CAA de NANTES, 6ème chambre, 28 mars 2019, 19NT00048, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 6e ch., 28 mars 2019, n° 19NT00048
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 19NT00048
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 7 novembre 2018, N° 1802016, 1802056
Identifiant Légifrance : CETATEXT000038327608

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fédération CGT Commerce Distribution Services, M. D… B… et Mme C… A… ont demandé au tribunal administratif de Caen d’annuler la décision du 21 juin 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (ci-après DIRECCTE) d’Ile-de-France a validé l’accord collectif majoritaire, signé le 25 avril 2018, relatif au plan de sauvegarde de l’emploi de la société Carrefour Proximité France.

Par un jugement nos 1802016, 1802056 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 janvier et 27 février 2019, la fédération CGT Commerce Distribution Services, M. B… et Mme A…, représentés par Me F…, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 8 novembre 2018 ;

2°) d’annuler la décision de validation du 21 juin 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d’une somme de 3 000 euros à la fédération CGT Commerce Distribution Services et d’une somme de 500 euros à chaque salarié appelant.

Ils soutiennent que :

 – la procédure d’information et de consultation du comité central d’entreprise (CCE) et du comité d’établissement (CE) a été irrégulière ; en effet le CCE ne pouvait pas valablement exprimer un avis sur le projet de réorganisation de la société Carrefour Proximité France dès lors qu’il n’avait pas été suffisamment informé d’une part sur les recherches de repreneurs et d’autre part sur la transformation de neuf magasins en « Drives piétons », projet absent du plan alors que l’employeur l’avait conçu au jour de la consultation des institutions représentatives du personnel ;

 – la négociation n’a pas été loyale, à défaut d’avoir été précédée d’une information sur la recherche de repreneurs et parce que l’égalité de traitement entre les organisations syndicales n’a pas été respectée par l’employeur ;

 – l’instance de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail s’est irrégulièrement réunie ; elle a été informée de manière incomplète.

Par un mémoire en défense enregistré les 14 février 2019 la société Carrefour Proximité France, représentée par Mes E… et Graujeman, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de La fédération CGT commerce Distribution Services au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2019 la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par ordonnance du 8 janvier 2019 la clôture de l’instruction a été fixée au 1er mars 2019.

Un mémoire présenté pour la société Carrefour Proximité France, enregistré le 5 mars 2019, n’a pas été communiqué à défaut d’éléments nouveaux au sens de l’article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code du travail ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

 – les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

 – les observations de Me F…, représentant la fédération CGT Commerce Distribution Services, M. B… et Mme A…, et celles de Me E…, représentant la société Carrefour Proximité France.

Considérant ce qui suit

Les faits, la procédure :

1. La société Carrefour Proximité France, dont le siège est situé à Mondeville, est une filiale du groupe Carrefour spécialisée dans les magasins de petite taille dits « de proximité ». Elle était constituée, au 31 décembre 2017, d’un réseau de 3 797 magasins franchisés ou en négoce et d’un réseau de 351 magasins intégrés, gérés directement par elle.

2. Dans le cadre du « plan Carrefour 2022 » visant à sauvegarder la compétitivité du groupe, il a été décidé qu’elle cesserait l’exploitation directe de magasins par le biais de la fermeture de 272 magasins du réseau intégré et du passage progressif en location-gérance des 79 autres magasins de ce réseau. Ce projet, qui prévoit également une réduction du nombre d’emplois du siège de la société, implique la suppression de 2 256 emplois.

3. Le 25 avril 2018, la société Carrefour Proximité France et les organisations syndicales représentatives majoritaires CFTC, FO et SNEC CFE-CGC ont signé un accord collectif portant sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi. Cet accord a été validé le 21 juin 2018 par la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France (DIRECCTE). La fédération CGT Commerce Distribution Services, ainsi que M. B… et Mme A… relèvent appel du jugement du 8 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l’annulation de cette décision de validation du 21 juin 2018.

