CAA de NANCY, 4ème chambre, 6 avril 2021, 19NC02554, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 4e ch., 6 avr. 2021, n° 19NC02554
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 19NC02554
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 5 juin 2019, N° 1800243
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043378149

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Centrale éolienne du Plateau de Langres a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler le titre de perception d’un montant de 142 055,43 euros émis à son encontre le 13 octobre 2016 par la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France ainsi que la décision implicite de rejet de sa réclamation, de prononcer la décharge de l’obligation de payer la somme de 142 055,43 euros mise à sa charge ainsi que la réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1800243 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de la société Centrale éolienne du Plateau de Langres.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2019, la société Centrale éolienne du Plateau de Langres, représentée par Me A…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 6 juin 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d’annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 13 octobre 2016 par la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France pour un montant de 142 055,43 euros, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours administratif préalable ;

3°) de la décharger de l’obligation de payer la somme de 142 055,43 euros ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement attaqué n’est pas suffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen tiré de l’insuffisance de motivation du titre exécutoire contesté ;

 – le titre exécutoire, qui ne précise ni les bases de la liquidation, ni les modalités de calcul de la somme mise à sa charge, est insuffisamment motivé ;

 – les circonstances exceptionnelles tenant à sa confiance légitime dans la compatibilité du mécanisme d’aide avec le marché intérieur et au principe de sécurité juridique font obstacle à la récupération des intérêts sur les montants correspondant à la fraction de l’aide versée en application des contrats d’achat d’électricité sur le fondement de l’arrêté du 17 novembre 2008 ;

 – à titre subsidiaire, le délai de prescription fixé par l’article 2224 du code civil était expiré et faisait obstacle à la récupération des intérêts sur les aides versées entre 2009 et 2011, dès lors que l’Etat avait connaissance du caractère illégal de l’aide dès la requête introduite devant le Conseil d’Etat le 6 février 2009 ou au moins depuis la décision n° 324852 du 15 mai 2012 par laquelle le Conseil d’Etat a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

 – le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

 – le moyen d’insuffisance de motivation du titre exécutoire est irrecevable ;

 – le titre litigieux indique, en tout état de cause, suffisamment les bases de liquidation et les modalités de calcul de la créance de l’Etat ;

 – le versement d’une aide illégale ne peut faire naître une confiance légitime chez l’entreprise bénéficiaire ;

 – seul le délai de prescription de dix ans prévu par l’article 15 du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, qui régit entièrement la récupération des aides d’Etat illégalement versées, est applicable en l’espèce ;

 – la créance n’est prescrite, ni en application du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, ni en application du délai de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil ;

 – le délai de prescription n’a pu commencer à courir qu’à compter de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (C-262/12) du 19 décembre 2013.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

 – le règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE ;

 – le règlement (UE) n° 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

 – la décision C-348/78 du 27 mars 2014 de la Commission européenne ;

 – le code civil ;

 – le code de l’énergie ;

 – la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité ;

 – le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

 – l’arrêté du 17 novembre 2008 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent ;

 – l’arrêté du 23 décembre 2008 complétant l’arrêté du 17 novembre 2008 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Grenier, présidente assesseur,

 – les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

 – et les observations de Me B… pour la société Centrale éolienne du Plateau de Langres.

Considérant ce qui suit :

1. La société Centrale éolienne du Plateau de Langres, qui exploite différents parcs éoliens, bénéficie de l’obligation d’achat de l’électricité qu’elle produit par Electricité de France et, sous certaines conditions, par les entreprises locales de distribution chargées de la fourniture, en vertu de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, désormais codifiée à l’article L. 314-1 du code de l’énergie, selon les tarifs alors fixés par l’arrêté du 17 novembre 2008 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent, complété par l’arrêté du 23 décembre 2008. Par une décision n° 324852 du 28 mai 2014, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a cependant annulé les arrêtés des 17 novembre et 23 décembre 2008 au motif que l’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par ces arrêtés, avait le caractère d’une aide d’Etat, sans toutefois que cette aide ait fait l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne. Par une décision du 27 mars 2014 (C – 348/78) devenue définitive, la Commission européenne a estimé que le mécanisme de soutien à la production d’électricité à partir d’installations éoliennes terrestres était compatible avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Par une décision n° 393721 du 15 avril 2016, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a, en conséquence, jugé que l’entière exécution de sa décision du 28 mai 2014 impliquait que l’Etat prenne toutes les mesures nécessaires pour assurer le paiement, par chaque bénéficiaire de l’aide, des intérêts qu’il aurait acquittés s’il avait dû emprunter sur le marché le montant de l’aide accordée en application des arrêtés des 17 novembre et 23 décembre 2008 annulés dans l’attente de la décision de la Commission. La direction générale des finances publiques a émis, le 13 octobre 2016, un titre exécutoire d’un montant de 142 055,43 euros à l’encontre de la société Centrale éolienne du Plateau de Langres. Le silence gardé par la ministre de la transition écologique et solidaire sur le recours administratif préalable obligatoire que lui a adressé la société Centrale éolienne du Plateau de Langres, le 12 décembre 2016, en application de l’article 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, a fait naître une décision implicite de rejet, le 16 juin 2017, au terme du délai de 6 mois à compter de sa réception prévu par ces dispositions. Par un jugement du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge de l’obligation de payer mise à sa charge par ce titre exécutoire, à l’annulation de celui-ci et de la décision implicite de rejet de son recours administratif préalable obligatoire ainsi que ses demandes indemnitaires. La société Centrale éolienne du Plateau de Langres relève appel de ce jugement en tant seulement qu’il rejette ses conclusions tendant à l’annulation du titre exécutoire du 13 octobre 2016 et de la décision implicite de rejet de son recours administratif préalable obligatoire ainsi qu’à la décharge de l’obligation de payer mise à sa charge.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En relevant que la société Centrale éolienne du Plateau de Langres n’avait présenté, dans les délais de recours contentieux, que des moyens ayant trait au bien-fondé de la créance mise à sa charge pour écarter pour irrecevabilité le moyen soulevé postérieurement aux délais de recours contentieux relatif à la régularité du titre exécutoire litigieux, qui repose sur une cause juridique distincte de celle relative au bien-fondé de la créance, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a suffisamment motivé son jugement. Par suite, le moyen d’insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la prescription de l’action :

