Cour administrative d'appel de Paris, 7 avril 2014, n° 13PA01047

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Chronologie de l’affaire

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Conclusions du rapporteur public

13PA01047 SA MONTAIGNE DIRECT Audience du 24 mars 2014 Lecture du 7 avril 2014 CONCLUSIONS de M. Jean-Pierre LADREYT, Rapporteur public Il existe en France toutes formes de pollution. Parmi celles-ci figurent le procédé consistant pour des entreprises à encombrer, à but publicitaire, les boîtes aux lettres des citoyens afin de leur faire croire qu'ils viennent de décrocher un gros lot et qu'ils seront prochainement destinataire d'un chèque d'un fort montant. Outre la désillusion à laquelle s'exposent les destinataires de ces lettres, il arrive que ces procédés fassent l'objet de procédures …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 7 avr. 2014, n° 13PA01047
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 13PA01047
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 6 février 2013, N° 1100669/7-1

Texte intégral

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

N° 13PA01047


SA MONTAIGNE DIRECT

__________

Mme Mille

Président

__________

M. Sorin

Rapporteur

__________

M. Ladreyt

Rapporteur public

__________

Audience du 24 mars 2014

Lecture du 7 avril 2014

__________

SJ

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Paris

(8e Chambre)

C

Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2013, présentée pour la société anonyme Montaigne Direct, dont le siège est XXX à XXX, par Me Chas ; la SA Montaigne direct demande à la Cour :

1°) à titre principal, d’annuler le jugement n° 1100669/7-1 du 7 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du

6 octobre 2010 du chef du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) lui enjoignant de cesser d’envoyer des courriers à des consommateurs domiciliés au Royaume-Uni dans lesquels il leur est faussement fait croire qu’ils sont les gagnants définitifs du gros lot d’un tirage au sort, alors qu’ils n’ont été sélectionnés que dans le cadre d’un pré-tirage et que seul le titulaire du numéro gagnant pourra bénéficier du grand prix annoncé ;

2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 6 octobre 2010 ;

3°) à titre subsidiaire, d’ordonner la traduction par un expert des documents rédigés en langue anglaise soumis à la Cour de céans ;

……………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement n° 2006-2004 du 27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs ;

Vu la directive n° 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ;

Vu le code de la consommation ;

Vu l’ordonnance de Villers-Cotterêts du 15 août 1539 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 mars 2014 :

— le rapport de M. Sorin, premier conseiller,

— et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que, par une décision du 6 octobre 2010, le service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), saisie par l’Office of fair trading (OFT), a enjoint à la société Montaigne Direct, spécialisée dans la vente par correspondance sur catalogue de produits à destination du marché britannique, de cesser l’envoi de courriers à des consommateurs domiciliés au Royaume-Uni, leur annonçant qu’ils sont les uniques gagnants d’une somme de 15 500 livres sterling, alors qu’ils n’ont été sélectionnés que dans le cadre d’un pré-tirage et que seul le titulaire du numéro gagnant pourra bénéficier du grand prix annoncé ; que, par un jugement du 7 février 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Montaigne Direct tendant à l’annulation de cette décision ; que la société interjette régulièrement appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision litigieuse :

Quant à la régularité de la saisine de la DGCCRF par l’OFT :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 4 du règlement n° 2006/2004 susvisé : « chaque Etat membre désigne les autorités compétentes et le bureau de liaison unique des responsables de l’application du présent règlement » ; que la circonstance que l’OFT et la DGCCRF n’auraient pas été désignées en qualité d’autorités compétentes au sens de ces dispositions est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse, fondée sur les dispositions des articles L. 121-1 et L. 141-1 du code de la consommation ; qu’en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le moyen invoqué manque en fait, la DGCCRF et l’OFT ayant été désignées, comme autorités de leurs Etats respectifs, chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, en vertu du règlement n° 2006/2004, ainsi qu’il résulte, pour la DGCCRF, du courrier en ce sens du 13 février 2006 du DGCCRF au DG Santé et Consommation de la Commission et, pour l’OFT, de la communication de la Commission du 23 février 2007 présentée conformément à l’article 52 du règlement n°2006/2004 ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l’article 12-4 du règlement n° 2006/2004 dispose que « les autorités compétentes concernées conviennent des langues à utiliser pour les demandes et les transmissions d’information avant la présentation des demandes. Faute d’accord, les demandes sont exprimées dans la ou les langues officielles de l’Etat membre de l’autorité compétente et les réponses dans la ou les langues officielles de l’Etat membre de l’autorité requise » ; qu’il est constant en l’espèce qu’aucun accord sur le régime linguistique gouvernant les relations entre les autorités britannique et française relatives à la lutte contre les pratiques commerciales déloyales n’est intervenu ; que, par suite, l’OFT pouvait légalement saisir la DGCCRF d’une demande rédigée en anglais sans qu’une traduction fût nécessaire ; que le moyen tiré du défaut d’une telle traduction et de la méconnaissance consécutive de l’ordonnance de Villers-Cotterêts du 15 août 1539, laquelle n’a, en tout état de cause, pas vocation à régir les relations entre les autorités administratives des Etats membres de l’Union européenne, doit par suite être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 8 du règlement