Sur les conclusions à fins d’annulation :

4. Aux termes de l’article L 1233-24-1 du même code, dans sa version ici applicable : « Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d’entreprise et de mise en oeuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants. L’administration est informée sans délai de l’ouverture d’une négociation en vue de l’accord précité » ; et aux termes de l’article L. 1233-57-2 : " L’autorité administrative valide l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 dès lors qu’elle s’est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; / 2° La régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise et, le cas échéant, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l’instance de coordination mentionnée à l’article L. 4616-1 ; / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l’emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; / 4° La mise en oeuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 » ;

En ce qui concerne la procédure d’information et consultation du comité central d’entreprise et des comités d’Etablissement :

5. Aux termes de l’article L 1233-30, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce : « I.-Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l’employeur réunit et consulte le comité d’entreprise sur : /1° L’opération projetée et ses modalités d’application(…) / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d’emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d’ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d’accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi./ Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l’objet de l’accord mentionné à l’article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité d’entreprise prévue au présent article »

6. Il résulte de ce qui précède que, saisie par l’employeur d’une demande de validation d’un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 1233-24-1 et fixant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), l’administration doit s’assurer que la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise prescrite par ces dispositions a été régulière. Elle ne peut légalement accorder la validation demandée que si le comité a été mis à même d’émettre régulièrement un avis, d’une part, sur l’opération projetée et ses modalités d’application, d’autre part, sur le projet de licenciement collectif et, à ce titre, sur le PSE.

S’agissant de l’information des institutions représentatives du personnel sur la recherche de repreneurs :

7. Issus de la loi n°2014-834 du 29 mars 2014 dite « loi Florange », les articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-22 du code du travail mettent à la charge de l’employeur qui projette la fermeture d’un établissement une obligation d’information des salariés et de l’administration, ainsi qu’une obligation de recherche d’un repreneur pour cet établissement. En ce sens l’article L. 1233-57-9 du code du travail dispose : « Lorsqu’elle envisage la fermeture d’un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif, l’entreprise mentionnée à l’article L. 1233-71 réunit et informe le comité d’entreprise, au plus tard à l’ouverture de la procédure d’information et de consultation prévue à l’article L. 1233-30 ». Les dispositions de l’article R. 1233-15 du même code, dans leur rédaction applicable à la procédure ici en cause précisent : « Est un établissement au sens de l’article L. 1233-57-9 une entité économique assujettie à l’obligation de constituer un comité d’établissement. / Constitue une fermeture au sens de l’article L. 1233-57-9 la cessation complète d’activité d’un établissement lorsqu’elle a pour conséquence la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi emportant un projet de licenciement collectif au niveau de l’établissement ou de l’entreprise. / Constitue également une fermeture d’établissement la fusion de plusieurs établissements en dehors de la zone d’emploi où ils étaient implantés ou le transfert d’un établissement en dehors de sa zone d’emploi, lorsqu’ils ont pour conséquence la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi emportant un projet de licenciement collectif ».

8. Il résulte par ailleurs des dispositions précitées du 4° de l’article L. 1233-57-2 du code du travail que le DIRECCTE ne peut valider l’accord collectif sans s’être assuré de la mise en oeuvre effective des obligations imposées, notamment, par les articles L.1233-57-9, L. 1233-59-10, L1233-57-15 et L. 1233-57-19, lesquelles prévoient une information des institutions de représentation du personnel sur les actions entreprises pour tenter de trouver un repreneur lorsque la fermeture d’un établissement est envisagée.

9. En premier lieu il ressort des pièces du dossier que la société Carrefour Proximité France est constituée de 13 établissements distincts, qui comprennent chacun un comité d’établissement, à savoir l’établissement de Massy, regroupant les salariés du siège de Mondeville et du site administratif de Massy, les 6 directions régionales du réseau « franchisé », et les 6 directions régionales du réseau « intégré », chaque direction régionale comprenant les magasins de son ressort et le « siège satellite » qui regroupe les fonctions administratives et d’encadrement.

10. Le projet de réorganisation à l’origine du plan de sauvegarde de l’emploi en litige implique la fin de l’exploitation directe par la société de 352 magasins, 272 devant être cédés ou fermés cependant que 79 seront exploités en location-gérance. S’il en résulte que le projet entraînera la suppression des établissements que constituent les actuelles directions régionales du réseau intégré, l’exécution du plan ne se traduira pas pour autant par une cessation complète de l’activité commerciale exercée par ces établissements, dès lors qu’une partie de cette activité restera exploitée en location-gérance, dans les mêmes magasins et par conséquent dans la même zone d’emploi que précédemment.

11. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le projet de réorganisation ici en cause implique, au sens des dispositions précitées de l’article R. 1233-15 du code du travail, une cessation complète d’activité de cet établissement, obligeant l’employeur au respect des dispositions des articles L. 1233-57-9 et suivantes du même code.