3. En premier lieu, aux termes de l’article 15 du règlement nº 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, repris à l’article 17 du règlement n° 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 : « 1. Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. / 2. Le délai de prescription commence le jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aide. Toute mesure prise par la Commission ou un Etat membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure devant la Cour de justice des Communautés européennes (…) ».

4. Il résulte de l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne des dispositions de l’article 15 du règlement (CE) n°659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 désormais reprises au paragraphe 1 de l’article 17 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier par l’arrêt du 30 avril 2020 dans l’affaire C-627/18, que le délai de prescription de dix ans que prévoit cet article pour l’exercice des pouvoirs de la Commission européenne en matière de récupération des aides s’applique uniquement aux rapports entre la Commission et l’Etat membre destinataire de la décision de récupération émanant de cette institution. La ministre de la transition écologique et solidaire n’est, en conséquence, pas fondée à soutenir que le délai de prescription de dix ans prévu par l’article 15 du règlement (CE) n° 659/99 serait applicable dans le présent litige.

5. En second lieu, aux termes de l’article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

6. Si la société Centrale éolienne du Plateau de Langres soutient que la règle de prescription quinquennale s’oppose à ce que l’Etat puisse récupérer des intérêts calculés sur les années 2009 à 2011, l’article 2224 du code civil prévoit toutefois que la prescription ne court qu’à compter du jour où le titulaire d’un droit a eu ou aurait dû avoir connaissance de sa créance. Or, ce n’est qu’à la suite de la décision C-262/12 du 19 décembre 2013 de la Cour de justice de l’Union européenne que les autorités françaises ont eu connaissance du fait que le mécanisme d’obligation d’achat de l’électricité d’origine éolienne à un prix supérieur à celui du marché dont le financement est supporté par tous les consommateurs finaux de l’électricité sur le territoire national était constitutif d’une intervention au moyen de ressources d’Etat et qu’ainsi, faute pour cette aide d’avoir été notifiée à la Commission européenne, il leur incombait de récupérer les intérêts sur l’aide d’Etat indûment versée. Par suite, à la date d’émission du titre exécutoire du 13 octobre 2016, le recouvrement des intérêts calculés sur le montant des aides versées en application des arrêtés des 17 novembre et 23 décembre 2008 n’était pas prescrit.

En ce qui concerne la régularité du titre de recettes :

7. Aux termes de l’article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : « (…) Toute créance liquidée faisant l’objet d’une déclaration ou d’un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (…) ». En application de ce principe, il appartient à l’Etat d’indiquer soit dans le titre, soit par référence à un document joint à l’état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge des redevables.

8. En première instance, dans son mémoire introductif d’instance enregistré le 20 juin 2017, la société requérante soulevait des moyens relatifs au bien-fondé du titre de perception. Ce n’est que dans son mémoire en réplique, enregistré le 12 décembre 2018, que la société requérante a soulevé le moyen tiré de l’insuffisance des bases de liquidation du titre exécutoire. Ce moyen, qui repose sur une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens invoqués dans la requête initiale en première instance, soulevé postérieurement aux délais de recours contentieux, n’était ainsi pas recevable. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance d’indication, par le titre exécutoire litigieux, des bases de la liquidation et des éléments de calcul de la créance est, comme l’ont jugé à bon droit les premiers juges, irrecevable.

En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :

9. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». Aux termes de l’article 108 du même traité : « 1. La Commission procède avec les Etats membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces Etats (…) / 2. Si (…) la Commission constate qu’une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d’Etat n’est pas compatible avec le marché intérieur (…), elle décide que l’Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine (…). / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché intérieur, (…) elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale (…) ».

