.


Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION


Sur l’étendue de la saisine de la cour d’appel de Versailles


Il ressort des arrêts du 10 mai 2016 et 25 avril 2017 que sont notamment définitives


- la condamnation in solidum des sociétés Bolloré logistics et Securitas au paiement de 1.000€ à la société

[…]


- la condamnation in solidum des sociétés Securitas et XL Insurance à garantir la société Bolloré logistics des condamnations mises à sa charge à proportion de 50%, et celle de la société Bolloré logistics à garantir les sociétés Securitas et XL Insurance des condamnations mises à leur charge à proportion de 50%,


- la subrogation de la société Allianz.


Par ailleurs, la cour d’appel de Paris, ayant sursis à statuer sur la réparation du préjudice financier subi par


Allianz, reste saisie de la détermination de ce montant.


Aussi, la présente cour est saisie de la question de savoir si la société Bolloré Logistics peut se prévaloir de la clause limitative de responsabilité, insérée dans le contrat de commission conclu avec la société Hermès.


Dans les développements de ses conclusions, la société Allianz demande tout d’abord que la clause limitative de responsabilité soit déclarée non écrite, et subsidiairement que la faute inexcusable soit retenue.


Sur la clause limitative de responsabilité


Le jugement a appliqué la clause limitative de responsabilité prévue à l’article 10 du contrat de commission. Il

a considéré que si la défaillance du système d’alarme de Saga la nuit du vol était fautive, il n’a pas été démontré que cette

faute était volontaire et délibérée, ou assimilable à une faute intentionnelle, de sorte qu’il n’a pas retenu la faute inexcusable qui serait seule exonératoire de la limite contractuelle de responsabilité de celle-ci.


La société Allianz soutient que jusqu’en 2013 les commissionnaires ne bénéficiaient d’aucune limitation légale de responsabilité, de sorte que la responsabilité de Saga pour faute personnelle -retenue par la cour d’appel de


Paris- lui impose de réparer l’entier préjudice.


Elle demande à titre principal que la clause limitative de responsabilité doit être réputée non écrite en cas de manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat, et que le contrat révèle l’importance donnée aux mesures de protection des marchandises à mettre en place.


Elle demande à titre subsidiaire que cette clause soit écartée, du fait de la faute inexcusable commise par Saga, qui n’a pas enclenché le système d’alarme, faute commise témérairement et qui révèle à tout le moins des procédures internes défaillantes.


La société Bolloré Logistics affirme que la clause limitative de responsabilité prévue au contrat doit

s’appliquer, qu’elle est valable et ne peut être réputée non écrite. Elle ajoute qu’une telle clause ne peut être écartée qu’en cas de dol ou faute équipollente au dol, et que les conditions de la faute inexcusable prévue à

l’article L133-8 ne sont pas réunies. Elle avance que l’erreur de son préposé qui n’a pas branché l’alarme lors de son départ, croyant qu’elle s’enclenchait automatiquement, ne révèle pas la conscience d’un risque qu’il faisait courir à la marchandise. Elle fait état de l’incroyable négligence de la société Securitas et sa totale inefficacité, dont elle ne pouvait se douter, et que sa mauvaise appréciation des risques du fait de la carence de la société Securitas ne constitue pas une faute inexcusable.
***


L’article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, prévoit notamment que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.


L’article 9 du contrat de commission de transport international conclu entre les sociétés Hermès et Saga prévoit, en son paragraphe 9.3 intitulé « sécurité des produits » :

'Le commissionnaire s’engage à assurer, et se porte garant du respect par son personnel et ses substitués :

- de la mise en place de mesures de sécurité et de protection physique adaptées aux produits transportés'

La question de la sécurité des produits constituant pour le commettant un élément essentiel du contrat, le commissionnaire s’engage à apporter le plus grand soin à cet aspect essentiel de sa mission. A ce titre, il

s’engage à n’avoir

recours qu’à un personnel spécialisé, sensibilisé aux contraintes et spécificités liées à la manipulation de produits de luxe'.


L’article 10 du contrat, consacré à la responsabilité du commissionnaire, indique notamment que:

' Conformément aux dispositions des articles L132-4 à L 132-6 du Code de commerce, le Commissionnaire étant tenu d’une obligation de résultat, il répond de la mauvaise exécution du transport, que celle-ci soit imputable à son fait personnel ou au fait de ceux qu’il s’est substitué.

10.1 Responsabilité personnelle du Commissionnaire

Le Commissionnaire répond de sa faute personnelle à l’égard du Commettant à concurrence de cent mille

(100.000 €) euro par dommage en résultant pour le Commettant.

En particulier, les limitations d’indemnités applicables en matière de responsabilité du Commissionnaire du fait de ses substitués ne sont pas applicables en cas de mise en cause de la responsabilité du

Commissionnaire à la suite d’une faute personnelle commise par celui-ci.

10.2 Responsabilité du Commissionnaire du fait de ses substitués

Le Commissionnaire est toujours responsable du fait de ses substitués, sauf pour les cas de limitation de responsabilité résultant des seules dispositions impératives de la règlementation en vigueur et ce, sans préjudice du recours du Commissionnaire envers ses substitués'.