12. En second lieu les requérants soutiennent que la soumission volontaire de la société aux obligations prévues par les articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-22 du code du travail en matière de recherche de repreneurs, qui impliquait que la démarche fût poursuivie de bonne foi, justifiait un contrôle de l’administration, dès lors que la recherche de repreneurs, qui constitue un dispositif autonome de reclassement externe permettant d’éviter le licenciement, d’ailleurs visé dans le cadre de l’accord collectif, avait une influence directe sur les droits et la situation des salariés. A ce titre ils soutiennent que la signature et la demande de validation d’un accord collectif, tout comme la validation par la DIRECCTE, étaient prématurées dès lors qu’à la date de la saisine de l’administration le résultat de ces recherches, toujours en cours, n’était pas connu et que l’information des institutions représentatives du personnel sur les offres de reprise n’était pas assurée.

13. Toutefois, alors que l’office de l’autorité administrative saisie d’un accord collectif sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi est délimité par les dispositions déjà citées de l’article L. 1233-57-2 du code du travail, les requérants ne remettent en cause, au titre du 1° et du 3° de cet article, ni le contenu de cet accord, ni le caractère majoritaire des syndicats signataires. S’ils invoquent l’irrégularité de la procédure de consultation des institutions représentatives du personnel, contrôle que l’administration du travail doit effectuer en application du 2° du même article, il résulte de l’article L. 1233-30 du code du travail que les représentants du personnel n’avaient, compte-tenu de l’existence d’un accord collectif, à être saisis que de l’opération projetée et de ses modalités d’application. Enfin, s’il est constant que l’accord collectif ici en cause comprend, au titre des mesures destinées à limiter le nombre des licenciements projetés, l’exposé d’une « stratégie de recherche de repreneurs », et si le même accord définit les conditions dans lesquelles les résultats de cette stratégie, poursuivie à titre volontaire, sont soumis à l’avis du comité central d’entreprise ainsi que des comités d’établissements, il n’entre pas dans l’office du DIRECCTE, de vérifier les conditions dans lesquelles l’entreprise met en oeuvre de telles dispositions d’un plan de sauvegarde de l’emploi, dès lors que cette recherche de repreneurs a été entreprise volontairement par l’employeur.

14. La fédération CGT et les autres requérants ne peuvent donc invoquer utilement, à l’encontre de la décision de validation de l’accord collectif en litige, une éventuelle insuffisance de la procédure de consultation des institutions représentatives du personnel sur les recherches de repreneurs entreprises par la société Carrefour Proximité France pour ses magasins du réseau intégré.

S’agissant de l’absence d’information des représentants du personnel sur les projets de transformation de neuf magasins en « Drives piétons » :

15. La fédération CGT Commerce Distribution Services soutient que le projet de transformation en « drive piétons » de certains de magasins parisiens intégrés, dont la fermeture était annoncée dans le cadre du PSE communiqué au comité central d’entreprise le 28 septembre 2018, faisait en réalité partie intégrante, dès l’origine, du projet de réorganisation de la société Carrefour Proximité France et aurait d’ailleurs dû permettre d’éviter des licenciements ou de favoriser des reclassements. Dès lors les membres du comité central d’entreprise et des comités d’établissements, qui n’avaient pas été informés de ces projets, n’auraient pas pu émettre un avis éclairé sur l’ensemble de l’opération projetée, contrairement à ce qu’imposent les dispositions de l’article L. 1233-30 du code du travail.

16. Toutefois il ne ressort pas des pièces du dossier, alors que les magasins en question, qui ne représentent qu’une dizaine des 272 magasins concernés, ont été effectivement fermés pendant l’été 2018, que cette poursuite d’une partie très limitée de l’activité selon un mode d’exploitation entièrement nouveau, qui n’aurait au demeurant modifié ni les mesures individuelles garanties par le PSE ni le sens, négatif, de l’avis émis par les institutions représentatives du personnel, aurait été envisagée de manière certaine au jour de la signature de l’accord collectif.

17. Les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les membres du comité central d’entreprise et des comités d’entreprises n’auraient pas été régulièrement informés, au sens du 1° de l’article L. 1233-10 du code du travail, de l’opération projetée et ses modalités d’application.

En ce qui concerne la loyauté de la négociation entre l’employeur et les organisations syndicales :

18. Les requérants soutiennent que l’accord n’a pas été négocié de bonne foi avec les organisations syndicales dès lors que les recherches de repreneurs, qui conditionnaient les mesures d’accompagnement, n’étaient pas achevées au jour de la signature de l’accord collectif et que l’employeur n’a pas suffisamment informé les syndicats sur l’évolution de ces recherches.

19. Les vices affectant, le cas échéant, les conditions de négociation d’un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 1233-24-1 du code du travail ne sont susceptibles d’entraîner l’illégalité de l’acte validant cet accord que s’ils sont de nature à entacher ce dernier de nullité.