n° 2006/2004 : « A la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise prend toutes les mesures d’exécution nécessaires pour faire cesser ou interdire sans retard l’infraction intracommunautaire » ; que si la société Montaigne Direct soutient que l’acte de saisine de la DGCCRF par l’OFT ne contient aucune demande de mesure d’exécution, en méconnaissance de ces dispositions, ce moyen manque en fait, le courrier du 18 janvier 2010 adressé par l’OFT à la DGCCRF faisant clairement état de la demande de cessation de l’envoi par la société Montaigne Direct de publicités trompeuses aux consommateurs britanniques ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que si la société Montaigne Direct soutient que le document de saisine de la DGCCRF par l’OFT se borne à viser les articles 5, 6 et 7 de la directive n° 2005/29 susvisée, il ressort dudit document, d’une part, que sont également visées les pratiques déloyales recensées sous les numéros 7 et 31 figurant à l’annexe I de ladite directive et, d’autre part, que son article 5 renvoie expressément à cette annexe pour la détermination des pratiques commerciales réputées déloyales ; que, par suite, le moyen invoqué manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que si la société Montaigne Direct soutient que la décision litigieuse a été prise sans que les soixante-cinq plaintes enregistrées par l’OFT depuis le mois d’avril 2009, dont il est fait mention dans l’acte de saisine, lui aient été communiquées, l’existence ou non de plaintes des consommateurs est sans incidence sur l’illégalité de la pratique commerciale objet de la décision litigieuse ; que la DGCCRF pouvait par suite légalement prendre ladite décision sans avoir eu communication de ces plaintes qui, au demeurant, n’en constituent pas le fondement ;

7. Considérant, en sixième lieu, que si la société requérante soutient que les documents accompagnant la saisine de la DGCCRF par l’OFT ont été rendus anonymes, la décision litigieuse, prise au terme d’une enquête conduite par la DGCCRF, n’est, en tout état de cause, pas fondée exclusivement sur les documents en cause ; que, par ailleurs, si la société Montaigne Direct soutient que cette anonymisation interdit d’établir que des consommateurs britanniques ont bien reçu les courriers litigieux, elle ne nie pas leur envoi, ce qui suffit à établir l’existence d’une pratique déloyale ; que, par suite, le moyen soulevé doit être écarté ;

Quant à la régularité de la procédure d’enquête suivie par la DGCCRF :

8. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, loin de se borner à reprendre les éléments communiqués par l’OFT, la décision litigieuse est fondée sur une enquête conduite par la DGCCRF aux mois de mai et juin 2010 sur le fondement des dispositions de l’article L. 141-1 du code de la consommation et dont le rapport a été joint au courrier du 6 septembre 2010 par lequel la DGCCRF a invité la société Montaigne Direct à lui faire part de ses observations ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d’enquête contradictoire doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne de la décision litigieuse :

9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code de la consommation :

« I.-Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : (…) 2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : (…) e) La portée des engagements de l’annonceur. / II.-Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l’entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle (…) » ;

10. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les courriers promotionnels adressés par la société Montaigne Direct aux consommateurs britanniques les informant du gain de 15 500 livres sterling présentent un caractère officiel de nature à conforter les destinataires dans leur croyance du gain annoncé, ainsi qu’en témoignent des mentions telles que « Official notice of confirmation », « Official certificates and contractual guarantees valid only for the sole grand winner », « this decision is firm and irrevocable », la présence du sceau « Certified correct », la référence à la présence d’un « Independant supervisor » ou encore les signatures des directeurs management, commercial et financier de l’entreprise ; que les formules informant le destinataire du gain réalisé (« The sole grand winner has been identified : XXX », « XXX », « there is no possible doubt: you are the winner of the ₤ 15 000! », etc.) sont dépourvues d’ambiguïté et ne mentionnent nullement l’existence d’un aléa à la réalisation duquel serait subordonnée la perception du gain en cause ; que la circonstance qu’un règlement du jeu accompagne les courriers litigieux ne suffit en outre pas à elle seule, contrairement à ce que soutient la société requérante, à faire présumer l’existence d’un tel aléa ; qu’en outre, le règlement en cause, rédigé dans des caractères d'1 à 2,5 millimètres de hauteur dans un texte dense sur plusieurs lignes et sans aération, ne fait pas référence à la notion d’aléa et ne permet pas de comprendre sans ambiguïté que le gain annoncé est subordonné à un tirage au sort, les courriers étant au demeurant rédigés de façon à faire croire à leurs destinataires qu’ils sont les uniques gagnants du chèque en cause ; que, dans ces conditions, la DGCCRF a pu légalement qualifier de déloyales les pratiques commerciales de la société Montaigne Direct, sans que l’intervention préalable d’un jugement émanant d’une juridiction britannique fût nécessaire, la légalité de la décision litigieuse n’étant pas conditionnée par l’existence d’un tel jugement :

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Montaigne Direct n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 6 octobre 2010 par laquelle le chef du service national des enquêtes de la DGCCRF lui a enjoint de cesser d’envoyer des courriers à des consommateurs domiciliés au Royaume-Uni ; que sa requête doit, par suite, et sans qu’il soit besoin d’ordonner l’expertise demandée à titre subsidiaire, être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Montaigne Direct est rejetée.

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