Il résulte de ce qui précède que les parties au contrat avaient expressément tenu à encadrer les conditions

d’engagement de la responsabilité du commissionnaire, ainsi que son étendue.
La société Allianz fonde son action sur la seule responsabilité personnelle de la société Bolloré, sans invoquer sa responsabilité du fait de son substitué, la société Securitas, de sorte que l’article 10.1 est seul applicable.


Seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur.


Si l’article 9 du contrat indique expressément que la question de la sécurité des produits est un élément essentiel du contrat, de sorte que le commissionnaire s’engage à y apporter le plus grand soin et 'à n’avoir recours qu’à un personnel spécialisé, sensibilisé aux contraintes et spécificités liées à la manipulation de produits de luxe', il n’en demeure pas moins que les mesures à prendre (autre que le recours à un personnel spécialisé et sensibilisé) n’étaient pas définies dans le contrat.


La société Allianz ne peut se fonder sur la survenance du vol, du fait comme il sera vu plus avant de l’absence de mise en marche du système d’alarme, pour en déduire qu’une obligation essentielle du contrat de protection de la marchandise n’a pas été respectée, et que l’application de la clause limitative

de responsabilité a pour effet de vider le contrat de son obligation essentielle, de sorte que cette clause ne peut être déclarée non écrite.


Les parties sont toutes deux des professionnelles et elles ont accepté la clause limitative en connaissance de cause, l’indemnisation à hauteur d’une somme de 100.000 euros pour un dommage résultant de la responsabilité personnelle du commissionnaire n’apparaissant pas manifestement dérisoire, de sorte que cette clause ne vide pas le contrat de sa substance, et qu’elle ne peut être déclarée non écrite.

***

subsidiairement, sur l’existence d’une faute inexcusable de la société Bolloré qui excluerait l’application de la clause limitative de responsabilité.


L’article L. 133-8 du code de commerce dispose que seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable.


La société Allianz invoque, à titre subsidiaire, la faute inexcusable commise par la société Bolloré en ce qu’elle a omis de mettre en marche le système d’alarme, étant observé qu’elle n’agit pas contre la société


Securitas alors même qu’elle relève également de graves négligences commises par l’employé de cette société qui a notamment constaté la présence des malfaiteurs sur le site sans pour autant donner l’alerte.


En l’occurrence, la faute reprochée par la société Allianz consiste dans l’absence de mise en marche du système d’alarme, le magasinier ayant quitté en dernier l’entrepôt pensant que l’alarme s’enclenchait automatiquement.


La société Allianz relève que c’est un responsable -et non un magasinier- qui n’a pas déclenché le système d’alarme des entrepôts lors de son départ, et qu’il s’agit d’un défaut intrinsèque de communication au sein de la société Saga, que l’absence de vérification par ce responsable de la mise en marche de ce système, ou le fait qu’il ait pu croire que le système s’enclenchait automatiquement, constitue une faute professionnelle particulièrement grave, commise sans justification valable. Elle ajoute qu’en ne branchant pas l’alarme, la société Saga devait avoir conscience de la probabilité de la survenance du dommage.


Pour autant, l’absence de vérification de mise en route du système d’alarme, comme l’absence de procédure interne au sein de la société SAGA lui

permettant de s’assurer de la mise en oeuvre du dispositif de protection des marchandises, ne peut révéler une faute impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable.


La négligence, ou l’imprudence, dont a fait montre la société SAGA révèle certes un dysfonctionnement de cette société, mais il ne peut en être déduit qu’elle a agi de façon téméraire et avec la conscience qu’un dommage en résulterait probablement.


La faille du dispositif de sécurité de la société SAGA, dans la mise en oeuvre du système d’alarme, ne caractérise pas une faute inexcusable au sens de l’article L133-8 du code de commerce.


Le manque de réactivité et de professionnalisme de la société Securitas, en charge du gardiennage et de la surveillance de l’entrepôt de la société Sogafro, utilisé à fins de stockage par la société SAGA à laquelle a succédé la société Bolloré Logistics, ne pouvait être anticipé par celle-ci, à tout le moins cette mauvaise appréciation par la société Bolloré Logistics du risque de défaillance de la société Securitas ne peut constituer une faute inexcusable de la société Bolloré Logistics.


En conséquence, c’est à raison que le jugement a retenu l’application de la clause limitative de responsabilité prévue au contrat, et il convient de le confirmer sur ce point.


Sur les autres demandes


Succombant au principal, la société Allianz sera condamnée au paiement des dépens, ainsi qu’au versement de la somme de 3000 € à la société Bolloré Logistics au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS


Statuant dans les limites de la saisine


Confirme le jugement du 11 septembre 2014 en ce qu’il a jugé que la clause limitative de responsabilité du contrat de commission, limitant toute condamnation de la société Bolloré logistics à la somme de 100.000 €,

s’applique,

y ajoutant,
Déboute les parties de leurs autres demandes,


Condamne Allianz Global Corporate & Specialty à payer la somme de 3.000 € à la société Bolloré logistics au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers ceux d’appel dont distraction au profit de la société Minault-Teriitehau agissant par Me Stéphanie Teriitehau, avocat et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le GREFFIER, Le PRESIDENT,
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