10. Le principe de sécurité juridique, qui a pour corollaire le principe de protection de la confiance légitime, exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables. Par ailleurs, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier ou toute entreprise qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’autorité compétente, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître, chez lui, des espérances fondées. Il résulte également des stipulations énoncées au point précédent, telles qu’interprétées par la Cour de Justice de l’Union européenne, notamment dans son arrêt du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C5/89, que la possibilité, pour le bénéficiaire d’une aide illégale, d’invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder sa confiance dans le caractère régulier de cette aide et de s’opposer, par conséquent, à son remboursement, ne saurait être exclue. Dans un tel cas, il appartient au juge national, éventuellement saisi, d’apprécier, le cas échéant après avoir posé à la Cour de Justice de l’Union européenne des questions préjudicielles d’interprétation, les circonstances de l’espèce.

11. Par sa décision du 15 avril 2016 citée au point 1 du présent arrêt, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a relevé qu’il résulte des stipulations du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne énoncées au point 9, telles qu’interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes notamment dans ses arrêts du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich e.a. (C-368/04) et de grande chambre du 12 février 2008, Centre d’exportation du livre français (CELF), C-199/06, que, s’il appartient exclusivement à la Commission européenne, sous le contrôle des juridictions de l’Union européenne, de décider si une aide de la nature de celles qui sont mentionnées à l’article 107 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché intérieur, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sauvegarder, jusqu’à la décision finale de la Commission, les droits des justiciables en cas de violation de l’obligation de notification préalable des aides d’Etat à la Commission prévue au paragraphe 3 de l’article 108 de ce traité. Il a également relevé qu’il revient aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l’illégalité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l’obligation que ces stipulations imposent aux Etats membres d’en notifier le projet à la Commission préalablement à toute mise à exécution. Il a rappelé que lorsque la Commission européenne a adopté une décision devenue définitive constatant l’incompatibilité de cette aide avec le marché intérieur, la sanction de cette illégalité implique la récupération de l’aide mise à exécution en méconnaissance de cette obligation, mais que lorsque la Commission européenne a adopté une décision devenue définitive constatant la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur, la sanction de cette illégalité implique seulement que soit mis à la charge des bénéficiaires de l’aide le paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité.

12. D’une part, l’existence d’une circonstance exceptionnelle ne peut, en tout état de cause, être retenue au regard du principe de confiance légitime, dès lors qu’ainsi que la Cour de justice des Communautés européennes l’a jugé, notamment dans son arrêt du 29 avril 2004, Italie c/ Commission (C-91/01), aussi longtemps que la Commission européenne n’a pas pris une décision d’approbation de l’aide d’Etat et que le délai de recours contre une telle décision n’est pas expiré, le bénéficiaire de l’aide n’a pas de certitude quant à sa légalité, de sorte que le principe de confiance légitime ne peut être utilement invoqué. Ainsi, en l’absence de toute décision de la Commission européenne sur la légalité du dispositif d’achat d’électricité avant le 27 mars 2014, la société requérante ne peut utilement soutenir que les intérêts afférents à l’aide illégalement versée ne peuvent être récupérés en raison de circonstances exceptionnelles tenant au fait que les bénéficiaires de l’aide pouvaient, sur le fondement du principe de confiance légitime, déduire de plusieurs décisions juridictionnelles que le tarif d’achat institué par l’arrêté du 17 novembre 2008 n’était pas constitutif d’une aide d’Etat. Elle ne peut davantage faire valoir que la Commission européenne aurait dû enclencher la procédure prévue par le paragraphe 2 de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dès qu’elle a eu connaissance, le 24 août 2010, du plan national en faveur des énergies renouvelables sur la période 2009-2020, alors que celui-ci ne portait pas sur la compatibilité du dispositif résultant des arrêtés des 17 novembre et 23 décembre 2008 avec le droit de l’Union européenne.

13. D’autre part, l’absence de notification préalable à la Commission européenne du dispositif d’aide à la production d’électricité à partir d’installations éoliennes terrestres, telle qu’elle résulte des arrêtés tarifaires des 17 novembre et 23 décembre 2008, ne saurait davantage caractériser l’existence d’une circonstance exceptionnelle au regard du principe de confiance légitime de nature à faire obstacle à ce que soit mis à la charge des bénéficiaires de l’aide le paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité, dès lors qu’en l’absence de notification préalable à la Commission européenne, la société requérante ne disposait d’aucune assurance quant à la compatibilité de l’aide avec le droit de l’Union.

14. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique doit, en tout état de cause, être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Centrale éolienne du Plateau de Langres n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions à fin d’annulation du titre exécutoire litigieux et de la décision implicite de rejet du recours administratif préalable obligatoire de la requête ainsi que celles tendant à la décharge de l’obligation de payer mise à sa charge.

Sur les frais liés à l’instance :

16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Centrale éolienne du Plateau de Langres au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :


Article 1er : La requête de la société Centrale éolienne du Plateau de Langres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Centrale éolienne du Plateau de Langres, à la ministre de la transition écologique et à la direction régionale des finances publiques de Paris.

2

N° 19NC02554

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