Cour Administrative d'Appel de Versailles, 3ème Chambre, 15 février 2011, 10VE02003, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 3e ch., 15 févr. 2011, n° 10VE02003
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 10VE02003
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 6 mai 2010, N° 0810189
Identifiant Légifrance : CETATEXT000023729123

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour la société anonyme des GALERIES LAFAYETTE, dont le siège est 40, boulevard Haussman à Paris (75009), par Me Fasquel, avocat à la Cour ; la société anonyme des GALERIES LAFAYETTE demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0810189 en date du 7 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur certaines dépenses de publicité dont elle s’est acquittée au titre de l’année 2007, pour un montant de 10 432 euros ;

2°) de prononcer la décharge de l’imposition contestée ;

Elle soutient que la taxe sur certaines dépenses de publicité instituée par l’article 23 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997, codifié à l’article 302 bis MA du code général des impôts, a la nature d’une aide d’Etat au sens de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne dont la mise en oeuvre, en l’absence de notification préalable à la Commission de ce projet d’aide, a méconnu l’article 88, paragraphe 3, de ce traité ; qu’il appartient aux juridictions nationales d’assurer un plein effet à ces stipulations ; que, dans sa décision n° 288562 du 21 décembre 2006, le Conseil d’Etat a jugé que la taxe litigieuse constituait une aide d’Etat instituée en méconnaissance de l’article 88 dudit traité et que le paragraphe 3 de cet article ne concernait pas seulement les projets tendant à l’institution d’une aide d’Etat, mais également ceux tendant à la modification du régime d’une telle aide ; qu’à défaut, pour les pouvoirs publics français, d’avoir informé la Commission européenne de la modification par la loi de finances pour 2006 du régime de cette aide, qui supprimait notamment le compte d’affectation spéciale de la taxe, celle-ci demeure illégale au regard des stipulations du traité ; que la suppression du compte d’affectation spéciale de la taxe au profit du versement du produit de celle-ci au budget général de l’Etat ne modifie pas le caractère d’aide d’Etat du nouveau dispositif, ni ne rompt le lien contraignant existant entre la taxe sur certaines dépenses de publicité et l’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale ; que la budgétisation de la taxe litigieuse vise seulement à améliorer l’information du Parlement et à prévoir un mécanisme comptable plus adapté au type de dépenses prises en charge par le fonds de modernisation, principalement les dépenses d’investissement ; que, dès lors que le produit de cette taxe continue de concourir au financement du fond d’aide à la modernisation de la presse écrite, postérieurement au 1er janvier 2006, le nouveau dispositif doit être regardé comme faisant partie intégrante d’un système d’aide d’Etat au sens des stipulations de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne qui, n’ayant fait l’objet d’aucune notification préalable à la Commission européenne, est illégal en vertu des stipulations du paragraphe 3 de l’article 88 de ce traité ;

…………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne devenu traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, notamment son article 62 ;

Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, notamment ses articles 45 et 50 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 1er février 2011 :

— le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

 – et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;

Considérant que la société anonyme des GALERIES LAFAYETTE a demandé la restitution de la taxe sur certaines dépenses de publicité prévue à l’article 302 bis MA du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2005 portant loi de finances pour 2006, qu’elle a acquittée au titre de l’année 2007, au motif que cette taxe constituait, selon elle, une aide d’Etat qui aurait dû faire l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne en application des articles 87 et 88, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté européenne ; que la société anonyme des GALERIES LAFAYETTE relève régulièrement appel du jugement du 7 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe mentionnée ci-dessus ;

Considérant qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne, aujourd’hui repris à l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions  ; qu’aux termes de l’article 88 du même traité, aujourd’hui repris à l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces Etats. (…) / 2. Si (…) la Commission constate qu’une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d’Etat n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87 (…) elle décide que l’Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (…) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l’article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale  ;

