CAA de PARIS, 4ème chambre, 26 janvier 2024, 22PA05160, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 4e ch., 26 janv. 2024, n° 22PA05160
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 22PA05160
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 3 octobre 2022, N° 2113174
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 30 janvier 2024
Identifiant Légifrance : CETATEXT000049041152

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie nationale Royal Air Maroc a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du 19 avril 2021 par laquelle le ministre de l’intérieur lui a infligé une amende de 20 000 euros sur le fondement des articles L. 625-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou de la décharger du paiement de cette amende.

Par un jugement n° 2113174 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2022, la compagnie Royal Air Maroc, représentée par Me Pradon, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’annuler la décision du ministre de l’intérieur du 19 avril 2021 ou de la décharger du paiement de cette amende ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le retard dans le versement de la consignation est dû à des circonstances indépendantes de sa volonté ;

— dans la mesure où la mineure a débarquée sur le sol français accompagnée d’un adulte se déclarant membre de sa famille, l’article L. 625-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatif à la majoration de l’amende n’était pas applicable ;

— l’usurpation d’identité n’était pas manifeste.

La requête a été communiquée au ministre de l’intérieur et des outre-mer qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le règlement (CE) 539/2001 du 15 mars 2001 ;

— le règlement (UE) 2016/399 du 9 mars 2016 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des transports ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Bruston, rapporteure,

— et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision R/20-0434 du 19 avril 2021, le ministre de l’intérieur a infligé à la compagnie nationale Royal Air Maroc, sur le fondement des articles L. 625-1 et suivants alors en vigueur du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, une amende de 20 000 euros pour avoir, le 26 octobre 2020, débarqué sur le territoire français à l’aéroport de Paris-Orly, une passagère mineure de nationalité indéterminée en provenance de Casablanca, munie d’un titre de séjour italien manifestement usurpé. La compagnie Royal Air Maroc relève appel du jugement du 4 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D’une part, aux termes de l’article L. 6421-2 du code des transports : « Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu’après justification qu’ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d’arrivée et aux escales prévues ». Aux termes de l’article L. 625-1 devenu L. 821-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Est punie d’une amende d’un montant maximum de 10 000 € l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d’un État avec lequel ne s’applique pas l’acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d’un État de l’Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité () « . Aux termes de l’article L. 625-4 du même code, devenu l’article L. 821-9 : » Lorsque l’étranger débarqué en France est un mineur sans représentant légal, la somme de 10 000 € doit être immédiatement consignée auprès du fonctionnaire visé au premier alinéa de l’article L. 625-2. Tout ou partie de cette somme est restituée à l’entreprise selon le montant de l’amende prononcée ultérieurement par l’autorité administrative. Si l’entreprise ne consigne pas la somme, le montant de l’amende est porté à 20 000 €. () ". Aux termes de l’article

L. 625-5 devenu L. 821-6 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 et

L. 625-4 ne sont pas infligées : () 2° Lorsque l’entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l’embarquement et qu’ils ne comportaient pas d’élément d’irrégularité manifeste ".

3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s’assurer, au moment des formalités d’embarquement, que les voyageurs ressortissants d’Etats non membres de l’Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l’étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d’éléments d’irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l’entreprise de transport. En l’absence d’une telle vérification, à laquelle le transporteur est d’ailleurs tenu de procéder en vertu de l’article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l’amende administrative prévue par les dispositions précitées.

4. Il appartient au juge administratif, saisi d’un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l’amende infligée, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

5. En premier lieu, il ressort des dispositions de l’article L. 625-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile alors en vigueur, visées par la décision du ministre de l’intérieur du 19 avril 2021, que lorsque l’étranger débarqué en France est un mineur sans représentant légal, la somme de 10 000 euros doit être immédiatement consignée et qu’en l’absence de consignation, le montant de l’amende est porté à 20 000 euros. En l’espèce, compte tenu de l’absence de consignation effectuée immédiatement par la compagnie qui n’a procédé à un virement bancaire que le 18 janvier 2021 et qui ne justifie pas avoir été dans l’impossibilité d’y procéder dans un bref délai du seul fait de la restriction de ses effectifs présents à l’aéroport en raison de la pandémie de Covid 19, le ministre a pu légalement fixer le montant de l’amende à 20 000 euros. Par ailleurs, la circonstance que la passagère se soit présentée accompagnée d’une personne majeure se présentant comme sa mère ne saurait exclure l’application des dispositions précitées de l’article L. 625-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en l’absence de toute démonstration du lien de filiation et de tout document permettant d’établir qu’il s’agissait de sa représentante légale.

6. En second lieu, il résulte de l’instruction que la compagnie Royal Air Maroc a laissé débarquer, le 26 octobre 2020, du vol n° AT 764 en provenance de Casablanca, à l’aéroport de Paris-Orly une ressortissante étrangère mineure munie d’un titre de séjour italien usurpé. Les dissemblances physiques ressortant de la comparaison entre la photographie figurant sur ce titre de séjour et celle de la personne débarquée sont suffisamment importantes pour que l’irrégularité du document soit considérée comme manifeste et décelable par un examen normalement attentif de l’agent d’embarquement et, partant, susceptible de justifier le prononcé d’une amende sur le fondement des articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, malgré la différence d’âge entre l’enfant figurant sur la photographie du titre de séjour et la personne débarquée. Par ailleurs, aucune circonstance particulière ne justifie une minoration du montant de l’amende prévue par les dispositions de l’article L. 625-1 devenu L. 821-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

7. Il résulte de ce qui précède que la compagnie nationale Royal Air Maroc n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la compagnie Royal Air Maroc est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie Royal Air Maroc et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l’audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

— Mme Heers, présidente de chambre,

— Mme Bruston, présidente assesseure

— Mme A, première-conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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