20. En premier lieu l’employeur n’était pas tenu, ainsi qu’il a été dit, au respect des dispositions des articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-22 du code du travail en matière de recherche de repreneurs. Il n’avait donc pas, notamment, à respecter les articles L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 qui organisent l’information du comité central d’entreprise en fin de recherche.

21. Par ailleurs il ressort de l’accord majoritaire signé le 25 avril 2018 que les organisations ayant pris part à la négociation étaient informées de ce que la société Carrefour Proximité France était engagée dans une procédure de recherche de repreneurs.

22. Enfin les requérants n’apportent devant la cour aucune argumentation ou justification nouvelles par rapport à leurs écritures de première instance, permettant de mieux établir que la société, qui a rendu compte des recherches entreprises à l’occasion de la réunion du comité central d’entreprise tenue le 4 juin 2018 au matin, aurait dissimulé à ce sujet des informations aux organisations syndicales.

23. En second lieu si les requérants invoquent une inégalité de traitement entre organisations syndicales, qui résulterait des négociations bilatérales poursuivies par l’employeur avec le seul syndicat FO, il ne résulte pas des pièces du dossier que l’ensemble des syndicats n’auraient pu faire valoir leur point de vue avant de décider d’approuver l’accord collectif validé par la DIRECCTE. Il n’est pas davantage démontré que la présence à certaines réunions d’un délégué syndical groupe du syndicat FO aurait exercé une influence sur les négociations et par suite sur le contenu final de l’accord.

24. La fédération CGT Commerce Distribution Services et les autres requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que les négociations auraient été entachées d’une déloyauté de nature à entraîner la nullité de l’accord collectif du 25 avril 2018, et par suite à entacher d’illégalité la décision de validation en litige

En ce qui concerne l’irrégularité de la procédure devant l’instance de coordination des comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (ICCHSCT) :

25. Aux termes de l’article L. 4612-8-1 du code du travail applicable à la procédure en cause : « Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ». Et aux termes de l’article L. 4616-1 du même code : « Lorsque les consultations prévues aux articles L. 4612-8-1, L. 4612-9, L.4612-10 et L.4612-13 portent sur un projet commun à plusieurs établissements, l’employeur peut mettre en place une instance temporaire de coordination de leurs comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui a pour mission d’organiser le recours à une expertise unique par un expert agréé dans le cas mentionné au 2° de l’article L. 4614-12 et selon les modalités prévues à l’article L. 4614-13. L’instance est seule compétente pour désigner cet expert ».

26. Le syndicat requérant soutient que l’instance de coordination mise en place par la société Carrefour pour les besoins de la consultation sur le PSE aurait été irrégulièrement constituée au regard de l’article L. 4616-2 du code du travail lors de sa séance du 16 février 2018, date à laquelle cette instance, consultée pour la première fois sur le projet, a procédé à la désignation de sa secrétaire ainsi que de celle d’un expert sur le fondement de l’article L. 4614-12-1 du code du travail. Ils font valoir que deux membres issus du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) Centre Ouest et un membre issu du CHSCT Paris Centre n’avaient pas été désignés par leur comité respectif et qu’aucun membre du CHSCT Est n’avait été désigné.

27. Toutefois il ressort des pièces du dossier, d’une part, que la désignation de l’expert a été acquise à une majorité de vingt voix et de deux abstentions et, d’autre part, que la direction de l’entreprise a fait procéder aux désignations régulières des délégués manquants antérieurement au 4 mai 2018, date de la séance au cours de laquelle cette instance a expressément confirmé la mission antérieurement confiée à l’expert, purgeant ainsi cette désignation de toute irrégularité.

28. Par ailleurs, à supposer même que l’ordre du jour des réunions de cette instance de coordination puisse être regardé comme fixé unilatéralement par l’employeur à la suite de la désignation irrégulière de la secrétaire de l’ICCHSCT, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que la consultation de cette instance devait être inscrite à l’ordre du jour de cette réunion de plein droit, en application des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 4612-8-1 du code du travail.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la fédération CGT Commerce Distribution Services et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

30. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

31. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la fédération CGT Commerce Distribution Services le versement à la société Carrefour Proximité France d’une somme au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la fédération CGT Commerce Distribution Services, M. B… et Mme A… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Carrefour Proximité France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération CGT Commerce Distribution Services, première dénommée de la requête, conformément aux dispositions de l’article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société Carrefour Proximité France et à la ministre du travail.

Délibéré après l’audience du 15 mars 2019, à laquelle siégeaient :

— M. Lenoir, président de chambre,

 – M. Francfort, président-assesseur,

 – Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mars 2019.


Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR


La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 19NT00048

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