Considérant qu’il résulte de ces stipulations que, s’il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l’article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l’invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l’obligation, qu’impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l’article 88 du traité, d’en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l’exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l’application est contestée instituent un régime d’aide, ou si une taxe fait partie intégrante d’une telle aide ;

Considérant, d’une part, que la validité des actes des autorités nationales est affectée par la méconnaissance des obligations que leur imposent la première et la dernière phrase du paragraphe 3 de l’article 88 du traité instituant la Communauté européenne, de ne pas mettre à exécution des projets tendant à instituer ou à modifier des aides qu’elles n’auraient pas notifiées préalablement à la Commission ; que, d’autre part, les taxes n’entrent pas dans le champ d’application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d’Etat, à moins qu’elles ne constituent le mode de financement d’une mesure d’aide, de sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure ; que, pour que l’on puisse juger qu’une taxe, ou une partie d’une taxe, fait partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide ;

Considérant que l’article 23 de la loi susvisée du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998 a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis MA instituant, à compter du 1er janvier 1998, une taxe sur certaines dépenses de publicité due par les personnes qui engagent des dépenses qui ont pour objet la réalisation ou la distribution d’imprimés publicitaires ou l’insertion d’annonces dans les journaux mis gratuitement à la disposition du public, dont le produit était affecté à un fonds faisant l’objet d’une comptabilité distincte, ayant pour objet la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale ; que le IV de l’article 50 de la loi susvisée du 30 décembre 2005 portant loi de finances pour 2006, entré en vigueur le 1er janvier 2006, a supprimé, à compter de cette date, l’affectation de la taxe sur certaines dépenses de publicité au fonds mentionné ci-dessus ; qu’en conséquence, à compter du 1er janvier 2006, en l’absence de dispositions prévoyant l’affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l’Etat ; qu’à compter de cette même date, la politique de modernisation de la presse d’information quotidienne, dont participe notamment l’objectif de garantie du pluralisme de la presse, a été financée au moyen d’une dotation inscrite au budget général de l’Etat ;

Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la loi organique susvisée du 1er août 2001 relative aux lois de finances, en vigueur au cours de l’année d’imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. / L’ensemble des recettes assurant l’exécution de l’ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique, intitulé budget général  ; qu’en vertu du principe à valeur constitutionnelle d’universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l’Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l’affectation d’une recette déterminée à la couverture d’une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au quatrième alinéa de l’article 6 ; qu’en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur certaines dépenses de publicité, dont est issu l’article 50 de la loi de finances pour 2006, à compter du 1er janvier 2006, il n’existait juridiquement aucun lien d’affectation contraignant entre la taxe et la politique de modernisation de la presse quotidienne, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à cette politique, alors même que le fonds de modernisation de la presse quotidienne n’a pas été supprimé ; qu’en exécution des règles ainsi applicables à compter de cette même date, la taxe sur certaines dépenses de publicité était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère chargé de la communication, et la dotation inscrite à ce budget servait à financer la politique de modernisation de la presse quotidienne ; que, dès lors, et en tout état de cause, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l’existence d’une concordance éventuelle entre le produit de cette taxe et le montant de l’aide à la modernisation de la presse quotidienne pour soutenir qu’un tel lien d’affectation contraignant persisterait ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la taxe sur certaines dépenses de publicité n’entrait pas, à compter du 1er janvier 2006, dans le champ d’application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne, devenu traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, concernant les aides d’Etat ; que, dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir qu’à l’occasion de la modification du mode de financement de la politique de modernisation de la presse quotidienne résultant des dispositions de l’article 50 de la loi de finances pour 2006, les autorités françaises auraient méconnu les obligations qu’imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l’article 88 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme des GALERIES LAFAYETTE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur certaines dépenses de publicité dont elle s’est acquittée au titre de l’année 2007 pour un montant de 10 432 euros ;


DECIDE :


Article 1er : La requête de la société anonyme des GALERIES LAFAYETTE est rejetée.

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N° 10VE02003 2

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